[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |7 juillet 1791.] 37 entendre aucunement porter atteinte aux pouvoirs délégués au département de Paris, dont les droits ont été conservés par les ordonnances et jugement du tribunal, sans s’arrêter à l’opposition du procureur général syndic, le précédent jugement serait exécuté, nonobstant opposition et appellation, et sans y préjudicier, attendu qu’il s’agit d’une levée de scellés. Alors les sieurs Tolozan, Bochet, Duhamel et leurs adhérents, se sont agités pour exciter le département à des démarches qui empêchassent l’exécution de ces jugements, sous prétexte que Je tribunal avait excédé ses pouvoirs et empiété sur ceux du département, à qui l’administration des Quiuze-Yingts appartient. Ils ont fait plus, ils ont entrepris de se faire maintenir dans cette administration par le département même; et ce qu’on a peii e à croire, ils y sont parvenns. M. le procureur général syndic a fait assembler le directoire, qui a renommé les sieurs Bochet et Duhamel, directeur et trésorier. En conséquence de cette nomination, le sieur Bochet s’est présenté à l’hôpital pour y faire le payement du prêt des frères, échu à ‘la lin de mai. Les frères ont refusé de lui reconnaître aucune qualité, et de rien recevoir de lui. 12 ou 15 personnes sur 300, se sont présentées pour toucher. Enfin Je sieur Bochet est venu, environné de soldats, et assisté d’un officier municipal, pour se faire réintégrer et reconnaître dans l’hôpital. Il a voulu contraindre les frères de lui remettre les clefs du chapitre, ce qu’ils ont refusé de faire. Il a tenté d’en faire forcer la porte par un serrurier et n’a pu y parvenir. Les frères ont voulu suivre l’exécution des jugements qu’ils ont obtenus : une nouvelle opposition a été formée à la levée des scellés, à la requête de Cousin, administrateur de la municipalité. Nouvelle cause, nouveau jug ment qui ordonne l’exéution des précédents, et cependant suiseoit jusqu’après la décision de l’Assemblée nationale, sur le mémoire que le conseil du département lui avait présenté dans l’intervalle. Dans cet état, votre comité de rapports a pensé que le jugement du tribunal devait être maintenu, puisqu'il n’a agi que d’après vos décrets. Voici son projet de decret : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, « Décrète que les jugements rendus par le tribunal de l’arrondissement des Quinze-Vingts, sur les contestations qui se sont élevées entre les anciens administrateurs de l’hôpital du même nom, le procureur général syndic du département, et les sieurs Bochet et Duhamel, seront exécutés suivant leur forme et teneur ; et tous les arrêtés que le directoire du département de Paris a pris postérieurement auxdits jugements sur l’administration de cet hôpital, seront comme non-avenus. » M. Cliabroud. Je demande le renvoi au pouvoir exécutif et je demande à motiver mon opi-nioD. (Applaudissements et murmures .) Je croisde-vo’r d’abord vous exposer mon idée, ma façon de voir sur le fond de l’affaire. Je serai très court. Votre décret a prononcé, article 1er, que l’hôpital des Quinze-Vingts serait administré comme par le passé. Je demande comment cet article peut êt; e exécuté. Les anciens administrateurs ont donné leur démission; et ceux qu’on vous présente aujourd’hui comme administrateurs, ne sont évidemment que des agents d’administration. Il n’y a donc plus d’administration ancienne. Je passe à la forme. Il est question de savoir si le departement de Paris est soi ti des bornes que la Constitution lui avait assignées, ou si au contraire le tribunal du quatrième arrondissement, contre les termes de la Constitution, ne s’est pas ingéré dans des fonctions administratives qui ne lui appartiennent pas : Voilà, je crois, la question. Maintenant, lorsqu’un département se conduit mal, abuse de son autorité, quelle est la marche que la Constitution indique? C’est au pouvoir exécutif à réprimer ce corps administratif. Lorsqu’un tribunal sort de sa compétence, quelle est encore la marche à suivre? Vous avez établi un tribunal de cassation et auprès de ce tribunal un commissaire du roi. Le ministre doit lui donner ordre de porter l'affaire à ce tribunal. Je crois que c’est là la marche. Je demande donc le renvoi au pouvoir exécutif. M. Martineau. Il serait bien malheureux que les frères aveugles qui languissent depuis deux mois et demi, eussent encore à attendre une décision pour toucher le pain qui leur est nécessaire. On vous propose de renvoyer au pouvoir exécutif, c’est-à-dire de les renvoyer à un temps indéfini et de les faire mourir de faim. J’ose croire, Messieurs, que vous serez plus humains et plus justes envers eux, et que tout ce qu’on vient de vous dire vous paraîtra sans fondement. Je pense qu’il est nécessaire de rétablir les faits sur l’administration des Quinze-Vingts. L’adminisl ration des Quinze-Vingts est composée de 25 personnes : 1° le grand-aumônier qui était administrateur-né ; 2° 16 frères, moitié aveugles, moitié voyants, qui formaient le chapitre de la maison; 3° le maître-administrateur; 4° le maître-trésorier et le greffier ; 5° et 5 administrateurs notables qui étaient comme le conseil de l’administration. Les frères de (a maison étaient choisis par toute la maison; le maitre-administrateur était nommé par le roi de même que le maître-trésorier. A l’égard des cinq notables, ils étaient choisis par les frères composant le chapitre, et ils choisissaient, aux termes des statuts, parmi les notables de Paris. Ils les prenaient ordinairement dans les cours et dans les tribunaux de la capitale, afin de se ménager une protection auprès des tribunaux, lorsqu’ils pourraient avoir des procès. Voilà, Messieurs, quel était le fond de l’administration des Quinze-Vingts. Qu’est-il arrivé? Le maître-administrateur et le maître-trésorier résistant aux volontés du grand-aumônier administrateur, il les a fait destituer (Murmures); et j’observe qu’ils étaient si peu révocables à volonté, que le grand-aumônier a cru devoir obtenir pour cela un arrêt du conseil. Les coups que le despotisme ministériel venaient de frapper, en dérangeant toute l’administration des Quinze-Vingts, uniquement parce qu’elle résistait, firent que les 5 notables, dont un membre du Parlement, un de la Chambre des comptes, un autre du Châtelet, donnèrent à l’instant leur démission motivée... Un membre: Ah ! mon Dieu! M. Martineau... et déclarèrent qu’ils n’entendaient prendre aucune part à une administration aussi tyrannique. Les sieurs Maynier et Laugier et les frères