186 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE décret en forme d’instruction du 4 du même mois, est la première qui ait apporté quelques changements par rapport aux municipalités aliénataires envers la nation; mais elle n’a rien changé à ce qui était réglé par l’instruction du 31 mai 1790, relativement à la jouissance des municipalités et des particuliers qui, comme Debry, acquéraient par leur intervention. Cette loi du 10 juillet confirme même expressément les dispositions de celle du 31 mai 1790, puisqu’elle accorde encore aux municipalités aliénataires les fruits naturels et civils des biens qui leur étaient adjugés, à compter du jour des décrets d’aliénation rendus en leur faveur pendant la durée de leur jouissance. Mais il y a plus : c’est que cette loi du 10 juillet porte aussi que les fruits ne courent au profit des acquéreurs qui les remplacent que du jour de leur adjudication. Quant à la loi du 16 octobre 1791 sur le décret du 28 septembre, elle a pour objet des changements dans les obligations des municipalités; elle réduit leur seizième d’un dixième, etc. ; enfin, par elle, la nation se charge de tous les frais, et passe à leurs droits pour recouvrer à son profit les fruits naturels et civils jusqu’au jour de la vente; mais cette loi, qui ne pourrait avoir d’effet rétroactif en faveur des adjudicataires, ne contient pas la moindre disposition à l’appui de la prétention du citoyen Debry; il doit donc se reporter sur les lois des 31 mai et 10 juillet 1791, qui seules sont relatives à la question; et comme elles la résolvent, ainsi que l’a fait le directoire du département de l’Aisne par son second arrêté, votre comité a pensé, et je suis chargé de vous proposer de décréter qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la pétition du citoyen Debry. Cette proposition est adoptée [comme suit :] (l) « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [PIETTE, au nom de] son comité d’aliénation et domaines réunis, sur la pétition du citoyen Debry, demeurant à Ver-vins, département de l’Aisne, tendante à ce que la Convention nationale prononce une décision relativement à deux arrêtés contradictoires qu’a pris à son sujet le département de l’Aisne, le 13 mars 1793 et le 14 nivôse, pour raison de la redevance de la ferme du Grand-Charlieu, qu’il a acquise au district de Vervins le 10 juin 1791 ; » Décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer. » Le présent décret ne sera pas imprimé. » (2) 45 PIETTE : Charles Lorain, anciennement architecte-inspecteur des bâtiments de la ci-devant maison de Condé, demande que la Convention nationale lui continue l’inspection et la conduite des réparations du ci-devant Palais-Bourbon, et le traitement de 1,500 liv. qu’il recevait annuellement pour cette place. (1) Mon., XXI, 249. (2) P.V., XLI, 271. Minute de la main de Piette. Décret n° 9945 ; Débats, n° 663. Il existe des lois pour la conservation des domaines et édifices nationaux; mais ce n’est pas à la Convention nationale à les exécuter; c’est donc auprès de ceux à qui ce soin est confié que les personnes qui ont à ce sujet quelques réclamations à former doivent se pourvoir. Ainsi il n’y a pas lieu à délibérer sur la pétition du citoyen Lorain ; c’est le projet de décret que je suis aussi chargé de vous soumettre. Cette proposition est adoptée [comme suit :] (l) « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [PIETTE, au nom de] son comité d’aliénation et domaines réunis, sur la pétition du citoyen Laurain, anciennement architecte -inspecteur des bâtimens de la ci-devant maison de Condé, tendante à ce que la Convention lui continue l’inspection et la conduite des réparations du ci-devant Palais-Bourbon, et le traitement de 1 500 liv. qu’il recevoit annuellement pour cette place; » Décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer. » Le présent décret ne sera pas imprimé. » (2) 46 CAMBACÉRÈS, au nom du comité de salut public et de la commission du recensement et de la rédaction complète des lois; Représentants du peuple, vous avez voulu compléter nos lois et les rendre succinctes, et vous avez ordonné qu’elles seraient distribuées en autant de codes particuliers que les attributions données aux douze commissions exécutives. Ainsi, vous avez jugé que, parmi les différents classements de lois, celui-là était préférable qui, les rapportant toutes au gouvernement, les disposait dans un ordre plus propre à en faciliter l’exécution. A quoi donc tend le travail de la commission chargée de remplir vos vues ? A trouver un système dont le principe et le plan annoncent le code des républiques, dont la simplicité et l’ordre abrègent la rédaction et facilitent l’intelligence des lois. Les matériaux existent; il ne s’agit que de rassembler ces membres épars, de mettre chacun à la place où il semble être appelé par ses relations avec les autres parties, pour en faire un corps complet et régulier. Ce travail, dès le premier aspect, semble facile, et il le serait en effet si cette classification ressemblait à une classification numérique. Mais il n’en est pas de l’ordre des idées, de l’ordre des choses, comme de l’ordre des nombres. Dans l’ordre des nombres chacun d’eux n’a que deux relations, l’une avec le nombre qui le précède, l’autre avec le nombre qui le suit. La place des nombres est déterminée par leur nature. Au contraire, la nature des idées est d’être aussi variées dans leur marche que dans leurs rapports. Chaque loi a une infinité de relations avec d’autres lois; c’est une famille immense où tout se (l) Mon., XXI, 249. (2) P.V., XLI, 271. Minute de la main de Piette. Décret n° 9947. 186 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE décret en forme d’instruction du 4 du même mois, est la première qui ait apporté quelques changements par rapport aux municipalités aliénataires envers la nation; mais elle n’a rien changé à ce qui était réglé par l’instruction du 31 mai 1790, relativement à la jouissance des municipalités et des particuliers qui, comme Debry, acquéraient par leur intervention. Cette loi du 10 juillet confirme même expressément les dispositions de celle du 31 mai 1790, puisqu’elle accorde encore aux municipalités aliénataires les fruits naturels et civils des biens qui leur étaient adjugés, à compter du jour des décrets d’aliénation rendus en leur faveur pendant la durée de leur jouissance. Mais il y a plus : c’est que cette loi du 10 juillet porte aussi que les fruits ne courent au profit des acquéreurs qui les remplacent que du jour de leur adjudication. Quant à la loi du 16 octobre 1791 sur le décret du 28 septembre, elle a pour objet des changements dans les obligations des municipalités; elle réduit leur seizième d’un dixième, etc. ; enfin, par elle, la nation se charge de tous les frais, et passe à leurs droits pour recouvrer à son profit les fruits naturels et civils jusqu’au jour de la vente; mais cette loi, qui ne pourrait avoir d’effet rétroactif en faveur des adjudicataires, ne contient pas la moindre disposition à l’appui de la prétention du citoyen Debry; il doit donc se reporter sur les lois des 31 mai et 10 juillet 1791, qui seules sont relatives à la question; et comme elles la résolvent, ainsi que l’a fait le directoire du département de l’Aisne par son second arrêté, votre comité a pensé, et je suis chargé de vous proposer de décréter qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la pétition du citoyen Debry. Cette proposition est adoptée [comme suit :] (l) « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [PIETTE, au nom de] son comité d’aliénation et domaines réunis, sur la pétition du citoyen Debry, demeurant à Ver-vins, département de l’Aisne, tendante à ce que la Convention nationale prononce une décision relativement à deux arrêtés contradictoires qu’a pris à son sujet le département de l’Aisne, le 13 mars 1793 et le 14 nivôse, pour raison de la redevance de la ferme du Grand-Charlieu, qu’il a acquise au district de Vervins le 10 juin 1791 ; » Décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer. » Le présent décret ne sera pas imprimé. » (2) 45 PIETTE : Charles Lorain, anciennement architecte-inspecteur des bâtiments de la ci-devant maison de Condé, demande que la Convention nationale lui continue l’inspection et la conduite des réparations du ci-devant Palais-Bourbon, et le traitement de 1,500 liv. qu’il recevait annuellement pour cette place. (1) Mon., XXI, 249. (2) P.V., XLI, 271. Minute de la main de Piette. Décret n° 9945 ; Débats, n° 663. Il existe des lois pour la conservation des domaines et édifices nationaux; mais ce n’est pas à la Convention nationale à les exécuter; c’est donc auprès de ceux à qui ce soin est confié que les personnes qui ont à ce sujet quelques réclamations à former doivent se pourvoir. Ainsi il n’y a pas lieu à délibérer sur la pétition du citoyen Lorain ; c’est le projet de décret que je suis aussi chargé de vous soumettre. Cette proposition est adoptée [comme suit :] (l) « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [PIETTE, au nom de] son comité d’aliénation et domaines réunis, sur la pétition du citoyen Laurain, anciennement architecte -inspecteur des bâtimens de la ci-devant maison de Condé, tendante à ce que la Convention lui continue l’inspection et la conduite des réparations du ci-devant Palais-Bourbon, et le traitement de 1 500 liv. qu’il recevoit annuellement pour cette place; » Décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer. » Le présent décret ne sera pas imprimé. » (2) 46 CAMBACÉRÈS, au nom du comité de salut public et de la commission du recensement et de la rédaction complète des lois; Représentants du peuple, vous avez voulu compléter nos lois et les rendre succinctes, et vous avez ordonné qu’elles seraient distribuées en autant de codes particuliers que les attributions données aux douze commissions exécutives. Ainsi, vous avez jugé que, parmi les différents classements de lois, celui-là était préférable qui, les rapportant toutes au gouvernement, les disposait dans un ordre plus propre à en faciliter l’exécution. A quoi donc tend le travail de la commission chargée de remplir vos vues ? A trouver un système dont le principe et le plan annoncent le code des républiques, dont la simplicité et l’ordre abrègent la rédaction et facilitent l’intelligence des lois. Les matériaux existent; il ne s’agit que de rassembler ces membres épars, de mettre chacun à la place où il semble être appelé par ses relations avec les autres parties, pour en faire un corps complet et régulier. Ce travail, dès le premier aspect, semble facile, et il le serait en effet si cette classification ressemblait à une classification numérique. Mais il n’en est pas de l’ordre des idées, de l’ordre des choses, comme de l’ordre des nombres. Dans l’ordre des nombres chacun d’eux n’a que deux relations, l’une avec le nombre qui le précède, l’autre avec le nombre qui le suit. La place des nombres est déterminée par leur nature. Au contraire, la nature des idées est d’être aussi variées dans leur marche que dans leurs rapports. Chaque loi a une infinité de relations avec d’autres lois; c’est une famille immense où tout se (l) Mon., XXI, 249. (2) P.V., XLI, 271. Minute de la main de Piette. Décret n° 9947. SÉANCE DU 27 MESSIDOR AN II (15 JUILLET 1794) - N° 46 187 tient, et où rien ne se ressemble parfaitement; il y a donc peu à espérer de réunir sur chaque matière des lois qui n’appartiennent qu’à une seule et même matière. Mais si, dans la distribution des lois, nous ne pouvons parer à tous les inconvéniens, il faut du moins éviter les plus graves, il faut trouver ce fil précieux, qui, sans jamais rompre dans nos mains, assure nos pas dans le dédale des lois. Pour remplir cet objet, deux principes se présentent : Ne jamais détacher d’une matière une disposition ou des lois qui la complètent; Ne jamais diviser des dispositions qui s’éclairent par leurs rapprochements. C’est d’après ces principes que nous avons rédigé le plan que la commission vient vous offrir. Mais, avant de vous en présenter les détails et l’ensemble, jetons un instant nos regards sur les divers modes à employer pour opérer la classification que la Convention nationale a décrétée. Les lois peuvent être considérées par rapport à leur origine; de là dérivent le droit naturel et le droit positif; mais toute loi positive devant reposer sur un principe de droit naturel, il est presque impossible de classer les lois sous une distinction aussi peu précisée. Une seconde manière de classer les lois est celle qui se tire de leur objet. En formant le tableau des droits et des devoirs des hommes, en réglant les rapports qui doivent s’établir entre eux, on trouve le droit public formé des relations existant entre la nation et chacun des individus qui la composent, ou entre la nation et une autre nation; Enfin, le droit civil qui règle les intérêts privés. Mais on n’aperçoit dans ce plan aucune des parties qui assurent l’action du gouvernement ou qui en dérivent. Il est par conséquent incomplet, quoique d’abord il paraisse séduisant. Il en est de même de tant d’autres systèmes que je supprime. La plupart manquent de liaison ou d’ensemble, et les avantages que quelques-uns d’entre eux nous présentent se trouvent dans le projet auquel nous vous proposons de donner la préférence. En effet, quelle est la fin de la législation ? c’est l’état social. Et les lois, à quoi tendent-elles ? à assurer à la société l’ordre et la paix, à l’homme ses droits naturels et imprescriptibles. Or, le gouvernement seul pouvant, par l’action des lois, lui en assurer la garantie et le maintien, c’est donc au gouvernement qu’il faut ramener toutes les lois, comme à l’esprit moteur qui, par l’unité d’action et de principe, en fait mouvoir sans efforts les innombrables ressorts. Idée immense, qui nous donne une division générale des lois par l’idée générale du gouvernement, et nous conduit naturellement à trois idées secondaires : Celle de son organisation, celle de son action, celle de ses moyens ou de sa force, qui formeront le code complet des lois en trois parties bien marquées. L’organisation du gouvernement n’est que la distribution des pouvoirs. Elle donne en temps de révolution le code révolutionnaire; et pour le temps qui suit la révolution, le code constitutionnel. L’organisation des pouvoirs, par rapport aux peuples et gouvernements étrangers, donne le code des relations extérieures. Mais, les pouvoirs une fois organisés, il faut en déterminer l’application et l’exercice; il faut régler les droits et les devoirs du citoyen, et l’action des autorités sur les citoyens; en sorte que, tel que cet astre brillant qui, par sa force centrale, dirige les lois et les mouvements du monde planétaire, ainsi le gouvernement dirige toutes les parties de la société, en balance les droits, en fixe les limites, et par son influence préside à la marche et à l’harmonie du monde politique. De là la police, qui contient la précaution, qui prévient le désordre, et la répression qui le fait cesser. De là la législation civile, qui règle les rapports qui doivent exister entre tous ceux qui composent la société. De là la justice criminelle, qui règle les formes destinées à la poursuite des délits, et les peines à infliger aux coupables. Ainsi l’action du gouvernement pour le maintien et le rétablissement de la paix au dedans et au dehors se termine au règlement des relations extérieures, à la surveillance générale ou ordinaire, à la répression. Par ces moyens, les grands biens de la société sont opérés; la sûreté, l’ordre, la tranquillité sont établis, et leurs bases paraissent inébranlables. Mais la société, mais l’homme et le citoyen demandent la prospérité : ce n’est point assez qu’un Dieu tutélaire tienne d’une main ferme les rênes du monde, si de l’autre il ne secoue la corne d’abondance pour couvrir la terre de ses bienfaits. Et de là encore les autres lois qui concourent au bonheur général de la république. De là l’agriculture, qui féconde la nature, en multiplie les richesses, et, à l’aide du fer, force la terre à enfanter l’or en gerbes et en fruits. De là les sciences et les arts, tous sortis de la même mère, pour l’embellir et la perfectionner, tous enfants de la nature, qui, à la faveur du génie, font éclore les talents, et à leur tour enfantent une nature nouvelle. De là le commerce, ce géant à cent bras, qui tourmente la terre et fatigue les mers, enfant orgueilleux de l’industrie, et qui bientôt étoufferait sa mère si des lois économiques ne veillaient à la juste répartition des biens de l’agriculture et des arts. De là les travaux publics, qui, appelant toute la puissance de la nation à la construction de ses arsenaux, de ses ports, de ses citadelles, des chemins, des canaux, des places, des cirques et des théâtres, forcent, par la magnificence des monuments, les citoyens à la reconnaissance, et l’étranger à l’admiration. De là les secours publics, qui, prenant sur la fortune du riche ce qui manque aux besoins du pauvre, ôtent à celui-là les moyens de corrompre, et à celui-ci la facilité d’être corrompu. Heureuse balance des secours et des besoins, qui frappe le luxe dans son principe, et, mieux que toutes les lois agraires, ne pouvant remédier à l’inégalité des biens, n’en souffre pas du moins l’injuste disproportion ; qui empêche le riche d’être un tyran, qui le force d’être un citoyen, laisse à la fortune son empire, et ne lui ôte que ses injustices, seul but auquel puissent atteindre les lois humaines. SÉANCE DU 27 MESSIDOR AN II (15 JUILLET 1794) - N° 46 187 tient, et où rien ne se ressemble parfaitement; il y a donc peu à espérer de réunir sur chaque matière des lois qui n’appartiennent qu’à une seule et même matière. Mais si, dans la distribution des lois, nous ne pouvons parer à tous les inconvéniens, il faut du moins éviter les plus graves, il faut trouver ce fil précieux, qui, sans jamais rompre dans nos mains, assure nos pas dans le dédale des lois. Pour remplir cet objet, deux principes se présentent : Ne jamais détacher d’une matière une disposition ou des lois qui la complètent; Ne jamais diviser des dispositions qui s’éclairent par leurs rapprochements. C’est d’après ces principes que nous avons rédigé le plan que la commission vient vous offrir. Mais, avant de vous en présenter les détails et l’ensemble, jetons un instant nos regards sur les divers modes à employer pour opérer la classification que la Convention nationale a décrétée. Les lois peuvent être considérées par rapport à leur origine; de là dérivent le droit naturel et le droit positif; mais toute loi positive devant reposer sur un principe de droit naturel, il est presque impossible de classer les lois sous une distinction aussi peu précisée. Une seconde manière de classer les lois est celle qui se tire de leur objet. En formant le tableau des droits et des devoirs des hommes, en réglant les rapports qui doivent s’établir entre eux, on trouve le droit public formé des relations existant entre la nation et chacun des individus qui la composent, ou entre la nation et une autre nation; Enfin, le droit civil qui règle les intérêts privés. Mais on n’aperçoit dans ce plan aucune des parties qui assurent l’action du gouvernement ou qui en dérivent. Il est par conséquent incomplet, quoique d’abord il paraisse séduisant. Il en est de même de tant d’autres systèmes que je supprime. La plupart manquent de liaison ou d’ensemble, et les avantages que quelques-uns d’entre eux nous présentent se trouvent dans le projet auquel nous vous proposons de donner la préférence. En effet, quelle est la fin de la législation ? c’est l’état social. Et les lois, à quoi tendent-elles ? à assurer à la société l’ordre et la paix, à l’homme ses droits naturels et imprescriptibles. Or, le gouvernement seul pouvant, par l’action des lois, lui en assurer la garantie et le maintien, c’est donc au gouvernement qu’il faut ramener toutes les lois, comme à l’esprit moteur qui, par l’unité d’action et de principe, en fait mouvoir sans efforts les innombrables ressorts. Idée immense, qui nous donne une division générale des lois par l’idée générale du gouvernement, et nous conduit naturellement à trois idées secondaires : Celle de son organisation, celle de son action, celle de ses moyens ou de sa force, qui formeront le code complet des lois en trois parties bien marquées. L’organisation du gouvernement n’est que la distribution des pouvoirs. Elle donne en temps de révolution le code révolutionnaire; et pour le temps qui suit la révolution, le code constitutionnel. L’organisation des pouvoirs, par rapport aux peuples et gouvernements étrangers, donne le code des relations extérieures. Mais, les pouvoirs une fois organisés, il faut en déterminer l’application et l’exercice; il faut régler les droits et les devoirs du citoyen, et l’action des autorités sur les citoyens; en sorte que, tel que cet astre brillant qui, par sa force centrale, dirige les lois et les mouvements du monde planétaire, ainsi le gouvernement dirige toutes les parties de la société, en balance les droits, en fixe les limites, et par son influence préside à la marche et à l’harmonie du monde politique. De là la police, qui contient la précaution, qui prévient le désordre, et la répression qui le fait cesser. De là la législation civile, qui règle les rapports qui doivent exister entre tous ceux qui composent la société. De là la justice criminelle, qui règle les formes destinées à la poursuite des délits, et les peines à infliger aux coupables. Ainsi l’action du gouvernement pour le maintien et le rétablissement de la paix au dedans et au dehors se termine au règlement des relations extérieures, à la surveillance générale ou ordinaire, à la répression. Par ces moyens, les grands biens de la société sont opérés; la sûreté, l’ordre, la tranquillité sont établis, et leurs bases paraissent inébranlables. Mais la société, mais l’homme et le citoyen demandent la prospérité : ce n’est point assez qu’un Dieu tutélaire tienne d’une main ferme les rênes du monde, si de l’autre il ne secoue la corne d’abondance pour couvrir la terre de ses bienfaits. Et de là encore les autres lois qui concourent au bonheur général de la république. De là l’agriculture, qui féconde la nature, en multiplie les richesses, et, à l’aide du fer, force la terre à enfanter l’or en gerbes et en fruits. De là les sciences et les arts, tous sortis de la même mère, pour l’embellir et la perfectionner, tous enfants de la nature, qui, à la faveur du génie, font éclore les talents, et à leur tour enfantent une nature nouvelle. De là le commerce, ce géant à cent bras, qui tourmente la terre et fatigue les mers, enfant orgueilleux de l’industrie, et qui bientôt étoufferait sa mère si des lois économiques ne veillaient à la juste répartition des biens de l’agriculture et des arts. De là les travaux publics, qui, appelant toute la puissance de la nation à la construction de ses arsenaux, de ses ports, de ses citadelles, des chemins, des canaux, des places, des cirques et des théâtres, forcent, par la magnificence des monuments, les citoyens à la reconnaissance, et l’étranger à l’admiration. De là les secours publics, qui, prenant sur la fortune du riche ce qui manque aux besoins du pauvre, ôtent à celui-là les moyens de corrompre, et à celui-ci la facilité d’être corrompu. Heureuse balance des secours et des besoins, qui frappe le luxe dans son principe, et, mieux que toutes les lois agraires, ne pouvant remédier à l’inégalité des biens, n’en souffre pas du moins l’injuste disproportion ; qui empêche le riche d’être un tyran, qui le force d’être un citoyen, laisse à la fortune son empire, et ne lui ôte que ses injustices, seul but auquel puissent atteindre les lois humaines. 188 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Agriculture, commerce, sciences et arts, travaux publics, secours publics, tels sont les moyens du gouvernement pour assurer l’abondance et la félicité, et telle est la seconde division du plan de classification que la commission vous présente. Maintenant, quels sont, dans la main du gouvernement, les moyens pous assurer le succès de ses opérations ? L’instruction publique, cet art créateur qui exerce son influence sur les âmes, les cultive, les fortifie, et, à l’aide de la science, forme le génie aux talents, le cœur aux vertus républicaines, l’homme à la vérité; La force publique qui, de près et de loin, au dedans et au dehors, protège et repousse, attaque et défend, attire et enchaîne à la volonté générale toutes les forces particulières, et mène en triomphe la raison universelle sur les débris des opinions, des systèmes et de la tyrannie ; Enfin, les finances, dont une fausse politique a fait une science, et que la sagesse renferme en ce seul mot : accroître la fortune publique et ménager en proportion la fortune particulière. Et voilà la troisième division de notre plan de classification. Ce plan est simple, il est méthodique, il remplira vos vues. Ouvrez la loi du 11 germinal, rapprochez l’énumération qu’elle contient du tableau que je viens de tracer, et jugez si quelque partie de la législation a été oubliée. Si la Convention nationale n’avait déjà décrété la distribution du code général en codes particuliers, j’aurais à l’entretenir des bons effets que cette division doit produire. Je dirais qu’elle permet de présenter le travail successivement et par parties, et qu’elle hâte ainsi le moment où le peuple jouira du fruit de vos méditations et de votre sollicitude. S’il fallait soutenir cette assertion par des preuves, je vous annoncerais qu’incessamment la commission vous présentera, par l’organe de Couthon, le code du gouvernement révolutionnaire, et que, bientôt après, le comité de législation, de concert avec la commission, vous soumettra le code civil et le code criminel. J’ajoute que la méthode indiquée facilite aux citoyens la recherche des lois, en leur offrant la matière qui les intéresse, sans les obliger de la démêler dans les suites d’un long ouvrage. Ici nous devrions dire un mot de la rédaction de chaque code en particulier. Mais, pour ne point fatiguer votre attention par des détails trop étendus, la commission a fait tracer un tableau qui contient le plan d’exécution qu’elle vous présente. Ce tableau placé sous vos yeux, dans le silence du cabinet, mettra chacun de vous en état de mieux apprécier notre ouvrage, et de le conduire à sa perfection par des observations utiles. Au surplus, le même esprit qui a dirigé le plan général rédigera aussi les codes particuliers. Les mêmes moyens seront mis en usage, savoir : la simplicité, qui élague, rejette et supprime tout ce qui est inutile; la méthode, qui dispose et enchaîne tout; l’ordre enfin, ce diamant de l’esprit, qui éclaire tout par une lumière successive et graduée; et voilà le grand art du rédacteur, l’art de placer les objets dans l’ordre où ils se prêtent mutuellement la plus grande lumière. Si nous sommes parvenus à l’atteindre, nul doute que le plan que nous vous présentons ne soit le plus parfait; il renferme tous les éléments sociaux, toutes les relations sociales; il rappelle l’établissement de la société, il deviendra la première page des annales des peuples libres, la première leçon que doivent apprendre les peuples qui ne le sont pas. Représentants, parmi les sublimes conceptions que la Révolution a fait éclore, celle que le comité de salut public vous a présentée le 27 germinal ne doit pas demeurer imparfaite. Vous ne permettrez pas que le projet de réunir les lois en un code simple soit au nombre de ces méditations de l’esprit qui n’ont été que les rêves de quelques hommes de bien. Tandis que le gouvernement révolutionnaire assure l’exécution de vos décrets, déjoue à chaque instant les sinistres projets de nos atroces ennemis, et consolide ainsi la république; tandis que les soldats de la liberté repoussent sur tous les points les tyrans et leurs satellites, élevons au bonheur des nations un monument impérissable. Depuis des siècles on parle de simplifier les lois, depuis des siècles la philosophie cherche cette simplicité, et elle la cherche encore. Il était réservé à la Convention nationale d’effectuer une pensée aussi consolante. C’est au grand jour de la liberté, c’est au sein de l’égalité que les bonnes lois veulent naître; elles fuient les lambris dorés du despotisme pour s’établir sous le toit du citoyen. Déjà tout s’ébranle autour de nous, et la lassitude des nations, aussi fatiguées de leurs lois que de leurs tyrans, annonce qu’un nouveau jour va paraître, et que, l’arbre majestueux des lois s’élevant à côté de l’arbre de la liberté, leurs rameaux entrelacés réuniront tous les peuples sous leurs ombres protectrices. C’est dans cette douce espérance que, pour remplir les vues de la Convention nationale, nous avons rédigé le plan d’exécution qui vient de lui être présenté, et que nous lui proposons le projet de décret suivant : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de salut public et de la commission du recensement et de la rédaction complète des lois, décrète : « Art. 1er. Le plan arrêté par le comité de salut public et la commission du recensement et de la rédaction complète des lois, pour l’exécution des articles II et III du décret du 11 prairial (l), est approuvé. « IL Le code complet des lois de la république sera divisé en trois parties : « La première comprendra les lois sur l’organisation du gouvernement; « La deuxième, les lois propres à son action ; « La troisième, les lois relatives à ses moyens ou à sa force. « III. Les lois ainsi classées formeront vingt-huit codes particuliers, conformément au tableau annexé au présent décret. « IV. Les lois consacrées ne seront point rapportées par ordre de date ; elles seront placées, dans chaque code, par articles numérotés, sans interruption. « Il sera mis en marge de chaque article une note indicative de la loi d’où l’article est extrait ». A la suite de ce projet de décret, Cambacérès lit un plan de travail ; la lecture de ce plan et le (1) Cf. Arch. Pari., T. XCI, p. 146. 188 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Agriculture, commerce, sciences et arts, travaux publics, secours publics, tels sont les moyens du gouvernement pour assurer l’abondance et la félicité, et telle est la seconde division du plan de classification que la commission vous présente. Maintenant, quels sont, dans la main du gouvernement, les moyens pous assurer le succès de ses opérations ? L’instruction publique, cet art créateur qui exerce son influence sur les âmes, les cultive, les fortifie, et, à l’aide de la science, forme le génie aux talents, le cœur aux vertus républicaines, l’homme à la vérité; La force publique qui, de près et de loin, au dedans et au dehors, protège et repousse, attaque et défend, attire et enchaîne à la volonté générale toutes les forces particulières, et mène en triomphe la raison universelle sur les débris des opinions, des systèmes et de la tyrannie ; Enfin, les finances, dont une fausse politique a fait une science, et que la sagesse renferme en ce seul mot : accroître la fortune publique et ménager en proportion la fortune particulière. Et voilà la troisième division de notre plan de classification. Ce plan est simple, il est méthodique, il remplira vos vues. Ouvrez la loi du 11 germinal, rapprochez l’énumération qu’elle contient du tableau que je viens de tracer, et jugez si quelque partie de la législation a été oubliée. Si la Convention nationale n’avait déjà décrété la distribution du code général en codes particuliers, j’aurais à l’entretenir des bons effets que cette division doit produire. Je dirais qu’elle permet de présenter le travail successivement et par parties, et qu’elle hâte ainsi le moment où le peuple jouira du fruit de vos méditations et de votre sollicitude. S’il fallait soutenir cette assertion par des preuves, je vous annoncerais qu’incessamment la commission vous présentera, par l’organe de Couthon, le code du gouvernement révolutionnaire, et que, bientôt après, le comité de législation, de concert avec la commission, vous soumettra le code civil et le code criminel. J’ajoute que la méthode indiquée facilite aux citoyens la recherche des lois, en leur offrant la matière qui les intéresse, sans les obliger de la démêler dans les suites d’un long ouvrage. Ici nous devrions dire un mot de la rédaction de chaque code en particulier. Mais, pour ne point fatiguer votre attention par des détails trop étendus, la commission a fait tracer un tableau qui contient le plan d’exécution qu’elle vous présente. Ce tableau placé sous vos yeux, dans le silence du cabinet, mettra chacun de vous en état de mieux apprécier notre ouvrage, et de le conduire à sa perfection par des observations utiles. Au surplus, le même esprit qui a dirigé le plan général rédigera aussi les codes particuliers. Les mêmes moyens seront mis en usage, savoir : la simplicité, qui élague, rejette et supprime tout ce qui est inutile; la méthode, qui dispose et enchaîne tout; l’ordre enfin, ce diamant de l’esprit, qui éclaire tout par une lumière successive et graduée; et voilà le grand art du rédacteur, l’art de placer les objets dans l’ordre où ils se prêtent mutuellement la plus grande lumière. Si nous sommes parvenus à l’atteindre, nul doute que le plan que nous vous présentons ne soit le plus parfait; il renferme tous les éléments sociaux, toutes les relations sociales; il rappelle l’établissement de la société, il deviendra la première page des annales des peuples libres, la première leçon que doivent apprendre les peuples qui ne le sont pas. Représentants, parmi les sublimes conceptions que la Révolution a fait éclore, celle que le comité de salut public vous a présentée le 27 germinal ne doit pas demeurer imparfaite. Vous ne permettrez pas que le projet de réunir les lois en un code simple soit au nombre de ces méditations de l’esprit qui n’ont été que les rêves de quelques hommes de bien. Tandis que le gouvernement révolutionnaire assure l’exécution de vos décrets, déjoue à chaque instant les sinistres projets de nos atroces ennemis, et consolide ainsi la république; tandis que les soldats de la liberté repoussent sur tous les points les tyrans et leurs satellites, élevons au bonheur des nations un monument impérissable. Depuis des siècles on parle de simplifier les lois, depuis des siècles la philosophie cherche cette simplicité, et elle la cherche encore. Il était réservé à la Convention nationale d’effectuer une pensée aussi consolante. C’est au grand jour de la liberté, c’est au sein de l’égalité que les bonnes lois veulent naître; elles fuient les lambris dorés du despotisme pour s’établir sous le toit du citoyen. Déjà tout s’ébranle autour de nous, et la lassitude des nations, aussi fatiguées de leurs lois que de leurs tyrans, annonce qu’un nouveau jour va paraître, et que, l’arbre majestueux des lois s’élevant à côté de l’arbre de la liberté, leurs rameaux entrelacés réuniront tous les peuples sous leurs ombres protectrices. C’est dans cette douce espérance que, pour remplir les vues de la Convention nationale, nous avons rédigé le plan d’exécution qui vient de lui être présenté, et que nous lui proposons le projet de décret suivant : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de salut public et de la commission du recensement et de la rédaction complète des lois, décrète : « Art. 1er. Le plan arrêté par le comité de salut public et la commission du recensement et de la rédaction complète des lois, pour l’exécution des articles II et III du décret du 11 prairial (l), est approuvé. « IL Le code complet des lois de la république sera divisé en trois parties : « La première comprendra les lois sur l’organisation du gouvernement; « La deuxième, les lois propres à son action ; « La troisième, les lois relatives à ses moyens ou à sa force. « III. Les lois ainsi classées formeront vingt-huit codes particuliers, conformément au tableau annexé au présent décret. « IV. Les lois consacrées ne seront point rapportées par ordre de date ; elles seront placées, dans chaque code, par articles numérotés, sans interruption. « Il sera mis en marge de chaque article une note indicative de la loi d’où l’article est extrait ». A la suite de ce projet de décret, Cambacérès lit un plan de travail ; la lecture de ce plan et le (1) Cf. Arch. Pari., T. XCI, p. 146.