688 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (28 décembre 1790.j tribunal auquel étaient soumises toutes les contestations que vous avez attribuées aux juges de paix; ils avaient même une compétence plus étendue, et ils rendaient gratuitement la justice. La population de cette commune est de deux mille deux cents âmes; ses habitations sont isolé s et éparses comme le sont celles d’un peuple pasteur; elles sont situées dans une contrée coupée par les montagnes les plus escarpées des Vosges, et inaccessibles dans une partie des saisons de l’année. L’aisance, la paix dont jouissent ses habitants sont dues à l’exception dans laquelle ils se sont maintenus, que les princes de Lorraine ont toujours confirmée, actuellement devenue constitutionnelle. Ils demandent, Messieurs, de ne la point perdre; le département appuie ce vœu comme nécessaire à la prospérité de ces paisibles montagnards ; le comité de Constitution propose à l’Assemblée nationale de l’accueillir : il est dans l’esprit de ses decrets; les habitants de la commune de La Bresse recevront avec joie ce bienfait de la Constitution. Plusieurs departements vous demandent l’établissement de plusieurs juges de paix et tribunaux de commerce dans différentes villes. Je vous propose sur le tout le décret suivant : « L’As -emblee nationale , après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, sur les pétitions des assemblées administratives des départements des Vosges, de Saône-et-Loire, de l’Ain, de la Mayenne, de l’Isère, de la Gironde, de l’Ailier, de la Meuse, de la Loire-lnIVrieure, de la Sartbe, de la Haute-Loire, de la Dordogne, du Pas-de-Calais et du Loiret, décrète ce qui suit : « La commuue de La Bresse, département des Vosges, district d’Ëpimil, aura un juge de paix particulier. < Il sera nommé un juge de paix dans la ville d'Autuu, deux dans les cantons des villes et bourg de Laval et de Mayenne. « Les limites de leurs juridictions seront déterminées par les assemblées administratives de leur departement respectif. « 11 sera établi des tribunaux de commerce dans les villes d’Autun, de Vienne, de Libourne, de Moulins, de Bar-le-Duc, de Nantes, du Mans, du Puy, de Péngueux, de Bergerac, d’Arras, de Boulogne, de Calais et de Saint-Omer; les tribunaux de ce genre actuellement existants dans les villes où iis sont établis continueront leurs fonctions, nonobstant tous usages contraires, jusqu’à l’installation des juges, qui seront élus couiormément au decret. « Ils seiont installes et prêteront serment dans la forme établie par les lois, sur l’organisation de l’ordre judiciaire. « Il sera nommé un sixième juge au tiibunal du district d Orléans. f La paroisse de Bussière-Poitevine, et la partie de celie du Pont de Saint-Martin, située sur la rive gauche de ta rivière de Gardempe, département ne la Haute-Vienne, sont unies et de-meuieront attachées au district de Bellac, en conformité de l’arréLé de l’assemblée administrative de üépunement. » (Ce piojet de décret est adopté sans discussion). M. le Fréiideut annonce qu’il vient de recevoir une ietue de M. Delessart, qui lui lait passer copie d’une instruction sur le décret de l'Assemblée nationale, du 16 de ce mois, qu’il a remise sous les yeux du roi, qui l’a approuvée. (L’Assemblée a renvoyé cette instruction pour être déposée aux archives.) L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi sur la police de sûreté , la justice criminelle et l'institution des jurés , présenté au nom des comités de Constitution et de jurisprudence criminelle. M. Pmgnon. Les deux principales questions sur lesquelles doit s’établir votre délibération sont celles-ci ; 1° le juge de paix aura-t-il, dans tous les cas, le droit de donner un mandat d'amener contre un citoyen quelconque domicilié ou non ? 2° les dépositions faites par-devant les jurés seront-elles écrites ou non?... Je ne sais pas comment les comités de Constitution et de judicature ont pu vous proposer de confier à l’homme à qui l’on n’a pas voulu attribuer le jugement des affaires au-dessus de 50 livres le droit d’arrêter un citoyen sans formalité préalable etsur la simple déclaration d’un dénonciateur, sans même le rendre responsable de l’illégalité de l’arrestation. Cet arbitraire est effrayant sans duute ; mais je conçois bien moins encore comment ou ose vous proposer de cumuler dans les mêmes mains, c’est-à-dire de donner à un officier de maréchaussée, les deux despotismes les plus terribles, le despotisme judiciaire et le despotisme militaire. Cet établissement, quoi qu’on en dise, aura toujours la physionomie de la tyrannie prévôtale. Montesquieu disait que le despotisme a cent bras ; ici il est divisé à i’iii-fi ni. Peut-on rien concevoir de plus terrible à l’entrée de la justice que l’arbitraire de la police réuni au despotisme militaire? Un citoyen, sur le dire et la déclaration sommaire du premier dénonciateur et sur les caprices d’un juge de paix, pourra être incarcéré. Le coupable adroit échappera à toute cette filière que le comité vous propose. Le pouvoir d’arrêler sans preuves, sans présomption légale, sera une désolante vexation. Les juges de paix en Angleterre ne ressemblent pas aux nôtres; non seulement ils ne sont pas salariés, non seulement ils ont un territoire plus étendu et sont ehonis parmi les citoyens les plus éclairés, mais ils sont obligés d’avoir cent Jouis d’or de rente. S’il n’y avait des juges de paix que dans les villes, on pourrait peut-être i ur attribuer la même juridiction qu’en Angleterre; mais comment conlier sans danger un pouvoir aussi étenuu à des juges de canton, à des juges de village? Qu'on ne dise pas que l’innocent aura tous les moyens de se justifier : le soupçon se lasse de l’incertitude; il se fixe sur la tète du citoyen accusé, il s’y attache. Les ennemis de l’uuiocent que ce soupçon accable ne manquent pas de dire : Il a eu le bonheur de s’en tirer, enfin, ce citoyen reste toujours environné d’un nuage déshonorant. La loi doit non seulement économiser le sang de l’innocent, mais prévenir les arrestations inégales. Je conclus à ce que le juge de paix ne puisse faire arièter les citoyens uomicilies que daus le cas de meurtre ou u’assassmat, et dans celui où un homme arrêté par le peuple serait trouvé muni d’effets votés. . Je passe à la seconde question, et je dis que les dépositions par-devant jures doivent êire écrites-sans cette iormalité la démonstration des preuves est impossible. Si les jures sont partagés sur le sens de quelques dépositions, s’ils veulent [28 décembre 1790.J [Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. les comparer, quels moyens en auront-ils? Gomment pourra-t-on convaincre les témoins de parjure? comment, après avoir entendu quinze ou vingt dépositions, les jurés pourront-ils se former une opinion ? Autrefois les juges les plus distingués par leurs lumières et i ar leur expérience sentaient les plus affreuses perplexités quand ils étaient obligés de chercher le résultat des dépositions écrites pour condamner un accusé, et quelquefois même iis finissaient par se tromper. Comment confier ce droit terrible à la seule mémoire des jurés ? En matière de délit, les plus petites circonstances sont précieuses : ce sont les détails qui perdent les faux témoins. Ceux qui ont eu le bonheur de sauver des innocents savent que ce n’e-t que par le rapprochement dos détails, et en faisant, pour ainsi dire, un câble avec des cheveux, qu’ils sont parvenus à découvrir la vérité. Il est un moyen bien simple d’écrire les dépositions; il ne s’agit que d’employer des tachygraphes qui relèvent fidèlement les discours de nos orateurs. En Angleterre, tous les greffiers sont obligés de savoir la tachygraphie. Si les dépositions ne sont point écrites, la voie de la révision est détruite ; l’accusé ne peut avoir lu consolation de se venger de la calomnie. Je demanderai à vos comités si on peut faire pendie un homme sur parole... Je demande que les dépositions faites par-devant jurés soient écrites. M. Sentetz. Les premières délibérations que vous avez à prendre sur le projet qui vous est présenté doivent, à mon avis, se fixer sur trois questions principales. Il est d’autant plus intéressant de ne point commencer votre marche par des décisions accessoires qu’elles vous lieraient malgré vous à un plan que vous auriez pu librement rejeter en suivant une autre route. Ainsi, par exemple, si vous commenciez par déterminer les fonctions de l’officier de maréchaussée dans les procédures criminelles, vous seriez nécessairement entraînés à admettre l'intervention des officiers de police dans ce genre de procédure. Dusortdes trois questions que j’ai 1 honneur de vous proposer, dépend celui des sept premiers titres du projet de votre comité. Ce sont les trois points fondamentaux de tout ce qui précède I s fonctions du jury du jugement. Première question. Les oilieiersde police seront-ils chargés de faire les premiers actes de la procédure criminelle? C’est une grande et belle question que de savoir s’il est dangereux ou salutaire d’employer les mêmes agents dans les divers degrés de la procédure, et s’il est de l’intérêt. public que la justice criminelle soit plutôt violente et prompte que prudente et circonspecte. Si cette question est décidée en faveur des officiers de police, alors vous pourrez examiner quel degré de confiance mérite uu juge de paix ou un officier de maréchaussée, quelles devront être les bornes de leurs fonctious. Vous verrez, par exemple, si, comme vous le propose votre comité, ils doivent être autorisés sur une simple plainte à se faire amener uu citoyen, à l’interroger, à l’envoyer en prison; si la loi ne doit exiger de ces officiers d’autre garantie contre leur sévérité ou contre leur mollesse que l’opinion qu’ils prétendront avoir conçue de l’accusé par des réponses fugitives et non écrites ; enfin si nous aurions à regretter les anciennes formes qui, malgré leur imperfection, étaient, au moins dans les premiers actes de la procédure, bien plus favorables à la liberté des accusées. Seconde question. Y aurait-il une partie pu-lre Série. T. XXL 689 blique chargée de rendre plainte et de poursuivre les crimes? Il me paraît de la première importance, dans tous les systèmes, que vous fixiez vos regards sur l’utilité de cet officier, que votre comité supprime et qui jouait un rôle si essentiel dans l’ancienne procédure criminelle; caron ne prétendra pas sans doute qu’il est remplacé par l’accusateur public qui vous est proposé, et qui ne serait chargé que de fonctions presque inutiles. Je pense donc que vous avez à déterminer aussi préliminairement la mesure qui assurera à la sociélé que tous les crimes seront poursuivis et aux accusés qu’ils auront toujours des adversaires responsables. Vous avez à juger si, comme vous le propose votre comité, il faut appeler tous les hommes à dénoncer publiquement leurs concitoyens, leur eu faire môme une loi cruelle; si cette loi sera très propre à prévenir ou à réprimer les crimes; si elle ne sera pas uu sujet de terreur pour la vertu et de triomphe pour la vengeance; si décorer du titre imposant de dénonciation civique an acte que nos mœurs réprouvent n’est pas violer imprudemment Ile-ci était encore indécise. Eu effet, la police de .'ûreté est antéjudiciaire : elle est à la justice criminelle C' que la justice de paix est à la justice civile. Dan-tout pays bien organbé, quel que soit le cystèm ■ ne la pmcéduie criminelle, la police est nécessaire primitivement pour déiourner du crime par la certitude de ne pas échapper à la peme, et secondairement pour rechercher les crimes commis, pour saisir les prévenus, et pour préparer ainsi sur les faits et sur les personnes l’activité de ia ’ustice. Les jurés ne sont évidemment qu’une partie dans l'établissement de la justice criminelle : cette partie y est essentielle sans doute, mais nous n’avons pas à la faire seule, il faut cons-titm rl’établissementcompletqui comprend aussi, comme i unie antécédente, l’organisation de la police sous les rapports que je viens d’énoncer. Ainsi, quand il est nécessaire de commencer par constituer la police, ce qui est la première parue du plan, et lorsqu’elle n’est pas encore constituée, il est prématuré de disse ter sur les questions relatives au juré, qui appartient, non à la police, mais à la ju.-iice, et qui ne vient ainsi que dans ia seconde partie du plan. L rsque nuus en serons au juré, et au mode de procédure à faire devant lui, alors nous examinerons utilement, par ordre, tous les points qui le concernent. Nous verrous avec l’un des préopinants, s’ils n’y a que des spéculations philosophiques et une théorie impraticable , dans une institution qui ne différera de celle qui est en pleine et facile activité chez nos voisins, que parce que nous l’avons organisée avec plusieurs moyens d'exécution plus sûrs et plus faciles. Nous vérifierons avec le même adversaire, s’il a éié tolérable de penser une seule minute que l'établissement des jurés pût se concilier avec la marche et les formes de l’ordonnance de 1670, conservée dans ses parties fondamentales, et reculiée seulement dans quelques-unes de ses plus in oiérables dispositions. Je démontrerai alors ce que j’annonçai à l’Assemblée en cette tribune lorsqu’il tut question de dé < éter le juré, que l'exécution en serait impossible tant que i ordonnance ne serait pas , non simplement corrigée, mais totalement refaite : q dit ne suffirait pas d'essayer de simples raccordements; qu’i/ faut une refonte totale; que les principes et i exécution matérielle de la procédure, tout enfin, devait être changé , avant que le juré dût être mis en activité. Nous examinerons, non pas en ne regardent que les raisons qui peuvent faire délirer à quelques personnes que chaque tribunal de district jugeât criminellement, mais en comparant à ces raisons celles beaucoup plus fortps et plus importantes pour le bien de la justice, et pour la sûreté de l’innocence, qui hs ecartent, si l’on peut se dispenser, au nions pour les premiers temps de l’institution, d’établir un seul centre des jugements criminels en chaque département; et comme ai rès le plus mûr examen, nous avons tous été unanimes sur ce point, nous espérons que sur ceite question bien méditée et bien approfondie, il ne sub.-istera pas de dissentiment. Nous poserons vis-à-vis des défenseurs des preuves écrites, la question sous son vrai jour, et nous la presserons jusque dans ses d eniers termes, pour arriver à la découverte du seul point véritablement décisif, qui est de savoir dans lequel des deux procédés se trouve réellement, et abstraction faite de tout préjugé d’habitude, le plus haut degré de probabilité, et le plus solide fondement de conviction humaine; car voilà tout ce que la justice des hommes doit exiger, ettmtce quVlle peut obtenir. Voici, en ai tendant que le moment de développer à fond cette grande mature soit arrivé, quelques questions dignes de la plus sérieuse méditation de tous ceux qui sont appelés à les résoudre. La lègle de vérité sur les points de fait n’est-elle lias dans la conviction acquise par les hommes apnelés à vérifier le fait, que le fait est vrai? La puissance publique peut-elle poser des règles infaillibles de conviction qui soient applicables à toutes les circonstances de fuit variables à l’infini ? Si elle ne peut pas poser ces règles infaillibles et généralement applicables, doit-elle se permettre, a-t-elle même le droit d’en prescrire de fautives, pour suppléer à la conviction réelle, lorsqu’elle n’existe pas, ou pour ia rendre inutile, lorsqu’elle existe ? Le système des preuves écrites ne consacre-t-il pas ce système absurde de la conviction légale qui viob-nte la conscience des juges, et qui a été la suurce constante des assassinats judiciaires? La puissance publique neremplit-eilepas mieux son devoir, et n’atteint-elle pas plus sûrement son but, lorsqu’après avoir institué un certain nombre de juges du fait, pris parmi les citoyens, et épurés par de suffisantes récusations, elle dit: ce que ces hommes honnêtes et non suspects, après avoir vérifié eux-mêmes le fait, trouveront eu leur âme et conscience, et par une conviction uniforme de dix sur douze, être la vérité, je le tiendrai pour la vérité? Le degré de probabilité qui se trouve dans cette conviction réelle et libre de dix ho urnes sur douze, n’est-il pas infiniment supérieur à celui qu’on peut supposer dans la conviction forcée et artificielle, dictée au juge par la loi, et souvent désavouée par la conscience d > juge ? Je passe sur tous les développements, sur tous les accessoires de ces idées primilLes; j’écarte tous les auires points de vue delà question; j’omets et l’i upossibilité matérielle de faire avec des jurés des procédures ée ites, et l’impossibilité morale que des juré> puissent jamais être de bous juges de preuves légal s. Encore une fins, je n’ai pas entendu traimr i. i à fond cette importante matière ; il suffit d’aveir numué qu il s’en laut bien que la di>c ission soit encore suffisamment faim, et surtout que les attaques qui nous ont été livrées, nous aient vaincus. Je ois rame m ici v ure attention sur l’objet plus instant de votre délibération, l’organisation de la police de sûreté. il est parfaitement inutile de montrer combien m cette police est nécessaire; et il suffit de dire qu’il est indispensable qu’elle soit expressément constituée. Mais sur quels principes doit-elle l’être? Nous en avons adopté deux, qui nous ont paru être des conséquences nécessaires de la Constitution même: le premier est que la police soit très expéditive, tiès énergique, et même sévère; le second est quelle forme une institution très distincte de la justice, et qu’elle soit exercée par des fonctionnaires particuliers. J’observe, à l’appui de notre premier principe, que plus un pays est libre, plus il est dans l’esprit et dans la nécessité de sa Constitution que la police y ait uue grande et puissante activité. La garantie de la liberté est le respect pour les lois; son respect en effet est la plus grande sûreté légale des droits individuels. Celui qui, dans un pays libre, viole les lois émanées de la volonté générale, est bien autrement coupable que celui qui, dans une terre asservie, désobéit aux édits d’un despote. Celui qui, dans un pays libre, attente àla sûreté et à la propriété de ses concitoyens, détruit à leur égard tout l’avantage qui leur était. garanti par la constitution du pays; il forfait à la Constitution même. G est donc pour maintenir au prolit de tous la libe' té et la sûreté, qui sont les premiers biens d’une Constitution libre, que cette Constitution commande une répression très active contre ceux qui, par leurs délits, violent les droits particuliers et alarment la tranquillité générale. C’est donc une grande vérité, dont il nous importe fort de nous bien pénétrer en cet instant, que celle exposée à la page 21 du rapport, qu’avec une police inactive et sans pouvoir, les méchants seuls sont Libres , et les bons seuls sont opprimés . Si dans quelque circonstance la liberté individuelle se trouve gênée par cette activité de la police, par celte nécessité de déférer à ses mandats, la piainte serait dérisoire dans la bouche de l’homme criminel : et à l’égard de l'honnête citoyen, faussement inculpé, peut-il lui en coûter de marquer son respect pour la loi? Son obéissance est un sacrifice passager qu’il doit à l'intérêt social, et à la volonté générale dont la sienue fait partie. N’a-t-il pas en retour Ja protection constante et efficace qui lui est assurée à ce prix vis-à-vis de tous ses concitoyens soumis réciproquement pour son avantage personnel, à l’action de la même autorité? Quant à la séparation de la police et de là justice, les avantages en sont évidents, tant parce que l’institution de la justice a des principes et un esprit tout différents, que parce qm les pouvoirs qui s’exercent immédiatement sur la personne du citoyen, sont ceux qu’il faut tenir divisés avec le plus grand soin, pour éviter qu’ils n’acquièrent, par leur réunion dans ies mêmes mains, une intensité dangereuse et qui pourrait devenir oppressive. Je demande que M. le président mette aux voix cette proposition, uniquement destinée à régler l’ordre du travail, que L'Assemblée va s'occuper immédiatement de l'organisation de la police: et comme il n’est pas présumable qu’il v ait sur cela le moindre dissentiment, les articles relatifs à cette organisation seront de suite proposés à la discussion. Quand nous serons arrivés à la partie de la justice, l’Assemblée decié-tera avec plus de sûreté et plus de facilité ies bases du juré, parce que chacun aura eu davantage le temps de les méditer. fl /a proposition de M. Thouret est adoptée). [28 décembre 1790.] Un membre demande l’impression du discours de M. Thouret. Cette impression est ordonnée par l’Assemblée. M. üuport, rapporteur, fait lecture des deux premiers articles du litre premier de l’in-titution des of liciers de police; ils sont ainsi conçus : Art. 1er. « La police de sûreté sera exercée par les officiers qui vont être indiqués concurremment entre eux, sauf les attributions particulières qui 'pour-ru et être faites à chacun d’eux. Art. 2. « Lejoge de paix de chaque canton sera chargé des fonctions de la police de sûreté; il y aura dans chaque département un certain nombre d'officiers de ia gendarmerie nationale chargés d’exercer, concurremment avec les juges de paix, les fonctions de la police. » M. Kobespierre. La première question est de savoir si, comme vous le propose le comité de Constitution dans le second article de son projet de décret, les oiliciers de maréchaussée dotvent exercer les fonctions de la police concurremment avec le juge de paix. C’est sur cette proposition que je demande la question préalable. M. Frètes* u. Je demande que l’Assemblée ait égard a l’article 12 du titre 1er de l’ordonnance de 1670, qui défend aux officiers de maréchaussée d’arrêter les citoyens dans Ja ville de leur domi-ci'e. Cette formalité nécessaire est une subdivision de la question soumise à votre délibération. M. ©iiporl, rapporteur. Le principe qui a déterminé vos comités d’attribuer aux officiers de maréchaussée des fonctions de police est la nécessité pour les officiers de police d’une concurrence qui excite leur émulation. Si l’officier de police n’est pas impartial, s’il n’est pas étranger aux ressentiments particuliers, il est important que les citoyens puissent s’adresser à un autre fonctionnaire public chargé des mêmes fonctions. Je pense donc que, pour prévenir les suite s de la partialité ou de la négligence, des fonctions aussi délicates et aussi importantes que celles delà police doivent être exercées concurremment pat-deux officiers. Je pense aussi que les officiers de ia maréchaussée n’ont aucun caractère de réprobation, que l’attribution que nous vous proposons de leur donner ne saurait être dangereuse, puisque l’arrestation provisoire des citoyens ne sera que de vingt-quatre heures. Il n’est pas nécessaire de vous rappeler que les hommes s’ennoblissent par les fondions qu’on leur confie. Si l’établi-sernent que nous vous présentons a des inconvénients, les législatures suivantes qui en seront les témoins pourront réduire les fonctions des officiers de la gendarmerie nationale à l’exécution des mandats des juges de paix. Je pense donc que dans ce moment ce serait risquer beaucoup que la police manquât dans plusieurs parties du royaume que ne Ja confier à des juges de paix, dont plusieurs ont été nommés sans avoir les connaissances nécessaires à l’administration de la police. M. Pclioa. L’argument par lequel le préopi-uant vient de terminer son discours me paraît spécieux; mais il ne suffit pas pour déterminer l’Assemblée. La concurrença qu’on vous propose d’établir comme moyen d’émulation serait plutôt [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES.