[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 janvier 1791.] 193 M. de Clermont d’Esclaihes demande un congé de quinze jours qui lui est accordé par l’Assemblée. M. Ramel-üogaret. Le district de Montpellier a commencé l'adjudication des biens nationaux ; en voici l’état : Un domaine estimé 4,000 livres adjugé 10,000 livres; un autre estimé 38,000 livres vendu 55,000 livres ; un autre estimé 38,000 livres adjugé 54,000 livres; un autre estimé 52,000 livres adjugé 132,000 livres; un autre estimé 16,000 livres adjugé 33,000 livres ; un autre estimé 28,000 livres adjugé 45,000 livres; un autre estimé 29,000 livres adjugé 50,000 livres. (On applaudit.) Vous voyez que nos espérances ne sont point frustrées. La foule est immense; les uns se présentent pour acquérir, les autres pour applaudir ceux qui acquièrent. De cette manière nous verrons bientôt attaché à la Révolution ce qui n’est pas digne de lui appartenir par des moyens plus purs. M. Bégouen. Je demande à l’Assemblée qu’elle veuille bien accorderquelquesminutes d’audience ce soir à la barre aux officiers marins invalides. Je sais que c’est une exception à votre décret qui défend de recevoir de telles députations; mais cet exemple sera sans danger : personne ne pourra vous présenter des titres semblables à ceux de ces vieux serviteurs mutilés au service de la patrie. (Cette motion est adoptée.) . L’ordre du jour est un rapport du comité de marine sur V organisation de la marine militaire. M. deChampagny, rapporteur (1). Messieurs, le comité de la marine me charge de vous présenter le plan qu’il a tracé de l’organisation militaire de la marine. Plein de l’importance de ce sujet, et placé entre la nécessité de développer avec une certaine clarté des vues absolument neuves, et l’obligation de ménager votre temps, toujours si précieux, je ne me jeterai point dans les épisodes brillants auxquels le sujet semble m’inviter; je ne vous ferai point l’historique de la marine française; je ne vous dirai point ce que sont actuellement les autres marines de l’Europe. Dans tous ses travaux, l’Assemblée nationale a moins cherché ce qui a été que ce qui doit être. Pénétré de ces principes, le comité de la marine a suivi son exemple. Il a cherché d’abord quelle serait la meilleure composition d’une marine militaire; il en a tracé le plan, sans égard à son état actuel, et abstraction faite des difficultés de l’exécution. C’est ce plan que je suis chargé de vous présenter; les moyens d’exécution à employer pour y ramener la marine actuelle seront l’objet d’un autre rapport qui vous sera incessamment présenté. Nécessité d'une marine militaire . La nécessité d’une marine militaire est généralement reconnue. Jusqu’à l’époque, malheureusement très reculée encore, où les peuples de l’Europe, revenus de ce féroce amour de la guerre, qui semble être une maladie de l’espèce humaine, auront reconnu que la guerre est le plus grand des maux, même pour le pays à qui elle semble procurer le plus d’avantages, et qu’ils seront convenus de terminer de tout autre manière (!) Ce-rapport n’a pas été iui>ore au Moniteur. lre Sékie, T. XXII. leurs querelles, sans cesse renaissantes; jusqu’à ce moment, dis-je, il faudra à des nations maritimes et commerçantes une armée de mer pour protéger leurs côtes, défendre leurs colonies et leur commerce, sources de richesse et d’industrie. Des vaisseaux, et des hommes pour les mouvoir, voilà ce qui compose une marine. Les vaisseaux destinés à servir pendant la guerre doivent être construits et entretenus pendant la paix. Le commerce forme les hommes que la guerre doit employer : il fait des matelots, il fait aussi des officiers. Mais cette pépinière d’officiers dispense-t-elle d’avoir, même pendant la paix, un corps permanent d’officiers militaires destinés principalement à servir pendant la guerre ? Yoilà la seule question sur laquelle on pourrait élever des doutes ; ils seront bientôt résolus. Nécessité d'un corps d'officiers militaires constamment entretenu. Si le service de la marine du commerce et celui de la marine militaire étaient absolument semblables, sans doute que les hommes qui remplissent le premier avec succès seraient également propres à l’autre; mais cette -similitude est loin d’exister. Il est sans doute des choses communes entre ces deux services. Dans l’un et dans l’autre un édifice flottant, frêle production de l’industrie humaine, doit parcourir les mers, lutter contre les tempêtes, éviter les écueils semés sous ses pas; dans l’un et dans l’autre il faut savoir apprécier avec une sorte de certitude une route toujours incertaine, interroger le ciel pour savoir sur quel lieu de la terre on est placé, chercher sous les eaux les indices des terres dont on redoute ou dont on désire le voisinage. Tout est semblable lorsqu’il ne faut que partir, arriver, voyager. A cela en effet se réduit la véritable destination du bâtiment de commerce; mais cela même n’est que l’accessoire de la mission destinée au vaisseau de guerre. Il est armé pour combattre; il traverse les mers pour chercher l’ennemi. C’est dans ces rencontres que se déploie un art nouveau, un art terrible, dont la navigation ordinaire n’offre pas même l’image. La nécessité de combiner ensemble les mouvements toujours irréguliers d’un grand nombre de vaisseaux, de les diriger vers un but commun, de donner à une armée navale, et la force d’un ensemble bien uni, et cette légèreté qui tient à la mobilité des parties qui la composent, a produit la tactique navale, véritable science de la guerre maritime, et qui exige, pour sa parfaite exécution, toutes les ressources de la manœuvre, comme elle suppose, dans celui qui en prescrit les mouvements, ce coup d’œil du génie que la nature prépare, mais qui n’acquiert sa perfection que d’une longue habitude. La guerre maritime est donc un art, et un art différent de celui de la navigation. Une théorie peu difficile en apprend les principes; l’expérience en développe le talent. Il faut donc former des élèves pour cet art malheureusement trop nécessaire ; il faut former pendant la paix ceux qui doivent agir pendant la guerre ; il faut donc un corps militaire entretenu pendant la paix comme pendant la guerre. Mais ce corps doit être peu nombreux pendant la paix, pour être sans cesse exercé; l’objet de son institution sera rempli s’il peut fournir pendant la guerre ceux qui doivent en diriger les opérations, le ■'•iL.ïuo et les principaux officiers de chaque 13