620 .[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. { � forçats eussent été semblables aux habitants de Toulon, ils auraient aidé les ennemis; mais par une conduite opposée, n’ont-ils pas payé une rançon patriotique? Nous ne vous proposerons pas des mesures qui puisseiÿt être accusées d’immoralité; ainsi ne brisons pas aveuglément les chaînes de tous les forçats de Toulon; mais l’amour de la patrie n’avait-il pas purifié des cœurs qui n’ont dû leur corruption qu’aux vices de l’ancien régime, à la misère, peut-être même aux lois du despo¬ tisme que vous avez renversé? Ne pouvons-nous pas faire rechercher la nature des délits ou des crimes qui ont pu motiver leur condam¬ nation? Ne pouvons-nous restituer à la société des hommes qui peuvent devenir citoyens, et qui ont connu une patrie quand ils l’ont vue en danger? Les représentants ont écrit à la Convention, que les forçats étaient les seuls patriotes de Tou¬ lon : eh bien ! sans exagérer, sans compromettre la reconnaissance publique, qu’elle vienne au¬ jourd’hui consoler des malheureux, et prouver que la patrie ne fut insensible à aucun genre de dévouement. Barère-Je vais vous lire différentes lettres reçues par le comité de Salut public. Le chef principal des bureaux de la marine à Toulon, écrit au ministre, le 5 nivôse (1) : « Les pertes de la République, dans l’arsenal, sont peu considérables. Tout est conservé à l’exception du magasin général et de la mâture. « L’aperçu des forces de nos ennemis, et la conservation de tout ce qu’ils ont laissé, rend cette victoire si étonnante que la postérité aura de la peine à la croire. Il n'y a que des sol¬ dats qui se battent pour leur patrie, qui aient pu entreprendre une pareille attaque, et rem¬ porter une victoire aussi complète. Extrait de la lettre du général Hoche, au ministre de la guerre. « Du quartier général de Landau, 10 nivôse (2). « Nous avons Germesheim et Spire, des maga¬ sins d’ai mes et d’immenses fourrages. Landau nous a coûté, non compris Kaiserslautem, 200 hommes tués et 800 blessés. Signé : Hoche. » Les représentants du peuple envoyés par la Con¬ vention nationale, près l’armée dirigée contre Toulon, au comité de Salut public de la Con¬ vention, « Au quartier général de Toulon, le 3 nivôse (3). « Nous n’avons pu, citoyens collègues : dans les premiers jours de notre entrée à Toulon, vous donner que des détails imparfaits sur la vic¬ toire remportée par l’armée de la République; nous nous empressons de vous en donner de nouveaux, qui justifieront à l’univers ce que peut le courage de nos républicains, combattant pour la liberté. « Depuis notre dernière lettre, l’on a vérifié (1) Bulletin de la Convention du 14 nivôse an II (vendredi 3 janvier 1794). (2) Supplément au Bulletin de la Convention du 14 nivôse an II (vendredi 3 janvier 1794). (3) Ministère de la guerre : Armée devant Toulon, sur les divers points d’attaque quelles peuvent être les pertes de nos ennemis, et nous vous annonçons avec joie qu’elles s’élèvent à plus de 5,000 hommes tués ou blessés, non compris les prisonniers dont le nombre est considérable. La précipitation avec laquelle ils ont fait leur embarquement leur a occasionné de nouvelles pertes non moins considérables; une de leurs frégates fut coulée à fond par le feu de nos batte¬ ries, et la plupart de leurs vaisseaux très endom¬ magés; plusieurs chaloupes eurent le même sort que la frégate, de manière que les rivages du port sont couverts de leurs cadavres. « Nous recevons journellement dans le port des bâtiments chargés de provisions : un brick de 18 pièces de canon et de 105 hommes d’équipage en fait partie. Tout ce qui est étranger sur ces bâtiments, est fait prisonnier; tout ce qui est français est fusillé. « La justice nationale s’exerce journellement et exemplairement sur le champ de bataille. Tout ce qui se trouvait dans Toulon, et avait été employé dans la marine, dans l’armée des rebelles et dans l’administration s civile et militaire, a été fusillé aux cris, mille fois répétés par l’armée de : Vive la République! « Beaucoup de coquins s’étaient glissés dans l’armée, et le pillage devenait dangereux. Nous l’avons arrêté par quelques mesures simples mais vigoureuses, qui ont prouvé à l’armée que les représentants du peuple savaient distinguer les vrais défenseurs de la patrie, des pillards et des voleurs. Nous nous sommes présentés dans les endroits où nous étions instruits que des magasins s’en¬ fonçaient, et nous avons eu la satisfaction de voir l’armée applaudir à nos observations, et nous promettre d’être tout entière en patrouilles pour arrêter les pillards. « Un arrêté pris par nous, et par lequel nous prononçons la peine de mort contre tout citoyen et soldat qui sera surpris piller ou nanti d’effets pillés, a produit le plus grand effet. L’armée y a applaudi avec enthousiasme, et quelques pil¬ lards, parmi lesquels il y a même des officiers, sont en prison et seront bientôt jugés. « D’après la connaissance que nous avons des peines, des fatigues, du courage, du zèle et de l’intrépidité dont l’armée a donné l’exemple dans la prise de cette infâme cité, nous avons promis à l’armée tout les effets et meubles appar¬ tenant aux rebelles, et nous avons ajouté, en sus, un million de gratification. Comme il faut du temps pour réunir tous ces efEets, et beaucoup plus encore pour les vendre, nous les avons évalués 2,000,000, qui, joints au million de gra¬ tification, donnent à chaque soldat une somme de 100 livres, depuis le général en chef, jusqu’au tambour. Cette dernière mesure a produit le plus grand effet, et nous vous assurons que la République n’y perdra rien. « Il n’est pas nécessaire de vous dire que tout ce qui est argenterie, effets d’église, magasins publics et vivres, ne sont point compris dans les effets des rebelles. « Nous avons récompensé, par des avance¬ ments, les officiers qui se sont distingués, vous en recevrez bientôt la liste ; nous nous occupons de la récompense due aux blessés et aux malheu¬ reux qui sont mutilés. « Apprenez à toute l’Europe qu’une infinité de braves défenseurs de la patrie disaient au moment de leurs blessures : Nous sommes blessés, mais nous avons encore du sang à répandre pour [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j ” 621 venger la République. Représentants, ah! qu’il est doux de mourir pour la patrie! « Dans notre visite à l’hôpital, quelques-uns de ceux à qui il manque un bras nous présen¬ taient celui qui leur restait en nous disant : Que les ennemis de la pairie tremblent! celui-là me reste pour les anéantir! « Enfin, citoyens collègues, nous vous ferons passer successivement la liste de ces braves républicains, et le nom de ceux qui en mourant ont, par leurs dernières expressions, immortalisé leur gloire. « Salut et fraternité. « Eicord, Paul Barras, Sauceti. » « P. -S. Nous formons des Commissions pour l’administration de la marine, des effets des rebelles, etc., et une commission qui jugera révolutionnairement tous les coquins. « Signé : Eicord, Paul Barras. » Copie d’une lettre du général Chamboué au citoyen Rouchoite, ministre de la guerre. « De Béunion-sur-Oise, le 8 nivôse, l’an II de la Eépublique (1). « Citoyen ministre, voici les détails d’une action qui s’est passée dans la nuit du 5 au 6 ni¬ vôse. Un de mes guides, après avoir pris une exacte connaissance de 3 postes occupés par l’ennemi à la gauche d’Hannappes en allant au Cateau, vint en faire le rapport au citoyen De-maret, capitaine commandant un détachement du 19e régiment de chasseurs (ci-devant légion de Eosendal), cantonnée à Tupigny. Perraut, adjudant, en est instruit; il forme le projet d’en enlever un; le plus faible, en effet, mais le plus périlleux lui paraît le plus glorieux à emporter. Il va trouver son capitaine; à sa demande, le capitaine, sûr de sa bravoure, lui confie l’exécu¬ tion de son projet. « Perraut expose à ses camarades le danger qu’ils ont à courir, mais ils le comptent pour peu. L’espoir de faire une belle action les anime, rien ne peut les arrêter. Us veulent tous en par¬ tager la gloire : Pour éviter toute esclandre et d’être privé par là de la réussite, un petit nombre lui suffit. Il fait prendre aux guides habillements et armes de chasseurs, et, à la fa¬ veur de la nuit, ils marchent tous en bon ordre et se glissent au milieu du poste qu’ils avaient juré de détruire. Sabre d’une main et pistolet de l’autre, ils tombent sur les gardes, s’emparent du poste, y sèment l’alarme; et de 18 esclaves qui le gardaient, 17 sont à l’instant privés de la vie; un seul l’obtient en la demandant à genoux, il est fait prisonnier. Cependant, au bruit de ce qui se passe, la trompette sonne, les deux autres postes sont en armes; nos braves républicains allaient être enveloppés; mais, sai¬ sissant le moment favorable, ils échappent au danger, ils rentrent victorieux à leurs canton¬ nements, emmenant avec eux 14 chevaux des ennemis. Un seul chasseur a été malheureuse¬ ment blessé d’un coup de carabine. J’ai fait donner au guide 200 francs; les chevaux ont été ramenés à la Eéunion-sur-Oise, pour le ser¬ vice de la Eépublique. « Signé : Chamboué. » (1) Supplément au Bulletin de la Convention du 14 nivôse an II (vendredi 3 janvier 1794). Barère propose, à la suite de ce rapport, un projet de décret, qui est adopté en ces termes : « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu le rapport de son comité de Salut public, décrète : Art. 1er. « Le ministre de la marine est chargé de donner sur-le-champ les ordres nécessaires pour la construction de tous les vaisseaux que les cales et les emplacements du port de la Mon¬ tagne pourront contenir. Art. 2. « Il donnera en même temps des ordres, dans tous les ports de la Méditerranée, pour faire construire tous les bâtiments de guerre qui pourront contenir dans les cales et dans les chantiers de construction. Art. 3. « Le ministre de la marine fera réparer à Tou¬ lon, avec la plus grande célérité, tous les éta¬ blissements dépendants de son administration, et est autorisé, à cet effet, à mettre en réquisition tous les maçons et ouvriers nécessaires du dépar¬ tement du Var et de tous les départements voi¬ sins. Art. 4. « Les représentants du peuple envoyés dans les départements méridionaux, feront partir vers Marseille et Toulon, aussitôt que le décret leur sera parvenu, tous les bois de construction, tous les objets et matières mis déjà en réquisi¬ tion, et qui sont propres à la construction et à l’armement des vaisseaux. Art. 5. « Les corps administratifs sont tenus de mettre la plus grande activité pour faire par¬ venir à leur destination les divers objets et matières destinés au service de la marine. Art. 6. « Les représentants du peuple, envoyés dans le département du Mont-Blanc, sont chargés d’accélérer l’exécution du décret précédemment rendu pour la coupe des bois dans ce départe¬ ment; ils les feront parvenir incessamment à Marseille et à Toulon. Art. 7. « Les ouvriers propres à la construction et aux travaux de la marine, et qui se trouveraient faire partie de la première réquisition armée, sont requis, par le présent décret, de se rendre à Toulon, pour les travaux qui vont être com¬ mencés; le ministre de la guerre et celui de la marine donneront à cet effet les ordres néces¬ saires. « Le ministre de la marine enverra à la Con¬ vention et fera imprimer la liste des citoyens qu’il tirera de la réquisition, pour les employer dans la marine. Art. 8. « Le ministre "disposera le service de la marine de manière à ce que les marins des régions mari¬ times de l’ouest, soient employés dans les régions maritimes du sud, et réciproquement.