293 [Élals gén. 1789 Cahiers,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] diocésain, et au seigneur du lieu ; mais que les marques honorables et distinctives des pères du peuple ne soient point avilies. Art. 28. Que la dime soit réduite, et qu’elle. ne soit prise que sur le net produit, cultures et semences prélevées. Le clergé a fait un commandement divin d’une rétribution volontaire. Il est juste que celui qui travaille pour l’autel vive de l'autel; mais il ne doit point vivre, s’engraisser aux dépens du peuple, qui, le plus souvent, lui donne son propre nécessaire, et à qui il doit son superflu. Art. 29. Que la congrue des curés et des vicaires soit augmentée; que tous les émoluments et casuels soient supprimés. Ceux qui sont chargés de tout le fardeau du sacré ministère doivent avoir au moins l’honnête nécessaire. N’est-il pas déshonorant que des prêtres soient obligés de s’intriguer pour vivre ; que des ministres de notre sainte religion soient réduits, pour se soutenir avec quelque décence, de faire un honteux trafic des biens de l’Eglise et un abus indigne de la confiance et de l’opinion publique ; tandis que des prieurs décimateurs vivent somptueusement dans la mollesse, l’oisiveté et l’indolence. Art. 30. Que tous les domaines aliénés seront réunis à la couronne. Depuis assez longtemps, les acquéreurs de ces domaines jouissent de ces aliénations, accordées le plus souvent à la faveur. 11 est temps que l’on prenne des moyens justes et légaux pour effectuer ladite réunion. Art. 31. Que les cures, ainsi que toutes les dignités de l’Eglise, soient amovibles. G’est surtout dans le saint ministère, pour la réformation des mœurs et l’édification des fidèles, que le mérite seul devrait avoir des places. Ce n’est qu’après de longues épreuves que l’on devrait faire choix d’un curé; ce n’esf qu’après avoir passé par divers emplois et dignités, qu’un prêtre devrait arriver à l’épiscopat. Cette dignité devrait être le prix de la pratique constante de toutes les vertus chrétiennes; et si l’on s’était trompé dans le choix d’un sujet, il faudrait le rejeter, le tirer de sa place, et non laisser un scandale perpétuel au peuple. Art. 32. Que les députés aux Etats généraux chargés de porter les plaintes et doléances de la province, le seront spécialement et particulièrement de celles des habitants et possédants biens de la communauté de Fos, qui gémissent, depuis trop longtemps, sous l’oppression la plus tyrannique ; laquelle augmente tous les jours, et qui, s’ils n’étaient soutenus par l’amour de leur patrie, s’ils n’espéraient être secourus par le gouvernement , s’ils ne comptaient enfin sur la bonté du Roi, seraient obligés de déguerpir et de s’expatrier. Art. 33. Que lesdits députés aux Etals généraux supplieront très-humblement et très-respectueusement Sa Majesté de joindre au nom de Louis XVI le Bienfaisant, celui de Pèré du peuple, et d’accepter ce nom sacré, comme un témoignage de l’amour et de la reconnaissance de son peuple. Signé Sauguin, lieutenant déjugé; P. Bourdin, syndic; Bourgareb capitaine; J. Rinié; B. Gonin père; F. Guidon; B. Gouin fils; Joseph Bernard; Duquesnay, avocat , et P. Simiot. CAHIER Des doléances de la communauté de Gardanne , sénéchaussée d’Aix { 1). Sire, Si nous ne consultions que le respect profond, la juste reconnaissance et l’amour sans bornes dont nous sommes pénétrés pour la personne sacrée de Votre Majesté, loin de donner à nos députés aux Etats généraux les pouvoirs relatifs aux objets dont Votre Majesté voudra bien leur donner connaissance, nous nous bornerions, en leur enviant l’heureux choix qui les appelle au pied du trône, de leur dire, pour toute instruction, que, glorieux d’être les fidèles sujets du plus grand, du plus juste et du meilleur des rois, nous supplions Sa Majesté de voir les sentiments que nos cœurs lui ont déjà conférés avec transport. Ce vœu unanime exprimé par l’organe de nos députés, nous attendrions en paix et en silence que l’immortel successeur de Henri eût sondé toute la profondeur des plaies de l’Etat, et qu’il eût indiqué la mesure du remède qu’elles exigent. Notre zèle alors nous ferait trouver faciles tous les moyens propres à assurer leur guérison. Mais, Sire, vous voulez vous entourer de votre nation ; vous voulez donner à l’univers étonné le spectacle rare, mais bien attendrissant, d’un père adoré qui, daignant conférer avec ses enfants sur les besoins de sa vaste famille, leur rend plus chère, pins précieuse encore et plus sacrée, cette autorité dont il semble vouloir partager avec eux l’exercice. Vous désirez, enfin, connaître, Sire, les doléances de vos fidèles sujets. Proposer nos vœux, Sire, c’est donc vous donner une preuve de notre obéissance; c’est répondre à l’honorable confiance de Votre Majesté. La régénération du royaume nous a paru essentiellement liée avec "l’adoption des différents objets compris dans les articles suivants : Art. 1er. Les députés de la province aux Etats généraux seront nommés librement et légalement en la forme provisoirement ordonnée par Sa Majesté. Art. 2. Les députés n’useront de leurs pouvoirs que dans les Etats généraux légalement constitués, avec la sanction du Roi. Art. 3. Sa Majesté a déjà ordonné que l’ordre du tiers aura, dans les Etats généraux, un nombre de députés de la province, qui seront tenus de regarder comme irrégulière et inconstitutionnelle toute assemblée où cette égalité ne se rencontrera pas. Art. 4. Sa Majesté sera suppliée d’ordonner que l’on recueillera les opinions par tête, sans quoi l’égalité du nombre serait rendue inutile pour le tiers. Art. 5. Les droits naturels et imprescriptibles de l’homme et du citoyen, quel qu’il soit, seront invariablement reconnus et assurés dans les Etats généraux. Art. 6. Sa Majesté sera suppliée de déclarer inviolable la liberté personnelle, et en conséquence de prononcer l’abolissement des lettres de cachet, et autres ordres capables de porter atteinte à la li berté des citoyens, sous quelque forme et quelque prétexte que ce soit. Art. 7. La liberté de la presse sera déclarée faire partie de la liberté personnelle. (l)Nous publions ce cahier d’après un manuscrit de* Archives de l’Empire. 294 [États gén. 1789. Cahiers.] ARGWYÉS PARLEMENTAIRE�. [Sénéchaussée d’Aix.] Art. 8. Il sera procédé à la réformation de la justice criminelle, notamment au chef de l’instruction de la procédure, laquelle il convient de faire publiquement. Art. 9. Il sera procédé aussi à la réformation de la justice civile. Art. 10. La justice doit être rendue gratuitement au nom et par les officiers du Roi, dans tout le royaume, sans qu’il doive exister aucune justice seigneuriale. Art. 11. La vénalité des charges de magistrature sera supprimée à mesure qu’elles vaqueront par mort, démission ou forfaiture. Art. 12. Le Roi seul nommera tous les officiers chargés de rendre la justice dans son royaume, à l’etï'et de quoi il lui sera présenté, pour chaque office, trois sujets, parmi lesquels Sa Majesté choisira. Art. 13. Cette présentation sera faite par les Etats provinciaux pour les tribunaux non appella-bles, et par les municipalités pour les tribunaux appellables. Art. 14 Tous les juges et magistrats seront déclarés amovibles et responsables de leur conduite envers les Etats provinciaux ou les municipalités qui les auront présentés à Sa Majesté. Art. 15. Le tiers-état ne sera exclu d’aucun emploi civil, militaire, ecclésiastique ou de magistrature. Art. 16. Un impôt unique, proportionné aux besoins de l’Etat, sera établi sur tous les fonds du royaume sans exception. Cet impôt sera réparti sur la valeur des fonds, et non sur le produit. Cet impôt remplacera tous les autres qui seront supprimés , fors un simple droit de contrôle sur tous les actes, pour en assurer l’authenticité. Art. 17. La durée de l’impôt n’excédera pas le terme fixé jusqu’aux prochains Etats généraux. Ce terme passé, l’impôt cessera de droit. Art. 18. La tenue des Etats généraux sera déterminée de trois en trois ans. Art. 19. Les ministres du Roi seront comptables aux Etats généraux de l’emploi de l’impôt et de l’usage qu’ils auront fait de la confiance dont le roi les a honorés; et les comptes, par eux rendus, seront publiés et imprimés. Art. 20. Les administrateurs quelconques seront également comptables de leur conduite envers leurs mandants. Art. 21. La Provence sera désormais gouvernée en conformité de sa constitution, et la forme de nos Etats provinciaux sera déterminée dans une assemblée générale des trois ordres, convoquée par Sa Majesté. Art. 22. Pendant la tenue des Etats généraux, nos Etats provinciaux seront et demeureront asT semblés pour remédier aux difficultés imprévues. Art. 23. L’on imprimera tout ce qui sera réciproquement écrit entre nos Etats provinciaux et nos députés aux Etats généraux. Art. 24. Tous les biens du clergé seront déclarés appartenir à l’Etat, auquel ils seront réunis, au décès des titulaires actuels; et le produit des ventes qui en seront faites alors, sera employé, après le payement des dettes du clergé, à combler le déficit de l’Etat. Art. 25. Chaque communauté sera chargée de payer les prêtres desservant ses paroisses, et ce, sur le pied d’un règlement qu’il plairp. à Sa Majesté de publier à ce sujet. Art. 26. Toutes Tes dîmes ecclésiastiques seront et demeureront supprimées dès aujourd'hui. Art. 27. Tous les sujets du Roi, débiteurs, envers le clergé, de directes, lpds, censes et autres droite utiles ou honorifiques, seront admis A sè libérer au décès des titulaires usufruitiers fiesdits droits, sur le pied d’un tarif qui sera arrêté aux Etats généraux et sanctionné par Sa Majesté. Art. 28. Les biens grevés de charges à raison de fondations ecclésiastiques seront affranchis en payant, par les propriétaires d’iceux, la somme à iaquelle ces charges seront évaluées; lequel payement sera fait entre les mains du trésorier de la communauté où lesdits biens sont situés ; et le produit des fonds en provenant employé à augmenter la rétribution des prêtres desservant les paroisses; lesquels acquitteront lesdites fondations. Art. 29. A l’égard des bénéfices de juspatronat laïc, le juspatron pourra reprendre et retenir les fonds et revenus affectés à la fondation, en remboursant, comme il est dit en l’article précédent, les deux tiers de la somme à laquelle seront évalués, en fonds, les revenus dudit bénéfice; le tiers restant étant le dédommagement de la perte du juspatronat, qui sera et demeurera supprimé. Art. RU. Le clergé, n’étant et ne pouvant être qu’usufruitier, ne sera plus admis auxElats généraux comme ordre, sauf aux membres du qlergé d’y figurer dans celui des deux ordres auquel ils tiennent, dans le cas où ils y seront députés par les provinces. Art. 31. Les douanes seront reléguées aux frontières du royaume, et le commerce déclaré libre et dégagé d’entraves dans tout l’intérieur de l’Etat. Art. 32. Les noms de seigneur et de vassal entre les sujets du Roi seront à jamais proscrits dans les actes, tant judiciaires qu’extrajudiciaires. Art. 33. La chasse et la pêche, hors les temps prohibés, seront libres à tous les sujets de Sa Majesté, sauf la responsabilité du dommage qui pourrait être causé à autrui. Art. 34. Les privilèges seront abolis ; les péages seront supprimés; les banalités seront anéanties. La noblesse cessera d’être héréditaire, et il ne sera plus question de fiefs. Art. 35. Tous les sujets du Roi seront admis à extinguer, à prix d’argent, les directes, censes, lods et autres droits, auxquels leurs biens sont assujettis, et ce, sur le pied d’un tarif qui sera dressé aux Etats généraux, et sanctionné par $a Majesié, sans qu’il soit permis à aucun particulier d’en établir de nouveaux. Arf. 36. La dette nationale sera reconnue et consolidée. Art. 37. Les communautés de la province, ayant acquis les mairies, les consuls doivent suffire pour autoriser les conseils, municipaux, sans l’iris tervention d’aucun officier de justice. Art. 38. Les Etats provinciaux auront la faculté d’asseoir et d’abonner l’impôt unique, qui aura été déterminé aux Etats, généraux. Art. 39. Le nombre des troupes sera réglé sur le besoin absolu de l'Etat, Art. 40. Toutes les troupes, étrangères seront renvoyées. Art. 41 . Le prix du sel serarnodéré en Provenue, où il naît, et où sa cherté grève l’habitant, ruine le cultivateur, et empêche l’engrais des terres, Art. 42. Les communes auront aux Etats provinciaux un syndic qui y aura séance et voix délibérative. Art. 43. Il sera fait des exemplaires du présent cahier, dont l’un sera porté par les députés de cette communauté à l’assemblée générale qui aura 295 [État* gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Aix.] lieu par-devant M. le lieutenant général d’Aix, et l’autre adressé àM. Necker, ministre, restaurateur des finances du royaume. Signé Fontier, commissaire; A. Vaussan ; P. Jaubert ; Bourellé ; et Boret. Article particulier de doléance pour la communauté de Gardanne. Que le chemin allant d’Antibes à Marseille, en passant par le terroir de Gardanne, étant, comme il l’est, un chemin de seconde classe, soit rétabli et réparé. La communanté paye annuellement la somme de 240 livres pour les réparations et en tretien des chemins de seconde classe qui passent sur son territoire. CAHIER Des doléances , plaintes et remontrances de la communauté de Gemenos, sénéchaussée d’Aix, (1). Les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre Fixe et durable dans toutes les parties de l’administration, la prospé-tité générale du royaume, et le bien de tous et chacun des sujets de Sa Majesté : tels sont les objets qui doivent être traités dans les Etats généraux du royaume. C’est pour concourir à cette régénération , à cette restauration de la France, c’est pour coopérer à ce grand œuvre du bien public, que les habitants de Gemenos osent élever leur voix pour faire entendre leurs plaintes et leurs remontrances. La bonté paternelle de leur roi, son amour pour ses sujets, et le désir qu’il a de les rendre heureux, autorisent leshabilants de Gemenos de solliciter de sa justice, avec tout le respect et toute la soumission qu’ils doivent à un monarque chéri: Art. 1er. La réformation du code civil et criminel. Art. 2. Une attribution de souveraineté aux tribunaux subalternes jusqu’au concurrent d’une somme déterminée. Art. 3. L’abrogation de toutes lettres attentatoires à la liberté des citoyens. Art. 4. La faculté à ceux-ci, de quelque ordre qu’ils soient, de concourir pour tous emplois militaires, bénéfices et charges attributives de noblesse. Art. 5. Une modération dans le prix du sel, et l’uniformité de ce prix dans tout le royaume, ayant égard aux charges et aux transports. Art. 6. L’abolition de tous droits de circulation dans son intérieur. Art. 7. Le reculemeut des bureaux des traites et des douanes sur les frontières de l’Etat. Art. 8. L’impression et publication d’un tarif général des droits qui devront être perçus dans ces bureaux. Art. 9. La destruction du système qui réputé étrangère la ville de Marseille, quoique unie au royaume: par droit de conquête. Art. 10. La convocation générale des trois ordres de la province pour former ou réformer la constitution du pays. Art. 11. La permission aux communes de se nommer un syndic avec entrée aux Etats et voix délibérative. Il) Noua publions c& eahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. Art. 12. L’égalité des voix pour Fordre du tiers’ contre celles des deux premiers ordres, tant dans les Etats que dans la commission intermédiaire ; et surtout l’égalité de contribution pour toutes les charges royales et locales, sans exemption aucune, et nonobstant toutes possessions et privilèges quelconques. Art. 13. La suppression des différents impôts subsistants, et la réduction au plus petit nombre possible, soit d’iceux, ou de tels autres qui pourront être établis. Art. 14. La taillabilité ou encadastrement de tous les biens-fonds qui ne sont point compris au cadastre. Art. 15. La permanence des Etats généraux du royaume, et leur convocation périodique de trois en trois ans. Art. 16. L’établissement de nul subside ni d’aucune loi sans le consentement du peuple donné définitivement par les Etats généraux, et provisoirement, pendant leur interstice, dans les Etats de chaque province. Art. 17. La cessation de plein droit de tout impôt après le terme fixé par le susdit consentement. Art. 18. Après, la vérification de l’administration des finances dans tous les départements, lors de chaque tenue des Etats généraux. Art. 19. La fixation annuelle de la dépense de chaque département. Art. 20. La suppression de toutes les pensions accordées à des personnes qui ne les ont pas méritées par leurs services ou par leurs talents personnels. Art. 21. La liberté de la presse sous telle précaution qu’il appartiendra. Art. 22. Le renvoi au lendemain de foules les propositions qui seront faites dans les Etats généraux. Art. 23. La délibération sur chacune de ces propositions par la voie du scrutin et par billet d approbation absolue ou modifiée, ou d’improbation. Art. 24. La sujétion des capitalistes au payement de tous les subsides. Art. 25. La destruction de ce préjugé qui entache toute une famille de l’ignominie du crime dont un des siens a subi la peine. Art. 26. L’administration gratuite de tous les sacrements. Art.. 27. La prohibition de réunir plusieurs bénéfices sur la même tête. Art. 28. La préférence, dans la collation des bénéfices, en faveur des prêtres de bonnes mœurs, doués de talents, et ayant servi l’Eglise : les plus anciens dans le service préférés aux autres. Art. 29. L’abrogation de toutes résignations. Art. 30. L’abrogation de l’usage des emprunts, excepté dans les occasions pressantes et périlleuses jugées telles par les Etats généraux ou provinciaux. Art. 31. La rédaction d’un règlement général pour l’administration des communautés, sauf les différences que les circonstances locales pourront exiger. Art. 32. L’obligation stricte aux communautés défaire vérifier le compte et le jugement de compte de leur administration par les Etats de la province, et d’en rapporter leur avis, auquel elles seront tenues de référer. Art. 33. L’obligation expresse aux communautés de racheter leurs banalités et toutes les terres qui ont été vendues en franchise de taille, à peine contre les consuls de répondre de tous les dommages et intérêts soufferts par les habitants.