44 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE des trahisons; votre Comité si justement appelé de salut public, a découvert tous les complots qui devaient anéantir la liberté et l’unité de la République; continuez toujours et votre gloire sera immortelle. Quant à nous placés aux pieds de la Montagne, nous serons inébranlables comme elle; nous avons été presque les derniers de la République à apprendre les dangers qu’ont couru la chose publique et la Convention nationale. Nous ne pouvons qu’applaudir aux mesures vigoureuses que vous avez prises. Continuez, Législateurs, ces mesures révolutionnaires et salutaires; le peuple français, fort de votre exemple, se soutiendra à la hauteur des circonstances. Nous renouvelons le serment de nous conduire comme à la fameuse affaire de Peyres-tortes à laquelle nous fîmes 64 prisonniers, parmi lesquels étaient 7 officiers. Nous vous faisons part que nous avons étably un atelier de salpêtre qui est en activité, et que la Société a fait un don civique de 400 livres pour un volontaire qui se distinguera à l’armée des Pyrénées-Orientales, lequel sera décerné au choix des représentans du peuple et du général en chef de cette armée. Vive le Peuple, vive la Convention nationale, vive la Montagne. » Pastèque, Raymond Batlle, Garrigo, François Baille [et 24 signatures illisibles]. 13 La Société populaire de Mayenne demande que les célibataires, les prêtres et tous les individus dont l’oisiveté atteste les sentimens antirépublicains, soient exclus de toute fonction publique. Mention honorable, insertion au bulletin (1). 14 Un secrétaire lit le procès-verbal de la séance du 13, la rédaction en est adopté (2). 15 LECOINTRE (de Versailles) : Citoyens, vous avez décrété la levée d’un cheval de trait sur 25 existant dans chaque canton, payable d’après estimation, sans que le prix puisse excéder 900 liv., qui est le maximum des chevaux de cette classe achetés pour le compte de la République. Cette levée, nécessitée par les circonstances, vient de réveiller l’avidité des marchands de chevaux, au point qu’un laboureur auquel on a ainsi retiré un cheval, obligé de le remplacer sur-le-champ pour subvenir à ses travaux, ne peut y parvenir à moins de 1,500 à 3,000 liv. pour un cheval de quatre pieds six pouces à cinq pieds; quelques-uns même ont été portés à 4,000 liv. (1) P.-V., XXXVI, 309. Bin, 15 flor. (1er suppT); J. Sablier, n° 1298. (2) P.-V., XXXVI, 309. Les laboureurs aisés peuvent encore supporter ce prix excessif; mais le petit cultivateur se trouve hors d’état de remplacer le cheval qu’il cède au besoin de la République, qu’on ne lui paie que 900 liv., n’ayant pas 2 à 4,000 liv. en réserve. Une première réquisition, citoyens, avait déjà été faite, il y a environ cinq mois; les chevaux qui y étaient sujets ont été estimés à leur valeur, au cours du moment; beaucoup ont été portés de 1,200 à 2,000 liv. Les bordereaux d’estimation ont été délivrés; mais la loi a paru avant le payement; une nouvelle estimation a eu lieu au prorata du maximum de 900 liv.; de sorte que des chevaux estimés 1,200 liv. ont été réduits à 600 livres, etc. Les laboureurs se sont d’abord procuré des chevaux de remplacement à un prix excessif; mais la réquisition aujourd’hui étant fixée à 900 liv., beaucoup d’entre eux sont hors d’état de supporter cette seconde perte, et ne peuvent faire leur remplacement, à moins qu’une loi sage et commune pour toute la République ne porte le prix des chevaux à un maximum déterminé. Cependant, comme le prix de 900 liv. m’a paru trop faible pour en faire la base d’une loi générale, eu égard au prix excessif des fourrages et à la perte qui résulterait aux citoyens qui font des élèves, je vous propose de renvoyer mes observations au Comité d’agriculture et de commerce, pour en conférer avec celui de salut public, et de décréter un maximum proportionné à la taille et à l’âge du cheval, d’après les bases suivantes : Tout cheval de trait de l’âge de quatre à sept ans, et de taille de quatre pieds six pouces, mesuré à la potence, ne pourra excéder le prix de 500 liv.; celui ou celle de quatre pieds sept pouces, 600 liv.; celui ou celle de quatre pieds huit pouces, 700 liv.; idem de quatre pieds neuf pouces, 800 liv.; idem de quatre pieds dix pouces, 850 liv.; idem de quatre pieds onze pouces, 1,100 liv.; idem de cinq pieds, 1,250 liv.; idem de cinq pieds un pouce, 1,450 liv.; idem de cinq pieds deux pouces, 1,600 liv. Vous voyez, citoyens, que le prix n’est pas fixé pour les chevaux d’un âge au-dessus de sept ans, parce que leur prix doit être nécessairement inférieur au maximum porté pour les jeunes de chaque espèce. Je ne parle pas non plus des chevaux au-dessous de la taille de quatre pieds six pouces, non plus que de ceux au-dessus de cinq pieds deux pouces, parce qu’ils sont d’un usage peu ordinaire; ils suivront nécessairement le prix proportionné aux autres. Je vous propose le décret suivant [adopté comme suit] (1) : « La Convention nationale renvoie à ses Comités d’agriculture et de commerce, qui se concerteront avec le Comité de salut public, la proposition de l’un de ses membres, tendante à fixer un maximum au prix des chevaux de (1) Mon., XX, 387; Débats, n° 592, p. 179; Ann. R.F., n° 157; Mess, soir, n° 625; Rép., n° 136; J. Perlet, n° 591; Aud. nat., n° 589; M.U., XXXIX, 251; J. Mont., n° 173; J. Paris, n° 490; Feuille Rép., n° 306; J. Sablier, n° 1299; J. Matin, n° 681; J. Fr., n° 588. 44 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE des trahisons; votre Comité si justement appelé de salut public, a découvert tous les complots qui devaient anéantir la liberté et l’unité de la République; continuez toujours et votre gloire sera immortelle. Quant à nous placés aux pieds de la Montagne, nous serons inébranlables comme elle; nous avons été presque les derniers de la République à apprendre les dangers qu’ont couru la chose publique et la Convention nationale. Nous ne pouvons qu’applaudir aux mesures vigoureuses que vous avez prises. Continuez, Législateurs, ces mesures révolutionnaires et salutaires; le peuple français, fort de votre exemple, se soutiendra à la hauteur des circonstances. Nous renouvelons le serment de nous conduire comme à la fameuse affaire de Peyres-tortes à laquelle nous fîmes 64 prisonniers, parmi lesquels étaient 7 officiers. Nous vous faisons part que nous avons étably un atelier de salpêtre qui est en activité, et que la Société a fait un don civique de 400 livres pour un volontaire qui se distinguera à l’armée des Pyrénées-Orientales, lequel sera décerné au choix des représentans du peuple et du général en chef de cette armée. Vive le Peuple, vive la Convention nationale, vive la Montagne. » Pastèque, Raymond Batlle, Garrigo, François Baille [et 24 signatures illisibles]. 13 La Société populaire de Mayenne demande que les célibataires, les prêtres et tous les individus dont l’oisiveté atteste les sentimens antirépublicains, soient exclus de toute fonction publique. Mention honorable, insertion au bulletin (1). 14 Un secrétaire lit le procès-verbal de la séance du 13, la rédaction en est adopté (2). 15 LECOINTRE (de Versailles) : Citoyens, vous avez décrété la levée d’un cheval de trait sur 25 existant dans chaque canton, payable d’après estimation, sans que le prix puisse excéder 900 liv., qui est le maximum des chevaux de cette classe achetés pour le compte de la République. Cette levée, nécessitée par les circonstances, vient de réveiller l’avidité des marchands de chevaux, au point qu’un laboureur auquel on a ainsi retiré un cheval, obligé de le remplacer sur-le-champ pour subvenir à ses travaux, ne peut y parvenir à moins de 1,500 à 3,000 liv. pour un cheval de quatre pieds six pouces à cinq pieds; quelques-uns même ont été portés à 4,000 liv. (1) P.-V., XXXVI, 309. Bin, 15 flor. (1er suppT); J. Sablier, n° 1298. (2) P.-V., XXXVI, 309. Les laboureurs aisés peuvent encore supporter ce prix excessif; mais le petit cultivateur se trouve hors d’état de remplacer le cheval qu’il cède au besoin de la République, qu’on ne lui paie que 900 liv., n’ayant pas 2 à 4,000 liv. en réserve. Une première réquisition, citoyens, avait déjà été faite, il y a environ cinq mois; les chevaux qui y étaient sujets ont été estimés à leur valeur, au cours du moment; beaucoup ont été portés de 1,200 à 2,000 liv. Les bordereaux d’estimation ont été délivrés; mais la loi a paru avant le payement; une nouvelle estimation a eu lieu au prorata du maximum de 900 liv.; de sorte que des chevaux estimés 1,200 liv. ont été réduits à 600 livres, etc. Les laboureurs se sont d’abord procuré des chevaux de remplacement à un prix excessif; mais la réquisition aujourd’hui étant fixée à 900 liv., beaucoup d’entre eux sont hors d’état de supporter cette seconde perte, et ne peuvent faire leur remplacement, à moins qu’une loi sage et commune pour toute la République ne porte le prix des chevaux à un maximum déterminé. Cependant, comme le prix de 900 liv. m’a paru trop faible pour en faire la base d’une loi générale, eu égard au prix excessif des fourrages et à la perte qui résulterait aux citoyens qui font des élèves, je vous propose de renvoyer mes observations au Comité d’agriculture et de commerce, pour en conférer avec celui de salut public, et de décréter un maximum proportionné à la taille et à l’âge du cheval, d’après les bases suivantes : Tout cheval de trait de l’âge de quatre à sept ans, et de taille de quatre pieds six pouces, mesuré à la potence, ne pourra excéder le prix de 500 liv.; celui ou celle de quatre pieds sept pouces, 600 liv.; celui ou celle de quatre pieds huit pouces, 700 liv.; idem de quatre pieds neuf pouces, 800 liv.; idem de quatre pieds dix pouces, 850 liv.; idem de quatre pieds onze pouces, 1,100 liv.; idem de cinq pieds, 1,250 liv.; idem de cinq pieds un pouce, 1,450 liv.; idem de cinq pieds deux pouces, 1,600 liv. Vous voyez, citoyens, que le prix n’est pas fixé pour les chevaux d’un âge au-dessus de sept ans, parce que leur prix doit être nécessairement inférieur au maximum porté pour les jeunes de chaque espèce. Je ne parle pas non plus des chevaux au-dessous de la taille de quatre pieds six pouces, non plus que de ceux au-dessus de cinq pieds deux pouces, parce qu’ils sont d’un usage peu ordinaire; ils suivront nécessairement le prix proportionné aux autres. Je vous propose le décret suivant [adopté comme suit] (1) : « La Convention nationale renvoie à ses Comités d’agriculture et de commerce, qui se concerteront avec le Comité de salut public, la proposition de l’un de ses membres, tendante à fixer un maximum au prix des chevaux de (1) Mon., XX, 387; Débats, n° 592, p. 179; Ann. R.F., n° 157; Mess, soir, n° 625; Rép., n° 136; J. Perlet, n° 591; Aud. nat., n° 589; M.U., XXXIX, 251; J. Mont., n° 173; J. Paris, n° 490; Feuille Rép., n° 306; J. Sablier, n° 1299; J. Matin, n° 681; J. Fr., n° 588. SÉANCE DU 15 FLORÉAL AN II (4 MAI 1794) - N° 16 45 trait, pour toute l’étendue de la République, proportionné à leur taille et à leur âge; les charge d’en faire un rapport sous trois jours» (1). 16 « Un membre [BOISSET] lit un discours sur les avantages qui résulteroient de l’établissement d’un jardin de botanique dans chaque département, et présente ses vues sur la manière dont ces établissements pourroient être organisés pour l’utilité et pour l’instruction (2). BOISSET : Parmi les avantages que l’établissement des jardins botaniques dans les départements doit procurer à la nation, on doit compter ceux-ci : 1° D’inspirer le goût et en même temps de faciliter les moyens d’étudier une de plus belles et des plus utiles parties de l’histoire naturelle. Comme science cette étude a l’avantage sur les autres d’exercer le corps, de délasser l’esprit, et de rendre les hommes meilleurs en les rapprochant davantage de la nature; comme le but d’utilité immédiate, la botanique offre des ressources multiples dans plusieurs genres; elle offre à l’agriculture des moyens de fertiliser des terrains regardés comme stériles, à la médecine les médicaments les plus propres à soulager les maux de l’humanité, au commerce et aux arts des productions de première nécessité; enfin elle procure à l’homme la plus grande partie de sa nourriture et des jouissances toujours nouvelles. 2° De multiplier tous les végétaux qui peuvent être utiles à la nourriture des hommes, à celle des animaux domestiques, à la filature, à la teinture et aux autres arts. On sentira toute l’importance de cet objet si l’on fait réflexion que les cultivateurs lisent peu; ayant été souvent trompés par des agriculteurs de cabinet, ils se méfient, non sans quelque raison, de toutes les recettes et de toutes les annonces imprimées qui leur parviennent. La plupart d’ailleurs, étant peu fortunés, ne peuvent hasarder aucune expérience nouvelle, et, livrés à une routine héréditaire, ils ne se déterminent jamais à l’abandonner que lorsqu’ils voient de leurs propres yeux et pendant plusieurs années le succès d’une nouvelle culture et le produit avantageux qu’on en retire. Cela est si vrai que dans quelques départements la culture du sainfoin et de la luzerne est inconnue, quoiqu’il soit démontré à tous les fermiers instruits qu’un arpent de terre occupé par ces fourrages est plus profitable que dix autres arpents en mauvais prés. Il en est de même de la culture des racines comestibles, qui, en fertilisant les terres, fournissent en abondance des aliments pour les animaux et pour les hommes. Les tumeps, les navets et surtout les pommes de terre sont dans ce cas, malgré les soins que se sont donnés les agriculteurs pour introduire ces cultures dans toutes les parties de la République. 3° De répandre dans les différentes parties de chaque département et parmi les agriculteurs intelligents et laborieux les végétaux qui n’ont (1) P.-V., XXXVI, 309. Minute de la main de Lecointre (C 301, pi. 1070, p. 2). Décret n° 9019. (2) P.-V., XXXVI, 310. point encore été cultivés en grand dans leur arrondissement, et qui cependant peuvent y être utiles et contribuer aux progrès de l’agriculture. Les graines, les jeunes plants, les marcottes et les greffes que pourront fournir chaque année ces différents jardins, distribués avec discernement, répandront bientôt le goût et les moyens d’établir de nouvelles cultures aussi profitables aux particuliers qu’à la République. Dans les trois considérations qui viennent d’être exposées il n’est question que de faire connaître, de multiplier et de répandre les productions déjà cultivées dans les différentes parties de l’Europe, lesquelles, circonscrites pour la plupart de certains cantons, sont inconnues dans d’autres ou n’y snt pas traitées assez en grand; et sous ce point de vue l’établissement des jardins botaniques dans les départements devient déjà très-intéressant. Mais il est un avantage beaucoup plus important qui doit résulter de cet établissement : c’est celui de pouvoir naturaliser les végétaux utiles des autres parties du monde. On verra par la liste ci-jointe, toute incomplète qu’elle est, combien il nous reste de productions intéressantes à cultiver et combien de nouvelles richesses nous pouvons acquérir. Si l’on objectait que c’est courir après des chimères que de vouloir naturaliser chez nous des végétaux de pays si éloignés et de climats si différents nous répondrions par des faits qui sont à la connaissance d’un grand nombre de naturalistes; nous dirions que la nature n’a donné au climat de la France que des légumes fades, des fruits insipides et des fleurs de peu d’agrément; que presque tout que ce nous possédons nous vient des pays étrangers. C’est l’Asie qui nous a fourni les meilleures espèces de pois, les haricots, les lentilles, les melons; n’oublions pas de dire que c’est d’Asie que nous vient la luzerne. L’Amérique nous a donné la pomme de terre, dont nous ne connaissons pas encore assez le prix; c’est d’Asie et d’Afrique que nous avons tiré une grande partie de nos arbres fruitiers, tels que le cerisier, l’abricotier, le pêcher, le figuier, l’amandier, l’oranger, le grenadier, le mûrier, l’olivier, etc. A peine le sol de la France nous a fourni quatre-vingt-six espèces d’arbres, et nous en possédons dans ce moment plus de deux cent cinquante espèces différentes, dont un grand nombre est assez acclimaté pour meubler nos campagnes, border nos grandes routes, décorer nos jardins et nous procurer les moyens d’employer utilement des terrains abandonnés depuis longtemps comme stériles. La plupart de ces arbres fourniront des bois propres à la charpente civile et navale, quelques-uns à la marqueterie, au tour et à la teinture, d’autres moins précieux, mais également utiles, serviront au chauffage. Si des arbres nous passons aux fleurs, nous en trouverons une multitude qui n’appartiennent point à notre climat; les hyacinthes, les anémones, les renoncules, les semi-doubles, les tubéreuses, les lilas, les roses, et une grande quantité d’autres qui font l’ornement de nos jardins et le charme de l’odorat, sont autant de présents que nous ont faits les diverses parties du monde et que la culture, en les perfectionnant, a rendus propres à notre sol. C’est aux Phéniciens que nous devons nos premières richesses en ce genre, comme nous leur devons l’art de peindre la parole; ces peu-SÉANCE DU 15 FLORÉAL AN II (4 MAI 1794) - N° 16 45 trait, pour toute l’étendue de la République, proportionné à leur taille et à leur âge; les charge d’en faire un rapport sous trois jours» (1). 16 « Un membre [BOISSET] lit un discours sur les avantages qui résulteroient de l’établissement d’un jardin de botanique dans chaque département, et présente ses vues sur la manière dont ces établissements pourroient être organisés pour l’utilité et pour l’instruction (2). BOISSET : Parmi les avantages que l’établissement des jardins botaniques dans les départements doit procurer à la nation, on doit compter ceux-ci : 1° D’inspirer le goût et en même temps de faciliter les moyens d’étudier une de plus belles et des plus utiles parties de l’histoire naturelle. Comme science cette étude a l’avantage sur les autres d’exercer le corps, de délasser l’esprit, et de rendre les hommes meilleurs en les rapprochant davantage de la nature; comme le but d’utilité immédiate, la botanique offre des ressources multiples dans plusieurs genres; elle offre à l’agriculture des moyens de fertiliser des terrains regardés comme stériles, à la médecine les médicaments les plus propres à soulager les maux de l’humanité, au commerce et aux arts des productions de première nécessité; enfin elle procure à l’homme la plus grande partie de sa nourriture et des jouissances toujours nouvelles. 2° De multiplier tous les végétaux qui peuvent être utiles à la nourriture des hommes, à celle des animaux domestiques, à la filature, à la teinture et aux autres arts. On sentira toute l’importance de cet objet si l’on fait réflexion que les cultivateurs lisent peu; ayant été souvent trompés par des agriculteurs de cabinet, ils se méfient, non sans quelque raison, de toutes les recettes et de toutes les annonces imprimées qui leur parviennent. La plupart d’ailleurs, étant peu fortunés, ne peuvent hasarder aucune expérience nouvelle, et, livrés à une routine héréditaire, ils ne se déterminent jamais à l’abandonner que lorsqu’ils voient de leurs propres yeux et pendant plusieurs années le succès d’une nouvelle culture et le produit avantageux qu’on en retire. Cela est si vrai que dans quelques départements la culture du sainfoin et de la luzerne est inconnue, quoiqu’il soit démontré à tous les fermiers instruits qu’un arpent de terre occupé par ces fourrages est plus profitable que dix autres arpents en mauvais prés. Il en est de même de la culture des racines comestibles, qui, en fertilisant les terres, fournissent en abondance des aliments pour les animaux et pour les hommes. Les tumeps, les navets et surtout les pommes de terre sont dans ce cas, malgré les soins que se sont donnés les agriculteurs pour introduire ces cultures dans toutes les parties de la République. 3° De répandre dans les différentes parties de chaque département et parmi les agriculteurs intelligents et laborieux les végétaux qui n’ont (1) P.-V., XXXVI, 309. Minute de la main de Lecointre (C 301, pi. 1070, p. 2). Décret n° 9019. (2) P.-V., XXXVI, 310. point encore été cultivés en grand dans leur arrondissement, et qui cependant peuvent y être utiles et contribuer aux progrès de l’agriculture. Les graines, les jeunes plants, les marcottes et les greffes que pourront fournir chaque année ces différents jardins, distribués avec discernement, répandront bientôt le goût et les moyens d’établir de nouvelles cultures aussi profitables aux particuliers qu’à la République. Dans les trois considérations qui viennent d’être exposées il n’est question que de faire connaître, de multiplier et de répandre les productions déjà cultivées dans les différentes parties de l’Europe, lesquelles, circonscrites pour la plupart de certains cantons, sont inconnues dans d’autres ou n’y snt pas traitées assez en grand; et sous ce point de vue l’établissement des jardins botaniques dans les départements devient déjà très-intéressant. Mais il est un avantage beaucoup plus important qui doit résulter de cet établissement : c’est celui de pouvoir naturaliser les végétaux utiles des autres parties du monde. On verra par la liste ci-jointe, toute incomplète qu’elle est, combien il nous reste de productions intéressantes à cultiver et combien de nouvelles richesses nous pouvons acquérir. Si l’on objectait que c’est courir après des chimères que de vouloir naturaliser chez nous des végétaux de pays si éloignés et de climats si différents nous répondrions par des faits qui sont à la connaissance d’un grand nombre de naturalistes; nous dirions que la nature n’a donné au climat de la France que des légumes fades, des fruits insipides et des fleurs de peu d’agrément; que presque tout que ce nous possédons nous vient des pays étrangers. C’est l’Asie qui nous a fourni les meilleures espèces de pois, les haricots, les lentilles, les melons; n’oublions pas de dire que c’est d’Asie que nous vient la luzerne. L’Amérique nous a donné la pomme de terre, dont nous ne connaissons pas encore assez le prix; c’est d’Asie et d’Afrique que nous avons tiré une grande partie de nos arbres fruitiers, tels que le cerisier, l’abricotier, le pêcher, le figuier, l’amandier, l’oranger, le grenadier, le mûrier, l’olivier, etc. A peine le sol de la France nous a fourni quatre-vingt-six espèces d’arbres, et nous en possédons dans ce moment plus de deux cent cinquante espèces différentes, dont un grand nombre est assez acclimaté pour meubler nos campagnes, border nos grandes routes, décorer nos jardins et nous procurer les moyens d’employer utilement des terrains abandonnés depuis longtemps comme stériles. La plupart de ces arbres fourniront des bois propres à la charpente civile et navale, quelques-uns à la marqueterie, au tour et à la teinture, d’autres moins précieux, mais également utiles, serviront au chauffage. Si des arbres nous passons aux fleurs, nous en trouverons une multitude qui n’appartiennent point à notre climat; les hyacinthes, les anémones, les renoncules, les semi-doubles, les tubéreuses, les lilas, les roses, et une grande quantité d’autres qui font l’ornement de nos jardins et le charme de l’odorat, sont autant de présents que nous ont faits les diverses parties du monde et que la culture, en les perfectionnant, a rendus propres à notre sol. C’est aux Phéniciens que nous devons nos premières richesses en ce genre, comme nous leur devons l’art de peindre la parole; ces peu-