ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] 291 [États gén. 1789. Cahiers.] Plus sûrement guidés par le sentiment de leur amour pour le meilleur des monarques, que par des lumières acquises sur le meilleur des gouvernements, ils se livrent, avec abandon, aux bontés paternelles du père commun de la patrie. Exposés par la situation de leur village au ravage des bêtes fauves qui détruisent leurs récoltes, ils n’avaient qu’un vœu à former, celui d’élever un mur entre leurs héritages et la forêt de Saint-Germain; et ce vœu, à peine manifesté, a été exaucé ; et Sa Majesté a bien voulu promettre de concourir aux frais de cette construction qui va doubler leur existence, en leur assurant le prix de leurs travaux et de leurs peines. Instruits par des citoyens amis du bien et de la vérité, que les nobles de presque tout le royaume, animés par des sentiments dignes des vertus de leurs ancêtres, et qui, à jamais, honoreront leurs descendants, avaient renoncé, par amour pour la justice, à tous privilèges pécuniaires, ils bénissent ces jours heureux qui leur assurent du soulagement dans leurs charges publiques, et font des vœux ardents pour qu’avec de tels sujets, le meilleur des rois soit aussi le plus heureux. Signé P.Rothais ; Etienne Dumont; Blet; Jacques Léonard ; Morizet; Jean-François Dumont; P. Mo-rizet; Pourlier; Nicolas Damour; Pourne; H. Le Maistre; Letrop ; G.-E. Dumont; L. Dumont, F. Décrié ; P. Senabet ; F. Morizet ; L. Dumont l’aîné ; E. Guyaneux; J. -H. Perot; J.-G. Dumont le fils; Frédéric Perot; G. Dumont; A. Bertrand fils; Damonr; P. -G. Morizet; N. -P. Pourlier; J. -B. Barbier; P. -F. Léonard; J. Morizet; J. Bourdon; Michel Dumont, et Pierre Dumont. CAHIER Des doléances , plaintes et remontrances par les habitants de la paroisse des Alleux-le-Roi (1). L’an 1789, le mercredi 15 avril, avant midi, après l’assemblée convoquée au son de la cloche, en la manière accoutumée, nous, habitants de la paroisse des Alieux-le-Roi, dépendant du Châtelet de Paris, tous nés Français, compris au rôle des impositions de ladite paroisse, étant tous assemblés dans 1a chambre à ce destinée, pour obéir aux ordres de Sa Majesté, portés en ses lettres données à Versailles, le 24 janvier dernier, pour la convocation et tenue des Etats généraux du royaume, et satisfaire aux dispositions du règlement y annexé, ainsi qu’à l’ordonnance de M. le lieutenant civil au Châtelet de Paris, dont du tout nous avons une pleine et entière connaissance par les lectures et publications qui en ont été faites le lundi 13 du présent mois, tant au prône de la messe paroissiale, qu’issue de ladite messe au devant de la principale porte de l’église des Alleux-le-Roi . Ladite assemblée convoquée en exécution desdils ordres , règlement et ordonnance, à l’effet de rédiger le cahier des doléances, plaintes et remontrances de cette paroisse, ainsi que pour délibérer sur le choix des députés que nous sommes tenus de nommer entre nous, nous étant occupés delà rédaction dudit cahier, avons arrêté nos doléances, plaintes et remontrances ainsi qu’il suit : Art. 1er. Les tailles, capitation, industrie, vingtièmes et autres impositions de la paroisse des Alleux-le-Roi, sont portées à un taux considérable, (1) Nous publions cette pièce d’après un manuscrit des Archives de l'Empire . eu égard à la valeur du terrain dont est composé son territoire : ce qui absorbe une grande partie du produit du cultivateur, et lui ôte la faculté de pouvoir cultiver avec soin les biens qu’il fait valoir, et y donner les engrais nécessaires. Ces biens sont classés dans le rôle des tailles de cette paroisse, confusément l’un dans l’autre, à 15 livres l’arpent. Dans la totalité du territoire, vers le village, il peut y en avoir un quart à ce prix; un quart, eu égard au sol, à raison de 12 livres; un autre quart de terrain plat et très-souvent inondé, qu’on ne peut évaluer, tout au plus, qu’à 8 livres; et un autre quart autour des bois, et à cause du gibier, presque inestimable , puisque dans des années, il ne rapporte à peine que le prix de la culture et semence. Cependant, il sera porté à 5 livres l’arpent. En sorte que le terrain de la paroisse des Alleux-le-Roi ne devrait être classé confusément qu’à raison de 10 livres l’arpent, et les impositions réparties au prorata sur les habitants qui possèdent et cultivent lesdits biens, à raison des classes ci-dessus. Art. 2. Le gibier de toute espèce dans les plaines et bois est un fléau considérable pour le cultivateur, qui a le désagrément de fumer, cultiver et ensemencer son terrain sans production : ce qui lui ôte tout secours, non-seulement pour lui et sa famille, mais encore pour payer ses fermages, et acquitter les impositions dont il est chargé à raison des biens qu’il cultive. Le lapin, gibier désastreux, doit être entièrement détruit. Les lois faites jusqu’à présent à cette occasion n’ont point eu d’exécution par les entraves que les officiers de capitainerie ont introduites dans les règlements qu’ils ont faits à cet égard. . Art. 3. La capitainerie de Saint-Germain, dans laquellela paroissedes Alleux-le-Roi est comprise, devrait être réduite à ses premières limites pour les plaisirs de Sa Majesté seulement. Le surplus est actuellement occupé en partie par des particuliers, la plupart sans fief ni terrain, qui achètent des cantons de chasse sur les terres de différents seigneurs, et qui en abusent par la grande quantité de gibier qu’ils ont: ce qui ruine absolument le cultivateur. Pour parvenir à la destruction du lapin, il faudrait que les habitants eussent la permission de les fureter et pannauter pendant le temps qui leur serait prescrit : cela éviterait beaucoup de plaintes et d’abus. Art. 4. Les corneilles sont encore des oiseaux désastreux qui font un tort considérable aux cultivateurs ; lesquelles , après les semences des blés , lorsqu’ils commencent à lever dans la dernière saison, les arrachent et les mettent sur terre. Les habitants des Alleux-le-Roi demandent qu’il leur soit permis de les détruire par les moyens qu’ils trouveront les plus convenables. Art. 5. Lesdits habitants demandent, en outre, qu’il leur soit permis d’éplucher leurs blés, lorsqu’ils en auront besoin, et de faucher les prairies artificielles, lorsqu’ils le jugeront nécessaire, afin d’en éviter le dépérissement. Art. 6. Les droits decontrôle, centième denier, francs-fiefs, et autres établis et tarifés par l’arrêt du conseil de 1722, sont si considérablement augmentés depuis leur établissement, qu’il n’y a plus de règle pour leur perception, qui devient arbitraire par chaque employé, au point que les sujets sont souvent tourmentés pour doublement ou forcement des droits qui n’ont jamais été perçus dans leur principe : ce qui ôte leur tranquillité, et les empêche de finir leurs affaires qui, faute d’être terminées, leur occasionnent des procès dispendieux, que l’Etat peut éviter par un nou- 292 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs. veau tarif de ces droits, pour être stable, à toujours sans novation. Art. 7. Que l’édit du Roi donné à Versailles, au mois de novembre 1787, concernant ceux qui ne font pas profession de la religion catholique, comme les protestants et autres sujets de Sa Majesté, pour la plupart nés en France qui participent à tous les subsides et aux besoins de l’Etat, soit exécuté. Art. 8. Et que les chemins pour aller au marché de Maulle, qui est le plus prochain des habitants des Alleux-le-Roi, pour vendre leurs grains et denrées, soient réparés ; et qu’à cet effet, l'impôt de la corvée reste à la paroisse. Art. 9. Les habitants des Alleux-le-Roi, pleins de confiance en l’ordre du tiers-état dans les assemblées qu’il tiendra, adhèrent d’avance à tout ce qui aura été résolu et arrêté à la pluralité des voix pour la satisfaction de notre souverain monarque, le bien de l’Etat et le soulagement des peuples. Fait et arrêté en notre assemblée, ledit jour 15 avril 1789 ; et avons signé. Signé Lucas , syndic ; P. Ravanne ; Lemaire; Gatine; Doullay; P. Gatine ;R. Belhomme ; Rollet; L. Lecompte ; Lucère. Paraphé ne varietur par nous , prévost des Alleux-le-Roi soussigné. Signé Le Queu. CAHIER Des habitants de la paroisse d’Ampouville, fait en leur assemblée du 14 avril 1789 (1). Art. 1er. La paroisse d’Ampouville, éloignée de , 4 lieues des villes de Fontainebleau et de Nemours, n’ayant aucune route pour faciliter les voitures de’ ses denrées, est habitée par de pauvres laboureurs et vignerons que la surcharge des impôts réduit à la plus extrême misère; au point qu’il arrive souvent que des pères de famille laborieux, après s’être occupés toute la journée dans la campagne, ne trouvent point, le soir, en rentrant chez eux, le pain nécessaire à leur subsistance et à celle de leur famille. Ils espèrent de la bonté du Roi et des Etats généraux un soulagement qui leur devient indispensable; étant persuadés que si la répartition et le recouvrement des impositions étaient bien faits, le Roi aurait plus à recevoir, et le peuple pauvre moins à payer. Gabelles . Art. 2. Le sel est trop cher. Il y a environ dix ans qu’au lieu de 9 sous, on l’a porté à 13 sous et plus la livre. Cette augmentation énorme est ruineuse, et empêche d’en donner aux bestiaux, puisque la plupart des habitants ont peine à s’en procurer pour leur usage personnel. D’ailleurs, la forme usitée pour la distribution de cette denrée de première nécessité est vexatoire. Sa Majesté a déclaré que la gabelle est jugée. Les habitants espèrent que cette parole sacrée ne restera pas sans exécution. Aides. Art. 3. Cette imposition, qui a des branches dans la division et subdivision desquelles les plus habiles s’égarent, est encore plus à charge et odieuse au peuple par sa perception rigoureuse (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de V Empire. et abusive, que par le droit en lui-même. Il paraît inévitable d’en supprimer jusqu’au nom. Corvées. Art. 4. Les habitants payent le sixième du montant de leur taille, sous le nom de corvée, et ce, pour des chemins éloignés d’eux, qui ne leur sont d’aucune utilité. Si cette charge doit subsister à l’avenir en tout ou en partie, il leur semble juste d’employer le montant de leur contribution à faire un chemin qui puisse faciliter les transports des productions de leur paroisse. Contrôle des actes. Art. 5. La perception de ce droit est absolument arbitraire; et le travail des vérificateurs répand l’alarme dans toutes les familles, dont il évente les secrets. Art. 6. Les députés de la paroisse sont chargés expressément de demander la suppression totale de tous les impôts ci-dessus et autres, dont le recouvrement exige de très-gros frais, en consentant l’établissement de nouveaux droits plus simples et moins onéreux. Dans le cas où on jugerait nécessaire d’en laisser subsister quelques-uns, lesdits députés insisteront pour que les abus soient réformés, et que la perception en soit rendue si claire et si précise, que chacun puisse aisément connaître ce qu’il aura à payer. Egalité dans la répartition des impôts. Art. 7. Tous les Français étant également intéressés à la protection que l’Etat leur accorde pour la conservation de leur liberté et de leur propriété, les députés se réuniront au vœu général pour demander que tous les impôts qu’on laissera subsister, ainsi que ceux qui seront établis, soient supportés également par tous les citoyens des trois ordres, et ce, chacun en proportion de ses biens et facultés. • Milice. Art. 8. La publication de la milice répand l’alarme dans toutes les campagnes. Elle occasionne de fortes contributions ruineuses pour les pères de famille. Elle nuit à l’agriculture et cause de très-grands maux , sans qu’on s’aperçoive du bien qu’elle peut procurer. Ne pourrait-on pas la remplacer avec avantage? Justice. Art. 9. La justice se rend à trop grands frais, et avec trop de lenteur et de difficultés. Les députés demanderont que, dans les campagnes, les différends de peu de conséquence soient portés devant la municipalité qui les déciderait par forme d’arbitrage et sans frais, suivant la forme qui serait prescrite. Chirurgiens, sages-femmes, et maîtres d’école. Art. 10. Les campagnes manquent partout de chirurgiens , sages-femmes et maîtres d’école instruits. Il est nécessaire d’y pourvoir efficacement en établissant des cours publics d’instruction dans les petites villes. Minage et autres droits seigneuriaux. Art. 11. Les droits de minage, plaçage, péage, et autres de cette nature, gênent le commerce. A Ampouville, le champart, réuni à la dîme, se paye de quinze gerbes deux, rendues et conduites à la grange seigneuriale, avant que le cultivateur puisse rien enlever de son champ pour son compte, ce qui l’expose, dans les temps d’orage,