196 [Assemblée nationale.] ARCHIVES dont elle est pressée, de tous les maux à venir dont elle est menacée. Nous demandons que Paris dont le sort est inséparable de celui des provinces, Paris qui est le centre du royaume, Paris où habite un grand peuple, formé de tous les peuples de France, ne soit* pas écrasé par les suites d’une révolution à laquelle il a eu tant de part, et dont il a porté tout le poids. L’objet de ce que je viens avoir l’honneur de vous dire, Messieurs, a été de vous prouver que la stipulation projetée du quart des bénéfices n’avait pas été déterminée par un motif de spéculation. Je suis sûr de n’être pas désavoué, lorsque je dirai que la ville de Paris s’en rapportera à la justice de l’Assemblée nationale : elle applaudira à tout ce que décidera l’Assemblée; son véritable et unique motif a été de servir la chose publique, et après avoir donné dans toutes les occasions l’exemple de la soumission, elle ne comptera pour rien le sacrifice et même l’oubli de ses intérêts. Plusieurs membres demandent l’impression des explications données par M. Bailly. Cette impression est ordonnée. D’autres membres demandent à aller aux voix tout de suite sur le projet de décret du comité des finances. M. «le Cazalès. J’observe que les dispositions que viennent de soumettre la commune de. Paris et le comité des finances sont relatives à toutes les parties de l’économie politique et qu’il est impossible de les apprécier sans les connaître ; je demande l’ajournement à deux jours. M. TLe Chapelier. Le rapport du comité n’est que l’approbation d’un plan présenté il y a huit jours, et qui est dans nos mains depuis cette époque. Toutes les réflexions doivent avoir été faites par tous ceux qui ont voulu le lire : c’est vouloir perdre du temps que de demander un ajournement. M. ©uval d’Eprémesnîl. Avant que l’on aille aux voix, je demande à M. Bailly une explication bien nécessaire sur un des articles du projet imprimé. 11 est dit, dans ce projet, qu’après avoir défalqué les frais de la vente du produit total de cette vente, la municipalité de Paris donnera les trois quarts, et gardera l’autre quart; M. Bailly parle aujourd’hui du seizième : M. Bailly voudra bien nous apprendre à quoi nous devons nous en tenir. Je remarque ensuite qu’il est question, dans le projet imprimé, de consacrer une partie du bénéfice de la ville de Paris à l’élévation d’un palais pour les séances de l’Assemblée nationale. La somme de 12 millions, à laquelle on évalue ce bénéfice, suffirait à peine pour cet objet. M. Bailly semble cependant vouloir employer ce bénéfice au soulagement des pauvres. Je désire qu’on puisse expliquer ces contradictions. En attendant, comme le rapport du comité diffère sensiblement, pour les moyens d’exécution, du projet de la municipalité, la matière doit être examinée, et j’en demande l’ajournement à jeudi. M. le eomte de Mirabeau. Lorsque j’ai demandé la parole, c’était pour combattre l’ajournement. Je crois, d’après la discussion du préopinant, pouvoir me dispenser d’établir mon avis à cet égard, puisque la question est jugée par le LEMENTA1RES. [16 mars 1790.] fait. M. Bailly, comme député, a donné son opinion sur le fond de la matière; M. d'Eprémesnil, autre membre de l’Assemblée, a donné la sienne • la discussion est donc ouverte. Je ne sais en quel sens on pourrait maintenant proposer l’ajournement : en effet , quelle est l’opération proposée ? c’est un mode de réalisation pour plusieurs décrets qui renferment les propositions les plus urgentes, les plus pressantes ; ce mode est bon ou mauvais : il faut décider cette question ; il faut la décider sans retard : quel est donc le motif de l’ajournement? On croirait qu’il y a beaucoup de danger à lever enfin le doute sur la vente des biens du clergé : on dirait qu’il est extrêmement déplaisant de voir le terme où les alarmes que donnent les besoins de l’année présente doivent disparaître : en vérité, je ne sais si, avec quelque pudeur, on peut vouloir différer encore. Je ne m’étais pas proposé de traiter l’affaire au fond ; mais s’il faut dire un mot de mon opinion, il me semble qu’on exagère les avantages et les inconvénients de ce plan un peu partiel ; j’y vois cependant un avantage incommensurable, c’est de s’occuper réellement des ventes décrétées, c’est de commencer cette réalisation si redoutée. Les objections de détail ne sont pas difficiles à résoudre, si elles ressemblent toutes à la contradiction supposé entre le mémoire de la municipalité et le discours de M. Bailly. Le quart de 200,000,000 étant de 50,000,000, le quart de ce quart n’est que le seizième de 200,000,000. L’autre contradiction est aussi véritable; naguère M. Bailly, se présentant comme maire, est venu proposer une magnifique acquisition, aujourd’hui, membre de cette Assemblée, il a parlé sur les très véritables sacrifices que font incessamment les habitants de Paris : il avait annoncé d’abord que le bénéfice de la ville de Paris sur les ventes serait employé en constructions utiles; il demande aujourd’hui qu’il soit employé à secourir le peuple. On secourt le peuple quand on lui donne du travail. Je ne vois encore ici nulle contradiction; mais j’applaudis au très louable et très heureux accord des droits de M. Bailly, quand il réclame l’établissement d’ateliers publics comme un soulagement véritable du peuple; le soulagement du peuple est le premier de ses devoirs et le plus sacré des nôtres. Je conclus à ce que-le projet de décret présenté par le comité soit discuté sans désemparer. M. Eaborde de Méréville. On peut décider, sans désemparer, qu’il sera vendu à la municipalité de Paris des biens du clergé ou du domaine pour 200,000,000; mais la proposition d’un papier-monnaie mérite plus de discussion. Vendredi dernier, le comité des finances a proposé un papier portant intérêt à 5 0/0 et propre à acquitter les capitaux. Les intérêts de celui de la ville de Paris sont à 4 0/0 avec prime; il n’est pas propre au remboursement des capitaux. Cette question est d’une trop grande importance pour être décidée sans désemparer. M. de Cazalès. Je demande qu’on aille aux voix sur la question de savoir si l’on ajournera la discussion du projet de décret après le moment où l’Assemblée aura terminé son travail sur la gabelle. Cette proposition est prodigieusement naturelle. Qu’il me soit permis d’observer avec quelle adresse M. de Mirabeau a voulu faire une opinion de parti d’une opinion d’un ordre commun. Certes, il est de l’intérêt de toute l’Assemblée de secourir le peuple de Paris, de dissiper [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 mars 1790.] 4 97 les embarras des finances, et d’éviter un danger qui compromettrait la liberté. Nous partageons tous cet intérêt; il n’est aucun de nous qui veuille retarder les ventes qui ont été décrétées; mais beaucoup de membres ne connaissent pas le projet de M. Bailly; mais ce décret est lié à une grande question qui perdra ou sauvera le rovaume, celle de la création d’un papier-monnaie. 11 est étonnant qu’il se soit élevé une voix pour demander qu’on prenne un parti dans cette séance; c’est le comble de la folie humaine. Je persiste à ce qu’on ajourne la question. M. Gros, curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet. 11 s’agit d’un contrat entre la ville de Paris et l’Etat : la municipalité propose des conditions qui pourraient devenir onéreuses à la ville; la , ville doit donc être consultée. M. le maire l'a si bien senti, qu’il a demandé que l’Assemblée honorât sa proposition de son vœu, et non d’un décret, afin qu’il pût retourner vers ses commettants, et obtenir leur consentement. Il faut donc consulter les districts pour avoir leur autorisation. Je propose d’ajourner à samedi. M. Fréteau. Il y a près de trois mois que vous avez décrétée ne vente en valeur de 400,000,000. Vous avez suffisamment indiqué que les municipalités, dans la forme dans laquelle elles existaient alors, vous remettraient le travail nécessaire pour l’exécution de votre décret. Il ne faut pas vous écarter de la route que vous avez tracée. Je propose de décréter à l’instant la vente des objets qui vous sont indiqués dans le mémoire de la municipalité, et d’ajourner à après-demain la question du mode et des conditions du papier que vous autoriserez à jeter sur la place. Voici mon projet de décret : « Décréter sur-le-champ la vente des objets indiqués dans le mémoire du bureau de la ville de Paris, autoriser les particuliers à faire dés à présent leur soumission, ajourner à jeudi la question desavoir si l’on vendra à la municipalité de Paris lesdits fonds, pour être revendus par elle, et celle de savoir si les papiers qu’elle serait autorisée à jeter dans le commerce seraient ou ne seraient pas conformes aux vues indiquées dans le rapport du comité des finances. » M. deCazalès. Je relire ma motion et j’adopte celle de M. Fréteau. M. Treïlhard. Vous avez ordonné k la municipalité de Paris de vous présenter dans huit jours le détail des biens ecclésiastiques qu’on pourrait mettre en vente. C’était bien alors une municipalité telle qu’elle existe à présent. Je réclame l’exécution du décret, et je demande la question préalable sur la proposition de M. Fré-teau. (La question préalable est mise aux voix.) M. le Président prononce que l’Assemblée a décidé qu’il n’y avait pas lieu à délibérer. On réclame l’appel nominal. — On fait une seconde épreuve. M. le président prononce le même décret. — Les réclamations recommencent et finissent d’elles-mêmes. La discussion est ouverte sur le projet de décret du comité des finances. M. Aubry dn Bochet se présente à la tribune et veut parler sur le fond de la question. (Voij. son discours, annexé à la séance de ce jour.) M. le Président. Votre tour d’inscription n’est pas arrivé. La parole appartient à M. Duport. (M. Aubry du Bochet quitte la tribune.) M. Duport. Vous diriez dans l’article 1er du décret, que les biens du domaine et les biens ecclésiastiques seront vendus. Dès que la municipalité offre d’acquérir, ne serez-vous point engagés à vendre? la vente ne sera-t-elle pas, pour ainsi dire, consommée? Mais que vendez-vous? Des maisons : le seront-elles tout de suite? Vous ne le pensez pas. La municipalité administrera donc? Cette administration sera très vicieuse, comme toutes les administrations collectives; les administrateurs, fussent-ils vertueux et délicats, ils seront soupçonnés, et vous livrerez ainsi les administrations municipales, dès leur naissance, à l’intrigue et à la calomnie. Comment paiera-t-on les papiers circulants? Ils ne seront autre chose que des papiers-monnaie; ils ne rapprocheront pas beaucoup l’hypothèque. Le crédit sera lié à la bonne administration : une administration nouvelle donnera-t-elle lieu à de plus grands motifs de confiance? Nous n’en pouvons connaître ni les principes, ni les moyens. Si les billets ne sont pas circulants, s’ils sont destinés à l’acquittement des capitaux, pourquoi ne pas lier la question aux grandes questions de l’état de nos finances? Pourquoi ne pas chercher à découvrir d’abord quelles sont nos dépenses, quels sont nos revenus fixes? Si vous voulez cependant délibérer tout de suite, je demande qu’on rejette une vente fictive dont les inconvénients sont très nombreux. Mettons en vente, sans aucune opération ultérieure, les objets qui vous sont désignés; décidez que la municipalité recevra les offres des acquéreurs, afin que vous puissiez savoir par la suite sur quoi compter. M. le marquis de Montesquiou demande la parole. M. Garat Vaine. L’heure est très avancée : la discussion sera nécessairement longue ; vous ne pourriez jamais décider aujourd’hui la question, et vous avez quinze membres à nommer pour le comité des rapports; je demande que la séance soit levée. M. le Président. L’ordre du jour de la séance de ce soir, qui s’ouvrira à 6 heures, sera la suite de la discussion du projet de décret relatif aux lettres de cachet. (La séance est levée à 4 heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. RABAUD DE SAINT-ÉTIENNE. Séance du mardi 16 mars 1790, au soir (1). M. le Président ouvre la séance à sept heures. M. Guillaume, l'un de MM. les secrétaires, donne lecture des adresses suivantes : Adresse du conseil général de la commune de Béziers qui s’exprime en ces termes : «, Heureux de n’avoir qu’à vous peindre nos propres sentiments, pour vous exprimer aussi ceux dont le choix libre de nos concitoyens (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.