[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES [22 novembre 1790.] ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. ALEXANDRE DE LAMETH. Séance du lundi 22 novembre 1790, au matin (1) La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Coroller, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier qui est adopté. M. le Président communique deux notes envoyées à l’Assemblée par M. le garde des sceaux, de différents décrets acceptés ou sanctionnés par le roi, dont la teneur suit : Première note. Le roi a donné sa sanction : « 1° Le 14 de ce mois, au décret de l’Assemblée, du 10, relatif à la réunion en commun des électeurs de Paris, pour la nomination des juges des six tribunaux; « 2° Et le 17, au décret du 29 du mois dernier, portant autorisation de vente de biens nationaux à la commune de Paris; « 3° Au décret du 3 de ce mois, sur la vente des domaines nationaux, auxquels sont joints deux décrets, l’un des 25, 26 et 29 juin ; l’autre du 15 août ; « 4° Au décret des 6 et 7, sur la liquidation de la dette publique ; « 5° Aux trois décrets du 8, par lesquels l’Assemblée nationale déclare vendre des biens nationaux aux municipalités de Saint-Aubin, de Mass y, et de Saint-Jean de Beauregard, district de Versailles ; « 6° Au décret du 9, relatif à la réunion en une seule municipalité des paroisses de Bouillargues, Rodhilan, Gaissargues et Garons, district de Nirnes, et portant formation d’un huitième canton, dont Manduet sera le chef-lieu ; « 7° Au décret du même jour, portant que l’arrêté du département du Doubs, du 19 octobre, relatif à la fixation du chef-lieu de district de Besançon, sera exécuté; « 8° Au décret du même jour, portant qu’il sera fourni aux matelots étant en rade, du tabac comme il leur est fourni à la mer ; « 9° Au décret du même jour, qui autorise tous bateliers établis sur la rivière de Somme, à voi-turer, comme les gribaniers, les marchandises et autres objets; « 10e Au décret du 10, portant que les neuf paroisses de Cahors, seront réduites à trois ; « ll-o Au décret du même jour, portant qu’il sera nommé deux juges de paix dans la ville d’Alençon, trois dans celle de Dijon, un à Baune, quatre à Nîmes, un à Alaix, nn à Beaucaire, deux à Auxerre, deux à Sens et deux à Beauvais; « 12° Au décret du 11, relatif au sieur Kéating, major titulaire du régiment d’infanterie irlandaise, de Walsch ; « 13° Au décret du même jour, portant que toutes espèces de grains, farines et légumes venant de l’étranger dans un port de France, seront déclarées par l’entrepôt, et pourront être réexportées, en justifiant que ce sont les mêmes; 4° Et enfin, au décret du 13, qui annulle un arrêt du conseil dit du propre mouvement , rendu (1) Cette scauce est incomplète au Moniteur. en faveur du sieur Vulpian, le 14 septembre dernier. » M. le garde des sceaux transmet à M. le Président une expédition de chacun de ces décrets sur lesquels est la sanction du roi. Signé : Champion DE GlCÉ, Archevêque de Bordeaux. Paris, le 19 novembre 1790. Deuxième note. Minutes de différents décrets acceptés et sanctionnés par le roi, dans l’ordre qui suit : « 1° Décret du 26 octobre, par lequel l’Assemblée, sur le rapport de son comité d’aliénation, déclare vendre à la municipalité d’Orléans, les biens compris dans l’état annexé audit décret, pour le prix de 658,470 livres; « 2° Autre décret du 27 octobre, par lequel le roi est supplié de ne pas exercer la rigueur des lois envers les sous-officiers et cavaliers du régiment de la reine, cavalerie, qui ont contraint M. de Roucy, leur ancien colonel, à leur payer une somme de 30,000 livres qui ne leur était pas due, mais d’ordonner la retenue, au profit du Trésor public, d’un sol par jour sur le prêt de chacun des sous-officiers et cavaliers qui ont eu part au partage, jusqu’au parfait payement desdites 30,000 livres.; « 3° Autre décret du 28 octobre, qui ordonne que le Président de l’Assemblée se retirera par-uevers le roi, pour le prier d’envoyer à Mon tau-ban un régiment complet, indépendamment de celui d’infanterie qui y est actuellement; « 4° Autre décret dudit jour 28 octobre, portant établissement d’un tribunal de commerce pour le district de Perpignan, séant en celle ville; « 5° Autre décret dudit jour, portant que le roi sera prié de faire négocier avec les princes d’Allemagne une détermination amiable des in • demnités qui leur seront accordées, pour raison des droits seigneuriaux et féodaux supprimés; « 6° Autre décret dudit jour, portant que les établissements d’étude, d’enseignement, ou simplement religieux, faits en France par des étrangers ou par eux-mêmes, continueront de subsister, comme par le passé, sous les modifications y énoncées; « 7° Autre décret du 30 octobre, portant pue les gages et autres émoluments arriérés des offices supprimés, dus par l’Etat, seront incessamment acquittés en la forme ordinaire, jusques et compris le 31 décembre 1790 ; « 8° Décret dudit jour, portant que le3 commis à la perception des devoirs en Bretagne, pourront se pourvoir devant les juges do paix ; et en cas de besoin, devant les prud’hommes-assesseurs, ainsi que les requérir dans tous les eas où ils pourraient se pourvoir devant les juges des anciennes et hautes-justices seigneuriales; « 9° Décret des 30 et 31 octobre, portant suppression, à compter du 1er décembre •prochain, de tous les droits de traite et de tous les bureaux placés dans l’intérieur du royaume, pour leur perception ; « 10" Décret dudit jour 31 octobre, qui, d’après l’avis du district de Nantes, et du département de la Loire-Inférieure, autorise la suppression faite par les officiers municipaux des droits établis sur le bétail aux quatre grandes foires tenues par ehaque années dans ladite ville, à charge et condition de remplacer, par la voie d’imposition ou autrement, la portion de ces droits qui de- 6i5 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790. [ vait être versée au Trésor public ; portant, en outre, établissement de trois nouvelles foires franches et exemptes de tous droits, aux époques des 1er février, 18 mars et 14 juillet de chaque année; « 11° Décret dudit jour, qui autorise les officiers municipaux de la ville et commune de Quimperlé, à faire un approvisionnement de 50 tonneaux de blé-froment, et autant de seigle; en conséquence, à faire l’emprunt des sommes nécessaires à l’achat du blé, à charge d’en rembourser le montant par le prix à provenir de la vente, et ce qui se trouvera manquer, par la voie d’imposition; « 12° Décret dudit jour, qui autorise le conseil général de la municipalité d’Asserac à imposer, dans les deux années prochaines, et par portions égales, la somme de 2,800 livres sur tous les propriétaires possédant des biens-fonds dans ladite municipalité, pour l’entier payement de la somme de 5,000 livres, promis au curé de ladite paroisse, pour reconstruction de son presbytère; « 13° Décret dudit jour, qui autorise les officiers municipaux de ia vilte d’A vailles, district de Livray, département de la Vienne, à employer en ateliers de charité, pour la réparation de leurs chemins vicinaux, la somme de 800 livres, et 200 livres qu’ils ont obtenue en 1788 et 1789 de l’élection de Confoiens ; les autorise, en outre, à imposer la somme de 500 livres sur tous les contribuables, pour être réunie aux deux premières sommes, et remplir la même destination; le tout à la charge de rendre compte; « 14° Décret du 2 novembre, qui improuve la conduite de la municipalité de Hagueneau, approuve, au contraire, celle de la garde nationale et celle du sieur Varstadt, son commandant ; « 15° Décret dudit jour, portant qu’il sera sursis, dans la ville de Nîmes, à la convocation de la commune, et à toute nomination et renouvellement d’officiers municipaux et notables, jusqu’à ce que, par l’Assemblée nationale, il ait été statué sur le rapport qui lui sera très incessamment fait des malheurs arrivés dans ladite ville, et des informations, à l’effet d’en découvrir les auteurs; « 16° Décret dudit jour, portant que les directoires de département et de district ne cesseront point d’être en activité pendant les assemblées des conseils de départements et de districts; « 17° Décret dudit jour, qui porte que tous les décrets rendus jusqu’à présent, sur lesquels le consentement royal est intervenu, sont valablement acceptés ou sanctionnés, quelle que soit la formule qui sera employée par la suite, ainsi que la manière d’envoyer les décrets, lorsqu’ils auront été sanctionnés ou acceptés; « 18° Décret dudit jour, qui accorde à la muni-palité de Nancy un délai de quinzaine pour l’envoi des ses soumissions ; « 19° Décret dudit jour, qui déclare nuis tous titres de collation ou d’institution qui se trouveront accordés depuis le 27 novembre 1789, pour des églises paroissiales qui étaient alors vacantes, même gouvernées par un prêtre-desservant depuis trois ans au moins avant ledit jour 27 novembre 1789, ou qui étaient supprimées et réunies avant ledit jour, par ordonnance du supérieur ecclésiastique ; « 20° Décret dudit jour, qui ordonne que l’arrêté du département d’Indre-et-Loire, en date du 21 septembre 1790, sera exécuté ; qu’en conséquence, les officiers municipaux de la ville de Ghinon seront tenus de procéder, dans deux mois pour tout délai, à compter delà notification du présent décret et de l’installation des nouveaux officiers municipaux, à la confection d’un nouveau rôle, sur les trois bases fixées ou déterminées par le. département; « 21° Décret du 3 novembre, portant qu’il sera distrait et distribué en droits d’assistance, la moitié du traitement des juges et des commissaires du roi qui ont plus de 2,400 livres; « 22° Décret dudit jour, relatif à l’élection des juges et des administrateurs du département de Paris ; « 23° Décret dudit jour, relatif à l’administration de la ville de Paris ; « 24° Décret dudit jour, qui fixe à 2,400 livres le traitement des juges de paix de la ville de Paris, et à 800 livres celui des greffiers desdits juges de paix; « 25° Décret du 4 novembre, qui déclare illégale la commission établie par arrêt du conseil du 29 juin 1780; ordonne en conséquence que les actes qualifiés de jugements, sentences ou arrêts rendus par ladite commission, ne sauraient obliger ou entacher le sieur Gineste, procureur du roi en la maîtrise de Castres, département du Tarn; « 26° Décret dudit jour, qui autorise les officiers municipaux de la ville du Mans, à emprunter la somme de 16,000 livres pour être employée à faire subsister les pauvres de leur ville, à" charge de rembourser ladite somme, dans l’espace de quatre ans, par la voie d’imposition ; « 27° Décret du 5 novembre, portant que le roi est prié de suspendre toute nomination aux emplois actuellement vacants, ou qui viendront à vaquer dans le régiment de Salis-Marschlin , Grison, jusqu’à ce qu’il ait été pris un parti définitif sur le mode d’avancement qui sera fixé pour ce régiment ; « 28 Décret dudit jour, portant que la caisse de l’extraordinaire prêtera au Trésor public la somme de 48 millions, pour le service du mois de novembre ; « 29° Décret duditjour, portant que les soldats, sous-officiers, officiers Suisses, généraux, et autres officiers de cette nation, continueront d’être payés, comme par le passé, des pensions, traitements et émoluments dont ils ont joui jusqu’au 1er mai 1789; « 30° Décret dudit jour, qui, en improuvant le refus fait par le sieur Lanon, receveur des impôts directs à Saint-Lô, lui ordonne, ainsi qu’à tous autres receveurs, de recevoir les sommes qui leur seront offertes par les collecteurs, et d’en donner quittance à valoir sur le montant des rôles; « 31° Décret du 4 novembre, relatif à la fabrication des assignats; « 32°Décret du 5 novembre, portant qu’à compter du 1er octobre 1790, les caporaux de grenadiers Suisses, ainsi que ceux de fusiliers de la première classe, jouiront d’un supplément de haute paye" de dix-huit deniers : ceux de seconde classe, ainsi que les tambours de grenadiers, vingt-quatre deniers ; enfin, les tambours de fusiliers, d’un supplément de haute paye de douze deniers ; « 33° Décret dudit jour, portant établissement de trois juges de paix dans la ville d’Arles ; « 34° Décret dudit jour, portant établissement d’un tribunal de commerce dans le district d’Alençon, qui sera séant eu cette ville; « 35° Décret dudit jour, portant qu’il sera 616 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 novembre 1790. J nommé trois juges de paix dans la ville de Troyes; « 36° Décret du 6 novembre, portant que le président se retirera de nouveau par devers le roi, à l’effet de supplier Sa Majesté de donner incessamment tous les ordres nécessaires pour l’exécution du décret du 8 octobre, qui concerne les membres de la ci-devant chambre des vacations du parlement de Toulouse; « 37° Décret dudit jour, relatif à la liquidation des oflices d’amirauté ; « 38° Décret des 6 et 7 novembre, relatif aux élections des juges et des suppléants; « 39° Décret du 9 novembre, qui charge le président d’écrire aux assemblées administratives des départements de la Meurthe, de la Meuse et des Ardennes, pour leur témoigner la satisfaction de l’Assemblée, du zèle qu’elles ont marqué dans les circonstances. » Signé : Champion de Cicé, Archevêque de Bordeaux. Paris, le 19 novembre 1790. M. Crossin, rapporteur du comité de Constitution, propose le décret suivant qui est adopté sans discussion : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï l’un des membres de son comité de Constitution, et, d’après l’avis de l’administration du département de la Meurthe, décrète qu’il y aura quatre juges de paix à Nancy, deux à Lunéville et un à Toul. ». M. Du p ré, député de Carcassonne, sollicite et obtient une prolongation de congé pour un mois. M. lîmniery, député de Metz, qui s’était absenté, en vertu d’un congé, déclare qu’il reprend sa place dans l’Assemblée. M. le Président. L’ordre du jour est un rapport dit comité militaire sur l’organisation de V artillerie . M. de Broglle, député de Colmar, rapporteur (1). Messieurs, chargé de vous soumettre un plan d’organisation pour le corps de l’artillerie, votre comité militaire n’a pu perdre de vue la prudente réserve dont vous usâtes, il y a quelque temps, lorsqu’il vous fut proposé de ne former qu’un seul et même corps de ceux de l’artillerie et du génie. Vous appelâtes à votre secours l’expérience, ce guide certain des sages législateurs ; vous reconnûtes que c’était aux institutions de M. de Gribeauval, que le corps de l’artillerie était redevable de sa supériorité avérée sur tous ceux de l’Europe; vous parûtes persuadés, Messieurs, que dans un système aussi fécond en succès, qu’ingénieux par sa simplicité même, il n’appartenait qu’au temps et à la seule évidence, d’amener lentement et sucessivement des changements démontrés utiles. Vous vous déterminâtes, en conséquence, à ne rien innover, au moins pour le moment, à cet égard ; et quels que pussent être les avantages que cette réunion semblait promettre, quelque confiance que vous fussiez portés à accorder au vœu exprimé par un grand nombre d’officiers de l’un et l’autre corps, yous pensâtes que l’incertitude du succès, l’inconvenance et le danger de compromettre, par (t) Le Moniteur se borne à mentionner ce rapport. de nouvelles épreuves, la perfection à laquelle les corps de l’artillerie et du génie étaient respectivement parvenus, interdisaient jusqu’à la pensée d’accepter la proposition subite qui tendait à leur réunion. Le même respect pour les institutions consacrées par une heureuse expérience, a dirigé votre comité militaire dans le projet d’organisation de l’artillerie, qu’il va avoir l’honneur de vous soumettre. Combiner l’économie la plus exacte, avec l’utilité réelle du service; ne jamais s’écarter du système établi par l’ordonnance de 1776 ; n’y apporter que des changements légers, indiqués par la nature même des choses, et évidemment propre à contribuer à sa perfection ; soumettre néanmoins, le plus possible, l’organisation de l’artillerie aux règles que l’Assemblée nationale a précédemment établies, aux décrets qu’elle a portés sur la constitution de l’armée ; tel est le problème que votre comité s’est proposé de résoudre ; tel est le but qu’il s’est efforcé d’atteindre. Je vais, Messieurs, vous indiquer successivement les différences, en petit nombre, qui existent entre le plan envoyé à votre comité par le ministre de la guerre, ‘et le plan que nous avons cru devoir arrêter définitivement à la suite d’une discussion très approfondie, à laquelle ont été appelés, et ont assisté régulièrement MM. les officiers généraux de l’artillerie, et plusieurs officiers particuliers de ce corps. Ces différences enlre le plan du ministre et celui de votre comité, porte sur deux objets distincts ; les unes sont relatives au nombre des officiers, tant généraux que particuliers, et à celui des sous-officiers des différents grades, ainsi qu’aux fonctions qui leur sont attribuées ; les autres regardent la solde, les appointements, et quelques dépenses indispensables au service de l’artillerie. Quant au premier objet, votre comité s’est soigneusement rapprochédes dispositions de l’ordonnance de 1776, qu’il a regardée comme contenant les principes et les bases de la constitution de l’artillerie. Quant au second objet, votre comité ne se trouve éloigné du projet du ministre, que d’une somme très peu considérable, dont l’emploi sera soumis à votre examen. Je vais parcourir rapidement la série de ces divers objets ; je vous exposerai les motifs qui ont déterminé votre comité, dans les propositions qu’il a l’honneur de vous faire, en commençant parce qui concerne les officiers généraux d’artillerie, et ce qu'on nomme le grand état-major des armées. Place de premier inspecteur , supprimée. L’ordonnance de 1776 établissait, dans l’artillerie, dix inspecteurs généraux, dont un avait le titre de premier inspecteur : cette dernière place, qu’il avait pu être utile de créer pour M. de Gribeauval, chargé alors de donner à l’artillerie une nouvelle constitution, et de travailler directement avec le ministre pour tout ce qui concernait le corps, est restée vacante depuis la mort de cet officier général. Votre comité militaire, après avoir recueilli, delà part des six officiers tant généraux que particuliers d’artillerie qu’il a consultés, une majorité de quatre voix sur six, a peusé qu’il était utile de supprimer