[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 septembre 1791.] *7gS Suit la teneur de la lettre écrite par le sieur Damiens à l’assemblée électorale : « Monsieur le Président, « Chargé de mettre à exécution un décret de « prise de corps contre un des membres de l’as-« semblée, j’aurais craint de manquer à l’assem-« blée si je n’avais l’honneur de vous en rendre « compte et de tous supplier de m’indiquer la « conduite et la marche que je dois tenir. » J’ai l’honneur d’être, etc. « Signé : Damiens. » ( Applaudissements .) Il ne me reste plus qu’une lettre écrite au Président de U Assemblée nationale par Vhuissier ; mais ces faits sont racontés dans le procès-verbal même. (Lisez 1 lisez!...) Voici cette lettre : « Monsieur le Président. « François Damiens, huissier à cheval au ci-devant Châtelet de Paris, et audiencier au deuxième tribunal criminel établi par la loi du 14 mars dernier au Palais, à Paris, a l’honneur de vous rendre compte qu’hier matin mardi il a été, ainsi que son commis, constitué es-prisons de l’Abbaye, de l'ordonnance du commissaire Beau-valet et d’un sieur Vallière (vraisemblablement commissaire de section), qu’il a envoyé chercher après la confection de son procès-verbal, n’a assisté à aucune des opérations du commissaire Beauvalet, et qui, contre toute règle, n’a pas même, avant de donner son avis, fait une seule question ni entendu les détenus. « L’exposant, par le compte exact qu’il va avoir l’honneur de vous rendre des faits, ose espérer vous prouver, Monsieur le Président, qu’il n’a pas mérité, non plus que son commis, le sort qu’ils éprouvent l’un et l’autre. « Faits. — Mardi dernier, une heure de relevée, après avoir rempli mon service auprès du tribunal auquel j’ai l’honneur d’être attaché, et en conséquence des ordres qui m’avaient été donnés tant par M. l’accusateur public que par M. le commissaire du roi, je me suis rendu place du Parvis-Notre-Dame, à l’effet d’exécuter le décret de prise de corps décerné par le tribunal du sixième arrondissement contre le sieur Danton, si je le voyais sortir de l’assemblée électorale, où j’ai eu avis qu’il allait tous les jours; ayant attendu jusques à 2 heures sans le voir sortir, je me suis déterminé à entrer dans la première cour de l’évêché, afin de m’informer si te sieur Danton y était encore ; ayant résolu, du moment où j’ai mis le pied sur le seuil de la porte, pénétré que j’étais du plus profond respect pour l’assemblée électorale, de ne pas mettre à exécution ledit décret. « Comme je me promenais dans la première cour de l’évêché, sans aucune intention, j’ai été accosté par un de MM. les électeurs, que j’ai appris se nommer M. Roy, et qui, à la tribune, a rendu hommage à la vérité de ce fait. Il m’a dit : Damiens, vous avez vraisemblablement quelques ordres à exécuter contre un de mes collègues; dans ce cas, je vous engage, de crainte de quelques événements fâcheux et par amitié pour vous, d’en prévenir M. le Président. Et à cet effet-là mondit sieur Roy a dit à un des huissieurs de me conduire dans un des bureaux pour, là, y écrire une lettre de prévenance. Ledit huissier m’ayant conduit, il m’a été donné une feuille de papier, et j’ai écrit à M. le Président la lettre que vous avez sous les yeux, et que j’ai requis M. le Président de faire annexer à l’interrogatoire qu’il m’a fait subir. « Alors plusieurs électeurs se sont livrés à des emportements, jusqu’à même menacer, les uns de me tuer, les autres de me jeter par les fenêtres, loi qui, disaient-ils, existait en Angleterre. Et singulièrement un sieur Patris, maître de pension, place de l'Estrapade, qui n’a cessé de m’accabler d’horreurs jusqu’à 11 heures du soir, et qui même s’est permis dans l’assemblée de me faire un interrogatoire auquel, je l’avoue, Monsieur le Président, j’ai refusé de répondre, ayant cru devoir lui dire que je ne devais réponse qu’à l’assemblée en la personne de son Président. « J’ai eu l’honneur d’être introduit au-devant de la barre, où j’ai éprouvé le bonheur d’être interrogé par un Président dont la bonté et la douceur m’ont indemnisé des mauvais traitements que j’avais essuyés; je me bornerai à ce récit aussi simple que vrai, mon interrogatoire étant sous vos yeux. « Pénétré que je suis du plus profond respect pour l’Assemblée nationale et pour vous, Monsieur le Président, et convaincu de l’équité qui dirige toutes ses opérations, je la supplie de m’acorder la grâce d’être entendu dans le cas où sa sagesse le croirait convenable. « Je suis avec respect, etc... « Signé : DAMIENS. » M. Lanjufnais. Vous ne trouverez aucune difficulté à adopter l’avis de M. Le Chapelier, amendé par M. d’André. Cet avis consiste à déclarer que les corps électoraux doivent se borner à élire, qu’ils ne peuvent jamais se permettre de délibérer, encore moins d’usurper aucune fonction du pouvoir judiciaire, et d’attenter à la liberté des citoyens; ensuite réserver tous les droits du sieur Damiens et le renvoyer à se pourvoir ainsi qu’il �avisera. Il doit trouver dans l’organisation judiciaire un remède à des attentats pareils, et certainement il le trouvera et aura les dommages et intérêts. M. Robespierre. Il me semble que la principale question qui doit occuper l’Assemblée et celle qui me paraît avoir le moins préoccupé les préopinants, est d’examiner s’il est vrai que, par la conduite de l’huissier, les droits et la dignité de la nation aient été violés dans la personne des électeurs de Paris, toutes les autres questions dépendent essentiellement de ce fait. Or, Messieurs, quoiqu’il ne me paraisse pas que l’huissier soit entré dans la salle même de l’Assemblée électorale, et qu’il ait tenté là d’exécuter le décret de prise de corps, je crois cependant qu’il résulte des circonstances une intention manifeste. ( Murmures prolongés .) Je pense, Messieurs, s’il faut le dire, que, lorsqu’il est question des réclamations d’une assemblée électorale, qui prétend que sa dignité a été compromise, nous n’avons pas te droit de traiter légèrement cette affaire, et que c’est le moment de nous ressouvenir du respect que nous devons aux représentants du peuple qui élisent en son nom. ( Applaudissements .) Je dis qu’il ne s’agit point ici de s’attacher aux questions oiseuses renfermées dans l’interrogatoire. Je dis que l’objet le plus intéressant pour l’Assemblée n’est pas d’examiner si les formes ont été plus oumoins scrupuleusementobservées ; mais que c’est le fond de la chose qu’il faut surtout examiner, et, bien loin de me livrer à aucune espèce de désir de trouver coupable ou répré-