274 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. des dîmes a rédigé le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité des dîmes de plusieurs pétitions tendant à ce que les redevables eussent la faculté de les payer en argent la présente année, au lieu de les acquitter en nature ; instruite pareillement que, dans quelques endroits, un petit nombre de redevables, sans doute égarés par des gens malintentionnés, se disposaient à refuser de les payer, même à s'opposer à la perception ; instruite encore que quelques bénéficiers, corps ou communautés, ne se disposaient point à les percevoir, et ne donnaient pas les soins nécessaires aux biens qu’ils sont provisoirement chargés de régir ; a décrété et décrète ce qui suit : « Art. 1er. Tous les redevables de la dîme, tant ecclésiastique qu’inféodée seront tenus, conformément à l’article 3 du décret des 14 et 20 avril dernier, de la payer, la présente année seulement, à qui de droit, en la manière accoutumée; c’est-à-dire en nature et à la quantité d’usage, sauf l’exécution des abonnements en argent, constatés par titres, ou volontairement faits. « Art.2.Les redevables des champarts, terrages, arrages, agriers , complans, et de toutes autres redevances payables en nature, qui n’ont pas été supprimées sans indemnité, seront également tenus de les payer la présente année et les suivantes, jusqu’au rachat, en la manière accoutumée, c’est-à-dire en nature, et à la quotité d’usage, sauf l’exécution des abonnements contractés par titres, ou volontairement faits, conformément aux décrets sur les droits féodaux, des 15 mars et 3 mai derniers. «Art. 3. JNul ne pourra, sous prétexte de litige, refuser le payement de la dîme accoutumée d’être payée, ou des champarts, terrages, agriers, complans ou autres redevances de cette espèce, aussi accoutumées d’être payées, et énoncées dans l’article 2 dudit décret du 15 mars dernier, sauf à ceux qui se trouveront en contestations, à les faire juger : ce qu’ils ne pourront faire, quant aux dîmes et champarts nationaux, que contradictoirement avec le procureur-syndic du district ; et en cas qu’il soit décidé que ces droits, par eux payés, n’étaient pas dus, iis leur seront restitués. «Art. 4. Ceux qui n’auraient pas payé la dîme ou les champarts l’année dernière pourront être actionnés, lors même qu’il n’y aurait pas eu de demande formée dans l’année. « Art. 5. Défenses sont faites à toutes personnes quelconques de porter aucun trouble à la perception de la dîme et des champarts, soit par des écrits, soit par des discours, des menaces, voies de faits ou autrement, à peine d’être poursuivies, comme perturbateurs du repos public. En cas d’attroupement, pour empêcher ladite perception, il y aura lieu de mettre à exécution les articles 3, 4 et 5 du décret du 23 février dernier, concernant la sûreté des personnes, celle des propriétés et la perception des impôts ; et les municipalités seront tenues de remplir les obligations qui leur sont imposées par lesdits articles, sous les peines y portées. « Art.6. Les municipalités seront tenues de surveiller, soit la perception des dîmes, soit l’administration des biens nationaux, chacune dans son territoire. En conséquence, dans le cas où des bénéficiers, corps ou communautés ne pourraient exploiter les dîmes et les autres biens qui ne sont pas affermés, ou négligeraient de le faire, elles seront tenues de les régir, ou de les donner [18 juin 1790.] à bail pour la présente année, et de rendre compte des produits au directoire du distriet : elle ne pourront cependant empêcher l’exécution d’aucun bail à ferme, sous prétexte qu’il ne doit commencer à courir que de la présente année. «Art. 7. En cas de dégradation et d’enlèvement d’effets mobiliers, bestiaux et denrées, lesmun� cipalités en dresseront procès-verbal et en feront leur rapport au directoire du district, pour être fait telles poursuites qu’il appartiendra. « Art. 8. Aucuns bénéficiers, corps, communautés séculières et régulières de i’uu et de l’autre sexe, fabriques, hôpitaux, maisons de charité, ou autres établissements publics ne pourront refuser de faire la déclaration de leurs biens, prescrite par le décret du 13 novembre dernier, ni s’opposer à l’exécutioD de l’article 12 du décret des 14 et 20 avril suivants, qui ordonne l’inventaire de leur mobilier sous quelque prétexte que ce soit ; et dans le cas où les districts ne seraient pas formés, les municipalités sont autorisées à y pro - céder jusqu’à ce qu’ils le soient. L’ordre de Malte demeure seul excepté de la disposition concernant l’inventaire, mais chacun des membres qui la composent sera tenu de donner sa déclaration des biens dont il jouit en France, conformément audit décret du 13 novembre dernier. « Art.9.Sera le présent décret présenté sans délai à la sanction du roi, et Sa Majesté sera suppliée de donner les ordres convenables pour sa plus prompte exécution. Le rapport du comité sera imprimé, et les membres de l’Assemblée sont invités de l’envoyer avec le présent décret à leurs commettants, sans délai. M. Regnand {de Saint-Jean-d’ Angely) propose de retrancher du décret tout ce qui concerne l’ordre de Malte afin de ne rien préjuger à son égard. M. Thibault, curé de Souppes , fait observer que les peuples ne se sont refusés à payer les champarts que parce qu’on n’avait pu leur représenter le titre primordial qu’ils se croyaient en droit d’exiger des propriétaires ; il demande que le décret exempte formellement les propriétaires de la présentation de ce titre primordial. M. Merlin déclare que le décret du 15 mars stipule nettement cette clause, puisqu’il y est dit que deux reconnaissances énonciatives d’une troisième suffisent pour faire valoir ce droit. Il est donc inutile d’introduire dans ie décret une clause qui ne servirait à rien. La discussion est fermée. Le décret est ensuite adopté dans son ensemble et sans changement. M. le Président fait donner lecture , ainsi qu'il suit, d’une lettre et d'un rapport qui lui ont été adressés par Le premier ministre des finances : «Ci e 18 juin 1790. « Monsieur le Président, « J’avais demandé à tous les receveurs parties liers des pays d’élection et des pays conquis, au nombre de 211, de m’adresser l’état de leurs recouvrements sur l’exercice 1790 et Payant reçu de leur part presque eu entier, j’en ai fait faire le dépouillement çt je l’ai résumé dans uo tableau que j’ai l’honneur d’adresser à l’Assemblée. Les receveurs lui enverront dorénavant directement la [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 juin 1790.] 075 suite de ces renseignements, parce que l’Assemblée a jugé à propos d’adopter cette forme. « J’ai l’honneur d’être avec respect. Monsieur le Président, votre, etc. » Rapport envoyé a l’Assemblée nationale par le premier ministre des finances pour demander que la caisse d'escompte soit autorisée à verser pour trente millions de billets au Trésor royal. Le 18 juin 1790. Messieurs, le comité des finances demandera aujourd’hui ou demain à l'Assemblée nationale l’autorisatjon nécessaire pour faire verser au Trésor public un nouveau secours en billets de la caisse d’escompte portant promesse de fournir en remplacement des assignats ; et comme aux diverses époques où de pareilles réquisitions ont été faites, on a montré, dans r Assemblée nationale, une sorte de surprise, je crois convenable de lui présenter à l’avance quelques réflexions sur ce sujet. Le tableau des ressoureset des besoins de l’État, pendant le cours des huit derniers mois de cette année, a fait connaître que la totalité des 400 millions de billets-assignats devenait nécessaire, et pour s’acquitter envers la caisse d’escompte des 170 millions qui lui sont dus, et pour rembourser les anticipations, et pour payer dans le cours de cette année deux semestres des rentes sur l’Hôtel-de-Ville, et Pour satffaire aux dépenses extraordinaires, et pour subvenir enlin à l’excédent des dépenses fixes, sur les revenus fixes, tant que le niveau ne sera pas entièrement rétabli. Si donc les 400 millions de billets-assignats sont indispensables pour satisfaire aux divers besoins de l’année, il est évident que, chaque mois et chaque jour, il faut pouvoir disposer d’une portion de ces billets, et tant qu’ils ne sont pas faits on se trouve dans la nécessité d’y suppléer par des promesses d’en fournir, Ce n’est donc pas un prêt qui a été demandé à la caisse d’escompte, lorsqu’à trois reprises différentes elle a été autorisée par vos décrets à délivrer chaque fois, au Trésor public, pour vingt millions de pareilles promesses ; elle n’est intervenue dans cette affaire que par sa signature, et l’on a préféré la sienne à toute autre, parce qu’elle était plus connue. Ces promesses de la caisse d’escompte, une fois considérées comme les assignats mêmes, la demande qui vous en est faite, au nom du Trésor public, ne paraîtrait susceptible d’objections, qu’autant que cette demande surpasserait les besoins réels, ou du mois, ou de la semaine, selon que vous jugeriez à propos de diviser la délivraison de ces promesses -, or, votre comité des finances est en état de vous éclairer parfaitement sur ce point, puisque toutes les semaines il reçoit le bordereau des recettes et des dépenses du Trésor public. L’Assemblée nationale peut, d’ailleurs, juger elle-même, par un compte d’application bien simple, qu’une demande chaque mois de 20 à 30 millions d’assignats est parfaitement naturelle. Il fallait, selon l’état spéculatif des recettes et des dépenses des huit derniers mois de cette année, 380 millions d’assignats pour établir T équilibre entre les unes et les autres. Déduisant de celte somme 170 millions destinés à l’acquittement de la créance de la caisse d’escompte, Reste à disposer, pour les autres besoins du Trésor public, 210 millions. Laquelle somme, divisée par huit mois, à commencer du 1er mai dernier, fait 26,250 livres par mois. Or, depuis cette époque du 1er mai, jusqu’à ce jour, il y a eu 40 millions de ces promesses d’assignats remis au Trésor public, ce qui n’excède pas la proportion de 26 millions par mois. Cependant, il ne serait pas extraordinaire que le Trésor public eût besoin d’une plusiforte somme d’assignats dans ces premiers mois que dans les derniers de l’année ; car, ni les recettes ni les dépenses ne sont partagées également entre tous ces mois. Les dépenses ne le sont pas parce qu’on ne se ressentira que successivement des économies déterminées par vos décrets ; les recettes ne le sont pas non plus, parce que, dans cet instant, il n’y a qu’une très modique somme versée au Trésor public pour la contribution patriotique, et parce que les recouvrements de l’imposition destinée au remplacement de la gabelle, des droits sur les cuirs, sur l’amidon, les huiles et les fers, ne peuvent être mis en action qu’au moment ou vous aurez fixé la répartition de cette imposition entre les divers départements ; ce qui n’est pas encore effectué. Lors de la dernière demande de 20 millions, qui vous a été faite pour le secours du Trésor public, l’Assemblée nationale a paru croire que la cause de ce besoin provenait, en grande partie, du retard de paiement des impositions directes, et vous avez décrété que les receveurs des tailles vous adresseraient le bordereau de leurs recouvrements. Permettez-moi de vous observer, Messieurs, que le retard du paiement des impositions directes ne fait point partie des besoins de cette année ; car on a passé les impositions en plein dans l’aperçu de finance qui vous a été présenté pour les huit derniers mois de l’année, et l’on a dû le faire, puisque les receveurs généraux, à peu d’exceptions près, ont satisfait jusqu’à présent aux engagements qu’ils avaient pris avec le Trésor public pour le paiement, à tant par mois, du montant de la taille, des vingtièmes et de la capitation. Les besoins d’un secours extraordinaire en assignats, pour les huit derniers mois de l’année, dérive donc de toute autre cause ; et pour vous montrer cette vérité d’un coup d’œil, il me suffira de citer quatre articles qui, à eux seuls, indiquent un besoin extraordinaire de 32 millions par mois. Ces quatre articles sont : Les anticipations à rembourser, objet par mois de près de 11 millions, Les autres dépenses extraordinaires, composées de plusieurs articles détaillés dans le tableau spéculatif des huit derniers mois de cette année, forment, par mois, un objet de 7 millions. Le fonds, applicable aux rentes sur l’Hôtel-de-Ville pour l’acquit de deux semestres d’ici à la fin de l’année, occasionnera, par mois, une dépense extraordinaire d’environ sept millions . La diminution du produit des impôts indirects , compte fait des recouvrements à espérer cette anDée de l’imposition établie en remplacement de la gabelle, du droit sur les cuirs, etc., forme un vide, par mois, d’environ 7 millions. Il n’y a, pour suppléer à ces divers besoins extraordinaires, en articles remarquables, que les assignats et la contribution patriotique ; mais le produit de cette dernière ressource ne peut être