SÉANCE DU 21 VENDÉMIAIRE AN III (12 OCTOBRE 1794) - N° 17 83 Nous savons plus (et les terroristes ne nous l’apprendront pas) qu’il est des temps difficiles où la loy doit être sévère; mais pour être inflexible, doit-elle cesser d’être juste ; et ne peut-on s’abstenir de confondre une rigueur salutaire avec la sanglante atrocité? La marche d’un peuple en révolution est semblable à celle d’un vaisseau battu par la tempête ; mais vous saurez éviter tous les écueils ; vous saurez amener à bord le vaisseau de la république. C’est à vous seuls, pilotes intrépides, que nous avons confié le gouvernail; vous ne l’abandonnerez pas à des mains inhabiles ttu perfides. Le moment approche, sans doute, où le peuple français jouira des bienfaits de la constitution; mais le gouvernement révolutionnaire seul peut amener et accélérer cet instant heureux. La section de la Fraternité vous en demande la continuation. Périssent les ennemis du peuple qui voudroient y porter atteinte ! Périssent les ambitieux qui conserveroient encore l’intention criminelle et l’espoir téméraire d’élever une puissance rivalle de celle de la représentation nationalle. La Convention ! voilà notre cri, voilà notre point de ralliement. Nous vous réitérons ici le serment que nous avons prété entre vos mains, dans la nuit, à jamais mémorable du neuf au dix thermidor ; nos fortunes, nos vies, tout appartient à la république, sauvez la france, sauvez la liberté. Nos frères des départements se réuniront à nous contre les évangélistes de l’anarchie, du meurtre et du pillage. La masse du peuple est là pour seconder vos efforts ; la jeunesse toujours victorieuse nous venge des ennemis du dehors ; l’âge virile suffira pour écraser ceux du dedans. La cause du peuple toujours juste triomphera et nos derniers neveux béniront vos travaux immortels. Vive la répubique, vive la Convention ! Prouans, président, Dommanget, commissaire à la rédaction. e [La section de Guillaume-Tell à la Convention nationale, du 21 vendémiaire an III] (59) Représentans du Peuple, C’était hier, pour les âmes sensibles, vertueuses et franchement républicaines, une belle journée. Quelles douces émotions elles ont ressenties à la vue des honneurs que la france rendait à l’homme de la nature et de la vérité; à celui qui, le premier réclama les droits imprescriptibles de l’homme et dont il était juste que la mémoire trop souvent outragée par le despotisme et la superstition fut vengée par des hommes raisonnables et libres! Nous, citoyens de la section de Guillaume-Tell, nous nous glorifions de les avoir partagés avec les amis purs de la liberté et de l’égalité, ces émotions vraiment délicieuses. Mais il en était d’autres non moins vives et aussi pures qui nous étaient encore réservées à notre assemblée générale. On y a lu d’abord le rapport de Robert Lindet sur la situation de la République, ensuite votre dernière adresse aux français. Nous ne scaurions vous peindre la satisfaction profondément sentie dont les éclatants témoignages ont fréquemment interrompu ces deux intéressantes lectures. L’admiration et la joie étaient au comble. Nous n’offrions que le spectacle enchanteur d’une nombreuse société de frères applaudissant avec transport, aux ouvrages de leurs meilleurs amis. De toutes parts la joie se trouvait peinte sur les visages. De toutes parts on vous proclamait les bienfaiteurs de la france. De toutes parts l’on éprouvait le besoin de venir vous témoigner de nouveau un entier dévouement et une vive reconnaissance. Représentans du Peuple ! comptez sur les citoyens de la section de Guillaume-Tell. Jamais, non jamais, ils ne cesseront de demeurer étroitement unis à la représentation nationale, seule dépositaire du pouvoir de donner à la france, les loix qui doivent la régir, unique centre de notre gouvernement, respectable point de ralliement de tous ceux qui veulent franchement la liberté, l’égalité, la République une et indivisible. Représentans du Peuple! tenez d’une main ferme les rênes du gouvernement révolutionnaire. Qu’ils soient désespérés, en voyant votre attitude imposante, ces hommes corrompus, assez immoraux pour essayer, peut-être encore, de tendre à la bonne foi du peuple, des pièges qui compromettraient le salut de la République. Que les anarchistes, que les royalistes, que tous les criminels aient à redouter le glaive de la loi ; mais que le franc républician puisse émettre librement sa pensée. Ainsi le veut la justice que vous n’aurez pas mis en vain à l’ordre du jour, qui ne doit effrayer que les méchants et dont le beau règne fera couler aux français vertueux ces jours purs et sereins qu’on ne connait pas lorsque l’on voit planer indistinctement sur toutes les têtes cette atroce terreur qui est bien digne d’être l’arme d’un roi, mais qui ne convient pas à des coeurs vraiment républicains. Représentans du Peuple ! continuez des travaux qui vous mènent à l’immortalité, et nous, d’exterminer et surveiller les intrigants qui sont dans notre sein, fidèles aux engagements que nous avons pris, plus d’une fois, à votre barre et que nous renouvelions en ce moment, nous ne cesserons pas de prouver que ce n’est pas seulement sur nos lèvres que sont ces exclamations qui plaisent à une immense majorité de français : vive la liberté, l’égalité, la République une et indivisible, vive la Convention nationale. (59) C 322, pl. 1353, p. 25. Sanchez, vice-président, Harau, secrétaire. 84 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE [Les canonniers de la section de Guillaume-Tell à la Convention nationale ] (60) Législateurs, Les canonniers de la section de Guillaume-Tell, ont tous juré de maintenir la République une et indivisible, et leur conduite a prouvé et prouvera qu’ils n’ont pas juré en vain ; c’est au moment où l’intrigue s’agite en tout sens pour diviser les citoyens, pour les décourager, qu’ils ont le plus besoin de se resserer autour de la Convention nationale, le seul et légitime palladium de la République; c’est cette vérité bien sentie qui nous amène dans ce sanctuaire des loix, pour y déclarer, en présence du génie de la liberté, que nous ne reconnoissons et ne re-connoitrons jamais d’autre point de ralliement que la Convention nationale, que bien convaincus, que la justice et l’établissement de la République une et indivisible sur des colonnes inébranlables, sont le but qu’elle veut atteindre, nous soutiendrons ses efforts jusqu’à la dernière goutte de notre sang. Nous le jurons tous en cet instant, et nous saurons garder notre serment avec fidélité et courage. Vive la République une et indivisible! Vive la Convention nationale! Deshays, commandant et cinq autres signatures. f [La section de la Réunion à la Convention nationale ] (61) Citoyens Représentans, Toujours d’accord avec les principes de la Convention nationale, fière du décret glorieux d’avoir bien mérité de la patrie, toujours à la hauteur de la Révolution, les droits de l’homme et la justice dans le coeur, la section de la Réunion vient vous assurer que rien ne la fera dévier des principes étemels qu’elle a professé et manifesté avec vous, principes qui sont la base de son dévouement à vos loix en général, et en particulier, de son adhésion aux principes développés dans votre adresse au Peuple français. Comme vous la section de la Réunion a toujours repoussé le sistème de terreur répandu sur la République, comme vous, elle rejette l’intrigue et l’intrigant, comme vous, elle veut la justice, mais la sévérité... avec vous, elle maintiendra de tout son pouvoir le gouvernement révolutionnaire, avec vous, elle attendra l’instant heureux où, anéantis, ou au moins réduits à l’impuissance de nuire, nos ennemis nous permettront enfin l’exercice du gouvernement républicain. Mais pour y parvenir sûrement, il nous faut de la persévérance, de la fermeté, de la vigi-(60) C 322, pl. 1353, p. 26. (61) C 322, pl. 1353, p. 37. Débats, n" 750, 329; Bull., 21 vend, (suppl. 2). lance, il faut, par tous les moyens, déraciner jusqu’au dernier germe de la malveillance ; il faut, dussent-ils en frémir de honte et de rage, que ces aveugles forcenés qui se plaisent à porter ou à regretter les chaines du despotisme, vous doivent eux-mêmes, leur bonheur; il faut faire, à l’égard de nos ennemis intérieurs, ce que nos braves déffenseurs font dans nos armées, il faut vigilance, sévérité, force, courage, sacrifices, rien ne doit nous coûter. Eh! pou-rions-nous abandonner les fleurs, après avoir arraché tant d’épines ! Encore quelques mo-mens, et nos jouissances vont tout réparer. Alors, si nous nous souvenons encore de nos peines et de nos fatigues, ce sera pour revenir dans cette enceinte, vous féliciter de l’énergie qui, en couronnant vos travaux, fera fleurir, fructifier l’olivier de la paix, et vous fera jouir du bonheur d’entendre tous les Français répéter à l’unisson Vive la république française une et indivisible. Petit, Doue, commissaire civil. [Extrait du registre des délibérations du 7e comité de surveillance séant section de la Réunion, du 21 vendémiaire an 7/7] (62) Le comité adhère à l’unanimité à l’adresse cÿ dessus, et charge le citoyen Milliet de porter son voeu à la Convention nationale en portant celui de l’assemblée générale de la section de la Réunion. Lebelle, secrétaire. 18 De nombreuses députations des sections de l’Observatoire ®, de celle de Brutus b, de celle de Marat c, de la Halle-au-Blé d, de la section de l’Indivisibilité e, de celle de Po-pincourtf [Paris], ont été successivement introduites à la barre, où elles ont témoigné leurs sentimens de reconnoissance des principes énoncés dans l’Adresse au Peuple français. Mention honorable, insertion au bulletin (63). a [La section de l’Observatoire à la Convention nationale, le 21 vendémiaire an 777] (64) (62) C 322, pl. 1353, p. 37. (63) P. V., XL VII, 123. Ann. R.F., n 21; C. Eg., n" 785; F. de la Républ., n” 21; J. Fr., n” 747; J. Mont., n 2 ; J. Per-let, n” 749; Mess. Soir, n” 785; M.U., XLIV, 334-335; Rép., n" 22. (64) C 322, pl. 1353, p. 32. Débats, n” 750, 323; Bull., 21 vend, (suppl. 2).