[États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Montreuil-sur-Mer.] 61 Art. 9. C’est un abus de concéder sur les biens ecclésiastiques des pensions à des laïques, et d’en réunir une partie aux économats presque à pure perte, pendant que des ecclésiastiques languissent en supportant tout le poids du travail, et ne peuvent qu’essuyer les larmes des malheureux sans pouvoir les tarir, parce qu’ils sont eux-mêmes dans la misère. Art. 10. C’est un abus qu’il y ait distinction entre des espèces de dîmes, et que toutes sans distinction ne contribuent point aux biens et aux charges de l’Eglise. Art. 11. L’ordre de Malte, qui n’est ni de l’Etat ni dans l’Etat, y possède des biens immenses et jouit de privilèges et exemptions, qui sont des abus encore plus criants. Un privilège révoltant est celui de soustraire à la juridiction ordinaire Jes ecclésiastiques que l’ordre emploie dans ses domaines, d’y conserver l’amovibilité arbitraire de ses ecclésiastiques, d’en régler aussi arbitrairement la pension, et pour en diminuer l’importance, de laisser le titre de secours à cinq ou six églises attachées à une seule paroisse et trop éloignées. Art. 12. 11 doit être enjoint aux archevêques et évêques de procéder sans délai aux suppressions , unions et érections qui seront jug’ées nécessaires pour assurer des pensions honnêtes aux curés, de simplifier les formes de ces opérations pour les accélérer et d’interdire toute opposition et appel comme d’abus. Art. 13. Partout où il y a une église, les besoins du peuple y exigent la résidence d’un prêtre. Art. 14. Chaque église doit être pourvue d’un nombre suffisant d’ecclésiastiques, tant pour l’administration que pour la décence et la solennité d’un service divin. Chaque curé doit dépendre uniquement et exclusivement de l’évêque, chacun doit avoir un logement convenable. Art. 15. En accordant un supplément de pension aux curés, cette pension doit être mesurée dans l’étendue du travail sur le nombre et l’éloignement des habitations, sur l’importance des fieux ; pour les villes, il ne doit pas y avoir de pension au-dessous de 1,500 livres. Cette pension doit être ou une portion de dîme, ou un immeuble, ou réglée sur une denrée nécessaire à la vie; autrement, si elle est fixée invariablement en argent, lorsqu’elle deviendra insuffisante, les curés languiront en réclamant pendant douze ou quinze ans avant que d’obtenir un supplément. L’expérience du passé doit servir de leçon pour l’avenir. Art. 16. Les besoins personnels des vicaires étant les mêmes que ceux des curés, leurs pensions doivent excéder la moitié des portions curiales. Art. 17. Rien de plus intéressant pour l’ordre public et les bonnes mœurs, que l’instruction des enfants. Les habitants ne sont qu’autorisés à se procurer des maîtres d’école, la loi doit les y obliger. Art. 18. Il est d’une égale nécessité de pourvoir de collèges nombre de villes où les sciences sont négligées faute d’enseignement. Art. 19. Il règne dans les villes comme dans les campagnes une corruption de mœurs et un esprit d’irréligion qui mettent le comble à la mesure du scandale. Il est plus nécessaire que jamais d’exécuter avec rigueur toutes les lois de police qui ont pour objet le respect dû à la religion et à la décence due aux mœurs. Art. 20. Les ecclésiastiques du bailliage de Montreuil-sur-Mer, en représentant des abus, en avisant sur les moyens d’y remédier, n’ont point intention de priver personne de son sort et de son état ; la ressource des bénéfices simples ne peut avoir lieu qu’à la mort des titulaires. Art. 21 . Les vallées du pays sont inondées et stérilisées par les embarras "des courses des rivières, causées surtout par les Reyllys. Fait et arrêté cejourd’hui 23 mars 1789, dans rassemblée générale du clergé du bailliage de Montreuil-sur-Mer, et ont avec nous, président, les commissaires, signé, ainsi que le secrétaire : Quemi, président; Havet, Playroult, Rollin, Poultier et Godfroy. Pour copie certifiée véritable, par moi, greffier du bailliage de Montreuil-sur-Mer, soussigné. Signé COMBERTIGUE DE VàRENNES. CAHIER Contenant les très-humbles et très-respectueuses demandes et représentations que fait au Roi l'ordre de la noblesse du bailliage de Montreuil-sur-Mer (1). Sire , Votre Majesté, dans sa lettre pour la convocation des Etats généraux de son royaume, lettre destinée à devenir pour la postérité un monument éternel de sa sagesse, comme elle est pour nous le signe assuré d’une félicité prochaine, Votre Majesté, disons-nous, veut : « qu’il soit apporté le plus promptement possible un remède efficace aux maux de l’Etat, et que les abus de tous genres soient réformés et prévenus par de bons et solides moyens qui assurent la félicité publique ; » et pour y parvenir plus sûrement votre grande prévoyance, Sire, met sous les yeux des électeurs que les hommes d’un esprit sage méritent la préférence pour la députation, « attendu que, par un heureux accord de la morale et de la politique, il est rare que dans les affaires publiques et nationales, les plus honnêtes gens ne soient pas aussi les plus habiles. » Enfin, Sire, Votre Majesté nous enchaîne par les liens sacrés du respect, de la reconnaissance et de la sensibilité en nous assurant qu’elle veut nous conserver le caractère le plus cher à son cœur, celui de conseil et d’ami. Il faut, Sire, être Français pour apprécier par le sentiment la profonde impression qu’un appel de ce genre peut produire sur la nation la plus fidèle et la plus généreuse de l’univers. Les Français pourront donc, Sire, s’approcher sans terreur et sans crainte, avec confiance et liberté, d’un Roi dont les ministres les plus criminels leur avaient caché toute l’excellence, d’un Roi qui, après avoir combattu en faveur de la liberté des peuples d’un autre hémisphère, veut rompre, avec la toute-puissance des seuls mouvements de son cœur, des chaînes qui dégradaient l’essence de la monarchie et le caractère national d’un grand peuple. Sire, Votre Majesté sera satisfaite ; il ne pourrait y avoir que des lâches, indignes d’approcher de votre personne auguste, qui oseraient couvrir les abus que vous demandez à connaître du voile punissable d’une politique artificieuse. C’est beaucoup, Sire, que de posséder le cœur du meilleur des rois ; mais ce n’est pas encore assez pour des sujets aussi fidèles que nous le sommes ; nous prétendons à votre estime, et le jour où nous serons aussi certains de l’une que de l’autre sera l’aurore du règne le plus glorieux (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. 62 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Montreuil-sur-Mer.J qui puisse être consigné dans les annales de votre empire. Vote par tête ou par ordre. Persuadés, Sire, que la méthode la plus certaine pour connaître le vœu des trois ordres est de recueillir les voix par tête, tant dans les assemblées particulières que générales , nous imposons à notre représentant, comme clause impérative, d’opiner aux Etats généraux conformément à ce principe, si toutefois, après avoir préalablement pris connaissance des demandes du clergé et du tiers-état, elles se trouvent conformes aux constitutions de la monarchie, et propres à concilier les prérogatives de chaque classe de citoyens ; voulant, dans le cas contraire, que notre susdit représentant n’accède qu’à la majorité. Abandon de la prérogative pécuniaire. Nous ne pensons pas, Sire, qu’il y ait un seul gentilhomme dans votre royaume qui veuille opposer la prérogative, de la naissance à la juste répartition de l’impôt; mais s’il en existe qui se soient aidés de leur puissance et de leur crédit pour en alléger le poids, Votre Majesté ne les trouvera pas dans la classe de ceux qui passent des dangers de la guerre aux opérations de l’économie rurale, et qui, fiers du sang qu’ils ont versé pour la patrie, viennent lui préparerde nouveaux défenseurs par les secours qu’ils donnent à l’indigence. Prérogatives de chaque ordre. Convaincus qu’il est d’un égal intérêt pour les trois ordres de conserver l’intégrité de la constitution monarchique dans ses rapports généraux, nous déclarons que, voulant prévenir toutes discussions qui pourraient introduire entre nous l’esprit de discorde qu’il faut regarder comme l’ennemi le plus dangereux du bien, notre intention est qu’il ne soit attenté en aucune manière aux prérogatives honorifiques dont chaque ordre jouit individuellement, les deux premiers s’ôtant expliqués précédemment sur leurs accessions à l’égalité dans les charges publiques. Etats provinciaux. Les peuples ne sont malheureux que par les vices de la constitution et l’inobservation des bonnes lois. La nation réunie demandera sans doute à Votre Majesté sa sanction royale pour les règlements qu’auront reçu la sienne, et les provinces dans lesquelles la masse du peuple ne participe en rien à l’administration publique, supplieront instamment Votre Majesté de leur donner une constitution qui leur fasse perdre le souvenir du régime oppressif sous lequel elles vivent aujourd’hui. Votre province de Picardie, Sire, est la plus anciennement unie à la couronne, et la fidélité de ses peuples envers ses rois n’eut jamais de bornes ; elle en attend aujourd’hui la récompense en lui accordant des Etats provinciaux. Par la constitution de toutes les provinces en pays d’Etats, il résultera qu’en un mois de temps au plus, les Etals généraux pourraient être assemblés dans des cas pressants tels qu’une guerre imprévue ou autre cas, parce que, alors, chaque province pourrait envoyer un certain nombre de députés de chaque ordre qui porteraient ses vœux. Il en résulterait que le nombre des députés serait moins grand, la dépense moins considérable et que l’objet serait rempli. Intendants. Les intendants des provinces, Sire, sont des officiers préposés par vous. La plus grande marque de respect que nous puissions donner à Votre Majesté, est de garder le silence sur l’administration. La preuve la moins équivoque de votre tendresse pour vos peuples sera de les soustraire à leur influence, et s’il est une branche de leurs fonctions qu’il soit absolument nécessaire de perpétuer dans leurs personnes, il sera d’une sage politique de les déguiser sous une autre dénomination que celle d’intendant. La dette publique. Convaincus, Sire, que le vœu le plus ardent de Votre Majesté est de voir éteindre successivement la dette publique par un bon régime et de grandes économies, et ne doutant pas que par amour pour votre personne, la nation assemblée ne lui en facilite les moyens, nous consentons à ce que nos représentants, après s’être assurés de son importance, accèdent aux règlements qui passeront à la majorité dans l’assemblée desdits Etats généraux et leur recommandons principalement de seconder les vues patriotiques du ministre actuel de vos finances. V impôt. Comme il est important, Sire, défaire disparaître pour la postérité la plus reculée, un désordre semblable à celui qui existe aujourd’hui dans les finances, et qu’il faut au contraire y établir un régime dont les bases soient inaltérables, et que la corruption ni les abus d’autorité ne puissent pas ébranler dans sés fondements, nous déclarons que notre intention est, sous le bon plaisir de Votre Majesté, que dans aucun cas, sous aucun prétexte et par aucune loi de quelque tribunal ou volonté qu’elles soient émanées, il ne puisse être mis sur les peuples aucun impôt quelconque, autre que ceux qui auront été sanctionnés par les plus prochains Etats généraux, et qu’iceux règlent éventuellement ce qui devra être observé tant pour le fait des finances que pour les différentes branches de l’administration générale, de manière que les abus dont Votre Majesté se plaint avec tant de raison et dont nous portons tout le poids soient remplacés par un nouvel ordre de choses duquel puisse découler le bonheur des peuples, la puissance et la gloire de notre Roi, et principalement que les impôts soient simplifiés, d’une perception claire et facile, et supportés également par l’universalité des citoyens de tout état et de tout ordre. Abonnement de V impôt. Nous demandons, Sire, qu’il soit statué sur la contribution de la province de Picardie d’une manière positive et déterminée, afin qu’il puisse être fait un répartition proportionnelle sur les biens des trois ordres, sans acception d’aucune différence résultant de prérogatives ou d’usages anciens, et que les moyens à employer pour opérer ce travail soient confiés aux Etats provinciaux que nous supplions itérativement Votre Majesté de nous accorder. Dépenses de la maison du Roi. Nous prions Votre Majesté de faire remettre aux Etats généraux un tableau circonstancié des dépenses de la maison royale, avec les réductions que sa sagesse lui aura dictées. Si néanmoins Votre Majesté se contentait du produit des domaines [États gén. 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Montreuil-sur-Mer.] @3 de sa couronnne pour remplir cet objet, nos représentants se conformeront à cet égard aux cir constances. Retrait des domaines aliénés. Nous supplions également Votre Majesté, ne doutant pas que ce ne soit le vœu général des trois ordres du royaume, de retirer à elle l’uni-, versalité des biens aliénés de la couronne, de / quelque manière et pour quelque cause que ces j aliénations aient pu être faites, aucune ne pou-j vant être légitime; et si Votre Majesté veut en s confier l’administration aux Etats provinciaux, ils / se feront un devoir de les régir d’après les prin-' cipes d’une économie sage et raisonnée, d’en percevoir les revenus et de les faire remettre dans les coffres de Votre Majesté. Permettez-nous, Sire, de vous observer que les contributions des peuples ne doivent être appliquées qu’aux besoins de l’Etat. Les revenus des domaines des premiers rois de la troisième race suffisaient à la dépense personnelle de la famille royale et de leurs maisons. Si ceux de Votre Majesté, rentrés danssamain etportésà leur valeur, se trouvaient insuffisants pour soutenir l’éclat du trône, dépouillé de ce clinquant qui blesse l’œil, bien plus qu’il ne le satisfait, la nation, dans sa première assemblée, se / fera un devoir d’écouter les demandes que son j Roi pourra lui faire. j Apanage des princes. i Nous demandons, Sire, que les apanages des princes de votre sang soient réunis à la couronne, ce genre d’aliénation étant contraire à l’indivisibilité de la monarchie, . et cette féodalité secondaire ne pouvant qu’être embarrassante, compliquée et opposée à l’uniformité du régime et des principes qu’il est important d’établir; mais comme il ne faut point, Sire, que l’éclat de leur naissance se ressente en rien de cette réunion, nous prions Votre Majesté de leur assigner une somme équivalente au revenu qu’ils en tirent, distraction faite des gages d’officiers que ce nouvel arrangement rendra sans objet. Pouvons-nous craindre, Sire, que Leurs Altesses Royales se refusent au sacrifice de ce faux éclat d’iine origine illustre, quand nous avons le bonheur de voir Votre Majesté nous promettre toutes les économies dont le germe est dans la bienfaisance de son cœur? L’ordre est un des attributs de la véritable grandeur, l’avarice et la prodigalité la dégradent également. Assemblée des Etats généraux . Nous désirons, Sire, que, pour surveiller l’observation des lois qui seront promulguées dans l’assemblée nationale avec l’agrément de Votre Majesté et prévenir le relâchement qui pourrait s’introduire dans toute partie quelconque de l’administration, il soit statué sur une assemblée périodique des Etats généraux à des époques néanmoins assez reculées pour qu’ils ne deviennent pas une charge à l’Etat. Nous supplions Votre Majesté de promulguer une loi qui établisse que, dans le cas où le trône viendrait à vaquer dans une circonstance où le successeur serait en minorité, les Etats généraux seront convoqués à l’instant mêmepour délibérer sur le choix du régent du royaume, sans que nulle personne puisse syarroger lé titre et les fonctions de la régence. Conseil national. On proposera peut-être à Votre Majesté de former un conseil national résidant à Paris, lequel serait composé de quatre députés amovibles de chaque province. Ce conseil formera un point central de correspondance pour tous les pays d’Etat du royaume, et avec lequel les ministres du Roi traiteraient les affaires d’Etat. Ce serait aussi une école pour se former aux grands principes de l’administration, s’il était possible qu’on leur assignât un logement commun, tel que l’Ecole militaire, le Louvre ou autre lieu ; on faciliterait à ce sénat les moyens de correspondre et de s’éclairer par la communication des idées. Union des ordres. Nous avons à nous féliciter, Sire, de ne pas trouver en nous ce genre de discorde, qui s’allume au flambeau des prétentions les plus exagérées. Ici le ministre des autels concentre son luxe dans l’abandon qu’il fait aux pauvres de son superflu; l’ambition, l’opulence et la dissolution, qui tendent ailleurs à dégrader le sacerdoce, ne lui sont pas connues. En gémissant sur le scandale, il regrette des biens dont il saurait faire un meilleur usage. Ici le gentilhomme marche sur les traces de ses aïeux en consacrant les plus belles années de sa vie au service de l’Etat, et cette tâche remplie avec honneur, sage appréciateur des lueurs souvent trompeuses de l’ambition, il ne porte plus ses vues que sur les douceurs d’une vie patriarcale. Ici le plébéien distingué s’assimile par ses vertus et ses travaux aux personnages les plus recommandables des autres ordres, et s’il existe des distinctions, elles sont plus inbérentès à la constitution qu’à cette fierté individuelle qui oppose partout une barrière à la concorde. Lettres de cachet . Lorsque parcourant la succession des rois de la troisième race, nous ne voyons parmi eux que deux princessanguinaires, nous devons croire, Sire, que la bienfaisance est le caractère distinctif de l’auguste maison de Bourbon. Puisque nous ne pouvons plus douter qu’il ne soit personnellement celui de Votre Majesté, nous la supplions d’abolir pour toujours l’usage illégal et illimité de ces lettres dont l’abus ne peut qu’obscurcir la gloire des rois, répandre l’alarme parmi les citoyens et couvrir d’opprobre les vils instruments d’un despotisme dont heureusement le principe n’a jamais eu d’accès dans l’âme de Votre Majesté. Mais comme il est néanmoins des circonstances dans lesquelles une correction paternelle peut prévenir les excès d’un plus grand désordre, nous supplions Votre Majesté d’en accorder à ceux qui, après avoir rempli par-devant le juge la formalité d'une assemblée de famille, pour constater l’inconduite, affirmée par le serment de quatre personnes les plus notables, prises dans son ordre, auront recours à votre autorité. Il est sous-entendu, Sire, qu’il ne s’agit point ici de soustraire un coupable à des peines capitales. Liberté de la presse. Gomme il est important, Sire, que Votre Majesté soit informée des abus et des désordres qui pourraient se glisser dans l’administration des affaires publiques et que le passé ne nous a que trop instruit que ce ne sont pas ceux qui approchent de plus près la personne des rois qui les leur font connaître, nous supplions Votre Majesté de donner à la presse une liberté assez grande pour qu’elle puisse être un moyen de plus pour lui communiquer ce que les citoyens éclairés auront 04 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Montreuil-sur-Mer.] à lui faire parvenir, et qu’il leur soit suffisant de signer leur nom. Le choc des idées. Sire, éclaire les administrateurs bien intentionnés, et s’il faut un frein à ceux qui ne le sont pas, il n’en est point de plus puissant que la crainte d’être livré au juste ressentiment de son Roi et de se voir dénoncé au tribunal de l’opinion publique. Choix des ministres. Vous pouvez, Sire, apprécier aujourd’hui l’influence que peut avoir sur les opinions la sagesse du prince, secondée d’une confiance entière dans son ministre des finances ; il en sera de même, Sire, des autres départements, lorsque Votre Majesté aura prononcé qu’elle ferme tout accès à la faveur et à l’intrigue. Des temps encore trop présents à notre mémoire ont dû faire connaître à Votre Majesté le trouble que des administrations inhabiles peuvent apporter dans un royaume, et de quelle conséquence il est de ne pas laisser s’immiscer dans les affaires publiques des êtres qui n'ont ni le caractère moral ni les vues patriotiques de l’homme d’Etat. C’est une chose nouvelle pour la génération présente, Sire, de voir un roi de France s’adresser à la nation pour en obtenir des conseils ; toute réticence la rendrait criminelle envers son prince et l’Etat. Quand il s’agit de combattre les abus , un silence déplacé devient un crime ; la nation peut donc représenter à Votre Majesté que le bien de la chose publique ne peut jamais se rencontrer dans une succession rapide des ministres d’un même département; elle annonce nécessairement ou l’incapacité ou l’influence d’une faveur qui ne considère que les affections particulières. Dans l’une et l’autre supposition, le blâme retombe toujours sur le prince, puisque. les ministres sont de son choix, et que revêtu delà puissance exécutrice, aucune puissance secondaire et bien moins encore la cabale et l’intrigue ne doivent pouvoir ébranler ses principes de justice et de stabilité sur la conservation d’un ministre utile et vertueux. Bien peu de personnes, Sire, naissent avec le germe de toutes les connaissances ; celui qui, dans le développement de ses idées, embrasse tous les objets de l’administration, ne peut les voir d’abord que superficiellement ; il est donc d’une nécessité absolue, quand on lui a confié une de ces branches, de lui donner le temps de la considérer sur tous ses rapports, afin de s’en bien inculquer l’organisation dans la tête, et de se former des principes dont il puisse faire une application judicieuse. Ce sont tous les militaires, Sire, qui ont l’honneur de parler ici à Votre Majesté ; leur opinion ne pouvant être suspecte, ils doivent vous dire que jamais le département de la guerre n'a été mieux ordonné que sous les secrétaires d’Etat tirés de la robe, et le ministère du comte d’Ar-genson fera époque dans ses annales. L’homme de robe ne connaissant pas plus les individus que le métier de la guerre, son opinion sur les premiers se forme d’après celle du public, et rarement elle est trompeuse. Dans les chose majeures, il consulte les personnages les plus éclairés du militaire ; il n’a pas à rougir d’ignorer ce qui est étranger à sa profession, et tout va bien. Aujourd’hui, Sire, un ministre pris parmi les officiers généraux croirait afficher son insuffisance s’il paraissait ignorer la moindre partie des objets confiés à son administration ; souvent il regarde celui qu’il devrait consulter comme un rival dangereux : dès lors il a la plus grande attention à ne pas mettre l’homme de mérite en évidence dans la crainte de désigner son successeur. , Si l’expérience, Sire, ne prouvait pas que nous n’avançons que des faits incontestables , nous pourrions les étayer de l’historique de tout ce qui s’est passé depuis le ministère du maréchal de Belle-Isle exclusivement ; ce serait, Sire, un * tableau complet du système le plus inconstitu-\ tionnel, le plus anti-national et le plus opposé ( aux bases fondamentales de la constitution mili-1 taire. > 11 est, Sire, une grande et importante vérité S que les rois devraient avoir sans cesse devant les yeux : c’est qu’un grâce mal placée ne contente qu’une personne, en indispose un grand nombre, décourage l’homme d’honneur, enhardit l’intrigant et finit par décréditer la justice du prince. Alors l’anarchie s’établit dans les récompenses, les bons principes s’altèrent, le chaos leur succède, et l’ambitieux le plus adroit acquiert la prépondérance de pouvoirs. Récompenses et justice distributive . Votre noblesse, Sire, ne saurait blesser votre autorité et moins encore offenser votre justice, \ en suppliant Votre Majesté de ne pas concentrer | les faveurs du trône dans le nombre rétréci de \ ceux qui approchent de sa personne. Les récom-! penses militaires doivent être le partage des ] vertus guerrières ; la plus fatale des erreurs en administration est le mépris pour la justice distributive. Il n’y a pas, Sire, une des provinces de votre royaume qui n’ait vu naître des gentilshommes, égaux par leur naissance aux plus grandes maisons de la cour, et si nous les voyons rester dans une espèce d’obscurité, c’est que depuis longtemps le trop de bonté des rois encourage la politique exclusive des courtisans. Cette politique, Sire, faite pour être dévouée au meilleur des monarques, étend ses criminelles prétentions sur toutes les jouissances qu’alimentent l’ambition, l’orgueil et la cupidité. Daignez, Sire,’ donner votre attention au parallèle et prononcer entre le gentilhomme qui n’abandonne ses drapeaux que pour présider à la culture de son champ, revoir une famille élevée à l’école des mœurs, acquérir dans la retraite la théorie de la guerre, et préparer des bonifications par ses économies , avec ce courtisan toujours altéré du sang des peuples, et qui n’approche Votre Majesté que pour l’absorber par ses demandes, l’égarer par ses conseils et dégrader le trône par sa présence. Dix mille gentilshommes vont supplier Votre Majesté de légitimer leur existence politique par une distribution plus égale dans ses récompenses. Ce ne sont, Sire, ni les titres héréditaires, et bien moins encore ceux qu’on tient de la faveur, qui décorent le trône ; ce sont les distinctions qui caractérisent l’hommage que le prince a rendu à la vertu, et la raison souffre quand elle voit des hommes, qui n’ont servi l’Etat ni de leur tête ni de leur épée, revêtus des dignités les plus honorables, des décorations les plus flatteuses et des charges les plus distinguées, imprimer Le prestige du respect et de la considération. Comme il n’est, Sire, aucune des provinces de votre royaume qui ne renferme des gentilshommes de toutes les classes, nous supplions Votre Majesté d’avoir pour agréable, dans la dispensation des récompenses militaires, d’accorder quelques régiments aux officiers de chacune d’elles. Cette [États gén. 1789. Cahiers. | ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Montreuil-sur-Mer.] 65 demande que nous croyons juste et propre à entretenir l’émulation, aura l’avantage de procurer aux pères de famille des débouchés pour placer leurs enfants. Par la suite les régiments deviendront nationaux, si on le veut, et on doit le vouloir, si on sait apprécier les effets de l’émulation nationale et si, dans des circonstances pressantes, il fallait recourir aux soldats provinciaux pour recruter des corps; ce mot, qu’on ne prononce aujourd’hui qu’avec terreur, s’adoucirait dans les esprits, si c’était pour se réunir à des compatriotes. Ce plan a d’autres avantages qui ne peuvent être qne discutés verbalement avec le secrétaire d’Etat de la guerre. Les survivances. Nous vous supplions, Sire, de proscrire les survivances; les services des pères doivent être méritoires pour les enfants ; mais c’est un vice dans la constitution de former un majorât de quelque place que ce puisse être. Résidence militaire. Désirant concourir avec Votre Majesté à tous les changements avantageux quelle se propose, nous la supplions d’ordonner que chaque gouverneur de province, ville ou château, soit tenu à résider dans son gouvernement, pour y servir l’Etat qui les paye et Votre Majesté, de laquelle il tient cette récompense. Si la résidence est sans objet, il faut décharger l’Etat des émoluments qui sont attachés à la place. Abus des pensions. L’abus que les ministres ont fait des pensions de tous les genres est incontestable et de la pratique la plus dangereuse. Mais Votre Majesté nous permettra de lui observer que la marche uniforme qui a été mise dans les retenues contraste avec l’esprit de justice que nous lui connaissons. Il est possible, Sire, que la nation assemblée consente à légitimer celles qui ont été accordées pour bons et loyaux»services. Il est, croyons-nous, à peu près certain qu’elle répudiera toutes celles qui seront entachées de l’obsession de la faveur et du crédit. Il eût donc été juste avant de procéder à la réduction d’une pension méritée, de commencer par la suppression totale de celles qui n’ont qu’un titre vicieux et caduc. Nous ne doutons pas, Sire, que ce plan n’eût été adopté de préférence par Votre Majesté, et nous la supplions de trouver bon que les Etats généraux s’en occupent. Résidence des bénéficiers. Nous demandons, Sire, que tous les bénéficiers résident, pour édifier par leur conduite, soulager par leurs aumônes et laisser repomper à leurs pères nourriciers les sucs dont ils sont alimentés. Pluralité des bénéfices. 11 est intéressant et juste, Sire, de proscrire la pluralité des bénéfices, afin d’encourager les aspirants à l’état de prêtrise eu faisant participer un plus grand nombre d’individus à l’opulence collective du clergé. Dettes et contributions du clergé. Nous demandons également à Votre Majesté que la dette du clergé soit éteinte par les moyens présentés à la première assemblée des notables, et si ce plan rencontre des obstacles, que les intérêts du capital soient payés sur les revenus des titulaires, et cela en sus de la contribution proportionnelle de leurs biens, les peuples ne lre Série, T. IV. devant pas supporter une charge qui n’aurait pas existé si les dons gratuits avaient été pris sur les revenus au lieu d’être fournis par des emprunts. Maîtrise des eaux et forêts. De tous les tribunaux que l’amour de l’ordre ou la fiscalité ont fait créer, il n’en est aucun, Sire, qui porte plus visiblement le caractère du monopole et d’une connivence criminelle que celui des eaux et forêts. 11 n’existe plus un bois de maison religieuse qui ne soit une image de la dégradation ; la police des forêts est partout à l’abandon ; les substitutions séculières même sont violées outrageusement. Enfin, Sire, les gens de mainmorte, les officiers des maîtrises, et nombre d’autres, auraient acquis la certitude prochaine de la révolution des siècles, que le désordre ne serait pas plus grand. Nous ne devons pas laisser ignorer à Votre Majesté que le gouvernement même s’est souvent' oublié en accordant aux gens de mainmorte, avec trop de facilité, la coupe de ses réserves, et cela sur des exposés presque toujours faux. Le mal est aujourd’hui sans remède pour la génération présente ; il faut, par des règlements mieux observés, le réparer pour les générations futures. Nous reconnaissons, Sire, l’espèce d’impossibilité qu’il y aurait à vouloir renverser des constitutions consacrées par le temps ; nous n’invoquerons ni les lumières de la philosophie ni le discrédit des anciens préjugés pour préparer le triomphe d’une économie plus patriotique, mais nous devons dénoncer à Votre Majesté ainsi qu’à la nation les abus inséparables des usufruits ; ils sont sans bornes dans les maisons religieuses, ils n’en ont pas d’assez circonscrits chez les séculiers grevés de majorats. Si, dans les premiers siècles de l’Eglise, les moines se sont rendus utiles pour les défrichements, on ne les voit pas dans les siècles modernes courir, à la célébrité ni même à l’opulence par des plantations devenues néanmoins nécessaires. Les jouissances éloignées sont pour eux des erreurs de calcul, l’usufruitier religieux n’en prépare aucune à ses successeurs, les chemins de. ses domaines ne sont point embellis de ces plantations symétriques qui préparent des secours aux propriétaires et l’abondance d’une denrée précieuse. Enfin le véhicule de la transmission se trouvant éteint dans son âme, il n’est plus dirigé que par la dangereuse et méprisable impulsion du personnalisme. Abolition des abbayes en commende. Gomme il est, Sire, contre le bon ordre qu’un ecclésiastique, dans quelque classe de citoyens qu’il ait reçu le jour, ait 50,000 livres de rente à dépenser, sans aucune charge d’âmes, et que c’est une nécessité de calquer le mode des siècles sous les opinions le plus généralement reçues, nous pensons, Sire, que le meilleur emploi qu’on pourrait faire des biens mis en commende, ou des abbayes qui pourront être supprimées, serait d’en former des pensions curiales proportionnées à l’étendue desparoisses ainsi qu’à leur population; afin de remettre aux peuples toutes les dîmes non inféodées, celles qui le sont exigeant des dispositions différentes, on pourra les soumettre au jugement des Etats provinciaux qui en feront leur rapport à Votre Majesté. Les abbayes ont été dotées parla noblesse en grande partie; puisque les vues de ces pieux fondateurs ne' sont plus remplies, leurs représentants se croient fondés à demander que les biens retournent à la décharge, 5 66 (États gén. 1789. Cahiers.] publique et ne soient plus la pâture des hommes cupides et mondains. Maisons religieuses des deux sexes. Nous désirons, Sire, que des hommes d’une vertu sans tache et autant considérés par la sagesse de leurs principes que par l’étendue de leurs lumières, traitent aux Etats généraux la constitution actuelle des maisons religieuses des deux sexes. On ne peut plus se cacher qu’une réforme ne soit devenue nécessaire, quand on voit d’un côté l’austérité religieuse et primitive remplacée par le débordement et la licence, de l’autre, les victimes d’une vocation prématurée, souvent involontaire et toujours barbare, quel que soit le serment, dès qu’elle outrage la nature dans ses résultats, et quel contraste avec cette précieuse liberté qu’aucune loi divine n’a voulu enchaîner, afin de rendre les œuvres plus méritoires, et contre laquelle enfin l’humanité réclame de .concert avec la saine raison et la politique. Ecole gratuite de chirurgie. Nous supplions Votre Majesté, et nous le faisons avec des larmes d’attendrissement, de consentir à ce que des bâtiments et des revenus d’une abbaye quelconque il soit établi dans chaque province une. école gratuite de chirurgie. L’ignorance des chirurgiens de campagne coûte annuellement à l’Etat plus de citoyens que dix batailles ne pourraient lui en faire perdre. Les deux tiers, indépendamment de leur ignorance, sont ivrognes. Quelque parti qu’on prenne à cet égard, les règlements les plus sévères sont indispensables. Gabelles, barrières , etc. Votre Majesté s’est, expliquée si clairement et d’une manière si tendre sur les maux inséparables de la gabelle et des autres créations fiscales, que nous devons croire, Sire, que votre intention secondée des lumières de M. Necker , feront éclore le plan, depuis si longtemps désiré, gui doit proscrire des inégalités qui ne peuvent s’allier ni avec l’idée d’une fraternité nationale ni avec celle d’une paternité commune. C’est d’après ces principes, que nous puisons dans nos cœurs et dans les conseils d’une politique sociale et bien entendue, que nous prescrivons à nos représentants de concourir de leur suffrage à tous les règlements qui porteront le caractère sacré de l’amour général du bien. Etablissement des barrières. Nous savons, Sire, qu’on a présenté à Votre Majesté différents projets pour subvenir à la confection et à l’entretien des grandes routes. Celui qui nous paraît le plus juste est d’en faire supporter la charge à toutes les voitures. Le moyen unique pour remplir cet objet est l’établissement des barrières, et tous les sophismes dont on étayera le système contraire, n’en couvriront pas les vices. On peut, pour éviter la multitude des percepteurs du droit, laisser aux maîtres de postes son exécution et les charger de le percevoir; on pourrait même le leur abandonner à la condition d’entretenir les chemins; leur intérêt est qu’ils soient roulants, et dans les moments où les passages se ralentissent, ils occuperaient leurs chevaux à ce travail. Reculement des barrières. Il serait -très-avantageux, Sire, que le reculement des barrières, si généralement désiré, puisse s’effectuer et qu’il n’en existât plus que sur les [Bailliage de Montreuil-sur-Mer.) frontières. Il serait même possible que ce cordon fût composé de soldats vétérans et commandés par des officiers de fortune ; il en résulterait une grande économie pour l’Etat. Cela rendrait des cultivateurs à la terre, ainsi que des artisans aux villes. Dans les Etals du roi de Prusse, les places de directeur de poste aux lettres sont données en récompense aux officiers que leurs blessures ou leur âge condamnent au repos. Tribunaux d'exception. Comme le tiers-état traitera le chapitre des tribunaux d’exception, nous joignons nos vœux aux siens pour en obtenir la suppression. Droit de contrôle et d'aides. Il est intéressant pour les peuples qu’il soit établi un tarif concepiible et invariable qui règle les droits auxquels tous les actes publics sont assujettis. On remédiera par là aux contestations qui se renouvellent sans cesse entre les contractants et les contrôleurs. L’obscurité est encore plus grande sur les droits perçus aux bureaux des aides, on l’arbitraire est exercé avec tous les vices qui en sont inséparables. Amirauté et naufrages. Le tribunal de l’amirauté, du moins dans ce canton-ci, se conduit d’une manière révoltante. Il serait trop long de faire un détail exact des horreurs qui se commettent journellement dans cette partie, surtout au moment des naufrages. Le peu de soin que l’on donne à la conservation des équipages, l’impunité dont jouissent les fripons qui vont piller aux échouements et l’augmentation visible' de la fortune des préposés, forment un ensemble d’iniquité qu’on ne peut examiner de sang-froid. Pour remédiera ces abus, il faudrait : 1° Piéformer les tribunaux, et par conséquent les officiers qui les composent, comprendre dans cette réforme les gardes de l’amiral,» dont • les privilèges abusifs sont onéreux aux paroisses qu’ils habitent ; de plus, ces derniers préposés sont aveuglément dévoués aux officiers de l’amirauté et ne sont pas assujettis à une discipline assez sévère pour leur tenir lieu d’une probité que les occasions font chanceler souvent; 2° Substituer aux lieutenants de l’amirauté des officiers dont l’autorité serait bornée au travail des sauvements et d’emmagasinements, sans aucun droit de juger les discussions. On multiplierait ces officiers à proportion de l’étendue des côtes; un seul suffirait entre la Canche et l’Anthye; on l’obligerait à demeurer à Montreuil, il prendrait des secrétaires ou greffiers selon les différentes circonstances ; 3° Charger les compagnies de canonniers-gardes-côtes, de la police et de la garde des effets naufragés. On serait sûr d’avoir toujours main-forte, en enjoignant aux canonniers habitants des villages riverains de la mer, de marcher au premier avis. Ils seraient relevés le lendemain par leurs camarades plus éloignés. Un officier de ce corps serait nommé chaque mois pour surveiller cet espèce de service. Les canonniers seraient payés sur les premiers deniers provenant des ventes. 4° Toutes les affaires contentieuses et les délits relatifs aux naufrages seraient jugés au tribunal de justice royale le plus voisin. Les ventes seraient faites par-devant un membre de ces mêmes tribunaux commis à cet effet. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [États gén. 1"89. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Montreuil-sur-Mer.] 67 Tirage des soldats provinciaux. On parait désirer généralement dans cette province que les paroisses qui doivent fournir des soldats provinciaux de terre, des matelots et canonniers de mer, aient la liberté, en répondant des sujets, de substituer au tirage des engagements volontaires. Cette proposition ne contraste pas autant avec la liberté nationale, et passerait à l’inconvénient des transfuges. Recrues de matelots. Il est de notre devoir, Sire, de recommander à votre bonté paternelle les matelots, cette classe d’hommes si précieux à l’Etat , et qui devient moins nombreuse de jour en jour par les efforts qu’ils font pour se soustrairs à leur misère. Pour en ménager l’espèce, Votre Majesté pourrait ordonner des recrues pour le service de mer dans toute l’étendue de son royaume. Les hommes les plus petits y étant aussi propres que les plus grands, on trouverait des volontaires sans nombre. On pourrait encore consacrer à la marine les enfants trouvés, qui, élevés dans les différents ports dès l’âge le plus tendre, ne connaîtraient que la mer pour élément et que les vaisseaux pour patrie. Vénalité des charges. Nous demandons, Sire, l’abolition de la vénalité des charges de l’Etat. Si elles sont honorifiques et lucratives, l’abus devient plus grand encore puisque l’Etat paye de plus les émoluments de la place. Mais comme il faut, Sire, que les maisons nobles qui s’éteignent soient remplacées par d’autres pour maintenir l’équilibre et la constitution monarchique, Votre Majesté mettrait le comble aux vœux de ses Etats provinciaux si elle permettait aux trois ordres de lui proposer l’anoblissement des citoyens vertueux du tiers-état qui se seraient rendus dignes de cette distinction flatteuse. Liberté des voyageurs. Nous demandons encore, Sire, qu’il soit permis à un chacun de voyager de telle manière que bon lui semblera, sans éprouver aucune gêne de la part des fermiers des postes et des régisseurs des. diligences. Un peuple libre et commerçant ne doit connaître que la liberté quand il ne trouble point l’ordre public. Abus des moulins à eau. Que tous les moulins qui sont établis sur les rivières soient détruits et rétablis sur des ruisseaux pour empêcher les inondations trop fréquentes qu’ils occasionnent. Ou si quelques raisons pouvaient engager à conserver ceux qui ne sont que sur la rive, que l’on oblige les propriétaires à les faire tourner en dessous des roues pour empêcher le gonflement des eaux, les meuniers étant forcés, quand l’eau passe par dessus la roue, de tenir toujours les eaux bondées par leurs vannes. Il est très-rare et presque impossible de trouver des digues assez fortes pour empêcher les eaux de les percer, soit par des trous de taupes ou autres dégradations. Objets militaires. Votre religion, Sire, a été surprise sur un grand nombre d’objets ; mais il n’en est aucun sur lequel on en ait abusé plus étrangement qu’en ce qui concerne la constitution militaire, et s’il est un Français assez téméraire pour soutenir que celle d’aujourd’hui n’est pas anti-nationale et contraire à presque tous les grands principes de la guerre, il trahira la vérité. :Si la prépondérance politique de l’Etat et sa force, si la gloire du trône, si la sécurité des peuples qui composent et soudoient l’armée reposent sur cette ancienne idée de supériorité, qui en imposait à l’Europe, il est à craindre qu’elle ne s’affaiblisse envoyant régner un mécontentement général chez l’ofticier subalterne et le soldat ; en voyant la disproportion qu’il y a entre la paye de ce même soldat et le prix des denrées ; en voyant l’honneur français rendre les derniers soupirs sous le sabre et le bâton ; en voyant ce qu’on n’a jamais vu, une compagnie de grenadiers entière, provoquée à la désertion, ouvrir de force les portes d’une ville de guerre, et passer à l’ennemi pour se soustraire à des traitements indignes de leur état; envoyant dans beaucoup de colonels des créateurs de faux systèmes, des bourreaux d’hommes et des marchands d’emplois ; en voyant des lieutenants-colonels et des majors des corps, jadis si respectés et si respectables, tirés de cette classe d’hommes dont tout le mérite est d’avoir excellé en rafine-ment dans l’art de dégrader leurs semblables bien plus que dans celui de les instruire ; en voyant les officiers généraux les plus consommés et les plus instruits dans la pratique et la théorie de la guerre, repoussés dans leurs terres et sans activité ; en voyant enfin qu’on leur préfère des hommes nouveaux dans le métier, dont la valeur n’a subi aucune épreuve. Ce n’est pas ici le moment, Sire, de faire à Votre Majesté l’énumération des maux propagés par la transgression des anciennes lois et des bons principes ; le mal est si grand, qu’il ne peut être réparé que par l’avis des militaires les plus éclairés et les plus consommés. C’est ce qui nous engage, Sire, à supplier Votre Majesté d’ordonner qu’incontinent après la tenue des Etats généraux, il soit assemblé un conseil de guerre, composé d’un nombre suffisant d’officiers généraux, ou brigadiers qui aient fait deux grandes guerres sur le continent, pour aviser, sous la présidence d’un maréchal de France qui ait commandé une armée, à la régénération de la constitution militaire. Ecole militaire. Nous supplions Votre Majesté, par la protection quelle a toujours accordée à sa noblesse la moins fortunée, de lui conserver l’établissement de l’Ecole royale militaire, dont la bonne éducation ne peut que lui procurer des sujets utiles à l’Etat, en les sauvant de la misère de leurs foyers. Cet acte de bienfaisance de Votre Majesté n’ést point à la charge de l’Etat, portant uniquement sur un objet de luxe. DEMANDES PARTICULIÈRES Au bailliage et à la ville de Montreuil-sur-Mer. 1° La rentrée des octrois qui lui ont été enlevés depuis longtemps pour être employés à des objets d’embellissement dans la ville d’Amiens ou pour quelque autre destination ignorée, à la charge d’en être appliquée une somme de 1,000 livres par an pour être employée tous les ans à l’entretien du pavé des places publiques et des rues qui sont en très-mauvais état. 2° La reconstruction de l’hôtel commun de cette ville, qui est dans un état de grande caducité tel que les trois ordres pour les Etats généraux n’ont osé s’y assembler. 3° Un franc marché tous ies mois. 4° L’arrondissement et agrandissement du res- 68 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Railliage de Montreuil-sur-Mer.] sort du bailliage, pour remédier aux difficultés qui résultent de l’enclavement de plusieurs villages et communautés, 5° La réduction des paroisses de la ville en un moindre nombre. 6° L'établissement d’une école confiée aux Frères de la Doctrine chrétienne, en demandant le contenu de la maison et bâtiments des Sœurs de Saint-François de cette ville, ainsi que leurs reve-nus, n’y restant plus qu’une seule religieuse vivante. 7° La confection du chemin de Montreuil à lies-din jusqu’au village de Brimeux, qui est inaccessible et très-dangereux pour les voyageurs. 8° On demande instamment et comme une chose de la plus grande conséquence que la descente à la ville basse de Montreuil soit adoucie le plus qu’il sera possible. Sa raideur est telle que dans bien des temps il faut enrayer les voitures pour la descendre, et qu’il faut des surcroîts de chevaux pour la monter. Ce travail intéresse également les voyageurs qui se rendent de Londres à Paris. 9° La suppression des huissiers jurés-priseurs-vendeurs. 10° Mous désirons, Sire, que Votre Majesté autorise les Etats provinciaux à former dans la province des magasins de grains assez considérables pour prévenir les calamités de la disette, et que l’exportation à l’étranger ne puisse avoir lieu que sur la surveillance de l’Etat provincial, quand le magasin public sera rempli. 1 1° L’établissement des réserves de chasse accordées aux gouverneurs des places de guerre a eu pour objet, Sire, de leur donner un secours pour aider à leur représentation. Si sous cet aspect même la loi du prince était injuste, aucune loi de simple convenance personnelle ne devant attenter aux propriétés, elle devient révoltante partout où ce motif, tout faible qu’il est, ne couvre pas le vice de l’usurpation. Depuis quatre-vingts ans. Sire, aucun gouverneur de Montreuil n’a résidé. Il est très-rare qu’il y ait garnison, et cette ville parait destinée à n’en jamais avoir d’habituelle. Cependant tous les fiefs, voisins de la place, à la distance d’une lieue, sont sous les liens d’une capitainerie. Nous supplions Votre Majesté de révoquer les lettres patentes de cet établissement, comme ayant été obtenues abusivement et contre les droits des fiefs dont aucune loi n’a jamais du entamer les prérogatives. Nous terminerons notre cahier, Sire, en assurant Votre Majesté que notre amour pour sa personne égale notre zèle pour la prospérité de son empire. Un roi juste ne doit avoir pour sujets que des citoyens, des citoyens vertueux doivent sacrifier leur fortune et leur vie pour maintenir l’autorité d’un prince qui ne veut régner que par la bienfaisance, la justice et les lois. Signé le comte d’Dodicq, de Requier d’Arquin-court, P. -B. Moutart, baron de Torcy, le vicomte Dutertre, de Gueroult de Boisrobert, d’Àcary de la Suze. Certifié véritable par nous lieutenant générai du bailliage de Montreuil, soussigné. Signé PüULTlER. CAHIER GÉNÉRAL Des plaintes, doléances et demandes des fidèles sujets du Roi composant le tiers-état du bailliage royal de la ville de Montreuil -sur-M er , rédigé cejourd'hui 16 mars 1789 et jours suivants , en suite de l'assemblée générale des trois ordres , convoquée en conformité de la lettre du Roi du 24 janvier dernier (1). Vote par tête aux Etats généraux. Art. lPr. Qu’à l’ouverture des prochains Etats généraux et à toujours les délibérations soient prises en commun et les voix comptées par tête et non par ordre. Retour périodique des Etats généraux. Art. 2. Que le retour périodique des Etats généraux soit consacré à jamais et ait lieu au moins tous les cinq ans, sauf aux Etats généraux à s’ajourner dans un plus court délai si le bien de la nation l’exige. Etats provinciaux. Art. 3. Que les provinces ou généralités soient érigées en pays d’Etats. Assemblée de district. kit. 4. Que dans toutes les villes ayant bailliage royal ressortissant nûment au parlement, il soit créé et établi des assemblées de district subordonnées aux Etats provinciaux. Commission intermédiaire. Art. 5. Que les municipalités desdites villes forment la commission intermédiaire toujours subsistante desdites assemblées de district. Eligibilité des officiers municipaux. . Art. 6. Que les places municipales des villes cessent d’être des offices, qu’elles soient électives en la forme qui sera prescrite par les Etats généraux, sans cependant pue ceux qui y seront nommés puissent connaître d’objets étrangers à la simple police, et soient astreints à la confirmation -des princes apanagistes. Régime des Etats provinciaux. Art. 7. Que la composition et le régime desdits Etats provinciaux, des assemblées de district et des commissions intermédiaires soient déterminés par les Etats généraux. Bureaux d’arrondisements dans les campagnes. Art. 8. Que, pour répondre au vœu particulier des députés delà campagne, il soit établi des bureaux d’arrondissement dans lesdites campagnes. Suppression des offices inutiles. Art. 9. Que tous les tribunaux d’attributions, d’exceptions, de privilèges, ainsi que les prévôtés et châtellenies royales, même les sièges des eaux et forêts, et généralement tout office de judicature inutile et onéreux au peuple, soient supprimés. Pouvoir des bailliages. Art. 10. Qu’aux bailliages ressortissant nûment au parlement, appartienne la connaissance de toutes les matières attribuées aux différents sièges dont la suppression vient d’être demandée, lesquels seront autorisés à juger en dernier ressort jusqu’à concurrence de là somme qui sera déterminée par les Etats généraux. (2) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire.