[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 septembre 1790.] 565 des voix, par appel nominal, sous la sanction du gouverneur; décrète qu’en cas de refus du gouverneur, il Bera tenu de le motiver dans les Huit jours de la présentation du décret, et que l’assemblée coloniale pourra passer outre, et ordonner l’exécution dudit décret, à la pluralité des trois quarts des voix, par appel nominal, après avoir délibéré sur les motifs du gouverneur général,- qui, dans ce cas, sera tenu de sanctionner. « Sera le présent décret présenté incessamment à l’acceptation du roi, revêtu de sa proclamation, et par lui adressé à son gouverneur général, pour être promulgué et notifié à qui il appartiendra. » Fait et arrêté la présente adresse, en séance publique de rassemblée provinciale de la partie du nord de Saint-Domingue, pour être adressée aux députés de ladite partie du nord à l’Assemblée nationale, et par eux présentée à la première de ses séances, et, après lecture, déposée sur le bureau. Sera pareillement imprimée et communiquée aux chambres consulaires du royaume, et publiée dans la colonie. Au Cap, le 13 juillet 1790. Les membres de rassemblée provinciale de la partie du nord de Saint-Domingue : Auvray, président. — Chesneau DE la Mégrière, vice président. — Maillard DE Rocheland, Lévesque, secrétaires. Collationné : PaQUOT, secrétaire perpétuel, garde des archives. (La lecture de cette adresse est plusieurs fois interrompue par des murmures). M. Barnave. L’assemblée provinciale du nord de Saint-Domingue obtiendra sans doute la plus haute satisfaction de l’Assemblée nationale, lorsqu’on verra qu’elle n’est pas si éloignée des principes, et que la majeure partie de ses demandes lui sont accordées, d’après les instructions que vous avez envoyées. Je demande le renvoi de ces pièces au comité colonial. (Cette proposition est adoptée.) On fait lecture d’une adresse des députés extraordinaires du commerce et des manufactures de France. Ne pouvant calculer seuls les effets qu’une grande émission d’assignats peut produire sur le commerce, ils supplient l’Assemblée de suspendre sa décision jusqu’à ce qu’ils aient reçu le vœu des places qu’ils représentent. On lit une autre adresse des créanciers étrangers, porteurs des effets suspendus en vertu de l’arrêt du conseil du 16 août 1788 qui, pleins de anciennement établies et moins riches, ne pourraient faire un si grand sacrifice sans nuire à leur prospérité, que la rigueur des lois prohibitives a retardée jusqu’à présent. L’Assemblée nationale ne peut rien statuer, d’après l’article 6 du décret du 8 mars, sur les modifications à apporter au régime prohibitif du commerce entre les colonies et la métropole, que sur leur pétition; et l’Assemblée coloniale de Saint-Domingue n’a point fait connaître son vœu à cet égard. Si l’Assemblée nationale revenait contre son décret, et décrétait l'article 3, conformément au vœu de l’assemblée provinciale du Nord, ce serait un nouveau sujet de division, et rendre le rapprochement impossible ; car les deux autres provinces, n’ayant point été entendues, fieraient en droit de s’y refuser, d’après le décret du 8. confiance dans la justice de l’Assemblée, demandent à être traités comme les autres créanciers de l’Etat. Cette seconde adresse est renvoyée aux comités des finances et de liquidation. M. le Président. L’Assemblée reprend la suite de la discussion sur les divers modes proposés pour la liquidation de la dette publique. M. Auhry du Bochet, député de Villers-Cotterets (l). Messieurs, vous voulez liquider la dette publique: pour y parvenir, le comité vous propose plusieurs plans ; tous n’acquittent que la dette exigible. Je propose de tout acquitter, et vous le pouvez facilement. Les uns adoptent des quittances de finance portant intérêts, ou des assignats forcés avec intérêts, et les autres des assignats également forcés, mais sans intérêts. Ces derniers demandent qu’il y en ait d’un louis. Les quittances de finance et les assignats portant intérêts sont des emprunts ; les autres assignats, de véritables papiers-monnaie. Je rejette les premiers, parce que l’emprunt est, de tous les impôts, le plus à charge, puisqu’il le double; et les autres, parce que n’étant que de véritables billets de banque, ils doivent en avoir tous les inconvénients. Je n’essaverai point de démontrer ni l'une ni l’autre de ces vérités, pour ne point vous répéter ce qu’on n’a cessé de vous dire. J’observerai seulement sur l’emprunt, qu’au-trefois on croyait bonnement qu’il était préférable à l’impôt, et que le peuple élevait alors au plus haut degré de gloire les ministres emprunteurs. Mais que son erreur était grande 1 II le reconnaît aujourd’hui, et 5 milliards de dettes portant un intérêt de plus de 5 0/0 le lui rappellent sans cesse, et l’en feront souvenir encore longtemps. Aussi, Messieurs, excepté ceux qui ne calculent pas et qui ont partagé ou qui espèrent encore partager le bénéfice criminel de l’agiotage, soutiçn du despotisme et de l’aristocratie, il n’est personne qui ne soit convaincu que l’emprunt a occasionné plus des trois quarts de la dette publique. S’il s’agissait d’établir auquel de l’emprunt ou de l’impôt on doit donner la préférence pour subvenir aux besoins de l’Etat, je n’aurais pas de peine à prouver que l’impôt étant la moindre charge des peuples dès qu’il pèse sur tous en proportion de la richesse de chacun, il doit être dorénavant la seule mesure que la nation doive employer pour subvenir à ses besoins. Mais ce n’est ni de l’impôt ni de l’emprunt qu’il s’agit en ce moment; il s’agit des moyens de liquider la dette. Le plan de liquidation que j’ai à vous proposer, Messieurs, est au fond le plan de MM. de Gernon, de Mirabeau, Pétion, etc., puisque je fais usage comme eux d’assignats forcés : cependant je diffère dans deux objets essentiels. J’acquitte la totalité de la dette, parce qu’il est possible de le faire, et qu’il serait impolitique, même injuste de ne pas le faire. Mais je me garde bien de mettre en circulation des assignats d’un louis, même de deux ou trois cents livres ; d’un côté, parce qu’il y a déjà beaucoup trop de petits assignats en circulation pour la masse de nos besoins journaliers, puisqu’ils (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du discours de M. Aubry. (4 septembre 1790.] ggg [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. nuisent à la circulation des véritables écus ; et, de l’autre côté, parce que la nouvelle émission d’assignats ne devant avoir lieu que pour représenter des capitaux, et que c’est la raison pour laquelle je leur donne le titre d’assignats-immeubles, il ne faut point de petits assignats pour acquérir. Pour parvenir à la liquidation de la dette publique : D’abord, j’en constate l’aperçu et la considère sous différents rapports. J’indique ensuite mes moyens de liquidation. Et attendu que nos moyens tendent à acquitter toute la dette, même celle dite non exigible, avec ces assignats-immeubles dont je viens de parler, je dois indiquer comment dans l’émission de 3 milliards 700 millions environ d’assignats, ils ne seront point dans le cas de former d’engorgements, et circuleront à peine, parce qu’il ne sera pas de l’intérêt du porteur de les mettre en circulation; et comment je les fais circuler sans aucun intérêt, malgré que je leur conserve, en définitive, l’intérêt qu’il est de la justice de l’Assemblée de leur accorder pendant le temps moral et suffisant qu’il faut à des créanciers pour échanger leurs titres contre des propriétés. 1° Aperçu de la dette et ses différents rapports. On divise la dette en dette exigible et non exigible. Celle dite exigible s’élève à près de 2 milliards, en ce non compris les 400 millions d’assignats actuellement en émission. Et la dette non exigible à près de 3 milliards 700 millions. Cette dette comprend les rentes viagères et les rentes constituées ; on a évalué le capital des premières à 1 milliard peu plus qui est au denier dix. Ainsi restent 2 milliards près de 700 millions de capitaux de rentes constituées et portant annuellement un intérêt de près de 66 millions, ou environ 2 1/2 0/0. Je retranche absolument de la dette à liquider celle dite viagère, comme le comité des finances l’a fait, parce que je ne vois aucun inconvénient de la laisser subsister ; qu’elle s’éteint tous les jours, et surtout parce qu’il n’a jamais été dans l’intention des créanciers viagers d’être remboursés. Mais je me garderai bien de retrancher, comme le comité le fait, le surplus de cette dette dite non exigible, sous le vain prétexte qu’on ne peut contraindre la nation d’en faire le remboursement. Je sais bien qu’à la rigueur on ne peut contraindre de rembourser; mais si, toujours justes, toujours sévères dans nos principes, et tenant la promesse tant de fois réitérée que nous acquitterons la dette, pouvons-nous faire une distinction aussi subtile; et si nous n’avions aucune autre ressource pour acquitter notre dette que de faire notre cession, je le demande, comment les biens nationaux seraient-ils partagés entre les créanciers? Distinguerait-on alors la dette exigible de l’autre? Non, sans doute; on discuterait les hypothèques, et bien certainement la dette non exigible serait préférée comme plus ancienne. Une nation qui veut liquider sa dette, et qui a juré de la payer avec tant de solennité, ne peut retourner en arrière, et, par de petits moyens, trouver des prétextes apparents d’éluder son serment. Je conviens bien que, quand le comité vous a proposé de ne point faire concourir à l’acquisition des biens nationaux les créances non exigibles t il n’a point eu l’intention de compromettre votre loyauté. A Dieu ne plaise que j’aie jamais eu cette opinion ! Je dirai même plus : je sais qu’il ne met tant d’intérêt à Taequit de la dette exigible, que parce qu’il craint que les biens nationaux ne produisent pas, à beaucoup près, de quoi payer la totalité de la dette, et que c’est la raison pour laquelle il préfère d’acquitter la dette exigible, puisqu’elle est plus particulièrement la nôtre. Mais, Messieurs, je crois les craintes de votre comité tout à fait chimériques. Vos biens nationaux valent beaucoup plus qu’il ne le pense, et je ne serais pas même surpris, si l’opération de la vente est bien combinée, qu’il n’y ait de quoi payer, et la dette exigible et la dette non exigible. D’après quelle base évalue-t-on vos biens? on n’en connaît pas même le revenu. S’il était permis d’en juger par comparaison, que de tranquillité vous acquerriez? Car je vous démontrerais que vos biens peuvent valoir le double, et plus que ce qu’on les évalue. En voulez-vous une preuve? L’ancienne province du Gambresis, qui ne contient guère que la cinq centième partie du royaume, a pour environ 40 millions de biens à vendre, puisqu’on compte que le clergé y possédait 1,400 charrues en fonds de terres; le département du Nord en a pour environ 200 millions; et si le reste du royaume en possédait autant proportionnellement, vous auriez pour plus de 15 à 16 milliards de biens; je n’en compte cependant pas pour 15 à 16 milliards, parce que les autres-districts n’en ont pas, à beaucoup près, autant que celui de Cambrai, mais bien certainement il en est peu qui en ait pour moins de 10 millions; ce qui éleverait la masse des biens nationaux à plus de six milliards : il ne nous en faut pas-quatre pour tout payer. Quelle latitude il nous reste! Oui, Messieurs, la France est plus riche que vous De pensez; cessez donc de vous inquiéter, et faites une opération digne de vous. D’ailleurs, quand nous ne pourrions atteindre à l’acquit total par la vente de nos biens, n’avons-nous pas la ressource de l’impôt, si quelque circonstance impérieuse l’exige? Ainsi agissons sans crainte, et marchons droit au but, c’est-à-dire à l’entière liquidation de notre dette. Je vous ferai cependant, Messieurs, une observation sur la masse énorme à laquelle s’élèvent les capitaux de nos rentes constituées. Il est certain que la plus grande partie de ces capitaux qui n’ont souffert aucune réduction, et qui ne coûtent généralement aux propriétaires actuels que la moitié de leur valeur, parce qu’ils ont acquis sur le pied du denier 20 de la rente ; s’ils avaient le droit de concourir, avec les créanciers de la dette exigible, à l’achat des biens nationaux, ils éloigneraient peut-être ces derniers de concourir, puisque les premiers pourraient opposer deux contre un ; mais il est ua moyen de parer à cet inconvénient, et c’est le cas où, ce me semble, la nation a le droit d’imposer des conditions ; surtout que ces conditions ne nuisent point aux principes stricts et rigoureux que nous nous sommes imposés, d’acquitter l’universalité de la dette. Ce moyen consiste à déclarer que la dette non exigible constituée, attendu le faible intérêt qu’elle coûte à la nation, ne sera point remboursée. Cependant, comme il ne serait pas naturel d’empêcher les créanciers d’acquérir des biens natiouaux concurremment avec les autres citoyens, s’ils préféraient ces biens dont on peut [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 septembre 1790.) S6T améliorer la valeur, à des rentes qui ne peuvent augmenter, il me semble qu’il serait de toute justice d’accorder à ces créanciers la faculté de se faire rembourser leur créance sur le pied du denier vingt, et de classer ainsi leur dette avec celle exigible. La faculté qui resterait à ces créanciers de conserver la totalité de leurs capitaux, en n’exigeant point le remboursement , ou , ce qui est la même chose, en n’acquérant point, sauve la nation de l’imputation qu’on pourrait lui faire, qu’elle ne satisfait pas à l’universalité de ses engagements. Elle y satisfait, puisqu’elle consent à toujours devoir deux milliards sept cent millions environ, portant un intérêt de soixante-six millions. D’accord sur ces points, Messieurs , dans l’hypothèse que tous les créanciers de la dette non exigible à titre de rente constituée voudront concourir à l’acquisition des biens nationaux, notre liquidation se réduit alors à faire les fonds : 1° D’environ deux milliards pour l’acquit de la dette exigible ; 2° D’environ treize cents millions pour l’acquit de la dette non exigible de rente constituée; 3° Et enfin , des quatre cents millions d’assignats portant intérêts à 3 0/0 ; ces assignats remboursables des premiers deniers entrant dans la caisse de l’extraordinaire, et à volonté des porteurs. Ce qui fait en tout trois milliards six à sept cents millions. Pour faire ces fonds , nous abandonnons le produit de la vente de nos biens nationaux que le comité n’évalue, il est vrai, que de deux à trois milliards, mais qui valent sans doute beaucoup plus; or, dans ce cas, ne devons-nous pas baser au plus haut? D’ailleurs, quand ils seraient insuffisants, ces biens, pour acquitter les trois milliards sept cents millions, le maximum de notre dette, n’avons-nous pas la ressource de l’impôt, et ne sommes-nous pas les maîtres de verser dans une caisse d’amortissement une somme suffisante pour acquitter le surplus? 2° Moyens de liquidation. Mes moyens de liquidation ne sont pas ce que vous propose votre comité des finances, quand il veut qu’en liquidant ou vérifiant les titres des créanciers, on leur remette des quittances de finance portant un intérêt, soit à 5 0/0, soit à tout autre denier, parce que des quittances de finance portant un intérêt quelconque sont un emprunt. Mes moyens de liquidation ne sont pas non plus des assignats d’un louis, encore moins des assignats portant le même intérêt que les contrats qu’ils doivent représenter, même des assignats sans aucun intérêt. Tous ces papiers, Messieurs, présentent également de très grands inconvénients qui vous sont tous connus. Ceux portant intérêt sont des emprunts ; les autres peuvent faire engorgement. Une seule manière d’acquitter vos dettes avec des assignats ne présente point d’inconvénients, ou du moins ne présente que ceux qu’on ne peut éviter, et c’est cette espèce d’assignats que je vous propose; assignats auxquels je donne le titre d 'assignats-immeubles , dont les plus petits ne doivent point être au-dessous de 500 livres. C’est une illusion de croire que de petits assignats augmentent le numéraire, si la confiance n'est pas entière, et si on ne trouve pas à les échanger contre de3 pièces de monnaie ; c’est-à-dire si pour un papier d’un louis on ne donne quatre écus de 6 francs, comme on le donnerait pour un louis d’or. L’assignat d’un louis n’augmente pas le numéraire, il en tient seulement lieu; il ne l’augmente pas, parce qu’il fait renfermer le véritable numéraire, les écus; il le remplace seulement, mais à une très grande perte, et qui augmente en proportion de ce que les assignats sont en plus petite somme. La confiance ne se commande pas; par conséquent quelque parti que nous prenions, nos: assignats perdront dans la circulation : or, de deux maux, il faut éviter le pire, c’est-à-dire multiplier le moins possible le véritable assignat-monnaie; d’ailleurs, pensons qu’il existe en France un numéraire effectif de plus de deux milliards, et que nous ne tarderons pas à le voir circuler, le moment de la vente effective de nos biens étant le terme de l’agiotage et l’époque où tout droit prendre une force nouvelle. Revenons aux petits assignats, qu’il serait bien impolitique d’admettre, quoi qu’en aient dit M. de; Mirabeau et beaucoup d’autres. En définitive, c’est toujours le moins aisé qui vend son assignat pour avoir des écus. Si vous faites des assignats d’un louis, les moins aisés seront alors le peuple ouvrier, c’est-à-dire le plus grand nombre; ce sera donc le plus grand nombre qui supportera seul la perte; au lieu que si vos moindres assignats sont de 500 livres, cet assignat ne pouvant circuler que dans la classe la plus riche et la moins nombreuse, la perte sera moins grande. Voulez-vous voir, Messieurs, très incessamment les écus reparaître, malgré l’espèce d’accaparement qu’on fait journellement du numéraire? Retirez promptement vos assignats de deux et trois cents livres. Voulez-vous ne plus voir d’écus? Faites des assignats d’un louis. La différence de la valeur de l’écu-papier à l’écu-métal pour les besoins journaliers, est de ftous les impôts le plus lourd à supporter; et si l’on voulait bien réfléchir, dès qu’il est démontré que les petits assignats sont ceux qui coûtent le plus, puisqu’ils font disparaître les écus, nos besoins journaliers étant toujours les mêmes, l’Assemblée n’hésiterait pas un seul instant, si elle admet une émission continue d’assignats pour l’acquit de la dette publique, de ne pas en faire au-dessous de 500 livres. Gomme je l’ai dit, il serait mieux encore de n’en pas faire au-dessous de 1,000 livres, même plus; car plus la somme sera forte, moins ils influeront sur le prix des denrées et marchandises. On se plaint qu’il n’y a plus de numéraire, mais c’est à tort ; il n’est qu’enfoui, le numéraire, et le numéraire sortira dès qu’on aura moins d’occasions d’en vendre. Avant la grande émission des petits billets de caisse, nous en avons l’expérience, on voyait des écus, et cela parce que les consommateurs étaient obligés de payer en écus. Les marchands, les1 détaillants, ceux qui ne vendent qu’au comptant, quand ils n’avaient pas l’occasion de vendre leur1 argent, payaient en argeut; cela entretenait la circulation du numéraire. Nous avons détruit cette circulation par l’émission d’un grand nombre d’assignats de 2 et 300 livres, et c’est un grand mal que nous avons fait. Les marchands d’argent nous ont trompés,; en sollicitant de petits assignats, le pain quotidien des usuriers et des agioteurs. Les assignats à mettre en émission pour Fac- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [•* septembre 1790.] 568 quit de la dette, sont des capitaux qui ne doivent circuler que comme capitaux; il n’est donc pas nécessaire qu’il y en ait d’un louis, puisqu’on ne vendra pas de biens pour un louis. D’ailleurs, s’il se vend de petites portions rie biens, c’est en écus que les biens seront payés, et non en papier; ce qui augmentera le numéraire en circulation, et prouve qu’il ne faut pas de petits assignats. Mais c’est trop m’étendre sur cet objet : revenons aux assignats que je propose, et qui sont les seuls qui conviennent, puisqu’il s’agit de les faire seulement servir à des acquisitions de biens-fonds, et démontrons qpmment, dans l’émission d’un grand nombre d’assignats, ils ne seront pas dans le cas de former d’engorgements. Les assignats-immeubles que je propose, et qui s’élèveront à environ 3 milliards 700 millions, seront remis aux créanciers de l’Etat à mesure de la liquidation de la dette et à mesure de leur fabrication. S’il faut un an pour la fabrication d’un aussi grand nombre d’assignats, ne faut-il pas également une année pour procéder à la liquidation de la dette, et enfin une année pour la vente de nos biens ? Or, ces trois choses peuvent se p!acer sur la même ligne; et comme nous devons croire, par l’avantage que les porteurs de nos assignats auront de les faire rentrer promptement dans la caisse des ventes ou de l’extraordinaire, ainsi qu’on va le voir dans un instant, qu’il n’y aura, pour ainsi dire, jamais en circulation plus d’assignats qu’il ne pourra s’en fabriquer dans le courant d’un mois, j’en conclus qu'il est impossible qu’il y ait jamais d’engorgements. One autre circonstance le prouve également; en liquidant notre dette et en remettant à nos créanciers pour 3 milliards 700 millions environ d’assignats-immeubles ayant cours d’écus, nous acquittons véritablement notre dette, et nous mettons en circulation une bien plus grande richesse. Mais quelle est-elle, cette richesse? Elle n’est pas une richesse de revenus, mais une richesse de capitaux, que leurs propriétaires n’ont aucun intérêt de dépenser. Ces assignats ne sont que le signe de la propriété; ils ne peuvent donc se confondre avec la richesse des revenus; ils ne peuvent donc former d’engorgements; ils s’échangeront contre des immeubles, et ce sera là tout le cercle de leur circulation. Des capitaux circulants doivent s’arrêter nécessairement, dès qu’il se rencontre des occasions de les échanger contre des immeubles; mais jusque-là ces capitaux, auxquels j’ai donné le titre d’assignats-immeubles, ne peuvent porter aucun intérêt pendant tout le temps de leur circulation, parce que pendant tout ce temps ils ne sont que de véritables écus en circulation; mais à cette époque, et quand ils rentrent dans la caisse de l’extraordinaire, où ils cessent alors d’être pour la société, c’est-à-dire où ils s’immobilisent, s’il est permis de parler ainsi, le débiteur qui ne s’acquitte véritablement qu’en ce moment, en doit les intérêts, et ce sont ces intérêts qu’il faut fixer. Pour cela, Messieurs, je ne connais qu’un moyen ; c’est de déterminer l’époque à laquelle nos assignats-immeubles doivent s'arrêter, et de leur accorder, jusqu’à cette époque, non pas véritablement un intérêt journalier et croissant, au contraire, mais seulement une prime décroissante d’un tiers pour cent par mois; et telle que si vous fixez la révolution d’une année, comme je l’ai fait, pour la vente de nos biens, tout assignat qui rentrera dans le premier mois de sa mise en émission dans la caisse de l’extraordinaire, accroîtra de quatre pour cent; dans le second mois, de trois deux tiers, et ainsi de suite, et toujours eu décroissant, jusqu’au moment où l’assignat ne portera plus d’intérêt. Par cette chance, Messieurs, dont les porteurs d’assignats sont véritablement les maîtres, vous accélérez vos ventes, vous liquidez votre dette; et s’il arrive, ce que j’ai peine à croire, qu’une partie de la vente ne s’effectue point dans le courant d’une année, il ne nous en coûte rien de plus pour cela; et si le créancier perd les intérêts que vous avez légitimés, car à la rigueur il n'eu est point dû, puisque vous avez payé réellement, vos assignats valant vraiment des écus, il ne peut s’en prendre qu’à lui. Telle est, Messieurs, dans mon opinion, la manière de liquider la dette publique. Cependant, s’il était vrai que le produit de la vente de vos biens nationaux ne pût suffire pour l’entière liquidation de la dette, je propose, pour le surplus, l’établissement d’une caisse d’amortissement, dans laquelle vous forez verser une somme suffisante pour l'acquit du reste de la dette; et même pour n’avoir plus à y revenir, je demande1 que vous en acquittiez intérêts et capitaux par des annuités. Pour me résumer, Messieurs, j’ai l’honneur de vous présenter le projet de décret suivant : PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, persuadéeque l’emprunt est la principale cause de la ruine des Etats, que les opérations de finance qu’on a faites en France jusqu’à présent n’ont été que des emprunts déguisés, et que c’est ainsi que la dette s’est tant accrue; convaincue que l’impôt est la charge la moins onéreuse au peuple: et considérant que, sans l’entière liquidation de la dette, on ne peut rétablir l’ordre dans les finances, ni pourvoir au soutien de la force publique, seul maintien de la Constitution, a décrété et décrète : Art. 1er. L’emprunt, et toutes opérations caractéristiques de l’emprunt, s’il n’est pourvu en même temps au remboursement, sont défendus en France. Art. 2. L’impôt pesant sur tous les citoyens dans la proportion de la richesse de chacun, sous quelque forme que cette richesse se représente, productive ou non, sera la seule mesure que la nation emploiera pour subvenir à ses besoius ordinaires. Art. 3. Les biens nationaux, à la réserve de ceux exemptés parles précédents décrets, seront exposés en vente dans tout le royaume. Art. 4. La vente sera ouverte le premier lundi du mois de la présente année, dans le district central de chaque département, et dans les autres districts à des jours différents ; cette vente continuera ainsi de quinzaine en quinzaine, jusqu’en fin de la vente totale, et chacun pourra acquérir et payer, soit en papier, soit en argent. Art. 5. Le comité de la vente des biens nationaux présentera incessamment un projet de décret réunissant toutes les conditions de la vente, et le tableau des jours de vente dans les différents districtsdu royaume. Art. 6. Les créanciers des rentes constituées ont droit d’exiger le remboursement de leurs créances, sur le pied du denier vingt de leur rente, comme ils restent maîtres de les conserver;