742 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES 15 juillet 1791.] « Toulon, le 20 juin 1791. « Monsieur le Président, « Nous avons l’honneur de vous adresser la copie des procès-verbaux que nous avons faite conjointement avec le directoire de district et la municipalité de Toulon. « Nous avons l’honneur de vous informer qu’à la nouvelle de l’enlèvement du roi qui nous est parvenue, nous avons prêté le serment sur notre honneur, et à peine d’infamie, de maintenir la Constitution, de périr s’il le faut pour la défendre. Les administrateurs du directoire du district, le tribunal de district, le commandement des troupes de terre, le directeur des forti-lications, le capitaine commandant les troupes de mer, ont tous prêté le même serment. Il n’y a eu que M. de Glandevez, commandant de la marine, qui s’y soit refusé, sous prétexte qu’étant chevalier de Malte, il ne pouvait pas jurer de maintenir la Constitution en ce qui touche le spirituel (Rires.) Nous ne voulûmes point de restriction à son serment, il n'en prêta aucun. « Des cris multipliés de Vive la nation! vive la loi , se sont fait entendre sur notre passage. M. de Grandevez appela les administrateurs ; il les entretint d’abord de plusieurs choses indifférentes. M. Possel, ordonnateur de la marine, étant survenu, leur dit qu’il n’y avait plus que 3,000 livres dans la caisse de la marine; que le sieur Pernet, caissier de la marine, avait envoyé des rcscripiionsà Marseille pour les convertir en espèces, et que l’enlèvement du roi et de la famille royale avait été cause qu’on avait retenu cet argent à Marseille. MM. de Grandevez et Dos-sel ajoutèrent qu’ils étaient dans le plus grand embarras. MM. Garan et Guérin répondirent que l’administrai ion ferait les plus grands efforts et les plus grands sacrifices pour que l’activité du service ne lût point en souffrance, et que la tranquillité n’en lût point altérée ; qu’elle se déciderait à ouvrir un emprunt patriotique pour le compte de la nation et du département, et qu’ils ne doutaient pas que cet emprunt fût sur-le-champ rempli. MM. de Grandevez et Possel leur observèrent qu’ils ne trouveraient probablement que des assignats, et qu’il fallait de l’argent. Ils se retirèrent à la hâte au département; ils nous firent part de la cruelle circonstance. « Le directoire délibéra sur-le-champ d’ouvrir un emprunt pour le compte de la nation, et de donner pour gages aux prêteurs tous les biens et propriétés du département, et de déclarer dans les actes d'emprunt qui seraient faits que les administrateurs du directoire s’obligeaient personnellement et solidairement au remboursement des sommes empruntées, dans le cas. où la nation ou le département ne voudraient par acquitter l’emprunt, parce qu’il était fait contre le décret du mois de juin, qui ne permet pas aux corps administratifs de faire des emprunts sans y être autorisés par le Corps législatif. Nous chargeâmes l’un de nous de dresser l’arrêté relatif à cet emprunt, d’après les bases qui avaient été verbalement convenues ; et en lui recommandant de le rédiger de manière à inspirer la plus grande confiance aux prêteurs, et à intéresser leur civisme au nom de la patrie. et du salut de l'Empire. « Le rédacteur de l’arrêté avait presque fini son travail, lorsqu’il nous est arrivé un courrier extraordinaire, expédié par le directoire du département des Bouches-du-Rhône, qui nous a apporté l’heureuse nouvelle que le roi et la famille royale avaient été arrêtés à Varennes le 10 de ce mois. Tous les corps administratifs s’étant réunis, au même moment, nous avons fait afficher une proclamation dans les places et rues principales, et la lettre du directoire de Saint-Dizier qui annonçait cette nouvelle, et une adresse aux citoyens que nous avons faite en conséquence. Les proclamations ont excité la joie la plus vive. Les cris de Vive la nation et vive la loi l se sont faits entendre de toutes parts. « Le lendemain 27, nous ne nous sommes occupés que des mesures relatives à l’emprunt. Nous nous sommes demandé avec étonnement comment il ét iit possible que le ministère de la marine eût laissé la caisse de la marine dans l’état où MM. de Glandevez et Possel avaient dit qu’elle se trouvait. Nous croyons qu’il était nécessaire de nous adresser à l’Assemblée nationale si tel était en effet l’état de la caisse. Mais, avant de prendre un parti de cette importance, nous crûmes devoir faire vérifier, par un commissaire accompagné de M. le procureur général syndic, l’état de la caisse du sieur Pernet. » Le résultat du procès-verbal dressé par M. Rieubeau, administrateur et membre du directoire, et M. Garan, procureur général syndic, dit que le sieur Pernet, trésorier de la marine, se trouvait avoir encaissé : 1° 13,386 livres en espèces, 7,347 livres en rescnption, et 190, 6ü0 livres en assignats. Le sieur Pernet ayant demandé que le sieur Bijale, son supérieur, fût appelé à cette vérification, ce dernier est venu et a certifié l’état de la caisse véritable, quoiqu’il eût assuré à deux d’entre nous qu’il n’y avait en caisse que 3,000 livres. (Mur-mures.) Nous ne nous permettons aucune réflexion sur la conduite de M. de Glandevez ni sur celle de M. Possel; les faits que nous vous présentons engageront sans doute l’Assemblée nationale à s’en faire rendre compte. » M. Mougtns de Roquefort donne ensuite lecture d’un procès-verbal dressé par les administrateurs composant le directoire du département du Varen date du 25 juin 1791, et relatif au même objet; il ajoute : Je demande que les pièces dont je vais donner lecture à l’Assemblée soient renvoyées aux comités des recherches et des rapports pour qu’ils vous présentent les mesures qu’il convient de prendre. M. Bouche. La proposition du préopinant ne me parait pas suffisante ; ces messieurs sont coupables ou ils ne le sont pas. S’ils sont coupables, ils vont être instruits de La proposition qui vous est faite, et ils décamperont; s’ils ne le sont pas, il est vraisemblable qu’ils auront des renseignements à donner. Ainsi, Messieurs, en résumant mon opinion, je demande qu’il soit nommé à la place de M. de Glandevez, parce qu’il n’a pas prêté son serment. Je demande, en outre, qu’on donne des ordres pour s’assurer de la personne de M. Possel. M. Legrand. Ce n’est point à vous à destituer M. de Glandevez; il faut ordonner au ministre de le remplacer; mais je crois que vous devez prendre la précaution de mettre les scellés sur ses papiers, car il n’est pas possible, à mon sens, si M. de Glandevez est coupable que l’on ne trouve dans ses papiers des renseignements certains pour en découvrir d’autres. (Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (S juillet 1791.] 743 M. Defermon. Le procès-verbal qui vous a été lu doit suffire pour mettre en état d’arrestation les deux personnes qui y sont dénoncées ; car il n’v avait pas de meilleur moyen de mettre le désordre dans Toulon que d’annoncer aux ouvriers qu’il n’y avait, pour les payer, que 3,000 livres ; ainsi, sous ce point de vue, je suis de l’avis des préopinants. Il est un autre point de vue qu’il ne faut pas négliger. Il paraît que dans l’opinion de M. de Glandevez, c’est la qualité de chevalier de Malte qui l’éloigne de sa soumission à la Constitution; il faut donc que les comités qui sont chargés de vous faire un rapport sur l’ordre de Malte, suient pressés par l’Assemblée de faire ce rapport. Il est impossible, Messieurs, de maintenir dans l’E al une corporation, qui croirait, par sa constitution, ne devoir pas obéir à la loi de l’Etat. (. Applaudissements .) M. Dos faut. Je ne vois point du tout comment M. de Glandevez peut être coupable {Murmures.) M. de Glandevez n’a pas voulu prêter son serment, il perd sa place, il ne peut être remplacé... Le commandant de la marine lui a dit : Monsieur, je n’ai que 3,000 livres dans ma caisse, alors M. de Glandevez a dû le croire sur sa parole; il n’a point vérifié la caisse, il n’est point responsable de l’administration de ta caisse. Il a fait appeler les administrateurs de la marine et du département pour leur faire part de cette étrange nouvelle. M. de G andevez ne pouvait rien faire de mieux pour assurer le service de la marine. Mais dans aucun cas, M. de Glandevez ne peut être regardé comme coupable de la faute commise par l’administrateur de la caisse. En conséquence, je conclus à ce qu’il ne soit pas décrété que M. de Glandevez soit arrêté, ni que les scellés soient mis sur ses papiers. M-Afougtns de Roquefort. M. de Glandevez n’a manifesté qu’un éloignement de prêter son serment et il ne peut pas donner lieu à arrestation. Je demande que l’ou divise la motion de M. Bouche. M. Bouche. Je ne demande l’arrestation que de M. Possel et l’apposition des scellés sur ses papiers. (La motion de M. Bouche est adoptée.) fin conséquence le decret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale, satisfaite de la conduite des administrateurs composant le directoire du département du Var, décrète que les ordres les plus prompts seront donnés pour que le sieur Possel, ordonnateur de la marine à Toulon, soit saisi et gardé en état d’arrestation, et que le scellé soit apposé sur ses papiers; décrète, de plus, que le procès-verbal du 25 juin sera renvoyé aux comités des recherches et des rapports. » M. le Président. M. Legrand a fait la motion que les scellés fussent également apposés sur les papiers de M. de Glandevez, commandant de la marine à Toulon. Plusieurs membres: La question préalable ! (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la proposition de M. Legrand.) M. Le Déist de Botidoux. M. Defermon a fait observer à l’Assemblée que le relus du sieur de Glandevez, de prêter le serment ordonné par l’Assemblee nationale, semblait avoir pour motif sa qualité de chevalier de Malte, et qu’il élait essentiel que l’Assemblée s’occupât le plus tôt possible de ce qui est relatif à cet ordre. J’appuie cette motion. (L’Assemblée ordonne que le comité de Constitution lui Rra à cet égard un rapport dans quinzaine.) M. d’André. Dans nos décrets sur les conditions nécessaires pour l’activité des citoyens et pour l'éligibilité, vous avez ordonné que les militaires ne pouvaient point êire citoyens actifs dans l 's villes où il seraient en garnison. Cette disposition est très juste; mais il se présente pour les officiers de la marine une difficulté très forte. La plupart des officiers de marine sout domiciliés dans les ports de mer chefs-lieux de département. Ainsi, à Brest, il y a une quantité d’officiers de la marine qui se sont mariés et qui y ont leur domicile; il en est de même à Toulon et à Rochefort: il résulte de là que ces officiers qui ont leur domicile dans les ports ne peuvent être citoyens actifs nulle part, car, s’ils ont leur domicite'là, ils ne l’ont pas ailleurs, et comme c’est là le lieu de leur garnison ils ne peuvent pas y être citoyens actifs. Je demande donc que cette question, qui n’en est pas une à mon avis, soit cependant renvoyée au comité de Constitution pour nous en faire son rapport incessamment. M. Démeunler, au nom du comité de Constitution. L’Assemblée peut ordonner le renvoi; mais j’ai l’honneur de la prévenir que le comité de Constitution a déjà examiné cette question. Nous avons trouvé que les officiers de la marine et autres gens de mer devaient jouir des droits de citoyen actif quelque part; que dans l’hypothèse qui vous a été présentée, ils ne pourraient jouir de ce droit de citoyen nulle part; qu’ainsi le3 officiers de la . marine ou matelots entretenus, ou autres attachés au service, qui ont d’ailleurs les conditions requises, qui n’ont d’aulre domicile que celui des ports de mer où ils sont attachés, doivent pouvoir y exercer les droits de citoyen. Je ne pense pas qu’il soit nécessaire de faire un rapport sur cet objet. {Assentiment.) Plusieurs membres : Aux voix 1 aux voix I M. Rewbell. Je demande qu’avant de mettre aux voix, le comité de Constitution veuille bien nous présenter une rédaction, parce que la rédaction pourrait être faite de manière qu’elle pût faire naître des corrections. M. Déineimier, au nom du comité de Constitution. En ce cas-là, je consens au renvoi. (Le renvoi au comité de Constitution est décrété.) M. Lefèvre-Duprey. Un jeune homme de ma connaissance, âgé de 18 ans, qui sort du collège, qui n’a aucuns parents dans le royaume, qui est très pauvre, et dont la mère demeure à Dublin, vient d’arriver ici pour prendre la diligence et s’en aller à Londres. Il s’est présenté au bureau des affaires étrangères avec tous les certificats nécessaires, que j’ai vus; on lui a répondu qu’il lui fallait une autorisation de l’Assemblée nationale ou du comité..