[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. perts, dans le moindre délai possible ; « 4° Que l’aliénation desdits biens sera faite aux clauses et conditions contenues dans le plan présenté par ladite municipalité de Paris, qui seraient définitivement adoptées ; et, en outre, à la charge offerte par elle de transpor ter au susdit prix de l’estimation, telle portion desdits biens qui pourrait convenir aux autres municipalités, aux mômes clauses et conditions accordées à celle de la capitale ; « 5° Que nonobstant le terme de 15 années portées dans le plan de la municipalité de Paris, les commissaires de l’Assemblée nationale s’occuperont des moyens de rapprocher, le plus tôt possible, les échéances de remboursement de la liquidation générale ; et, pour y parvenir plus efficacement, ordonne que, sous l’inspection desdits commissaires, lesdites municipalités seront tenues de mettre sans retard lesdits biens en vente au plus offrant et dernier enchérisseur, dans les délais prescrits, dès le moment qu’il se présentera quelque acquéreur qui portera lesdits biens au prix fixé par l’estimation des experts. » Pendant la lecture du rapport , des manifestations diverses se produisent. Les expressions relatives à la prise de la Bastille, à l'influence des citoyens de Paris sur la Révolution, etc., excitent des murmures de la part des membres de la droite , tandis que le côté opposé et les tribunes applaudissent vivement. L’Assemblée ordonne l’impression et la distribution à domicile du rapport de M. le comte de Lablache. M. Bailly, membre de l'Assemblée , maire de Paris , demande la parole: l’ayant obtenu, il dit (l) : Messieurs, on a dit dans Paris, que la municipalité avait demandé un bénéfice de 50 millions, sur les 200 millions de biens du clergé, destinés à être vendus, ce qui est bien loin d'être exact. On a dit que le service que nous proposions de rendre à la nation était intéressé. Je demande qu’il me soit permis de justifier la ville de Paris, non comme maire de la ville, qui n’est point censé présent à yotre délibération, mais comme un de ses députés à l’Assemblée nationale. Lorsque les commissaires du bureau de la ville, dans le plan qu’ils ont soumis à l’Assemblée, ont proposé qu’après l’abandon de 200 millions de biens du clergé, et sur le produit de leur vente, on leur allouât le quart des bénéfices au-dessus de 150 millions, ce qui peut être estimé à 12 millions; cette demande, non approfondie, a pu paraître intéressée. Mais, Messieurs, les généreux citoyens qui ont pris les armes le 13 juillet, forcé la Bastille le 14, et qui depuis vous ont défendus, ne sont point devenus tout à coup des gens intéressés et avides. Si nous avons stipulé des avantages pour la ville de Paris, nous n’avons pas prétendu qu’ils dussent être attribués à elle seule; cette grande opération est générale, les avantages doivent être communs à toutes les municipalités ; en proposant le projet, nous avons dû proposer la stipulation. Mais, Messieurs, la stipulation de ce bénéfice a des fondements légitimes, et une cause qui est faite pour vous toucher. Cette cause est la nécessité de soulager Paris, de sauver les généreux citoyens qui nous ont tous sauvés. Il faut le dire, Messieurs, et vous êtes trop justes vous-mêmes pour le désavouer ; c’est (1) Le discours de M. Bailly est incomplet au Moniteur. [16 mars 1790. J Paris qui a fait la révolution ; c’est Paris qui a as* suré la Révolution (murmures h droite ); et cependant tout le poids, tous les maux de la Révolution pèsent sur Paris. Si vous suspendez les pensions, les pensionnaires sont à Paris; si les paiements de l’hôtel-de-ville sont retardés, les trois quarts des rentiers sont à Paris; tous les gens riches, qui ont craint et fui les troubles, sont sortis de Paris ; et dans cette ville, où une grande consommation et un luxe producteur fait vivre un grand peuple, tout languit, tout est prêt à périr, lorsque cétte consommation diminue, lorsque le commerce est interrompu, lorsque le travail manque. On est obligé aujourd’hui de pourvoir à la subsistance d’une multitude d’ouvriers ; c’est la bonté du roi et ses dons qui les font vivre. Paris a reçu les bienfaits du roi; les vôtres, Messieurs, que vous m’avez généreusement adressés ; ceux des députés de Paris, dès le commencement de la Révolution; aujourd’hui, ceux des districts et de ce qui reste d’habitants aisés. Je ne crains pas de le dire, depuis six mois le peuple de Paris ne vit que d’aumônes, et cet aveu ne coûte rien au maire de la ville ; car si le peuple y est réduit, c’est pour la cause de la liberté. Ici, tout a été fait pour elle, Si la ville a fait de grandes dépenses, si elle a contracté des engagements qu’elle doit tenir, c’est que, d’une part, il a fallu nourrir ce peuple que l’humanité devait secourir, et dont le désespoir aurait pu tout perdre; c’est que, de l’autre, il a fallu armer la milice qui vous a défendus et qui assurait votre liberté. C'est donc pour vous et pour la chose publique, que la ville a fait ces dépenses et contracté ces engagements. Et la ville n’est point intéressée, quand elle demande à la nation de l’aider à les remplir. Messieurs! les maux dont nous gémissons, ne seront pas facilement guéris, les plaies en saigneront longtemps; le commerce, les arts, les travaux, uu équilibre nécessaire ne se rétablira, ni en un jour, ni dans une année. Vous jouirez des fruits de la Révolution, que Paris en ressentira encore les suites. Ce n’est pas pour un vain embellissement ; ce n’e.st pas pour des commodités locales dont on peut se passer, que nous vous avons demandé une part du produit éventuel des ventes, qui pût être employée à des travaux d’utilité publique. C’est pour faire vivre ces ouvriers, c’est pour les secourir, lorsque toutes les dépenses étant réglées et classées, la bienfaisance du ouvernement n’aura plus, dans les cas extraor-inaires, les mêmes moyens pour venir à leur secours. Dans une ville immense comme Paris, les besoins se renouvellent, et ils sont toujours grands et pressants. Les officiers municipaux, qui sont les pères de ce peuple, ont dû songer à lui. Ils ont dû prévoir que les maux que Paris a soufferts ne peuvent pas être promptement réparés. Le commerce interrompu ne se rétablit pas tout à coup; les travaux manqueront longtemps. Sans doute la capitale, sans être toujours aussi peuplée, redeviendra florissante; c’est sa destinée, et rien n® peut la changer. Mais il y a un intervalle â franchir ; nous prévoyons les maux dont nous serons témoins, les larmes que nous aurons à essuyer ; nous allons être abandonnés à nous-mêmes, il faut que nous trouvions tout dans notre sein. Nous avons dû demander des ressources à l’Assemblée nationale où sont les pères d’un grand peuple, et où la ville de Paris doit avoir de généreux protecteurs. Le plan que nous proposons, va sauver la nation; nous demandons qu’il sauve aussi la ville de Paris de tous les maux présents