[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 avril 1790.] 87 ris. On savait combien de temps j’ai affronté la mort qui assiégeait ma porte jour et nuit. On savait qu’elle ne m’avait pas fait pâlir au faubourg Saint-Antoine. On savait avec quel abandon je m’y étais dévoué, lorsque, le 31 octobre, à neuf heures du soir, seul à l’Hotel-de-Ville, je signais l’ordre de repousser par la force les séditieux qui attaquaient le magasin de Saint-Martin; ordre qui préserva du pillage environ trois mille sacs de farine, et qui conservant l’unique ressource du privilège de la halle pendant les trois jours suivants, sauva Paris d’uhe disette de trois jours, et l’Assemblée nationale et la France des malheurs incalculables de la sédition, suite nécessaire de la famine. On croyait alors à mon courage, à ma probité, et, par une conséquence de faveur, même à mes talents. Le ministre crut devoir me défendre de quitter. Il m’assura qu’il rendrait la décision du roi pour me faire rem-ourser, par la chose publique, ce que je serais forcé de dépenser pour elle. « Je n’ai donc point reçu de gratification, mais le remboursement d’une dette sacrée, que l’honneur m’ordonnait d’accepter. J’aurais cru me rendre coupable en refusant cette bonté du roi. « On m’a réduit à me justifier sur un fait que le plus simple éclaircissement devait ramener à sa juste valeur; je crois y avoir réussi à vos yeux, Messieurs, et j’ose vous prier d’oublier les titres flatteurs dont mes concitoyens m’honoraient il y a quelque temps, mais de vous rappeler que ma réputation est ma seule propriété, et je la mets sous la protection de votre justice. Elle m’est garantie par la générosité des membres de votre auguste Assemblée qui ont bien voulu la défendre. » M. le Président donne connaissance à l’Assemblée, d’un projet pour procurer à la ville de Paris l’eau la plus limpide, présenté par M. de Villiers, auteur de la découverte d’une nouvelle horlogerie ; l’Assemblée renvoi l'examen de ce projet au comité de commerce et d’agriculture. M. le Président dit ensuite qu’il aprésenté hier à Pacceptation et à la sanction du roi différents décrets, et que Sa Majesté l'a assuré qu’elle prendrait ces décrets en considération. DÉCRETS A PRÉSENTER A LA SANCTION DU ROI. Du 3 avril. 1° Décret qui déclare libre, pour tous les Français, le commerce de l’Inde au delà du cap de Bonne-Espérance. Du 14 avril. 2° Décret qui confie aux administrations de département et de district, l’administration des biens déclarés à la disposition de la nation. Déclare, qu’à compter du ltr janvier 1790, le traitement des ecclésiastiques sera payé en argent ; laisse néanmoins aux curés l’administration provisoire des fonds territoriaux attachés à leurs bénéfices. Supprime, à compter du 1er janvier 1791, la perception des dîmes de toute espèce, abolies par un précédent décret, sauf à indemnité, sur le trésor public, pouf les dîmes inféodées; enjoint cependant aux redevables d’acquitter la présente année. Déclare que, dans l’état des dépenses publiques de chaque année, il sera porté une somme suffisante pour fournir aux frais du culte de la religion catholique, apostolique et romaine, à l’entretien des ministres des autels, au soulagement des pauvres et aux pensions des ecclésiastiques. Du 15 avril. 3® Décret qui autorise les électeurs du département de l’Aisne, assemblés à Ghauny, etc., à élire les membres qui composeront le corps administratif du département. Du 16 avril. 4° Déeret qui met de nouveau sous la Sauvegarde de la loi les juifs de tout le royaume. Dudit jour , 5° Décret qui autorise les officiers municipaux de la ville de Verfeil à un emprunt de 2, 000 livres avec intérêts, destinées à des ateliers de charité. Dudit jour. 6° Décret qui autorise la municipalité de Pou-langi à un emprunt de 7,000 livres remboursables sur le prix de portion du quart de réserve des bois; pour ladite somme être employée, moitié, tant au soulagement des pauvres, qu’à terminer un procès, et l’autre moitié, répartie entre tous les habitants. Dudit jour. 7° Décret qui autorise les officiers municipaux de la ville de Saint-Dié, en Lorraine, à percevoir, par provision, 15,500 livres sur le prix de la vente de ses bois communaux; enjoint aux receveurs généraux des domaines de verser ladite somme dans la caisse de la recette de Saint-Dié. Dudit jour. 8° Décret qui déclare les dettes du clergé réputées nationales, et en charge le Trésor public ; Affranchit de toute hypothèque de la dette légale du clergé, les biens ecclésiastiques qui seront vendus; Déclare que les assignats, créés par décrets des 17 et 21 décembre 1789, auront cours de monnaie, entre toutes personnes, partout le royaume. M. "Vernier, membre du comité des finances , présente, au nom de ce comité, un projet de décret sur une demande formée par la ville de Pont-à-Mousson; ce décret est adopté ainsi qu’il suit: « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, et vu la délibération prise en l’Assemblée extraordinaire du conseil général de la commune delà ville et cité de Pont-à-Mous-son, autorise les officiers municipaux de ladite 8» (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 avril 1790.1 ville, à faire un emprunt de quarante mille livres, pour être employé tant au payement des grains emmagasinés et à emmagasiner, qu’à l’acquit des dettes exigibles contractées par l’ancienne municipalité; le tout à charge de rendre compte de l’emploi de la somme ci-dessus. » M. Vernier fait également, pour le comité des finances, le rapport d’une demande formée par la ville de Montélimart, et conclut au décret suivant, qui est adopté: « L’Assemblée nationale, sur le rapport de son comité des finances, et après avoir ouï la lecture de la délibération prise par le conseil générai de la municipalité de Montélimart, au département de la Drôme, le 13 mars 1790, a décrété ce qui suit : « 1° La municipalité de Montélimart est autorisée à imposer une somme de 6,000 livres en capital, pour être employée à acquitter la partie qu’elle doit du logement des officiers de sa garnison, tant depuis l’établissement de ladite garnison, à l’époque des troubles qui ont eu* lieu en Dauphiné, que jusqu’à l’expiration delà présente année; elle est d’ailleurs autorisée à imposer 4 deniers pour livres du montant desdites 6,000 livres, pour droits de recette du collecteur ; 2° Cette imposition sera faite au marc la livre de la capitation, et répartie sur tous les habitants de la communauté, sans autre exception que de ceux dont la cote de capitation serait inférieure à la somme de deux livres. » M. Pellerin, député de Nantes, membre du comité des rapports, propose, pour la ville de Dieppe, le décret suivant : L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, informée de la manière dont a été faite l’élection des officiers de l’état-major de la garde nationale de la ville de Dieppe, et après avoir pris connaissance du règlement provisoire, fait pour maintenir la discipline et le service de cette garde, en date du 24 novembre dernier, déclare approuver ledit règlement et l’élection des officiers et de l’état-major de la garde nationale de la ville de Dieppe, pour avoir lieu jusqu’à l’organisation prochaine des gardes nationales du royaume. (Cette demande est renvoyée au comité de constitution.) M. Pellerin présente un décret qui autorise le Châtelet de Paris à donner suite à une affaire criminelle dont l’évocation lui a été attribuée par lettres patentes. Ce projet de décret est adopté comme il suit : L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, a décrété et décrète que le Châtelet, siège présidial de Paris, à qui Sa Majesté a attribué la connaissance des contestations, nées et à naître, au sujet des lettres de change qui peuvent avoir été altérées et falsifiées, dans le nombre de celles qui ont été acceptées par les sieurs Tourton, Ravel et Gallet de Santerre, comme aussi la connaissance des instructions criminelles relatives à l’altération et falsification des lettres de change, peut et doit continuer l’instruction jusqu’à jugement définitif, aux termes des lettres patentes portant l’attribution qui lui a été donnée desdites contestations et procédures criminelles en date du 2 décembre 1786. L’Assemblée nationale, ordonne à son président de se retirer par devers le roi pour supplier Sa Majesté de donner sa sanction au présent décret. M. Bouche dit qu’il s’est glissé une erreur dans l’impression du procès-verbal de la séance du 15 mars dernier, que le mot sanction a été substitué à celui d’acceptation, qui était dans la minute ; qu’il demande que cette erreur soit rectifiée: en conséquence l’Assemblée ordonne que le mot sanction, qui se trouve à la onzième ligne de la page troisième de son procès-verbal imprimé, du 15 mars, sera remplacé par celui d’acceptation. M. le duc de Biron, membre du comité des finances, demande à faire un rapport sur l’indemnité à accorder aux maîtres de poste. L’Assemblée décide que ce rapport et le rapport du comité féodal sur la chasse seront faits dans la séance du mardi 20 avril, au soir. L’ordre du jour est ensuite proclamé : il appelle la discussion sur la suite des articles proposés par le comité des finances sur les assignats. M. Prugnon. Attachera-t-on des intérêts aux assignats? Quel intérêt leur donnera-t-on? Voilà la question que vous devez examiner aujourd’hui. Vous avez décidé que les assignats seront forcés, et vous deviez le faire, ou bien vos assignats auraient été nuis : s’ils eussent été nuis, vous eussiez dû chercher un autre moyen; et si vous n’aviez pas trouvé ce moyen, il aurait fallu écrire sur le front de la constitution ce qu’on écrivit sur la tombe d’une beauté romaine: fuit. Les créanciers de l’Etat pourront dire : vous nous devez depuis longtemps dédommager par des intérêts; ils pourront dire: vous nous devez des intérêts jusqu’au remboursement ; vous nous assignez des fonds qui produisent des fruits, vous nous devez les fruits de ces fonds ..... Le capitaliste gui, assis sur sa caisse, enchaîne la société, et qui ne connaît que la cupidité et l’avarice, a besoin d’être tenté par l’intérêt : attachez donc des intérêts aux assignats. Cette conclusion paraît juste au premier coup-d’œil; cependant, en entrant dans le fond de la matière, on trouve plusieurs raisonnements par lesquels elle paraît attaquée d’une manière victorieuse. Vous faites un assignat qui vaut un écu; cet écu est destiné à payer des intérêts ; il ne saurait donc en porter. Un écu portant intérêt offre deux idées irréconciliables. C’est déjà un grand avantage pour le papier, qui vaut un écu, de pouvoir être pris forcément comme un écu: il est injuste d’attacher un intérêt à cette espèce d’écus ; les autres n’en portant pas. Ou l’assignat est bon, ou il ne l’est pas; s’il est bon, comme je n’en doute point, il n’a pas besoin d’intérêt; s’il est mauvais, l’intérêt ne le rendra pas bon : il prouvera qu’il est mauvais, et qu’on s’en est défié, même en le créant. Longtemps les billets de caisse ont été reçus sans inquiétude; ils ont même été désirés, et vous voulez qu’une nation doute de ses propres billets lorsqu’il ont derrière eux de superbes propriétés pour hypothèque. En Espagne, àVienne, en Sardaigne, des billets d’Etat circulent en portant intérêt; mais dans des pays où règne le pouvoir arbitraire, quelle base a ce papier ? Il est placé entre deux autres papiers; l’édit qui l'a établi est celui qui va le supprimer; il est placé entre une supposition et la banqueroute; c’est pour cela qu’il a fallu séduire les acheteurs de ce papier, en y attachant des intérêts ..... Je propose de créer : 1® pour 400 millions d’assignats portant intérêt à 5 0/0, et qui resteraient dans la caisse de l’extraordinaire ; 2° pour 400