420 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE district de Vire, prononça la résiliation le 29 août 1791 (v.s.), et ordonna la remise en vente de la ferme de Dessus le Mont. Cette vente eut lieu le 16 novembre suivant et le Cn Grouchy demeura adjudicataire. L’administrateur des domaines nationaux, informé de cette nouvelle adjudication et des motifs qui y avaient donné lieu, écrivit le 22 du même mois au directoire du département et lui observa qu’un des principes consacrés dans la vente des domaines nationaux, étant que les biens sont vendus sans aucune garantie de mesure et tels qu’ils se comportent, et que l’adjudication faite au Cn Roger ne renfermant d’ailleurs aucun vice, rien ne pouvait en autoriser la résiliation. Il l’invita en conséquence à prendre un nouvel arrêté qui en rapportant celui du 29 août 1791 maintînt la première adjudication et annulât la seconde; ce que fit le département par un arrêté du 5 déc. 1792 (v.s.). Les deux adjudicataires réclamèrent alors contre ce dernier arrêté; leur réclamation fut adressée au comité d’aliénation qui renvoya l’affaire au ci devant administrateur des Domaines nationaux, sur le rapport duquel le comité arrêta le 22 février 1793, qu’il n’y avait lieu à délibérer sur les pétitions des adjudicataires et que l’administrateur devait poursuivre l’exécution de l’arrêté du département du Calvados du 5 décembre 1792 (v.s.), qui maintient l’adjudication faite au Cn Roger. Cette décision du comité n’ayant été connue ni de l’administrateur des Domaines nationaux ni du directoire du département du Calvados, et les Citoyens Roger et de Grouchy faisant de nouvelles instances auprès de ce directoire, ils en obtinrent un 3e arrêté le 15 mars 1793 (v.s.), qui rapporta celui du 5 décembre précédent et maintint le Cn de Grouchy en bonne et valable possession des objets à lui adjugés le 16 novembre 1791. Tel est l’état des choses relativement à l’adjudication de la ferme de Dessus-le-Mont. (à suivre ) (1). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités des domaines et d’aliénation, réunis, décrète ce qui suit : « Art. I. - L’adjudication faite au citoyen Roger, par le district de Vire, département du Calvados, de la ferme de Dessus-le-Mont, pour la somme de 50.800 liv., est maintenue. « II. - La vente du même domaine, faite au citoyen de Grouchy, est annullée. « III. - La commission des revenus nationaux fera rembourser au citoyen Grouchy les paie-mens qu’il a faits pour cette acquisition. « IV. - Le citoyen Grouchy comptera de clerc-à-maître du produit des bois qu’il a fait exploiter. « Le présent décret ne sera point imprimé. Son insertion au bulletin de correspondance tiendra lieu de promulgation, et il en sera adressé une expédition manuscrite au département du Calvados » (2) . (1) La suite de la pétition ne nous est pas parvenue. (2) P.V., XXXIX, 107. Minute de la main de Musset. Décret n° 9413. 65 BOURDON (de l’Oise) rend compte de la pétition de plusieurs citoyens qui demandoient que l’étang de Saint-Pierre-le-Moutiers, qui vient d’être desséché, fut rétabli pour servir à faire marcher un moulin voisin (1). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BOURDON, de l’Oise, au nom de] son comité d’agriculture, décrète que l’étang de Brutus-le-Maganime, ci-devant Saint-Pierre-le-Moutier, restera dans l’état de dessèchement où il est à présent » (2) . 66 Un membre [BÉZARD] fait un rapport, au nom des comités de législation, domaines et aliénation, réunis, sur la pétition des citoyens tenant maisons garnies à Paris, qui demandent la résiliation de leurs baux; il propose l’ordre du jour (3). BÉZARD : Vous avez à prononcer sur une pétition que des mesures de salut public prises contre les étrangers rendent intéressantes et que l’équité ne peut désavouer, mais que la rigueur des principes, en matière de contrats, semble rejeter entièrement. En voici en deux mots l’analyse : Les citoyens tenant maisons garnies à Paris vous exposent que leur état est, sinon perdu, au moins suspendu, dans les circonstances actuelles par les arrestations nécessaires des étrangers; ils assurent qu’ils sont dans l’impuissance de conserver plus longtemps leurs établissements, qu’ils regardent comme ruineux. Ils demandent la résiliation de leurs baux. Vos comités de législation, d’aliénation et domaines ont examiné, sous tous ses aspects, la question de savoir si la Convention nationale doit prononcer la résiliation des baux de maisons garnies, à cause des pertes momentanées qu’éprouvent les locataires. Les moyens et les considérations que font valoir les pétitionnaires, leur semble mériter un grand intérêt. Vos comités les ont pesés, et je ferai en sorte de n’en point omettre : mais auparavant, il faut traiter les principes, car là où il s’agit du droit, les principes sont tout. Le contrat par lequel le propriétaire donne une maison à loyer, contient des obligations réciproques. Il fait la loi du locateur et du locataire, ils doivent l’exécuter de part et d’autre. C’est une loi bien sacrée que celle qui émane d’une convention mutuelle et libre, reposant sur la loi des contractants. (1) J. Sablier, n° 1366. (2) P.V., XXXIX, 108. Minute de la main de Bourdon. Décret n° 9414. J. Fr., n° 622; C. Eg., n° 659; Audit, nat., n° 623. (3) P.V., XXXIX, 108; Audit, nat., n° 623. 420 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE district de Vire, prononça la résiliation le 29 août 1791 (v.s.), et ordonna la remise en vente de la ferme de Dessus le Mont. Cette vente eut lieu le 16 novembre suivant et le Cn Grouchy demeura adjudicataire. L’administrateur des domaines nationaux, informé de cette nouvelle adjudication et des motifs qui y avaient donné lieu, écrivit le 22 du même mois au directoire du département et lui observa qu’un des principes consacrés dans la vente des domaines nationaux, étant que les biens sont vendus sans aucune garantie de mesure et tels qu’ils se comportent, et que l’adjudication faite au Cn Roger ne renfermant d’ailleurs aucun vice, rien ne pouvait en autoriser la résiliation. Il l’invita en conséquence à prendre un nouvel arrêté qui en rapportant celui du 29 août 1791 maintînt la première adjudication et annulât la seconde; ce que fit le département par un arrêté du 5 déc. 1792 (v.s.). Les deux adjudicataires réclamèrent alors contre ce dernier arrêté; leur réclamation fut adressée au comité d’aliénation qui renvoya l’affaire au ci devant administrateur des Domaines nationaux, sur le rapport duquel le comité arrêta le 22 février 1793, qu’il n’y avait lieu à délibérer sur les pétitions des adjudicataires et que l’administrateur devait poursuivre l’exécution de l’arrêté du département du Calvados du 5 décembre 1792 (v.s.), qui maintient l’adjudication faite au Cn Roger. Cette décision du comité n’ayant été connue ni de l’administrateur des Domaines nationaux ni du directoire du département du Calvados, et les Citoyens Roger et de Grouchy faisant de nouvelles instances auprès de ce directoire, ils en obtinrent un 3e arrêté le 15 mars 1793 (v.s.), qui rapporta celui du 5 décembre précédent et maintint le Cn de Grouchy en bonne et valable possession des objets à lui adjugés le 16 novembre 1791. Tel est l’état des choses relativement à l’adjudication de la ferme de Dessus-le-Mont. (à suivre ) (1). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités des domaines et d’aliénation, réunis, décrète ce qui suit : « Art. I. - L’adjudication faite au citoyen Roger, par le district de Vire, département du Calvados, de la ferme de Dessus-le-Mont, pour la somme de 50.800 liv., est maintenue. « II. - La vente du même domaine, faite au citoyen de Grouchy, est annullée. « III. - La commission des revenus nationaux fera rembourser au citoyen Grouchy les paie-mens qu’il a faits pour cette acquisition. « IV. - Le citoyen Grouchy comptera de clerc-à-maître du produit des bois qu’il a fait exploiter. « Le présent décret ne sera point imprimé. Son insertion au bulletin de correspondance tiendra lieu de promulgation, et il en sera adressé une expédition manuscrite au département du Calvados » (2) . (1) La suite de la pétition ne nous est pas parvenue. (2) P.V., XXXIX, 107. Minute de la main de Musset. Décret n° 9413. 65 BOURDON (de l’Oise) rend compte de la pétition de plusieurs citoyens qui demandoient que l’étang de Saint-Pierre-le-Moutiers, qui vient d’être desséché, fut rétabli pour servir à faire marcher un moulin voisin (1). « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BOURDON, de l’Oise, au nom de] son comité d’agriculture, décrète que l’étang de Brutus-le-Maganime, ci-devant Saint-Pierre-le-Moutier, restera dans l’état de dessèchement où il est à présent » (2) . 66 Un membre [BÉZARD] fait un rapport, au nom des comités de législation, domaines et aliénation, réunis, sur la pétition des citoyens tenant maisons garnies à Paris, qui demandent la résiliation de leurs baux; il propose l’ordre du jour (3). BÉZARD : Vous avez à prononcer sur une pétition que des mesures de salut public prises contre les étrangers rendent intéressantes et que l’équité ne peut désavouer, mais que la rigueur des principes, en matière de contrats, semble rejeter entièrement. En voici en deux mots l’analyse : Les citoyens tenant maisons garnies à Paris vous exposent que leur état est, sinon perdu, au moins suspendu, dans les circonstances actuelles par les arrestations nécessaires des étrangers; ils assurent qu’ils sont dans l’impuissance de conserver plus longtemps leurs établissements, qu’ils regardent comme ruineux. Ils demandent la résiliation de leurs baux. Vos comités de législation, d’aliénation et domaines ont examiné, sous tous ses aspects, la question de savoir si la Convention nationale doit prononcer la résiliation des baux de maisons garnies, à cause des pertes momentanées qu’éprouvent les locataires. Les moyens et les considérations que font valoir les pétitionnaires, leur semble mériter un grand intérêt. Vos comités les ont pesés, et je ferai en sorte de n’en point omettre : mais auparavant, il faut traiter les principes, car là où il s’agit du droit, les principes sont tout. Le contrat par lequel le propriétaire donne une maison à loyer, contient des obligations réciproques. Il fait la loi du locateur et du locataire, ils doivent l’exécuter de part et d’autre. C’est une loi bien sacrée que celle qui émane d’une convention mutuelle et libre, reposant sur la loi des contractants. (1) J. Sablier, n° 1366. (2) P.V., XXXIX, 108. Minute de la main de Bourdon. Décret n° 9414. J. Fr., n° 622; C. Eg., n° 659; Audit, nat., n° 623. (3) P.V., XXXIX, 108; Audit, nat., n° 623. SÉANCE DtJ 19 PRAIRIAL AN II (7 JUIN 1794) - N° 66 421 Les citoyens qui traitent ainsi ne se dissimulent pas les chances qu’ils peuvent courir; ils les apprécient autant qu’ils peuvent; et d’après des spéculations plus ou moins raisonnées ou heureuses, le traité se conclut. Lorsqu’il est fait sans condition, il doit être entièrement et strictement exécuté. Quel est l’engagement du locateur ? c’est de faire que les lieux soient toujours habituellement occupés et employés à leur usage; qu’ils soient toujours libres, sains, solides, exactement entretenus, facilement accessibles. Aussi, dès que les lieux sont toujours en état d’être habituellement occupés, dès qu’ils sont toujours tels que l’exige le contrat, peu importe que le locataire ne soit plus en état de les occuper, il faut qu’il remplisse ses obligations, puisque celles du locateur sont remplies. A ces principes, quelque rigoureux qu’ils paroissent, se joint un raisonnement simple : Si vous croyez, peut-on dire aux pétitionnaires, qu’il soit juste de prononcer la résiliation de vos baux, parce que vous faites une perte considérable, vous devez être d’accord aussi qu’il sera juste de la prononcer lorsque vous ferez un gain considérable sur le loyer et que, le propriétaire qui a des hypothèques, des charges réelles, des contributions foncières et un entretien coûteux viendra se plaindre de ce que sa maison n’est pas à sa véritable valeur. Si vous le croyez ainsi, il n’y aura plus de contrats entre les hommes, ils ne pourront compter ni sur leur gain ni sur leur industrie; leurs conventions seront illusoires, puisqu’elles pourront être annulées suivant que les circonstances seront défavorables à un des contractants. Les représentants du peuple doivent apprendre aux citoyens que l’ordre social, la probité et la justice veulent impérieusement que les pactes faits librement et de bonne foi soient religieusement observés; comme les actes consentis par les moyens odieux de la surprise, du dol, de la violence et de l’intrigue doivent être anéantis. Passons aux moyens que font valoir les citoyens tenant maisons garnies, ils sont bien puissans, ils méritent tout l’intérêt de la Convention nationale. H est de notoriété publique que ces citoyens, qui sont presque tous pères de famille et sans-culottes, à Paris comme dans les grandes communes de la République, ne peuvent vivre actuellement de leur état. Ils assurent qu’ils seront bientôt complètement ruinés, s’ils sont obligés de conserver leurs locations. Dans ce cas, leurs moyens diminuent de jour en jour, le propriétaire perdra aussi, lors même qu’il exercera des poursuites. Nous connoissons tous les effets malheureux qu’elles produisent, malgré la réforme de la procédure. Dans une maison tenue en garni dont le mobilier est considérable, quelle spéculation pour un huissier ! Il promet au propriétaire de le faire payer sur le premier commandement, sur un avertissement amiable; il fait espérer au débiteur qu’il lui accordera quelque délai; et tandis qu’il reçoit de ces deux citoyens pour être actif et négligent, il fait tranquillement tous les exploits de commandement simple, recordé, saisie exécution, opposition à saisie, demande en main-levée, signification de venue, sursis à la vente, enlèvement de meubles. Enfin ils sont exécutés, et les frais de poursuite prélevés, ainsi que ceux de l’instance en préférence par le propriétaire lorsqu’il se trouve d’autres créanciers, il ne reste rien, le débiteur est ruiné et ses créanciers ne sont pas payés. Voilà le sort qu’attendent les pétitionnaires, si vous n’accueillez leur demande. Le méritent-ils, lorsqu’ils se présentent à votre barre pour être dégagés d’un contrat dont ils ne peuvent continuer l’exécution, et lorsque c’est une force majeure qui les réduit à cette extrémité ? H n’est pas douteux, citoyens, qu’à Paris par exemple, les maisons garnies avoient une grande valeur par l’affluence des étrangers; mais elles se trouvent vides par l’arrestation de ces étrangers, qui occupent actuellement les maisons d’arrêt. Peut-on dire avec bien de l’avantage que les pétitionnaires ont dû prévoir ce cas, lorsqu’ils ont souscrit leurs baux ? N’est-ce pas hors des combinaisons que peut faire un locataire ? Si je de vois exprimer ici mon opinion particulière, je dirois que la Convention, investie de la puissance suprême par le peuple français, peut et doit en révolution, détruire un contrat que des mesures révolutionnaires rendent onéreux à une des parties qui Va consenti. Mais il ne s’agit pas en ce moment de mon opinion; il s’agit de rendre compte de l’examen des principes et de la discussion auxquels se sont livrés vos comités, et j’y reviens. La question a été considérée sous le rapport qui intéresse le trésor public. La nation se trouve propriétaire d’un grand nombre de maisons appelées ci-devant hôtels garnis, surtout dans le faubourg Saint-Germain; mais on ne peut mettre en doute que si la réclamation des pétitionnaires est trouvée juste par la Convention, il n’y aura pas de distinction à faire, soit qu’il s’agisse de l’intérêt de la nation, soit qu’il s’agisse de celui du citoyen. L’équité semble voir les pétitionnaires d’un œil favorable, parce qu’ils perdent leur état tout à coup, par les suites d’une loi que le salut public a dictée. Néanmoins, simple organe de vos comités, fidèlement attachés aux principes, je vous propose, en leur nom l’ordre du jour. Il s’élève quelques discussions sur ce projet du comité (1) . BENTABOLLE, TAILLEFER [BOURSAULT] et plusieurs autres s’opposent à l’ordre du jour; ils pensent que la perte occasionnée par la désertion des maisons garnies ne doit point être supportée par les seuls locataires de ces maisons, presque tous pères de famille peu fortunés, tandis que les propriétaires se trouvent être de riches propriétaires (2) . (1) M.U., XL, 316; C. Eg., n° 659; J. S.-Culottes, n° 478. (2) J. Fr., n° 622; C. Eg., n° 659. SÉANCE DtJ 19 PRAIRIAL AN II (7 JUIN 1794) - N° 66 421 Les citoyens qui traitent ainsi ne se dissimulent pas les chances qu’ils peuvent courir; ils les apprécient autant qu’ils peuvent; et d’après des spéculations plus ou moins raisonnées ou heureuses, le traité se conclut. Lorsqu’il est fait sans condition, il doit être entièrement et strictement exécuté. Quel est l’engagement du locateur ? c’est de faire que les lieux soient toujours habituellement occupés et employés à leur usage; qu’ils soient toujours libres, sains, solides, exactement entretenus, facilement accessibles. Aussi, dès que les lieux sont toujours en état d’être habituellement occupés, dès qu’ils sont toujours tels que l’exige le contrat, peu importe que le locataire ne soit plus en état de les occuper, il faut qu’il remplisse ses obligations, puisque celles du locateur sont remplies. A ces principes, quelque rigoureux qu’ils paroissent, se joint un raisonnement simple : Si vous croyez, peut-on dire aux pétitionnaires, qu’il soit juste de prononcer la résiliation de vos baux, parce que vous faites une perte considérable, vous devez être d’accord aussi qu’il sera juste de la prononcer lorsque vous ferez un gain considérable sur le loyer et que, le propriétaire qui a des hypothèques, des charges réelles, des contributions foncières et un entretien coûteux viendra se plaindre de ce que sa maison n’est pas à sa véritable valeur. Si vous le croyez ainsi, il n’y aura plus de contrats entre les hommes, ils ne pourront compter ni sur leur gain ni sur leur industrie; leurs conventions seront illusoires, puisqu’elles pourront être annulées suivant que les circonstances seront défavorables à un des contractants. Les représentants du peuple doivent apprendre aux citoyens que l’ordre social, la probité et la justice veulent impérieusement que les pactes faits librement et de bonne foi soient religieusement observés; comme les actes consentis par les moyens odieux de la surprise, du dol, de la violence et de l’intrigue doivent être anéantis. Passons aux moyens que font valoir les citoyens tenant maisons garnies, ils sont bien puissans, ils méritent tout l’intérêt de la Convention nationale. H est de notoriété publique que ces citoyens, qui sont presque tous pères de famille et sans-culottes, à Paris comme dans les grandes communes de la République, ne peuvent vivre actuellement de leur état. Ils assurent qu’ils seront bientôt complètement ruinés, s’ils sont obligés de conserver leurs locations. Dans ce cas, leurs moyens diminuent de jour en jour, le propriétaire perdra aussi, lors même qu’il exercera des poursuites. Nous connoissons tous les effets malheureux qu’elles produisent, malgré la réforme de la procédure. Dans une maison tenue en garni dont le mobilier est considérable, quelle spéculation pour un huissier ! Il promet au propriétaire de le faire payer sur le premier commandement, sur un avertissement amiable; il fait espérer au débiteur qu’il lui accordera quelque délai; et tandis qu’il reçoit de ces deux citoyens pour être actif et négligent, il fait tranquillement tous les exploits de commandement simple, recordé, saisie exécution, opposition à saisie, demande en main-levée, signification de venue, sursis à la vente, enlèvement de meubles. Enfin ils sont exécutés, et les frais de poursuite prélevés, ainsi que ceux de l’instance en préférence par le propriétaire lorsqu’il se trouve d’autres créanciers, il ne reste rien, le débiteur est ruiné et ses créanciers ne sont pas payés. Voilà le sort qu’attendent les pétitionnaires, si vous n’accueillez leur demande. Le méritent-ils, lorsqu’ils se présentent à votre barre pour être dégagés d’un contrat dont ils ne peuvent continuer l’exécution, et lorsque c’est une force majeure qui les réduit à cette extrémité ? H n’est pas douteux, citoyens, qu’à Paris par exemple, les maisons garnies avoient une grande valeur par l’affluence des étrangers; mais elles se trouvent vides par l’arrestation de ces étrangers, qui occupent actuellement les maisons d’arrêt. Peut-on dire avec bien de l’avantage que les pétitionnaires ont dû prévoir ce cas, lorsqu’ils ont souscrit leurs baux ? N’est-ce pas hors des combinaisons que peut faire un locataire ? Si je de vois exprimer ici mon opinion particulière, je dirois que la Convention, investie de la puissance suprême par le peuple français, peut et doit en révolution, détruire un contrat que des mesures révolutionnaires rendent onéreux à une des parties qui Va consenti. Mais il ne s’agit pas en ce moment de mon opinion; il s’agit de rendre compte de l’examen des principes et de la discussion auxquels se sont livrés vos comités, et j’y reviens. La question a été considérée sous le rapport qui intéresse le trésor public. La nation se trouve propriétaire d’un grand nombre de maisons appelées ci-devant hôtels garnis, surtout dans le faubourg Saint-Germain; mais on ne peut mettre en doute que si la réclamation des pétitionnaires est trouvée juste par la Convention, il n’y aura pas de distinction à faire, soit qu’il s’agisse de l’intérêt de la nation, soit qu’il s’agisse de celui du citoyen. L’équité semble voir les pétitionnaires d’un œil favorable, parce qu’ils perdent leur état tout à coup, par les suites d’une loi que le salut public a dictée. Néanmoins, simple organe de vos comités, fidèlement attachés aux principes, je vous propose, en leur nom l’ordre du jour. Il s’élève quelques discussions sur ce projet du comité (1) . BENTABOLLE, TAILLEFER [BOURSAULT] et plusieurs autres s’opposent à l’ordre du jour; ils pensent que la perte occasionnée par la désertion des maisons garnies ne doit point être supportée par les seuls locataires de ces maisons, presque tous pères de famille peu fortunés, tandis que les propriétaires se trouvent être de riches propriétaires (2) . (1) M.U., XL, 316; C. Eg., n° 659; J. S.-Culottes, n° 478. (2) J. Fr., n° 622; C. Eg., n° 659.