SÉANCE DU 19 THERMIDOR AN II (6 AOÛT 1794) - Nos 12-13 237 Ainsi donc les cris de mort des esclaves de la Castille avaient retenti dans les bataillons des despotes du Nord, et y avaient semé le découragement et l’effroi; les héros de la Sam-bre y ont porté la baïonnette et le courage. O patrie, sois heureuse ! Partout tes enfants sont triomphants, partout la victoire se montre fidèle à la liberté, et la vengeance nationale marche à sa suite. Au milieu des transports de cette joie vive et pure, nous n’avons pas oublié l’époque fameuse où le Français, reconnaissant sa force et sa grandeur, fit le premier pas vers la liberté. C’est avec solennité que nous avons célébré le 14 juillet, et nous avons entrelacé les lauriers immortels de Fleurus avec les couronnes dédiées aux vainqueurs de la Bastille. Le peuple de cette commune s’est aussi livré avec sensibilité aux élans de la fraternité et de la bienfaisance. Lors de la défaite totale de l’armée espagnole, et son évacuation du territoire français, nous apprîmes les malheurs des patriotes de Collioure et Banyuls-sur-Mer, victimes de la vengeance de nos ennemis; tout-à-coup il s’ouvre une souscription dont le résultat offre en un moment une somme de 6 000 et quelques cents livres, que des commissaires ont été déposer entre les mains des représentants du peuple Milhaud et Soubrany, pour être distribués à nos frères infortunés, et prévenir leurs premiers besoins. Pères de la patrie, félicitez-nous d’être les magistrats d’un peuple que l’amour de la patrie enflamme. Pour vous, conservez votre attitude imposante, continuez à parcourir votre glorieuse carrière, où chacun de vos pas est marqué par quelque nouveau succès; poursuivez sans relâche les ennemis du dedans et du dehors, et ne posez les armes que lorsque vous ne verrez dans tous les peuples du monde que des admirateurs, et pas un ennemi. Vivent la République et la Montagne ! 12 Un membre donne lecture de deux adresses, l’une des administrateurs du district de Val-Libre, ci-devant Le Donjon (1), et l’autre de la société populaire de la même commune, qui applaudissent et félicitent la Convention nationale sur la fermeté et l’attitude imposante qu’elle conserva dans les journées des 9 et 10 thermidor, ainsi que sur les grandes mesures qu’elle prit contre le conspirateur Robespierre et ses complices. Mention honorable, insertion au bulletin (2). 13 Un membre [Roger DUCOS] dénonce à la Convention nationale les abus qui ont lieu (1) Allier. (2) P.-V., XLIII, 68. Voir, ci-dessus, nos lb et Ie. dans les commissions exécutives, notamment à la trésorerie nationale et à la liquidation; il présente un projet de décret, qui est adopté ainsi qu’il suit : La Convention nationale, sur la motion d’un membre, décrète que, dans chaque maison des commissions exécutives, il sera dressé un tableau des travaux dont on s’y occupe, des bureaux auxquels ces travaux sont partiellement distribués, et du nom du chef de chaque bureau; que ce tableau sera imprimé et affiché dans les lieux les plus ostensibles de la maison qu’il concerne. Décrète, en outre, que sur la porte de chaque bureau desdites commissions seront affichés le genre de travail dont on s’y occupe, et le nom du chef chargé de la direction. Le présent décret sera exécuté dans trois jours (1). [ Applaudissements ] Dès l’ouverture de la séance, Roger Ducos obtient la parole pour se plaindre de la morgue avec laquelle les commis de la trésorerie reçoivent ceux que leurs affaires appellent dans leurs bureaux : on les voit conserver encore, dit-il, toute l’insolence, toute l’aristocratie de l’ancien régime; ils rebutent les citoyens qui ne leur répondent point; et souvent des pères de famille, après avoir perdu un tems précieux en recherches inutiles, sont obligés, faute d’indications, de se retirer sans avoir pu découvrir le bureau auquel ils avoient à faire. On vous dénonçoit dernièrement un jeune homme de 19 ans, placé par Robespierre à la tête de l’instruction publique. Eh bien ! je vous dirai que ce matin j’ai vu qu’un enfant de 16 ans occupoit à la trésorerie une place de 1 000 écus, mais, ce qu’il importe aujourd’hui, c’est que les citoyens ne soient pas plus long-tems victimes de cette bureaucratie : je demande que des tableaux indicatifs du nombre des bureaux et des attributions de chacun d’eux soient placés dans les lieux les plus apparens de la trésorerie; et qu’en outre, à la porte de chaque bureau, soit inscrit le nom du premier commis avec la désignation des affaires dont il est chargé. Ces propositions sont décrétées. Un membre demandoit ensuite que cette nuée de commis dans [ pour dont] tous les bureaux, même ceux du comité de salut public, disoit-il, étoient surchargés, disparût enfin, et qu’à cet effet les commissions exécutives fussent tenues d’en envoyer la liste. BERLIER a fait sentir que cette mesure étoit nécessairement dépendante de la réorganisation des comités; et la Convention a passé à l’ordre du jour (2). (1) P.-V., XLIII, 68. Décret n° 10 256. Rapporteur : Roger Ducos. (2) Rép., n° 230; Ann. R. F., n° 249; C. univ., n° 249; J. Paris, n° 584; Mess. Soir, n° 717; F.S.P., n° 398; M.U., XLII, 318; J. Fr., n° 681; J. Mont., n° 99; J. S. -Culottes, n° 538; Ann. patr., n° DLXXXIII; Audit, nat., n° 682.