[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLIiENTAIRE� (24 novembre 1790,] 727 Je n’ai pas craint la défaveur de l’Assemblée en rapportant aujourd’hui l’opinion du comité qui semble contrarier les principes du rapport sur le département de l’Ain. L’on peut être entraîné, trompé par l’apparence du bien ; aussi, en présentant mes principes sur la multiplicité des districts, je n’étais que l’organe du comité et de la plupart des membres de l’Assemblée. Mais, s’il peut être avantageux que l’opinion publique se prononce fortement sur cet objet, il n’a pas été inutile ni imprudent de la provoquer; il a été courageux de le faire, au risque que l’événement exigeât de nouveaux travaux pour reprendre une opération dont l’exécution eût occasionné des peines infinies qui n’offrent aucun dédommagement que celui, bien précieux sans doute, d’être utiles à la chose publique. Vous la servirez en adoptant le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, considérant que les justiciables et les administrés des districts des départements de l’Ain, de la Sarthe et du Var n’ont pas émis leurs vœux pour la suppression demandée de leurs districts respectifs ; « Décrète qu’il n’y a lieu, quant à présent, à délibérer sur les pétitions des administrateurs de ces départements; « Se réserve l’Assemblée nationale de régler, dans un décret particulier, par quels organes et dans quelle forme les administrés et justiciables, qui demanderaient la réduction de leurs districts, pourront manifester leur vœu et se présenter aux législatures suivantes. » M. Jourdan. Je propose de ne rien décider en ce moment et de prendre, avant tout, le vœu des départements sur les réductions demandées. M. de lia Galissonnière. J’insiste sur la réduction des districts du département de la Sarthe, réduction qui a été votée par la généralité des municipalités, réduction évidemment nécessaire puisqu’étant l’un des départements les plus petits du royaume, il compte neuf districts, tandis que cinq seraient plus que suffisants. M. Buzot. Je propose un amendement tout différent. Il consiste à renvoyer toutes les demandes en réductions de districts aux prochaines législatures. Je crois que les mois quant à présent doivent être rayés du décret afin d’empêcher ces agitations, ces divisions intestines que quelques hommes ont intérêt de susciter et d’entretenir dans nos provinces. M. Gossin, rapporteur , adopte l’amendement de M. Buzot. Le décret est ensuite mis aux voix et adopté comme suit : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, considérant que les justiciables et les administrés des districts des départements de l’Ain, de la Sarthe et du Var n’ont pas émis leur vœu pour la suppression demandée de leurs districts respectifs ; « Décrète qu’il n’y a lieu à délibérer sur les pétitions des administrateurs de ces départements; « Se réserve l’Assemblée nationale de régler, dans un décret particulier, par quels organes et dans quelle forme les administrés et justiciables, qui demanderaient la réduction de leurs districts, pourront manifester leur vœu et le présenter aux législatures suivantes. » M. Grangler annonce à l’Assemblée qu’il vient de recevoir des administrateurs dû district de Sancerre, les nouvelles les plus tristes sur les suites de débordement de la Loire dans l’étendue du département du Cher ; il sollicite des Secours en faveur des victimes malheureuses de cette inondation. (L’Assemblée renvoie l’examen de cette demande au comité des finances, pour en rendre compte demain.) M. le Président. L’Assemblée reprend la suite de la discussion sur le projet de décret proposé par le comité des pensions sur les brevets de retenue. M. Camus, rapporteur. Le comité des pensions s’est assemblé hier au soir pour revoir le décret qu’il vous avait présenté. Nous avons discuté, et j’ai recueilli des vues encore nouvelles. J’avais posé hier un principe qui avait paru le seul vrai : que la nation ne devait rembourser que ce qui avait été effectivement versé dans le Trésor public. On y a proposé divers amendements, et cela parce qu’on n’avait pas eu le temps de s’informer de la véritable nature des brevets. On a proposé des exceptions de mille espèces différentes, et alors nous n’avions plus de marche certaine. De son côté, le comité a reconnu que le mode d’indemnité qu’il avait présenté n’était pas exact, qu’il pouvait s'étendre jusqu’à des personnes qui n’en mériteraient pas, et en maltraiter d’autres à qui il en était dû ; il a cependant toujours été frappé de la nécessité de statuer sur le principe « que l’on n’est pas débiteur des dettes que l’on n’a pas contractées, » Quant aux indemnités à accorder, un seul exemple peut vous prouver qu’il faut un scrupuleux examen. Dans le registre des décisions nous avons trouvé M. d’Aligre, L’article porte que M. d’Aligre sera remboursé de son brevet de retenue de 200,000 liv. sur l’emprunt de l’ordre du Saint-Esprit, et cependant il est notoire que, lorsque M. d’Ormes-son a succédé à M. d’Aligre, il lui a remboursé ce brevet de retenue. La nation remboursera-t-elle de pareils brevets? Ces réflexions ont déterminé le comité à présenter un décret qui, je pense, répondra mieux aux vues de l’Assemblée. Il est ainsi conçu : « Art.xler. Il ne sera plus accordé aucun brevet de retenue sur aucuns offices, titres et charges nécessaires à l’entretien de l’ordre public, et les brevets qui auraient été expédiés précédemment sur lesdites charges ne mettront aucun obstacle à l’expédition des provisions des nouveaux titulaires, sauf aux porteurs de brevets ou à leurs créanciers à se pourvoir ainsi qu’il va être dit. « Art. 2. Les sommes portées aux brevets de retenue qui ont été précédemment accordés ne seront remboursées qu’autant qu’il sera justifié que lesdites sommes ont été versées au Trésor public, soit par le porteur de brevet de retenue, soit par les titulaires qui l’ont précédé, pu qu’elles ont été employées au service de l’Etat. « Art. 3. Et néanmoins l’Assemblée nationale, voulant prendre en considération la position dans laquelle se trouvent plusieurs personnes auxquelles il a été remis des brevets de retenue, uniquement pour les dédommager du remboursement qu’elles faisaient à leurs prédécesseurs dépareille somme , ordonne que les porteurs de brevets de retenue qui les avaient obtenus à l’époque même de leur provision, et pour raison de sommes remboursées à leur prédécesseur, pu à ses héritiers et ayants-oause, remettront, dans le mois, leurs mé- 728 [ÀBsemMée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ]24 novembre 1790.] moires, brevets et provisions au comité des pensions, pour, sur le compte qui en sera par lui rendu, être par l’Assemblée accordé aux porteurs de brevets telle indemnité qu'elle jugera convenable. Les héritiers, créanciers et ayants-cause des breva-taires auront la même faculté de présenter leurs mémoires et de demander à être indemnisés. « Art. 4. A l’égard des porteurs de brevets qui les ont obtenus sans avoir payé aucune somme à leurs prédécesseurs ; de ceux qui sont porteurs de brevets accordés primitivement et par pur don à des personnes dont ils sont héritiers, légataires ou donataires ; de ceux enfin qui n’ont obtenu des brevets de retenue qu’à un intervalle de temps après leurs provisions et sans rapport auxdites provisions, ils ne pourront prétendre à aucune indemnité. Ceux qui auront obtenu des brevets de retenue d’une plus forte somme que celle qu’ils ont payée à leurs prédécesseurs, ne pourront prétendre à aucune indemnité pour cet excédant, mais seulement pour la somme réellement payée à leursprédécesseurs, et, s’il y a lieu, aux termes de l’article précédent. « Art. 5. Les créanciers dont les privilèges et hypothèques; portant sur des brevets de retenue, sont autorisés par des lettres patentes enregistrées dans les formes qui avaient lieu précédemment, seront remboursés du montant de leur créance. » M. de Jessé. Je n’abuserai pas des moments de l’Assemblée en reportant sous ses yeux les excellentes raisons qui lui ont été présentées hier en faveur des propriétaires des brevets de retenue; je sais qu’elle est instruite que ces porteurs sont absolument dans le cas de tous les porteurs de titres de la dette publique, titres que nous n’avons pu ni dû vérifier, et que nous avons mis sous la sauvegarde de la loyauté française, avec la différence que beaucoup de porteurs de brevets sont dans un cas bien autrement recommandable que celui de tels créanciers de l’Etat qui sont plus que véhémentement soupçonnés de n’avoir point versé de fonds au Trésor public. L’Assemblée est instruite que ces brevets, circulant maintenant sur la foi publique, ruineraient, s’ils étaient frappés de nullité, un grand nombre de familles et leurs créanciers, qui ont prêté sur ces effets comme sur les gages les plus solides. Elle n’ignore pas qu’il y a plusieurs brevets dont Je montant a été versé au Trésor royal et n’a point été enregistré. L’Assemblée n’est certainement pas disposée à avoir deux poids et deux mesures, et à traiter les porteurs de brevetsde retenue pour les charges militaires et autres, différemment des magistrats, qu’elle a ordonné devoif* être remboursés sur le prix de leur acquisition. Je demande à lui faire une courte observation sur les colonels de cavalerie et de dragons. Par exemple, si, comme il vous a été proposé, leurs brevets, dès qu’ils dateraient d’une année antérieure à celle de 1769, n’étaient susceptibles ni de remboursement ni d’indemnité, il arriverait, par un étrange renversement d’idées, que ces officiers, qui donnaient pour l’achat de leurs charges une finance de 40 ou 50,000 écus, et qui recevaient en appointements 2 ou 3,000 livres de moios que l’imérêt de leurs finances, se trouveraient les perdre, et être traités d’autant plus sévèrement qu’ils auraient fait pendant plus d’années à l’Etat un sacrifice pécuniaire, onéreux pour la fortune de plusieurs d’entre eux, et le sacrifice constant de leur temps et de leurs travaux. Je pense que la nation française nous a spécialement envoyés pour faire toutes ces observations, pour saisir toutes ces nuances, et que nous ne pouvons nous qualifier ses représentants et ses amis qu’au-tant que nous la servons en nation magnanime, et quenousreconnaissons qu’elle n’a pas d’intérêt au delà de l’immuable justice. Je suis d’autant plus fondé à parler ainsi que, quoiqu’il ait paru à la suite du rapport du comité une note où il est dit que ses membres qui n’avaient pas signé le projet de décret s’étaient trouvés absents, je suis obligé de déclarer que c’est une erreur; que moi, par exemple, j’étais présent à la délibération où il s’est agi des brevets de retenue, et que j’ai été de l’avis de leur remboursement total, parce que j’ai cru que des collègues que j’estime étaient alors égarés par l’excès de leur zèle et de leurs bonnes intentions. M. de Toulongeon. Les porteurs de brevets de retenue ne doivent pas être traités plus sévèrement que les propriétaires d’offices de judica-ture. M. d’André. Je propose de dire que ceux qui seront pourvus de brevets, sur le compte qui en sera rendu à l’Assemblée nationale, recevront le remboursement des sommes par eux payées à leurs prédécesseurs. (On demande la question préalable sur cet amendement.) (L’Assemblée est consultée. — L’épreuve parait douteuse.) M. Dubois-Crancé. Je demande l’appel nominal. Plusieurs membres du côté gauche insistent sur l’appel nominal. M. l