378 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mars 1790.] que vous témoignez pour la patrie et pour les décrets dont elle attend son bonheur, légitiment aux veux de l’Assemblée nationale la réclamation respectueuse que vous venez lui offrir ; elle retrouve le langage de l’honneur français dans vos expressions; elle y applaudit et vous permet d’assister à sa séance. » M. Fortin, artiste et citoyen de Rennes, soldat de la garde nationale de la même ville, dépose sur l’autel de la patrie une machine pour rappeler les noyés à la vie, fruit de ses veilles, de ses travaux et de sa tendre sollicitude pour l’humanité. M. le Président répond : « Multiplier les moyens de prolonger les jours des citoyens que des accidents menacent d’une mort soudaine est un objet d’application et d’étude trop respectable pour que l’Assemblée nationale n’applaudisse pas à vos efforts, quel qu’en ait été le succès ; elle fera examiner par des personnes capables l’inventioo dont vous lui faites l’hommage, et si leur rapport est conforme à vos espérances et promet la réussite que vous annoncez, elle concourra par son approbation à fixer l’opinion publique sur vos talents. Elle vous permet d’assister à sa séance. » M. le Président fait part à l'Assemblée que le sieur de Varennes, huissier de l’Assemblée nationale, lui fait hommage d’un monument à ériger pour le roi, dont l’estampe se trouve exposée dans la salle. L’Assemblée nationale applaudit au projet du sieur de Varennes. M. le comte de Chastenay-de l�anty , absent lors de la prestation du serment civique, l’a prêté. Il est fait lecture des adresses des villes de Le-zoux, Maraingues, Vic-le-Comte, Herment, et des bourgs de Dallet, le Crest, Singles, Bourg-Lastic et Mozat, département du Puy-de-Dôme ; elles contiennent l’expression des sentiments de respect et de reconnaissance de ces communes pour l’Assemblée nationale et la soumission la plus parfaite à ses décrets. Les habitants d’Herment demandent que cette ville soit prise pour le chef-lieu du district. La ville de Maraingues fait ses très humbles remerciements à l’Assemblée nationale de l’avoir comprise, ainsi que son canton, dans le district de Thiers, préférablement à celui de Riom. Le bourg de Dallet désire faire partie du canton du Pont-du-Château, à cause des propriétés considérables qu’il possède dans le district dont ce canton fait partie. Le Crest demande à être chef-lieu de canton, comme plus peuplé que le bourg de la Roche-d’Onnezat, qui a été pris pour chef-lieu. Le bourg de Mozat, dans lequel il y a deux paroisses, et qui est cependant compris, depuis longtemps, dansla collecte de Riom, quoiqu’il ne tienne pas à cette ville, demande à être rétabli en collecte particulière, comme il était précédemment. La ville de Lezoux offre en don patriotique la contribution des ci-devant privilégiés pour les six derniers mois de 1789. Il est annoncé beaucoup d’autres dons patriotiques. M, Astier de Clermont, actuellement receveur des déclarations de la douane à Lyon, qui fit, le 25 octobre 1789, un don patriotique d’une chaîne de montre d’or, d’une bague agathe onyx, d’une autre bague à topaze, entourée de brillants, d’une pomme de canne en or, d’une paire de boucles en argent et de la moitié de ses appointements à échoir, dont il compte d’avance un quartier, fait offrir la somme de 156 livres pour le second quartier de la moitié de ses appointements. M. l’abbé Gouttes, membre du comité des finances , fait le rapport d’une délibération prise par la nouvelle municipalité de Martel, dans laquelle elle demande à être antorisée à faire un rôle de contribution, pour servir au soulagement des pauvres et pour l’entretien d’un atelier de charité, il développe les motifs qui ont porté ladite communauté à prendre cette délibération, et il propose un projet de décret qui est adopté ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de la délibération prise par la nouvelle municipalité de la ville de Martel, assistée de son conseil, en date du 2 du courant, et oui le rapport fait par un membre de son comité des finances, a autorisé et autorise la municipalité de ladite ville de faire un rôle de contribution pour secourir les pauvres et entretenir un atelier de charité, dans lequel tous les citoyens compris au rôle de capitation seront cotisés pour une somme égale à celle qu’ils payent sur ledit rôle, à l’exception de ceux qui ne payent que 3 livres et au-dessous, qui n’y seront pas compris, et à l’exception de ceux qui payent de 4 à 5 livres qui n’y seront compris que pour moitié, dans lequel rôle seront compris tous les ci-devant privilégiés. « Déclare, en outre, qu’il sera précompté à ceux qui ont déjà fait des contributions volontaires, le montant desdites contributions, et que son président se retirera devers le roi pour obtenir la sanction du présent décret. » M. le Président annonce que V ofdre du jour a pour objet l'affaire de Vernon, celle de la ville de Marseille et la discussion des articles concernant les lois criminelles. La priorité est donnée à Y affaire de Marseille. M. Gouptlleau, membre du comité des rap-ports , rend compte des faits qui ont été portés à la connaissance du comité. Le 20 mars, un soldat de la garde nationale de Marseille, en faction à la porte a’Aix, aperçut une voiture prête à entrer dans la ville ; il s’avance, et prie ceux qui étaient dedans de lui dire leurs noms. Une de ces personnes lui répond : « Ce ne sont point vos affaires. — Je suis soldat de la garde nationale de Marseille, reprend la sentinelle, et j’exécute ma consigne. — Qu’est-ce que cette garde? — Je ne la connais point, dit celui qui avait déjà parlé, en ordonnant à son cocher d’avancer. — Vous voyez cependant, dit le soldat, que ie suis en faction; j’ai le pouf qui distingue la garde nationale. » — Le préposé de la municipalité s’a-vançe vers la voiture et fait les mêmes questions que le factionnaire. — La même personne répond qu'elle était d’Avignon, et ajoute qu’elle ne veut donner son nom qu’à sa garde. Le capitaine de porte fait arrêter la voiture, en observant à l’étranger qu’il aurait dû donner son nom plutôt que de se mettre en colère. « Qui êtes-vous, pour me demander paon nom ? Je suis capitaine de [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 mars 1790.] 37$ J a garde nationale. — Vous n'avez point d’uniforme ; avec votre redingote, votre habit gris et vos plumes, je ne vous connais pas. » (Il faut observer qu’il y a deux postes à cette porte, l’un occupé par les troupes réglées, et l’autre par la garde nationale.) Le voyageur appelle le sergent du poste de la troupe soldée, et lui ordonne de faire venir ses gens. Alors le capitaine et le sergent de la garde nationale annoncent que le voyageur est M. Merle, marquis d’Ambert, colonel du régiment Royal-Marine, M. d’Ambert descend de sa voiture, et vient du côté du poste de la milice nationale, à la tête de plusieurs soldats, en criant : « Où sont ces canailles, ces b... là? » Et portant la main sur la poitrine du capitaine, il dit : « Voulez-vous faire la guerre? je vais vous attendre à la plaine ; une seule de mes compagnies suffira pour dissiper votre garde nationale : vous pouvez l’aller dire à votre maire et à votre municipalité, je m’en f... » — Inutilement le capitaine tente de l’apaiser ; il répète : « Je m’en f... > — Les officiers dressèrent procès-verbal, et arrêtèrent que le procureur de la police se retirerait par-devers la commune pour l’instruire des faits. Ce même jour, la municipalité a fait une adresse à l’Assemblée nationale, par laquelle elle demande le renvoi des troupes qui sont dans cette ville. Le 22 mars, les bas officiers du régiment Royal-Marine se sont présentés devant les officiers municipaux pour leur exposer les sentiments de leur corps. Cependant la salle se remplissait de citoyens; on leur a fait lecture de la déclaration des bas officiers, qui a reçu les plus vifs applaudissements. Les officiers, tant de la garde nationale que du régiment, se sont donné réciproquement des témoignages d’amitié et d’union. Tout à coup, les huées du peuple annoncent queM. d’Àm-bert arrivait. Aussitôt qu’il fut entré, il commença par annoncer qu’il resterait dans la maison commune sous la sauvegarde de la municipalité. Vers les onze heures, on reçut une lettre de M. le marquis de Miran, qui, croyant que l’on retenait de force M. d’Ambert, requérait qu’on le mît en liberté. — M. d’Ambert a déclaré qu’il persistait de nouveau à vouloir rester dans la maison commune. La municipalité a fait connaître à M. de Miran que M. d’Ambert était détenu volontairement, et qu’il voulait rester sous la sauvegarde de la municipalité jusqu’à la réponse de l’Assemblée nationale. Il résulte des pièces, que la municipalité a pris les mesures les plus sages et les plus prudentes. Le 22 mars, il a été fait une information contre M. d’Ambert ; le 23, le procureur de la police a donné ses conclusions, d’après lesquelles il a été arrêté que le procès-verbal des faits serait envoyé à l’Assemblée nationale, pour être statué par elle ce qui appartiendra, et M. d’Ambert serait mis sous la sauvegarde de la municipalité. Rien de plus sage que toute cette conduite ; cette pièce seule suffirait pour justifier la municipalité de Marseille de3 bruits que ses ennemis ont répandus contre elle. La municipalité finit son adresse par demander instamment le renvoi des troupes et l’élargissement d'un malheureux détenu depuis longtemps au fort Saint-Per. Le comité vous fera un rapport particulier sur ces deux derniers points, et, en attendant, il vous propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité, déclare que la connaissance du délit dont est prévenu M. d’Ambert appartient à la sénéchaussée, de Marseille. » M. Castellanet. La députation de Marseille a reçu de M. de Saint-Priest la lettre suivante : « Le comte de Saint-Priest a l’houneur de prévenir MM. les députés de Marseille, que M. le comte de la Tour-du-Pin a rendu compte au roi de la conduite de M. le marquis d’Âmbert, colonel du régiment Royal-Marine, dans ladite ville. Sur l’exposé des faits, Sa Majesté, justement indignée, a ordonné que M. le marquis d’Ambert y fût arrêté, pour que son procès lui fût fait par le tribunal qui sera déterminé; en même temps, le roi a donné de justes éloges à la sagesse de la milice nationale de Marseille, ainsi qu’à la prudence et à la fermeté de sa municipalité. Le comte de Saint-Priest s’attend à recevoir des ordres, pour lui témoigner la satisfaction de Sa .Majesté. » M. Castellanet poursuit : Je demande qu’il soit ajoute au décret proposé par le comité, que M. le président sera chargé d’écrire, au nom de l’Assemblée nationale, une lettre aux officiers municipaux et aux chefs de la garde nationale de Marseille, pour leur exprimer la satisfaction de l’Assemblée sur la manière dont ils se sont conduits dans l’affaire du sieur d’Ambert. M. de Itichïer. Je demande qu’on laisse à Sa Majesté le choix du tribunal auquel cette affaire doit être portée. M. Duval d’Eprémesnil. Je pense que c’est ici un procès entre un accusateur et un accusé ; les diverses propositions qui vous sont faîtes me paraissent contraires à tous les principes. En renvoyant l’accusé à la sénéchaussée de Marseille, louer l'accusateur, c’est préjuger l’affaire. Ce n’est pas que je ne trouve la conduite de la municipalité vraiment digae d’éloges, et sans doute je ne suis pas suspect . M. Croupilleau, rapporteur. Soit que les juges déclarent M. d’Ambert coupable, soit qu’ils le déclarent innocent, il est toujours vrai de dire que la muuicipalité s’est bien comportée; ainsi les observations de M. Duval d’Eprémesnil se réduisent à rien. M. le comte de Mirabeau. 11 n’y a d’accusateur que le procès-verbal, qui est un récit des faits. M. Duval d’Eprémesnil, qui convient que la municipalité est très digne d’éloges, n’a pas voulu, sans doute, que le roi, qui, le premier, a loué la conduite de la municipalité, ait préjugé cette affaire. Le roi a seulement jugé qu’il était le premier offensé toutes les fois qu’on manquait de respect à la garde nationale et aux principes constitutionnels. Saisissons avec empressement cet heureux rap port des senlimen ts du roi avec ceux de l’Assemblée nationale, dans un moment où l’ennemi de la liberté veille encore. J’insiste, en finissant, sur l’extrême nécessité de faire droit à la pétition des citoyens de Marseille, qui, pour la trentième fois, demandent le renvoi des troupes, attendu que c’est véritablement placer le feu à côté d’un magasin à poudre; je demande, en outre, que la sénéchaussée de Marseille juge M. d’Ambert en dernier ressort. L'amendement de M. Castellanet est mis aux voix et adopté. L’amendement de M. le comte de Mirabeau est mis aux voix et adopté. Le décret suivant est ensuite rendu : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport fait par