[Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 juin 1790.] auront fait au moins deux engagements comme auxiliaires. — (Bon.) Après cinq engagements révolus soit dans l’armée active, soit dans l’armée auxiliaire, tout soldat pourra prendre sa retraite, qui sera pour lors de 10 sols par jour pour celui qui aura fait cinq engagements dans l’armée active ; de 9 sols pour celui qui n’y eu aura fait que quatre ; de 8 sols pour celui qui n’y en aura fait que trois ; de 7 sols pour celui n’y en aura fait que deux ; et de 6 sols pour celui qui qui n’y en aura fait qu’un seul. (A arranger avec M. deWimpffen) (1). Une décoratiou militaire sera instituée pour les officiers et les soldats qui auront bien servi la patrie pendant trente ans et qui se retireront hors d’état de la servir ; mais à la condition, que s’ils ont encore la force, ils continueront leurs services. Ainsi cette décoration sera donnée aux soldats qui contracteront un sixième engagement, à la fin duquel ils seront assurés de moitié en sus de la retraite qui leur était acquise après le cinquième engagement, outre un habillemet complet qui leur sera fourni comme aux soldats en activité. Il sera formé, au lieu des compagnies détachées d’invalides, des compagnies de vétérans qui auront des garnisons sédentaires, non seulement dans les petits forts et châteaux, mais en général dans les villes de guerre, où ces braves gens serviront d’exemple et d’encouragement. L’hôtel des invalides sera ramenée à sa première destination pour les véritables invalides. — (Bon.) Il sera établi par chaque département une école de soldats destinés être la pépinière de l’armée, suivant les idées exposées dans le mémoire. — (Bon,) Si des besoins extraordinaires exigent un surcroît des moyens, la législature et le roi demanderont des volontaires à chaque compagnie de gardes nationales. — (Bon.) 4e ANNEXE. Itérative motion deM. Malouet, contre les adresses injurieuses aux membres du Corps législatif (2). J’ai demandé la parole avec instance, on me l’a refusée. Voici ce que je voulais dire. Messieurs, j’avais pensé que le jour même où vous avez plus solennellement consacré l’inviolabilité des députés, ne serait pas marqué par de nouveaux outrages à leur caractère, par des nouveaux attentats à leur sûreté. C’est devant vous, c’est à la barre de cette Assemblée, qu’une succession d’adresses voue à V exécration publique trois cents représentants de la nation, pour avoir signé une déclaration de leur vœu sur la religion catholique. Puisqu’il n’existe point d’asile (1) M. de Wimpffen, qui est du comité militaire et du comité des pe usions, nous a dit qu’il avait un travail fait sur les retraites, d’après les bases arrêtées au comité des pensions; on a répondu que le comité des pensions critiquerait nos mesures et dérangerait nos plans s’il fixait sans nous les conditions des pensions militaires à accorder par forme de retraite. J’ai proposé de conférer avec M. de Wimpffen, et de chercher les moyens de nous concilier. Il y a consenti, et il a été convenu que jusque-là cet article et les deux suivants, pour ce qui concerne le traitement pécuniaire, resteraient en surséance. (2) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. 503 contre une telle persécution ; puisque je n’ai pu, malgré mes instances réitérées, obtenir la permission de vous en démontrer l’injustice et le danger : c’est à l’histoire, c’est à la postérité que je la dénonce. Quelle que soit votre opinion, Messieurs, sur cette célèbre déclaration, de quelque improbation que vous la jugiez susceptible, les principes de la Constitution, de la liberté, de la paix publique sont également violés par les insultes et les menaces dont vous laissez accabler en votre présence trois cents représentants de la nation. S’ils sont coupables, vous avez le droit déqualifier le délit et d’en ordonner le jugement*, mais dans l’instruction même d’un procès criminel, il est une sauvegarde pour l’accusé qui le met à l’abri des insultes du juge et des voies de fait de l’accusateur. Cependant, par une violation inouïe du droit des gens, du droit public et positif de toutes les nations, c’est dans le sanctuaire des lois, c’est aux législateurs mêmes que s’adressent les plus flétrissantes injures et une proscription solennelle ; c’est par l’organe de son président que le Corps législatif accueille un tel outrage et y applaudit. J’avoue, Messieurs, que je ne peux m’accoutumer au spectacle douloureux que me présente l’Assemblée nationale, lorsqu’au milieu d’une foule immense d’auditeurs, un étranger admis à la barre se croit assuré d’avance de la protection de cinq cents membres du Corps législatif, pourvu qu’il en insulte trois cents. — Et si la France se tait sur un tel scandale ne craignez-vous pas, Messieurs, que l’Europe entière qui nous entend, qui nous regarde, n’en soit épouvantée ? Ne craignez -vous pas que la liberté, ainsi calomniée, ne soit présentée aux peuples asservis sous les couleurs de la tyrannie? A quel signe, en effet, puis-je me croire libre, si, sans jugement préalable, je peux être déclaré traître à la patrie et dénoncé sous cette qualification à mes concitoyens, au Corps législatif? Je suis libre, dites-vous, et des adresses plus cruelles que des lettres de cachet viennent poursuivre dans votre sein mes collègues, et vous applaudissez, au lieu de les protéger ou de les juger ! Vous voulez que je me croie libre, et trois cents députés siégeant à vos côtés sont condamnés à l’infamie par un harangueur qui assigne les rangs parmi vous, et appelle les uns traîtres et les autres augustes! et vous applaudissez, et les tribunes applaudissent, et à la suite de cette humiliation, vos trois cents collègues vont, comme vous, décider du sort de la France! Et telle est la Constitution d’un peuple libre! Ab ! Messieurs, c’est l’absence de toute constitution. Jamais Tibère ne permit à ses délateurs de venir en sa présence insulter le sénat romain : il faisait accuser les sénateurs, mais il leur laissait le choix du supplice. Prononcez une loi contre les déclarations d'opinions ; que l’on sache ce qui est permis, ce qui est défendu ; mais ne livrez point le droit terrible d’anathème et de proscription à la fureur de tous ceux qui voudront l’exercer; ne nous livrez point au droit du plus fort. Souvenez-vous, Messieurs, que vous avez été envoyés pour rétablir l’empire des lois, et non pour le détruire. ■ Or, c'est renverser par la base l’édifice de là Constitution, et de tout autre système législatif, 1 que de consacrer, par vos applaudissements, la violation des, principes ; et c’est violer tous les principes que d’applaudir aux outrages et aux m [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [26 juin 1190.) proscriptions, quelles que soient les victimes. Mais dans ce cas-ci, Messieurs, c’est plus encore, c’est attenter à votre propre sûreté autant qu’à votre dignité, que de permettre cet attentat contre vos collègues; et pour nous montrer la profondeur de l’abîme qu’on creuse ainsi sous vos pas, permettez-moi quelques observations �effrayantes, sans doute, mais dont vous reconnaîtrez la justesse. S’il se présentait un homme à la barre qui vous dit : « Je viens vous demander un décret qui chasse de l’Assemblée trois cents députés, et les livre à la fureur du peuple comme traîtres à la patrie. » — Vous frémiriez, sans doute, et vous ne prononceriez pas le décret. Hé bien, Messieurs, toutes ces adresses le prononcent et vous le permettez. Mais la licence des adresses une fois légitimée, voici leurs terribles conséquences : Indépendamment des trois cents députés si souvent proclamés traîtres à la patrie, il en est plus de cent autres qui, sans avoir signé la déclaration, se trouvent souvent dans la minorité, et je suis du nombre. Or, ceux-ci ont eu fréquemment leur part dans les adresses qui déclarent mauvais citoyens les partisans de telle ou telle opinion. Ainsi voilà quatre cents députés diffamés, jugés et condamnés par les adresses. Ce n’est pas tout, le caractère de la licence est d’aller toujours en avant, et il était aisé de prévoir qu’aussitôt qu’un seul député serait impunément livré aux fureurs de la calomnie, elle s’élancerait jusque sur la majorité ; ainsi nous avons vu, dans la question du droit de la guerre et de la paix, d’affreux libelles comprendre dans la liste des mauvais citoyens les quatre cinquièmes de l’Assemblée nationale; et j’ai entendu une foule immense employer les menaces et les expressions des adresses ; la conséquence évidente de ce système de proscription est donc que tous les membres de l’Assemblée nationale peuvent être alternativement proclamés à la barre traîtres à la patrie . Peut-être, Messieurs, m’objectera-t-on que ce cruel signalement n’a jamais été donné en votre présence qu’à ceux des députés qui ont signé la déclaration, qu’ainsi ma supposition de l’outrage fait solennellement à l’universalité du corps législatif est sans fondement, puisque la majorité ne peut-être soupçonnée de s’élever contre les décrets qu’elle a laits. Je réponds que, dans ce cas-ci, la condition de la minorité est inévitablement commune à la majorité. Cette condition est d’être outragés avec impunité pour un fait particulier. Or, d’autres faits, d’autre circonstances peuvent diviser et subdiviser la majorité de telle manière qu’un certain nombre de ses membres diffamés, avec la même impunité, et ajoutés à ceux qui le sont journellement à la grande satisfaction des spectateurs, forme les trois ou quatre cinquièmes de l’Assemblée nationale, outragée alors de son propre aveu en majorité, et avec l’applaudissement des tribunes. Maintenant, Messieurs, je demande quelle sera la magistrature respectée en France, si la vôtre ne l’est pas, et ce que peuvent devenir les lois, lorsque les législateurs sont avilis ? Dira-t-on encore qu’il ne s’agit ici que des im-probateurs de votre décret? jugez -les, Messieurs; que chaque citoyen ait le droit de les improuver aussi, mais non celui de les insulter devant vous et avec votre permission. Car l’égalité de droits étant commune à tous, celui d’insulte, si c’en est un, devient commun à tous, et la qualification de traître à la patrie s’attache nécessairement à tous les partis, à toutes les opinions. Voilà l’affreuse conséquence de cette indignité, l'état de guerre entre les citoyens, le mépris de vos fonctions, de votre caractère, de votre autorité, la liberté réduite au droit du plus fort, c’est-à-dire à la tyrannie. Et quand on connaît la filiation de ces adresses menaçantes, quand on sait comment elles sont suggérées, combien les bons citoyens, les hommes vertueux de tous les pays sont éloignés de ce caractère d’injure et de proscription ; que partout et toujours il est celui des hommes vains et violents qui séduisent et intimident les faibles, et qui s’exercent dans les clubs à dominer dans les assemblées; alors, Messieurs, que peut-on conclure de ces déclamations ; qu’y a-t-il de commun entre l’opinion publique, si imposante dans ses effets, et les formules d’anathème qui se transmettent d’adresses en adresses, avec la même expression ? Certes, les citoyens useraient de leur droit et avec la dignité qui leur appartient, en disant simplement : nous n'adhérons point à telle déclaration, nous la jugeons inutile ; mais ils en useraient aussi en vous disant respectueusement qu’elle est conforme à leur vœu ; et comme il ne manquerait à ce vœu pour être respecté que d’être celui du plus grand nombre, il ne peut être criminel pour être le vœu de quelques-uns. Je conclus, Messieurs, que la lecture des adresses injurieuses aux membres du Corps législatif, et les applaudissements qu’elles obtiennent, sont un scandale qu’il est temps de faire cesser. Que l’oppression de la minorité de l’Assemblée légitimerait toute espèce de protestation ; que lorsque les règles de la justice sont violées pour quelques-uns, la tyrannie peut s'étendre sur tous, et que le droit de vouer à V exécration publique des citoyens sans les juger est celui d’éteindre, dans tous les cœurs, tout sentiment de liberté, de justice et d’humanité. 5e ANNEXE. Réplique de M. de Mirabeau le jeune à la réponse qui lui a été faite au nom du régiment de Touraine , par les nommés Sauve ton, fourrier, et About, fusilier, se disant députés dudit régiment; et par les sieurs Vergés, officier municipal; Mailhat , Siau et autres membres de la garde nationale dePerpignan, s'en disant autorisés{ 1). Accoutumé depuis deux mois aux outrages que la calomnie, l’ingratitude, l’insubordination ont fait vomir contre moi à des soldats parjures, rebelles à l’autorité du roi, à celles de leurs chefs et de leurs officiers, je m’attendais bien à trouver dans leur réponse des injures, mais je croyais aussi y rencontrer quelques faits justificatifs, et j’avoue que cette pièce que j’ai sous les yeux ne m’eût pas semblé même exiger une réplique de ma part, si je n’y avais trouvé jointes les diatribes de M. Vergés, au nom d’une municipalité qui le désavouerait si elle était libre, et celles de quelques officiers de la garde nationale de Perpignan, dont deux, MM. Mailhat et Siau, sont regardés comme les auteurs de tous les troubles arrivés à Perpignan, et dont l’un, M. Mailhat a été cité à la (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur.