[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2S mars i 790-] 333 dans [ecommerce; mais, il n’est pas moins vrai qu'on a contrevenu formellement à vos décrets, à ceux des 4 et 5 janvier, concernant les pensions et traitements des français absents du royaume et sanctionnés le 14 janvier, et à celui du 22 janvier sur l’ariérré. Cette erreur ne peut venir que du pouvoir exécutif. M. le marquis d’Eslourmel. Il est vrai que M. le prince de Gondé et M. le duc de Bourbon sont sous l’empire du premier de ces décrets, tandis que M. le duc d’Orléans n’y est pas, puisqu'il exécute une mission particulière; mais je demande à M. le président si le décret qui remet à l’arriéré les dettes échues avant le 1er janvier 1790 a été sanctionné : je demande que M. le président sache de M. de Biré si les ordonnateurs lui ont indiqué le plan de conduite qu’il devait tenir après les décrets des 4 et 5 janvier et sanctionnés le 14 du même mois. M. Camus. Le fait important est de savoir par quel ordre le trésorier a payé. Quel qu’il soit, l’ordonnateur de ce paiement doit être puni pour avoir osé contrevenir à vos décrets. Je crois qu'il est également essentiel de savoir quels sont. les bons citoyens qui ont eu l’activité de se faire payer dans les heureuses circonstances où nous nous trouvons et où nous étions le 18 janvier et qui ont eu l’habileté de profiter de l’instant où un décret n’était pas encore sanctionné pour en profiter. On pourrait assimiler leur conduite à celle des créanciers adroits d’un banquier que l'on croit être sur le point de remettre son bilan au greffe et qui trouvent le moyen de soutirer leurs créances aux dépens de la masse des créanciers. Il est à propos de vous observer que ces bons de caisse sont exigibles à leur présentation et privilégiés sur tous autres. Par là vous voyez que M. le duc du Châtelet s’est conduit de manière à ne plus être créancier de l’Etat, mais à être créancier particulier de la caisse. Les bons qu’il a entre les mains équivalent réellement à des fonds, puisqu’il peut les trafiquer. Donc, il a été payé; donc, en le payant, ou a eu en vue de rendre illusoire l’effet de votre décret. Je me résume et je demande si M. le prince de Gondé et M. le duc de Bourbon étaient atteints par le décret des 4 et 5 janvier, relatif aux dons, pensions, etc., décret sanctionné le 14 du même mois? La réponse est simple; qui que ce soit ne pourra disconvenir qu’ils étaient sous l’empire de ce décret puisqu’ils n’ont été payés que le 18 janvier. lin autre point est de savoir si le décret du 22 janvier est sanctionné ou non. S’il ne l’est pas il ne peut avoir force de loi et ne peut, par conséquent, suspendre aucun des paiements ordinaires, aux yeux de l’administr.ateur qui ne peut et ne doit reconnaître de loi, que ce qui en porte réellement lé caractère distinctif et qui n’a pu suspendre ses paiements qu’en vertu d’un ordre supérieur. Tout se réduit donc à savoir si l'ordonnateur a été en droit ou non de faire payer, soit en argent, soit en billets de caisse, les différentes sommes qui sont portées sur les états dont nous avons entendu la lecture. Ne paraît-il pas singulier que M. de La Tour-du-Pin attende jusqu’au 20 mars pour vous demander des explications sur l’arriéré? Son inquiétude prétendue n’aurail-elle pas dû prendre naissance le 22 janvier, c'est-à-dire avec le décret?- Je n’ai voulu apostropher qui que ce soit. J’ai dénoncé un fait et n’ai point eu en vue M. le duc lr* Série, T. XII. du Châtelet plus qu’un autre. Je n’ai eu en vue que le bien public. Je conclus donc : « 1° A ce que le sieur de Biré exhibe les ordres en vertu desquels ont été faits les paiements portés sur lesdits états, en date du 18 janvier et jours suivants; « 2° Que le décret de l’Assemblée nationale, du 22 janvier, concernant le paiement de l’arriéré, soit présenté dans le jour même à la sanction royale ; « 3° Que les états dont l’assemblée a ordonné la lecture, soient arrêtés aussitôt après la sanction du décret du 22 janvier, et rendus publics par la voie de l’impression. » Ces trois articles sont mis en discussion. Le premier article est adopté. Un de MM. les secrétaires donne lecture d’une lettre du ministre de la marine. M. de La Luzerne prie l’Assemblée de prendre en considération : 1» Que beaucoup de marchés contractés par la marine avec divers fournisseurs dans les pays étrangers et en France même, marchés dont plusieurs sont anciens et de longue durée, portent la stipulation expresse que lesdits fournisseurs seront payés, lors de la livraison, en lettres de change tirées sur le Trésor public, à un an de ternie; 2° Q oe, de tout temps, le service des colonies s’est fait en partie par des traites en lettres de change tiré *s aussi sur le Trésor public, et dont l’échéance est plus ou moins longue, mais communément à six mois de vue. Le ministre représente à l’Assemblée nationale l’inconvénient qui résulterait d’une suspension du paiement de cos divers objets. On demande à revenir à la discussion de l’article 2, proposé par M. Camus. M. d’ilarasîihure. Il ne faut décréter cet article que lorsqu’on aura statué sur la demande de M. de La Luzerne. M. Fréteau. En statuant sur les finances, vous usez d’un droit qui est à vous, que vous ne pouvez pas perdre, que nulle atteinte du pouvoir exécutif ne peut vous enlever. Rappelez-vous ces belles paroles dites à Charles VIII, par l’orateur des Etats de 1483, avec une telle sensibilité que tous les assistants furent émus jusqu’aux larmes. Elles s’adressaient à un enfant qui n’offrait d’autre espérance à la nation que la candeur et la douceur de ses traits. « Avez-vous des ennemis? nous les combattrons; avez-vous des dettes? nous les paierons; avez-vous des besoins? nous y subviendrons. Vous demandez deux millions d’or, nous vous en donnerons deux millions cinq cent mille, et trois cent mille pour votre sacre, mais à condition que ces sommes ne seront pas prises sur la taille. Nous ne voulons plus que ce nom existe, et nous ne nous séparerons pas que les mesures pour l’anéantir ne soient réalisées... » C’est ainsi que la nation doit parler quand il s’agit de ses propriétés, et je ne suis pas suspect. {Une voix s'élève et dit : Vous ne l'ètes jamais') Hier j’exposais combien, dans certains cas, la sanction me paraissait nécessaire. Je pense aujourd’hui, sans avoir changé d’opinion, qu’il faut distinguer la sanction en matière de finances... Quand on B’est permis de payer 600,000 livres à des personnes riches, c’est autant d’enlevé au peuple pour sa subsistance.