[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 mai 1790.] 437 priétés territoriales. Ainsi, il traitera des inconvénients des substitutions, et du tort qu’elles font à la bonne exploitation des terres; du partage équitable des communaux, du droit de parcours et de vaine pâture, de la suppression des fêtes qui ne sont pas solennelles, du glanage à conserver pour les pauvres seuls, des bureaux de charité, des ateliers publics, de ia manière de faire valoir les terres, la plus juste dans ses conventions entre le propriétaire et le fermier, ou le métayer ; de la durée plus étendue des baux, des communautés oppressives des gens de campagne dans quelques provinces. La bonne foi, la commodité et la sûreté du commerce seront les principes des lois sur l’uniformité des poids et mesures, traitée dans des mémoires très intéressants de M. l’évêque d’Autun, de M. de Chambord, de M. de Villeneuve, de M. Abeille, sur la quantité et les lieux des foires et marchés dans la nouvelle division du royaume, et sur l’entretien des chemins vicinaux. Il serait cependant possible que le rapport très important sur les poids et mesures, par des considérations politiques et philosophiques, fût détaché du code rural, et présenté très prochainement à l’Assemblée nationale. A toutes ces lois, le comité joindra, comme supplément, les désirs suivants. Puissent-ils n’être pas longtemps vains ! Puissent-ils, en se réalisant, devancer les lois, rapprocher les temps et entraîner les opinions! Le comité croirait très utile qu’il y eût en France, à l’avenir, une organisation nouvelle dans l’administration du commerce, et il se propose de vous en présenter le plan, qui doit opérer la prospérité des manufactures, de ces ateliers animés de l’industrie, de ces entrepôts respectables de l’agriculture et du commerce, sans lesquels l’agriculture accumulerait un superflu inutile, et le commerce ne serait plus que le transport et l’échange des matières premières ; des manufactures dont nos voisins citoyens et politiques soignent tant les intérêts, qu'ils encou-ragent par des primes les inventeurs des mécaniques économiques et ingénieuses; qu’ils multiplient partout dans les campagnes les filatures de coton et celles de laine et de lin ; qu’ils ont ordonné que les morts, en Angleterre, seraient ensevelis dans des étoffes de laine, et que des balles de laine seraient les sièges de leurs législateurs. Le comité souhaiterait qu’il se fondât une caisse patriotique de prêt volontaire, dans chaque département, pour toutes les entreprises territoriales, et les établissements locaux des manufactures. Le comité verrait avec la même satisfaction la création d’une société d’agriculture pratique, dans chaque département, laquelle correspondrait avec la société, éclairée, pratique et honorée d’agriculture, dans la capitale. Le comité doit rendre ici à cette société littéraire la justice qui lui est due. C’est de cette société, qu’il a retiré les plus grands secours; c’est d’elle, et de M. de Lormoi, qu’il a reçu les meilleurs mémoires en agriculture. Celte société a infiniment abrégé le travail du code rural, en en posant les bases principales, et en les développant avec autant d’éloquence que de sagvsse. La correspondance de ces sociétés entre elles donnerait aux cultivateurs des diverses parties de l’empire, le lien qui leur a toujours manqué. Le commerce, pour qui la liberté et la confiance sont les premiers encouragements, a ce grand avantage sur l’agriculture; il se rassemble, il se concerte, il forme des associations ; l’agriculture, jusqu’à ce jour, n’a eu que des individus isolés; c’est une des principales causes de sa langueur. Le choc des idées détruit les préjugés; répandez les lumières, vous fertiliserez le sol. Les sociétés agricoles produiraient cet heureux effet; et une meilleure éducation physique et morale, donnée aux enfants des colons, serait un second bienfait qui accélérerait ce changement si désiré dans nos mœurs. Le comité regrette de ne pouvoir employer, dès à présent, les moyens d’empêcher la propagation de cet horrible mal, qui a son principe dans les sources de la vie, et qui se communique aux nourrices de campagne par ces enfants, fruits malheureux du dérèglement des villes. Ces moyens sont consacrés parM. L’Endormi dans un mémoire plein d’une philosophie humaine, et qui, s’il était connu, élèverait peu à peu les idées des dernières classes de la société à la hauteur des nouveaux usages qu’il voudrait admettre. Le comité ne cessera de désirer que l’homme de la campagne, en apprenant ce qu’il doit à l’Etre suprême, s’instruise en même temps, et en peu de mots, de ce qu’il doit à sa patrie, à ses parents, à lui-même, à ses intérêts. L’ignorance n’était bonne pour lui, que lorsque l’instruction le conduisait au dégoût de son état, à une ambition qui le menaitàla corruption, et, de là, souvent au malheur et à la misère; mais, dans nos mœurs nouvelles, le système de son bonheur et l’estime de lui-même doivent l’attacher fortement à l’agriculture, et ne lui faire envier le rang de personne. MM. les curés de campagne pourront infiniment contribuer à cette régénération. Le dernier vœu du comité serait que ces pasteurs charitables, du sort desquels l’Assemblée nationale s’occupe avec tant d’intérêt, amenés à ces principes patriotiques, par leur éducation du séminaire, se livrassent, dans les intervalles que leur laisse le saint ministère, à des observations suivies en agriculture, et tinssent un état fidèle de la culture des terres de leur paroisse. Chaque nouveau propriétaire ou colon viendrait s’éclairer dans ce recueil, qui devrait être, ainsi que dans une province d’Angleterre, enchaîné dans la sacristie, et ouvert à tous les habitants. Chaque propriétaire, fermier ou colon viendrait y apprendre à éviter des erreurs nuisibles, à ne point tenter des essais incertains, à augmenter son revenu, à fortifier son commerce. Ainsi, la génération présente mériterait la juste, reconnaissance de la postérité ; ainsi, le gouvernement pourrait toujours, à volonté, se faire rendre compte des productions de tout genre de chaque département, des établissements les plus propres à chaque canton, et qui, quelquefois, s’anéantissent et s’oublient. De la progression des découvertes, de la similitude, et de la contradiction même qui pourrait exister dans ces annales variées, il se formerait dans tout le royaume une grande masse de connaissances physiques et d’expériences, lumières de tous les arts et de tous les siècles, et fanaux bienfaisants du commerce, de l’agriculture et de l’industrie nationale. Tels sont les principes, les travaux et les vœux des membres du comité, que l’Assemblée a attachés principalement à l’agriculture et au commerce. M.fle Président. Le résultat du scrutin pour l’élection de votre président a donne la majorité [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 mai 1790.] 438 absolue des suffrages à M. Thouret; mais comme il est obligé de s’absenter demain dimanche, il ne prendra le fauteuil que lundi. M. le marquis de Bonnay, président du comité d'agriculture et de commerce, fait le rapport suivant, au nom de ce comité, sur l'uniformité à établir dans les poids et mesures ( 1). Messieurs, l’intérêt et le vœu du commerce appellent l’uniformité des poids et des mesures dans toute l’étendue de l’empire. Ce vœu est exprimé dans la plus grande partie de nos cahiers : ce vœu est celui de la raison, de la justice et de la probité. Il sollicite une opération utile dans son objet, grande dans ses résultats, difticile dans son exécution. Il demande que l’on s’y livre avec courage, qu’on la combine avec précision, qu’on la suive avec constance. Ce vœu, dicté par une politique éclairée, repousse les spéculations honteuses que l’on a quelquefois osé opposer aux législateurs, quand ils ont voulu entreprendre la grande réforme, dont une mission expresse nous oblige de nous occuper. Ce n’est pas vous, Messieurs, qui serez arrêtés dans le projet de ramener toutes les mesures à une mesure commune, par la considération que la variété qui y règne maintenant favorise les calculs de quelques trafiqueurs de mauvaise foi, et fondé les profits d’un petit nombre d’hommes adroits sur l’ignorance ou la simplicité d’un grand nombre d’autres. Il faut que l’Assemblée nationale ajoute un bienfait à tous les autres; il faut que la France lui doive encore l’uniformité des poids et mesures. Ce que Louis XIV voulut entreprendre, ce que Louis XV fut près de tenter, ce que Turgot était digne d’achever, ce que les Romains seuls ont exécuté, Louis XVI et l’Assemblée nationale l’exécuteront. Votre comité d’agriculture et de commerce , auquel appartenait ce genre de travail, l’a regardé comme un des plus importants et des plus dignes de son attention. Il n’a pas eu l’ambition présomptueuse de ne chercher que dans son propre sein les lumières qui doivent l’éclairer. Il a appelé l’instruction de toutes parts, et de toutes parts l’instruction lui est venue. Plusieurs citoyens distingués nous ont adressé des plans et des projets utiles (2). Des compagnies savantes nous ont offert Je fruit précieux de leurs travaux, et se sont empressées à secoûder, à diriger les nôtres, quand nous les avons consultées. A cet égard, la société royale d’agriculture a des droits particuliers à notre reconnaissance. Au sein même de cette Assemblée, nous avons (1) Le Moniteur ne donne qu’un court résumé de ce rapport. (2) Parmi les mémoires adressés au comité d’agriculture et de commerce, trois surtout méritent d’être distingués : l’un est de M. Duyernoy, officier au corps royal du génie ; il est rempli de recherches et de détails très bien faits : un autre de M Collignon, avocat au parlement, accompagné d’un ouvrage assez étendu et fort intéressant ; l’autre de M. Villeneuve. Ce dernier a été communiqué a la société royale d’agriculture, et M. Abeille, choisi par elle pour en prendre connaissance, a fait au comité d’agriculture et de commerce un rapport très méthodique, très analytique, très savant, et digne en tout de la réputation de son auteur. trouvé des secours et des connaissances dont nous avons tâché de profiter. M. le comte de Chambord nous a fait remettre un mémoire rempli de vues sages et profondes. Il paraît avoir puisé ses principes dans cet ouvrage immortel, où sont en dépôt ceux de toutes les sciences : mais les réflexions qu’il a tirées de son propre fonds ajoutent à l’intérêt et à Futilité de son ouvrage; et comme il adopte définitivement les mêmes bases que M. l’évêque d’Âuluu, il doit partager l’hommage que nous rendons à ce dernier, quand nousvous annonçons qu’il a été notre principal guide. L’ouvrage de M. l’évêque d’Autun sur les poids et mesures (1), imprimé depuis quelques mois, a frappé tous les bons esprits par sa justesse, par sa méthode et par sa clarté. Chacun de vous, Messieurs, a eu le temps de le connaître et de l'apprécier ; et votre comité, en vous invitant à adopter un pian si sagement conçu, est persuadé qu’il ne fait que prévenir vos vœux. Mais si vos suffrages, si les siens avaient besoin d’être encouragés par ceux d’une nation impartiale et éclairée, votre comité vous dirait que le [dan de M. l’évêque d’Autun, calculé avec biea plus de précision que celui de l’Encyclopédie, d’où -il semble être tiré, a eu le plus grand succès en Angleterre, que plusieurs membres distingués en ont déjà entretenu la chambre des communes, et que le parlement d’Angleterre, si nous pouvons en juger d'après les discours de quelques-uns de ses orateurs les plus distingués, est tout disposé à concourir avec vous à l’exécution de cette grande entreprise. Votre comité, Messieurs, qui respecte vos moments, et qui a compté pour rien des semaines d’un travail assidu, quand il a cru pouvoir épargner quelques instants du vôtre, ne vous détaillera pas, à moins que vous ne lui ordonniez, les divers systèmes qui lui ont été présentés sur les moyens de réduire toutes les mesures à une mesure commune. Les uns se sont contentés d’indiquer les poids et mesures de Paris comme devant être adoptés par tout le royaume. Mais comment les définir? comment les fixer? comment les préserver de cette variation inévitable, que le temps amène dans tout ce qui n’est que l’ouvrage des hommes, si l’on ne détermine pas avec précision leur rapport avec ces mesures éternelles que donne la -nature et qui ne périssent qu’avec elle ? Mais, puisqu’il fallait consulter les mesures invariables que présente la nature, à laquelle fallait-il s’arrêter? On nous a proposé la hauteur moyenne du mercure du tube de Torricelti; mais la "seule définition de cette mesure en montre l’incertitude. Qui dit terme moyen, suppose des extrêmes ; et comment déterminer le point juste qui les sépare ? La hauteur du mercure varie suivant l’état de l’atmosphère, suivant la température, suivant le niveau. Cette mesure nous a paru trop incertaine. Une autre méthode consisteraità adopter, pour premier élément de nos mesures, une fraction de la longueur du méridien, coupé en deux parties égales par le quarante-cinquième parallèle ; et cette fraction, qui serait un soixante millième, a été évaluée, d’après les calculs de (1) Voy. Archives parlementaires, séance du 9 mars 1790, tome XII pag. 104,