SÉNÉCHAUSSÉE DE PLOEEMEL. Nota. Le clergé et la noblesse de Bretagne refusèrent de députer aux États généraux. — Voy. plus loin l’article Saint-Brieuc. CAHIER Des charges et doléances du tiers-état de la sénéchaussée de Plo'èrmel. L’assemblée, après avoir unanimement et par acclamation, voté à la personne sacrée du meilleur des rois le juste tribut de sa fidélité, de son amour et de sa reconnaissance par rapport à la forme de convocation accordée aux demandes du tiers-état de la province pour l’élection de ses députés aux Etats généraux du royaume, forme qui pouvait seule lui donner une représentation réelle et efficace ; Supplie très-humblement Sa Majesté de maintenir pour toujours tous les membres de cet ordre dans ses droits de citoyen, dont elle a bien voulu leur accorder en cette occasion l’exercice, et de les faire ainsi participer individuellement et par eux-mêmes à toutes les élections qui auront lieu dans la suite tant pour les Etats généraux que pour les Etats particuliers de la province et autres assemblées nationales. Elle observe néanmoins que le nombre de quatre députés qui lui a été accordé par le règlement du 16 mars dernier paraît insuffisant en raison de l’étendue du territoire de cette sénéchaussée, de sa population et de sa contribution. En effet, ce territoire comprend, outre les villes de Ploërmel, Pontivy, Josselin, Malestroit et autres moins considérables, environ deux cents paroisses ou trêves de campagnes, et en combinant avec cette étendue les autres rapports de sa population et de sa contribution, l’on peut dire qu’il forme la septième ou huitième partie de la province. Il en résulte que, eu égard au nombre total des députés du tiers-état de Bretagne, cette sénéchaussée n’a pas obtenu l’influence proportionnelle qu’elle pouvait prétendre , et qu’elle est fondée à réclamer pour l’avenir une représentation plus étendue. Procédant ensuite à la rédaction de ses doléances 'et réclamations, l’assemblée a arrêté ce qui suit : Art. 1er. Que la votation individuelle étant une suite nécessaire de la représentation plus étendue et égale à celle des deux autres ordres privilégiés réunis qui vient d’être accordée aux Etats généraux, il soit avant tout réglé, pour ne pas rendre cette représentation illusoire, qu’aux Etats généraux comme aux Etats particuliers de la province et dans toutes les assemblées nationales, les voix soient désormais comptées, dans tous les cas, par tête et non par ordre. Art. 2. Que la constitution du royaume et la situation de ses finances intéressant sur toute autre chose la nation, et devant former à ce titre (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. la principale matière des délibérations des Etats généraux, il ne soit délibéré sur l’impôt, sur les objets qui doivent le supporter et sur le mode de la perception, qu’après que les lois constitutionnelles de l’Etat auront été enfin irrévocablement établies; qu’après qu’on aura examiné le déficit et ses causes, qu’il aura été pourvu aux économies nécessaires dans les différentes parties des dépenses de l’administration, qu’on aura ordonné toutes les bonifications possibles et que l’Etat des recettes et dépenses aura été définitivement arrêté, sauf néanmoins l’approbation provisoire des impositions actuelles ou de telle autre perception que les besoins du moment rendraient absolument indispensables. Art. 3. Que la puissance législative résidant éminemment dans le Roi et la nation, le monarque, outre la puissance exécutrice qui réside en sa personne dans toute sa plénitude et sans partage, aura celle d’interpréter provisoirement les lois établies et même d’en porter de nouvelles, si les besoins de l’Etat les rendent indispensables, à la charge dans l’un et l’autre cas d’une vérification libre et de l’enregistrement dans les différentes assemblées des Etats provinciaux et de la confirmation dans les assemblées subséquentes des Etats généraux, qui pourront seuls rendre ces lois nouvelles irrévocables. Art. 4. Que nul impôt ne pourra être établi ni perçu que du consentement libre de la nation dans l’assemblée des Etats légalement convoqués et constitués, sans aucun enregistrement ou sanction quelconque de quelques tribunaux que ce soit; qu’il en soit de même des emprunts qui ne sont que des impôts anticipés, sauf, en cas qu’il fût besoin de secours urgents et imprévus dans l’intermédiaire d’une tenue à l’autre, à assembler extraordinairement les Etats généraux pour y pourvoir. Art. 5. Que nulle refonte , changement ni altération des monnaies ne puissent désormais avoir lieu sans le consentement exprès de la nation. Art. 6. Que le retour des Etats généraux soit fixé à des époques périodiques et invariables, et convoqués au moins de cinq en cinq ans dans la forme adoptée par la présente convocation, ou plutôt suivant les principes ou les règles qui seront définitivement arrêtés par les Etats eux-mêmes dans la prochaine assemblée. Art. 7. Le bien public et le bon ordre des finances exigent une loi qui rende les , ministres responsables et comptables de leur administration à la nation assemblée ; pour assurer les effets de cette comptabilité, dont l’idée se trouve dans un ouvrage émané d’un génie auquel le tiers-état rend un hommage mérité, il estjuste que les ministres soient même assujettis à des comptes provisoires qui deviendront publics par la voie de l’impression. Art. 8. La loi est tout à fait le soutien du trône [États gén. 4789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Ploërmel.] 379 et la sauvegarde des citoyens; il est donc nécessaire de prendre toutes les mesures convenables pour qu’aucunes lois ne soient enfreintes impunément, et pour que tout infracteur, sans distinction d’ordre, de naissance, de rang ni de qualité, soit responsable de l’infraction et puni suivant la rigueur des ordonnances et le cours ordinaire de la justice réglée. Que les lettres de cachet ou lettres closes soient abolies. Art. 9. La faveur et l’intrigue ayant obtenu du cœur bienfaisant du Roi, sous des prétextes frivoles, des pensions considérables et dont l’énormité est aussi étonnante qu’à charge à l’Etat, ces pensions doivent être examinées avec la plus scrupuleuse attention, afin de supprimer toutes celles qui n’ont que le mérite de la faveur ou qui sont accordées à des personnes riches , et que toutes pensions militaires ne puissent à l’avenir excéder 2,400 livres par an, cette somme étant suffisante pour la subsistance honuéte de tout individu; que les soldats qui n’auront pas les invalides, qui néanmoins auront bien mérité par de long services, aient au moins 150 livres de rentes annuelles. Art. 10. Que les appointements énormes des gouverneurs et lieutenants de Roi des provinces et des villes soient supprimés, en conservant le titre honorifique dont les grands qui en sont décorés doivent être contents. Art. 11. Que les appointements des places de grand amiral, grand aumônier, grand veneur, grand écuyer, si inutilement et si prodigieusement dispendieux à l’Etat, soient également supprimés pour rester dans le trésor royal, afin de contribuer à l’acquit de la dette nationale, les princes et grands seigneurs qui sont pourvus de ces places éminentes étant considérablement ri-.ches et ne devant avoir que la gloire pour objet; quand le grand amiral commandera une armée navale, il percevra cependant les appointements d’un général d’armée. Art. 12. Que les états-majors des villes de garnison, dont les dépenses sont inutilement considérables, soient supprimés comme à charge à l’Etat, et que les différents régiments qui seront dans des villes de garnison soient commandés comme ils le sont en quartier, par la supériorité et l’ancienneté du grade. Art. 13. Pour affermir les fondements de la monarchie et en assurer la prospérité, on demande qu’il n’y ait aucune place dans le royaume à laquelle tout Français ne puisse prétendre. Art. 14. Que les banalités de moulins, pressoirs, fours et autres, les droits de fuie et de garenne soient abolis comme contraires à la liberté naturelle et au bien public; qu’il en soit de même du droit de guet en argent que perçoivent encore plusieurs seigneurs de fiefs, les causes pour lesquelles ce droit fut établi ne subsistant plus; qu’enfin l’on supprime sans retard ni restriction tous les droits indécents, ridicules, absurdes qui ne servent qu’à retracer l’ancienne tyrannie des seigneurs et la servitude des peuples ; que les droits exclusifs de chasse et de pêche soient supprimés, et qu’il soit en conséquence permis à tous les citoyens de chasser dans leurs terres et de pêcher dans leurs ruisseaux et rivières. Art. 15. Qu’en conséquence de la suppression des banalités, chaque particulier jouisse d’une liberté entière pour la mouture de ses grains, et qu’il lui soit permis d’avoir chez lui des moulins à bras. Art. 16. Que les corvées pour la réparation ou reconstruction des châteaux et maisons des seigneurs étendues aux moulins par la jurisprudence des arrêts d’un parlement noble contre le texte même de la coutume pour le charroi des bois, vins, sels et grains des seigneurs, pour couper et faner leurs foins, pour faire leurs récoltes de grains et généralement toutes corvées soit de bras, soit avec des charrettes, même celles portées dans leurs aveux, sans aucune exception, soient supprimées et abolies comme des effets funestes et odieux de la vexation féodale. Art. 17. Que le droit de finage, qui consiste par an, au profit des seigneurs, dans le payement d’un boisseau d’avoine pesant environ 100 livres et une poule, le double dans certains fiefs, pour jouir de la faculté naturelle à chaque homme de faire du feu dans sa propre maison, soit aboli, et que le souvenir d’un droit si odieux soit effacé de la mémoire des hommes. Art. 18. Que les droits de soulle, du saut à la carpe dans les rivières, par ceux qui ont vendu du poisson, de faire battre les grenouilles dans les douves des châteaux pour procurer un sommeil tranquille aux seigneurs, de porter un œuf dans une charrette bien attelée, de quintaine, du saut de mariés de l’année par-dessus les murs des cimetières, de la drague et autres droits pareillement ridicules, dont l’énumération serait trop longue, soient supprimés comme des effets absurdes de la tyrannie féodale. Art. 19. Qu’il soit permis aux vassaux des seigneurs, tant laïques qu’ecclésiastiques, évêques, archevêques, primats, chapitres, ordre de Malte, abbayes, prieurés, bénéfices , monastères et communautés des deux sexes, d’affranchir leurs rentes, dîmes et toutes autres prestations féodales, au taux actuel fixé par la coutume, ou suivant celui qui sera réglé par sa prochaine réformation, lequel affranchissement pourra se faire individuellement, sans égard à la solidarité ; et jusqu’à ce qu’il puisse être effectué, les seigneurs seront obligés à faire eux-mêmes la collecte desdites rentes, sans pouvoir user de la voie solidaire contre les vassaux, source funeste d’abus d’oppressions et de vexations les plus ruineuses; les seigneurs suivront en cela l’exemple de Sa Majesté et de ses engagistes, qui font eux-mêmes recevoir par leurs préposés les revenus des biens dépendants de la couronne. Les seigneurs, avant de pouvoir traduire leur vassaux en justice, seront tenus de les instruire par trois publications successives, à l’issue des messes paroissiales des dimanches, du jour et du lieu où les rentes seront perçues; les Etats généraux pourvoiront au moyen de prévenir la dissipation des fonds provenus du franchissement des rentes et dîmes dépendants des fiefs et biens ecclésiastiques. Qu’il soit également permis de franchir toutes rentes foncières et censives. Art. 20. La plupart des vassaux, obérés par la prestation des rentes féodales et par les poursuites ruineuses qu’elle occasionne, ne seront pas de sitôt en état de les franchir; mais jusqu’à ce qu’ils puissent y parvenir, qu’ils ne soient pas plus longtemps victimes de la négligence perfide des seigneurs qui affectent d’accumuler jusqu’à vingt-neuf années pour les exiger en un seul payement. Les vassaux, ruinés par les tributs particuliers, qu’on leur rend de plus en plus à charge, sont hors d’état de contribuer aux subsides nécessaires au soutien du gouvernement, et ils pourront demander que les arrérages des rentes féodales fussent perceptibles par an et jour ainsi que le sont les dîmes et les fouages, mais que du moins ils 380 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Ploërmel. se prescrivent par cinq ans, à l’exemple des rentes constituées. Que la même prescription de cinq ans ait lieu pour les arrérages de toutes rentes censives et foncières. Art. 21. Le franchissement des rentes qui sera fait au seigneur proche diminuera proportionnellement la valeur du droit de rachat dû au seigneur; l’équité exige donc que le seigneur inférieur, en recevant le franchissement, indemnise le supérieur pour la diminution proportionnelle de valeur du droit de rachat. Art. 22. Les dîmes insolites telles que celles qui se perçoivent sur les mils, sur les blés noirs, sur les agneaux et moutons, et les dîmes vertes qui ont lieu sur les lins, sur les chanvres et qui retracent l’idée de l’usurpation, doivent tomber sous le coup d’une suppression trop méritée, afin qu’il n?y ait plus que les gros grains, seigles, avoines et froment sujets à la dîme jusqu’à l’époque du franchissement demandé ci-dessus. _ Art. 23. Que les propriétaires des dîmes ecclésiastiques, jusqu’à l’exercice des franchissements, soient, ainsi que les autres, soumisaux réparations des chemins et à toutes les impositions quelconques, parce qu’il est injuste que les seuls propriétaires de fonds soient assujettis à des réparations dont le monde profite et à des impositions qui doivent frapper toutes les propriétés indistinctement. Art. 24. Que toutes les juridictions d’attribution, telles que les intendances, les maîtrises des eaux et forêts, les amirautés, les traites, les juridictions des prévôts, des maréchaux de France, celles des consuls, même des officiaux poùr le contentieux en matière temporelle, soient supprimées et réunies aux sièges royaux ; que les prévôts et leurs troupes soient cependant conservés pour la police et la sûreté publique, et que les matières consulaires soient décidées par un des juges royaux concurremment avec deux négociants ou “marchands choisis par leurs corps pour assesseurs sans frais et suivant les formalités prescrites par l’ordonnance du commerce. Art. 25. Que la chambre des comptes et offices de généraux des finances soient supprimés comme étant inutiles et vexatoires, sauf à pourvoir à leurs remboursements par les moyens les plus prompts et les moins onéreux à l’Etat ; que l’examen des comptes de la province soit soumis à la commission intermédiaire des Etats, les comptes particuliers des villes aux municipalités qui feront elles-mêmes l’adjudication de leurs octrois, et que les aveux rendus au Roi soient reçus par les juges royaux chacun dans son district. Art. 26. Que lès parlements, et particulièrement celui de Bretagne, soient incessamment réformés, et que, conformément à l’arrêté pris à cet égard par l’ordre du tiers-état de la province assemblée à Rennes, dans la séance du 18 février dernier, il soit au moins composé par une moitié de membres de cet ordre qui mériteront d’y être appelés par leurs talents et leurs vertus, sauf à aviser aux moyens les plus convenables et les plus prompts de pourvoir au remboursement des titulaires actuels qui seront ainsi remplacés; qu’au surplus, nul, de quelque ordre qu’il soit, ne puisse y être reçu qu’après cinq ans au moins d’exercice des fonctions de juge ou la profession d’avocat. Que les offices de ces cours et les semblables auxquelles la noblesse était attachée ne puissent plus attribuer qu’une noblesse purement personnelle et non transmissible; que tous autres offices acquis à prix d’argent en soient absolument privés, et qu’elle ne soit plus désormais que l’encouragement et la récompense du mérite et de la vertu. Art. 27. Que la réformation de la noblesse de la Bretagne se fasse sous peu, contradictoirement avec des commissaires de l’ordre du tiers qui seront choisis librement par lui et en nombre égal à ceux de la noblesse, sans avoir égard aux arrêts de maintenue qui ont été obtenus depuis 1689, attendu que ces arrêts n’ont été rendus que par des personnes intéressées à propager leurs corps et sans contradictions légitimes. Art. 28. Que toutes les juridictions des seigneurs, soit laïques, soit ecclésiastiques, même celles de l’ordre de Malte, sans aucune exception, juridictions tellement multipliées en Bretagne, que pour l’intérêt le plus modique, il faut souvent essuyer cinq à six degrés de justice avant de parvenir au siège royal, d’où l’appellation se porte encore au présidial ou au parlement, soient supprimées; que la justice soit désormais rendue au nom du Roi ; qu’il soit donc établi des sièges royaux dans toute la province de Bretagne, de quatre lieues en quatre lieues, ou dans une distance convenable et propre à rapprocher la justice des justiciables, autant que la situation des lieux pourra le permettre. Que chaque siège royal de nouvelle création, composé de trois juges, instruise dans son district pour toute matière, et qu’il juge sans appel jusqu’à la somme de 100 livres de principal; au-dessus de cette somme, l’appel du premier siège se portera à la sénéchaussée royale actuellement subsistante et sans démembrement jusqu’à la somme de 1,000 livres de principal, pour y recevoir un jugement en dernier ressort et sans' appel. Et si le principal sur lequel le premier siège aura prononcé excède la somme de 1,000 livres, dans ce cas , l’appellation ira directement et omisso medio au parlement, en sorte qu’il ne pourra jamais y avoir que deux degrés de juridiction : l’instruction et l’appel. Au surplus, il sera pourvu à l’indemnité des seigneurs sur la finance des offices des sièges royaux de nouvelle création, jusqu’à ce que les affaires de l’Etat permettent de supprimer la vénalité des charges; et la finance déjà payée par les juges des seigneurs sera imputée à valoir à cette indemnité. Art. 29. Qu’on fasse disparaître en Bretagne l’exemple de quelques substitutions accordées au crédit et à la faveur contre la prohibition de la loi municipale, et qu’en général toutes les substitutions soient anéanties et défendues, tant dans la province que dans le reste du royaume, comme contraires à la liberté et à l’ordre naturel des successions. Art. 30. La plupart des domaines de la couronne ont été engagés à vil prix ; il est de l’intérêt de Sa Majesté et de celui de la nation de rentrer dans ses domaines engagés, de vendre ensuite par adjudication, suivant les formalités nécessaires, les domaines retirés ainsi que ceux engagés, et d’employer le produit de cette aliénation à acquitter les dettes de l’Etat. Au surplus, pour que les vassaux des domaines aliénés ne soient pas dans le cas d’être mulctés par les acquéreurs, les vassaux auront la faculté de franchir les rentes, conformément à ce qui a été successivement expliqué en parlant des rentes des fiefs des seigneurs. Art. 31. Que le règlement qui a lieu en France pour partage ou tirage des vagues ou communs [États gén. 1789. Cahiers.] ' ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Ploërmel.] 3g{ des deux tiers ou tiers entre les vassaux et les seigneurs, règlement toujours réclamé en Bretagne, soit mis en vigueur et rigoureusement observé dans cette province si le seigneur a eu le tiers, soit pour les clôtures faites à son profit, soit pour les afféagements concédés à des particuliers, et ne doit plus rien prétendre dans le restant des communs; et en cas qu’il ait disposé au delà du tiers, les clôtures et afféagements faits depuis quarante ans entreront en partage, sauf le recours des afféagistes envers le seigneur, sans que celui-ci puisse se prévaloir de la clause de non garantie, sera déclarée nul le et de nul effet. Les seigneurs, en afféageant des communs, ont donné lieu à la construction de plusieurs chaumières et baraques occupées dans les landes et sur le bords des chemins par des gens sans aveu; le bien de la société et la sûreté publique exigent la démolition de ces baraques et chaumières, sauf à indemniser l’afféagiste. Art. 32. Qu’on supprime tous les usements locaux qui ne servent qu’à établir dans le centre d’une même province une diversité choquante d’usages et de législation ; que le domaine con-géabie qui tient de la servitude et dans lequel le colon, livré à l’état le plus précaire et à une amovibilité perpétuelle, ose à peine reposer sur la terre qu’il cultive les regards de la propriété ; que Fusement de Rohan surtout, où, le droit de la déshérence ou réversion des tenues au profit du seigneur viole toutes les lois delà nature, de l’égalité et de la liberté; où le seigneur trouve dans le malheur môme de ses vassaux un moyen de les dépouiller et de s’enrichir ; où, parmi les enfants d’un même père, un seul recueille souvent toute la succession, pendant que les autres chassés de la terre qui les a vus naître, sont exposés à toutes les rigueurs de la misère ; où le frère majeur ou marié avant la majorité ne succède plus à son frère ; que cet usement où le colon auquel la nature a refusé de la postérité est privé de la liberté naturelle de disposer de son bien ; où l’on ne peut, suivant les besoins de sa famille et de la terre, augmenter les édifices de sa tenue ; où l’on ne peut même rendre son habitation plus commode et plus salubre ni y faire aucune fenêtre ni changements sans le consentement du seigneur; que cet usement où des corvées de la personne attentent à la liberté du colon, et fournissent contre lui mille moyens de vexations ; où il ne peut toucher à l’arbre qu’il a planté, pas même pour l’employer à la réparation ou reconstruction de ses logements ; où il renonce par conséquent à un genre de culture si utile, mais qui devient pour lui une source de poursuites si ruineuses de concessions sourdes et subalternes, de peines et d’amendes hors de toutes proportions avec les prétendus délits qui y donnent lieu ; que cet usement et tous autres soient abolis ; que, réunis à la coutume générale de la province, ils soient réformés avec elle ; que tous les enfants d’une même patrie jouissent également des bienfaits d’une sage législation, et qu’ils ne soient plus étrangers les uns aux autres par leurs usages et leurs lois. Art. 33. Il est bien important de défendre provisoirement aux seigneurs de faire aucune demande ni suite pour reddition d’aveu, d’abbattre aucun arbre sur les communs et sur les domaines con-géables,ni d’exercer aucuns congéments pendant les Etats généraux, afin que les vassaux et les domaniers ne soient pas mulctés par des vexations à la veille de l’extinction de la tyrannie féodale. Art. 34. Il est urgent d’ordonner une réformation delà coutume de Bretagne, qui, en y joignant quelques dispositions utiles des usements de Rennes et de Nantes concernant les droits du voisinage, sera désormais la seule et unique loi de la province. Cette coutume, rédigée dans la barbarie des siècles, respire l’esprit du gouvernement féodal ; la rigueur en a été encore augmentée par la jurisprudence des arrêts extensifs au profit des seigneurs et oppressifs pour le tiers-état. Pour éviter ces inconvénients et donner au livre coutumier les caractères de la raison et de l’équité, il est nécessaire que les commissaires qui vaqueront à la réformation soient choisis dans les trois ordres et par leurs pairs, savoir : une moitié dans le tiers-état, un quart dans la noblesse, et l’autre quart parmi les pasteurs du premier et du second ordre. Art. 35. Que le code civil soit réformé, la procédure dégagée d’une multitude de formalités inutiles, et la durée des procès Fixée à un délai déterminé, dans lequel tout juge, et même le parlement, sera tenu de rendre un jugement, sous les peines qui seront prescrites par les Etats généraux. Le tiers-état forme encore des vœux pour qu’il soit permis par une loi expresse de prendre à partie les magistrats de cours souveraines, sans excepter le parlement, en cas de contravention à l’ordonnance et aux règles de la procédure civile. En réformant l’ordonnance, il est important d’établir dans les paroisses des campagnes, pour les matières légères, des juges de paix dont la compétence ainsi que la règle ou la forme de leurs jugements sera clairement déterminée par le Roi et les Etats généraux. Art. 36. Que l’ordonnance criminelle soit aussi réformée incessamment; il est de l’humanité et de l’équité d’accorder un conseil aux accusés, de rendre l’instruction publique, d’obliger les trois juges d’assister ensemble à l’information, à l’interrogation, au récolement des témoins, et à la confrontation ; d’abolir la sellette et toutes espèces de questions, de défendre au parlement de juger pour les cas résultant des procès, et de lui enjoindre de motiver ses arrêts, et de rapporter un procès-verbal de tous les interrogatoires qu’il fera subir aux accusés. nu. o/. vue ni euene progressive des objets de première nécessité ayant détruit toutes proportions entre la fixation très-ancienne de 2 sous par jour pour la nourriture des prisonniers et le prix actuel du pain le plus grossier, il leui soit alloué au moins 5 sous par jour ou telles autres sommes que les circonstances particulières et locales rendraient absolument nécessaires poui leur subsistance; qu’il soit en outre pourvu suivant les intentions de Sa Majesté déjà manifestées, exécutées même en différents lieux, à R propreté et à la salubrité des prisons. Art. 38. Les banqueroutes frauduleuses; [il y er a beaucoup qui ont écliappô à la rigueur des lois sous le nom spécieux de faillite), ces banqueroute! préjudicient au commerce qui forme un des nerf! de l’Etat; le préjudice notable qu’elles occasionnent reflue souvent sur les différentes classes de la société ; c’est pourquoi l’assemblée demande qui les banqueroutiers soient punis suivant toutes le! rigueurs des ordonnances et qu’il soit ordonrn aux juges de le faire sous les peines portées pai les Etats généraux. Art. 39. Que toute loi qui distingue, à raisoi de la naissance, les peines pour les crimes d< 382 [Etats gên. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Ploërmel.] même nature soit supprimée , et qu’il soit avisé aux autres moyens de détruire le préjugé qui flétrit les familles de ceux qui ont subi des peines afflictives ou infamantes ; qu’en conséquence, on abolisse entièrement et pour toujours l’usage effrayant des lettres de cachet, contre lesquelles réclame sans cesse l’obligation indispensable d’assurer la liberté individuelle de tous les Français, et qui ne pouvaient avoir d’autres motifs spécieux que de sauver aux familles le déshonneur que pouvait faire rejaillir sur elles la punition d’un de leurs membres. Art. 40. Que les peines afflictives et infamantes soient désormais réservées pour les grands crimes, et qu’on ne puisse plus les prononcer pour cas de fraude. Art. 41. Que les forêts, bois, grandes propriétés et domaines, tant des seigneurs que des particuliers, ne seront censés clos que lorsqu’ils seront cernés de fossés, même sur les bords des routes qui traversent les bois et les forêts, pour que les bestiaux qui en trouvent journellement les entrées faites, ne soient plus exposés à causer des dommages, et que les riverains ne soient pas ruinés par des amendes qui surpassent souvent la valeur des bestiaux, que l’on a même la dureté de confisquer. Art 42. Qu’aucun aspirant à la profession du barreau ne soit admis aux inscriptions dans les facultés de droit, qu’il n’ait travaillé pendant un an chez un officier de judicature, à moins qu’il ne soit fils de maître. Art. 43. Attendu l’importance des fonctions de notaires, nul ne pourra être reçu notaire sans subir un examen rigoureux, à moins qu’il n’eût exercé la profession d’avocat pendant trois ans. Un des moyens les plus certains de répandre la lumière et les connaissances dans le notariat, c’est de porter une loi formelle qui détruise jusqu’à l’incompatibilité entre la profession d’avocat et l’état de notaire, et qui déclare que l’avocat n’encourra pas la dérogeance en exerçant les fonctions du notariat. Art. 44. Les droits de contrôle sont exorbitants, l’arbitraire se répand encore dans leur perception par des circulaires des financiers qui n’ont pas le caractèreV.du législateur ; il est important que ces droits soient fixés d’une manière invariable; qu’il y ait un nouveau tarif clair et précis; que la pancarte de ces droits soit affichée dans chaque bureau ; que l’administration ou les commis soient responsables de leur indue perception; qu’il soit permis de les poursuivre pour cet effet devant les juges royaux; qu’ils soient susceptibles de la condamnation aux dépens en cas de contravention au tarif et de rapport de droits indûment perçus, et que le commis soit tenu de référer l’article du tarif aux fins duquel il percevra. 11 est également conforme à l’équité que les droits de centième denier exigibles souvent des personnes rustiques qui n’ont aucune notion de ces droits, soient, deux mois avant toute suite, publiés avec les noms des redevables, à l’issue de la messe paroissiale du domicile de ceux-ci, et que la publication soit certifiée par le curé ou recteur. Art. 45. La minorité, qui doit être sous la protection spéciale de la loi, mérite des égards; en conséquence, l’assemblée demande que les droits de scellés, tutelle, curatelle, inventaire, vente et tous actes concernant les mineurs soient modérés et fixés d’une manière uniforme dans toutes juridictions quelconques, et que surtout, à leur égard, les droits de contrôle des actes susceDtibles de cette formalité soient aussi modérés et fixés invariablement. Art. 46. Que le centième denier sur les offices -soit supprimé ; qu’il soit remplacé par un impôt sur les émoluments de justice en même proportion que ceux imposés sur l’industrie, et qu’il soit supportable par les magistrats au parlement comme par les autres juges. Art. 47. Que les francs-fiefs soient abolis et que désormais il ne soit établi aucune imposition exclusive et conséquemment oppressive pour une classe particulière de citoyens. Art. 48. Que l’usage du vélin soit aboli ; ce papier, quoique plus durable en apparence, étant moins propre à conserver les actes à la postérité et souffrant plus facilement les falsifications ; que si les besoins de l’Etat ne permettent pas en ce moment de supprimer les droits plus considérables que ceux du papier ordinaire dont le vélin est chargé, ils soient transportés sur un simple papier, mais d’une qnalité supérieure et d’un timbre différent. Art. 49. Que l’usage d’employer du papier de formule pour les grosses de procédures criminelles, dans les affaires où les procureurs du Roi sont seuls parties, soit supprimé comme grevant très-inutilement le domaine de Sa Majesté, les chiffratures ordonnées aux juges et aux greffiers assurant l’authenticité des grosses et suppléant suffisamment au timbre. Art. 50. Que la vaine formalité des lettres de bénéfices d’inventaires, de bénéfice d’âge, de rescision, de relief, d’appel et de laps de temps et autres lettres royales de ce genre, soit abolie ; qu’en conséquence, les petites chancelleries soient supprimées comme inutiles, et qu’à l’avenir on puisse se pourvoir directement devant les juges en cas de droit, parce que si les circonstances et les besoins de l’Etat ne permettent pas de supprimer dès à présent les droits des petites chancelleries, ils seront perçus au bureau du contrôle établi dans le lieu de l’exercice de chaque juridiction. Art. 51. Que les procureurs du Roi, obligés de vérifier les minutes fournies pour la perception des rachats dus aux domaines du Roi, reçoivent à l’avenir un modique honoraire pour le temps qu’il leur faut employer. Art. 52. Que les abbayes et autres bénéfices en commende qui ne servent qu’à nourrir inutilement le luxe de quelques particuliers et à faire sortir des provinces une partie de leurs revenus qui devrait y être consommée, soient supprimés à mesure qu’ils vaqueront par le décès de leurs titulaires actuels ; que les biens qui y sont attachés soient régis par les Etats de la province, et que pour se rapprocher de l’intention des fondateurs, un tiers du revenu de ses biens soit versé dans une caisse établie pour les pauvres, pour être employé aux moyens les plus propres à supprimer la mendicité, qu’un autre tiers serve à établir dans les villes et dans les bourgs des écoles publiques et nationales, où chacun puisse acquérir les connaissances et les principes propres à la profession pour laquelle il est destiné ; que l’autre tiers enfin soit employé aux besoins de la province et de l’Etat. Art. 53. Que les maisons des religieux rentés soient réduites de manière que le nombre de religieux prescrit par les règlements ou par les titres de fondation soit complet dans toutes les maisons qui seront conservées, afin que leurs revenus ne soient plus consommés par un petit nombre dans le relâchement et dans l’oisiveté ; [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Ploërmel.] 3§3 que les revenus des maisons supprimées soient régis et administrés comme ceux des bénéfices en commeode qui auront vaqué, et appliqués comme eux à des objets de bien public et d’utilité générale. Art. 54. Qu’en s’occupant de tous les moyens de supprimer la mendicité en général, l’on détruise surtout dès à présent la mendicité volontaire de quelques ordres religieux, tant en prononçant leur extinction par la défense qui leur sera* faite de recevoir des sujets, qu’en leur permettant d’entrer dans les ordres rentés. Art. 55. Que dans un âge où l’on ne peut, suivant les lois, aliéner Ja moindre partie de ses propriétés, l’on ne puisse plus, par une contradiction funeste et révoltante, aliéner pour toujours sa liberté ; qu’en conséquence, l’émission des vœux et la profession en religion ne pourra plus, pour les personnes des deux sexes, avoir lieu qu’après l’âge de vingt-cinq ans accomplis. Art. 56. Que les dignitaires et chanoines des églises cathédrales soient choisis désormais dans l’ordre des recteurs curés des paroisses et trêves de chaque diocèse ; leurs fonctions paisibles et tranquilles offriront une retraite honorable à ceux qui auront soutenu pendant longtemps tout le poids du ministère, et le conseil des évêques sera éclairé par la pratique et l’expérience. Art. 57. Que les portions congrues des recteurs, curés et de leurs vicaires encore insuffisantes, malgré l’enregistrement provisoire qui vient d’être fait enfin au parlement de Bretagne, de la déclaration du Roi du 2 septembre 1786, soient définitivement fixées, de manière qu’en procurant aux pasteurs et à leurs vicaires une subsistance honnête et proportionnée à la dignité de leur état, elles les mettent en état de secourir suivant les occurrences et les impulsions de leur charité la partie souffrante du peuple confiée à leurs soins ; qu’ayant au surplus égard à la différence qui se trouve entre les diverses paroisses, relativement à leurs besoins et aux ressources qu’elles peuvent avoir pour y subvenir, les portions congrues soient réglées en raison de l’étendue et de la population de chaque paroisse, de sa situation plus ou moins avantageuse et de la richesse des habitants, de manière toutefois que, dans tous les cas, elles assurent aux recteurs et vicaires un sort également convenable et qui puisse suffire à tous leurs besoins. Art. 58. Qu’en conséquence de l’amélioration du sort des pasteurs à portions congrues, ils ne puissent plus à l’avenir participer aux aumônes et oblations faites aux églises principales et aux trêves et chapelles, lesquelles seront désormais applicables en entier, conformément à l’intention des donateurs; qu’il en soit de même à plus forte raison des recteurs décimateurs, et qu’enfin les quêtes publiques des prêtres dans les paroisses de campagne soient interdites par de nouvelles défenses plus rigoureuses et plus efficaces, comme contraires au bien et à l’honnêteté publique. Art. 59. Que les trop grandes paroisses soient divisées et que les trêves qui ont plus de quinze cents communiants soient érigées en paroisses; que dans les paroisses qui ont plus de cinq cents communiants il soit établi un vicaire, et que, faute aux évêques d’y pourvoir dans les trois mois de la demande qui leur en sera formée, il soit permis de recourir aux juges royaux du ressort, lesquels ne pourront toutefois nommer pour vicaires que des prêtres précédemment approuvés. Art. 60. Qu’il y ait une loi qui enjoigne de procéder à la réunion des bénéfices-cures dans les villes où une seule cure est suffisante; que cette réunion se fasse à la cure qui comprendra la majeure partie de la ville, sans que la différence de diocèse puisse y apporter un obstacle, et que par là les paroissiens des paroisses unies cessent d’être diocésains de leur premier évêque. Art. 61. Qu’on remette en vigueur l’ancienne discipline de l’Eglise concernant la pluralité des bénéfices, et qu’en conséquence on ne puisse plus en accumuler plusieurs sur une môme tête; que la naissance ne soit plus seule un moyen d’y parvenir et que tous les ecclésiastiques puissent également y prétendre, sans qu’il y ait entre eux d’autres titres de préférence que leurs services, leur doctrine et leurs vertus. Art. 62. L’honoraire de la messe du matin, tant dans les églises-matrices que dans les succursales et même dans les chapelles des paroisses où elle peut être nécessaire, doit être payé sur le produit des dîmes ecclésiastiques aumônées à l’autel pour le secours spirituel des âmes. Art. 63. Que les droits de visite que les fabriques de certaines paroisses payent en argent aux évêques, soient supprimés; que, suivant la discipline de l’Eglise qui assujettit à la résidence tous les bénéficiers pourvus de bénéfices à charge d’âmes, il soit enjoint aux évêques et archevêques de résider dans leurs évêchés et archevêchés, à l’exception de celui qui tient la feuille des bénéfices et de ceux également députés en cour, et qu’il leur soit ordonné de conférer l’ordre aux jeunes ecclésiastiques, tous les ans, chacun dans son diocèse, sous peine de saisie de leur temporel ou telle autre peine fixée par les Etats généraux. Art. 64. L’annate est un droit qu’on paye à la cour de Rome pour les bulles des bénéfices consistoriaux qui sont à la nomination du Roi. Sans rechercher l’origine des annates, dont les uns attribuent l’invention au pape Jean XXII et les autres à Boniface IX, on ne peut pas révoquer en doute que l’annate fut condamnée par les sections douze et vingt et une du concile de Bâle, qui est regardé comme œcuménique jusqu’à la vingt-sixième section, il est donc juste et l’intérêt de l’Etat exige qu’on renouvelle l’article 2 de l’ordonnance d’Orléans qui, en ordonnant la cessation de l’annate qui consiste ordinairement dans l’équivalent du revenu d’une année du bénéfice, avait défendu le transport de l’or et de l’argent de France à Rome; le pape devrait accorder gratuitement les bulles des évêchés et des archevêchés et autres bénéficiers consistoriaux. Certains chapitres perçoivent aussi l’annate sur le revenu des bénétices-cures nouvellement pourvus d’un titulaire; l’équité exige encore la suppression de ce prétendu droit. Art. 65. Pour conserver l’argent dans le royaume, l’assemblée a arrêté de demander que, par une loi précise et formelle, il soit défendu à tout Français d’impêtrer en cour de Rome les dispenses pour contracter mariage, et qu’il soit enjoint de se pourvoir devant les évêques et archevêques, qui peuvent les accorder par l’exercîce du droit inhérent à l’épiscopat et aussi imprescriptible que l’épiscopat même. Art. 66. Qu’il soit fait un règlement par lequel il sera ordonné aux paroisses de se pourvoir de registres imprimés et reliés, dans lesquels il n’y aura à remplir que les blancs laissés pour y insérer les noms des pères et mères des enfants baptisés, les lieux de leur naissance et ceux de leur mariage; dans les actes de mariage, les noms des contractants, ceux de leur père et mère et les 384 [États . 1789. Cahiers. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Ploënneî.j lieux des naissances et de mariage, ainsi des actes de sépulture. Art. 67. Que le commerce soit libre, que le privilège exclusif de la Compagnie des Indes soit supprimé comme préjudiciable au commerce général du royaume et en particulier à celui de cette rovince; que la franchise établie dans le port de orient soit aussi supprimée et qu’il soit établi des droits sur toutes marchandises étrangères. Art. 68. Qu’en favorisant le commerce en général, on s’occupe spécialement des moyens de régénérer la manufacture des toiles de Bretagne, cette branche de commerce si précieuse non-seulement pour celte sénéchaussée, dont elle fait la principale richesse, mais pour le royaume, ayant plus que jamais besoin d’être protégée et encouragée. Florissante jusqu’en 1780, elle s’est affaiblie à cette époque par les nouveaux droits d’entrée dont les toiles de Bretagne ont été grevées en Espagne sans rien ajouter à ceux que payaient les toiles de Silésie, ce qui a valu à ces dernières une préférence d’autant plus alarmante, que la chute de la manufacture des toiles de Bretagne réduirait à la plus affreuse misère des milliers de citoyens qu’elle fait subsister. L’arrêt du conseil du 30 août 1784, qui, en ouvrant nos colonies aux navires étrangers a donné lieu d’y introduire des toiles de Silésie qui s’y donnent à plus bas prix en raison de leur qualité inférieure, a porté un nouveau coup aussi funeste à la manufacture nationale et supérieure des toiles de Bretagne ; en conséquence, l’assemblée a arrêté de demander : 1° Le retrait de l’arrêt du conseil du 30 août 1784, qui a ouvert nos colonies aux étrangers, conformément aux réclamations déjà faites à cet égard par l’ordre du tiers assemblé à Rennes dans la séance du 19 février dernier; 2° Que la suppression ou du moins la modération des droits d’entrée qui se perçoivent en Espagne sur les toiles de Bretagne soit sollicitée par le gouvernement au nom de la nation, afin de leur rendre possible la concurrence avec les toiles de Silésie et de les faire jouir de la faveur que mérite leur qualité supérieure; 3U La modération du droit de marque qui se perçoit sur les mêmes toiles en eau dans les bureaux de Loudéac, Uzel et Quintin; 4° Enfin, la suppression des droits’sur l’amidon, en ce qui concerne du moins les toiles de Bretagne, pour l’apprêt desquelles il est absolument nécessaire. Art. 69. Que les fonds morts existant dans les caisses des paroisses et communautés soient employés, après les récoltes, en achats de grains dont on formera un magasin dans chaque ville et paroisse de campagne, pour être vendus au printemps ou autre temps convenable, à l’arbitrage du corps politique de la ville ou paroisse où le magasin sera établi, et que le commerce des grains soit libre et ait une entière circulation dans l’intérieur du royaume. Art. 70. Que les maîtrises et jurandes, propres à étouffer l’émulation, l’industrie, en resserrant dans un cercle étroit, par des privilèges exclusifs, l’exercice des arts et métiers, soient supprimées à l’exception de celles des apothicaires et droguistes, des orfèvres, des chirurgiens et perruquiers, le public ayant besoin qu’on lui garantisse particulièrement non-seulement la capacité, mais la probité de tous ceux qui exercent ces professions. Art. 71. Que les intérêts soient autorisés pour simples prêts en faveur du commerce, de lagri-� culture et autres genre d’industrie, et qu’il soit en conséquence permis de les stipuler au temps fixé par la loi. Art. 72. Qu’on fasse cesser la diversité bizarre, embarrassante et nuisible des poids et mesures dans l’intérieur de la province et du royaume; qu’on les réduise à un poids et une mesure communs, et qu’on adopte pour la mesure des grains la forme cubique, qui la rend plus facile à vérifier. Art. 73. Que l’impôt sur les cuirs soit supprimé et remplacé par un impôt sur la cire. Art. 74. Qu’une des principales sources de richesse pour cette sénéchaussée, située dans l’intérieur de la pro vince, résultant de la consommation des denréesqu’elleproduit, et particulièrement des avoines et des fourrages qui y abondent, il y soit formé, dans les lieux les plus convenables de son ressort, des établissements fixes et permanents pour les troupes à cheval, proportionnellement aux avantages et aux ressources particulières qu’offrira pour cela chacun des endroits dans lesquels seront établis les différents quartiers. Art. 75. Qu’en temps de paix les troupes soient employées, dans les villes frontières, à travailler aux fortifications dans les garnisons intérieures, aux réparations et améliorations des chemins et autres ouvrages publics le plus à proximité de leurs quartiers, et ayant toujours un officier pour les commander, et que leur salaire consiste dans une légère augmentation de leur solde à la charge du gouvernement ou de la province qui les emploiera. Art. 76. Que la corvée pour le transport des bagages des troupes soit supprimée comme pesant uniquement sur la classe précieuse des cultivateurs, et qu’en conséquence, les frais de ce transport soient désormais supportés également par les trois ordres : le clergé, la noblesse et le tiers-état. Art. 77. Que les franchises et privilèges de quelques paroisses ou cantons de cette province concernant les louages soient abolis, étant contraires à l’égalité des impôts si désirable et si désirée par les bons citoyens. Art. 78. Qu’il soit mis un fort impôt sur les objets de luxe, tels que les laquais, chaises à porteurs, voitures, chiens de chasse, marque d’or et d’argent, vins étrangers et cartes. Cet impôt qui servira à faire face aux besoins de l’Etat, ne portera pas sur la classe des laboureurs, si négligée jusqu’ici et cependant si importante et si utile à la société. Art. 79. Que tous propriétaires qui seront évincés pour raison d’utilité publique soient dûment indemnisés. Art. 80. Que, pour l’utilité publique et le bien de l’agriculture, les propriétaires des terres situées sur les rives des ruisseaux et rivières non navigables puissent disposer, pour l’irrigation et fertilisation de ces terres adjacentes, des eaux de ces ruisseaux et rivières. Art. 81. Que la liberté de la presse soit générale, pourvu que toutefois l’imprimeur sera tenu de mettre son nom en tête de son ouvrage et que l’auteur signera sur le registre de l’imprimeur. Art. 82. Que la sûreté des lettres confiées à la poste soit pleinement garantie ; que les lois imposent le respect le plus absolu pour ce dépôt sacré ; que tout particulier soit reçu à se plaindre de sa violation, et que les peines” les plus graves soient prononcées contre ceux qui s’en rendraient coupables, sous quelque prétexte que ce puisse être. Art 83. Que les députés du tiers aux Etats par- États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée de Ploërmel.] 335 ticuliers de Bretagne soient toujours en nombre égal à celui des deux autres ordres réunis ; que non -seulement les villes municipales mais encore les petites villes, les bourgs et paroisses de campagne y aient des représentants pour y établir un juste équilibre si désirable dans tout Etat policé, et que le choix de ces représentants se fasse par leurs pairs, librement et par districts des sièges royaux, ou en la haute justice des seigneurs, jusqu’à ce que les juridictions royales de nouvelle création soient établies, alin d’éviter les frais de voyage des électeurs et les autes dépenses qui en sont inséparables. Art. 84. La formation des Etats de Bretagne et le régime intérieur de cette province sont tout à l’avantage de la noblesse et du haut clergé ; le tiers a demandé le redressement de ses griefs et établi ses trop justes réclamations tant dans le résultat de ses délibérations de l'assemblée tenue à l’hôtel de ville de Rennes les 22, 24, 25, 26, et 27 décembre 1788, approuvées par une seconde assemblée tenue au même lieu sous les auspices de Sa Majesté, le 5 février 1789, que dans le procès-verbal des séances commencées le 14 et conclues le 21 du môme mois de février, dans la chambre ordinaire de l’ordre du tiers, au couvent des Cordeliers, à Rennes ; mais les ordres de la noblesse et du clergé ont refusé d’en entendre la lecture; ce refus est un déni de justice évident; en conséquence, le tiers-état déclare soumettre ses réclamations et le redressement de ses griefs à la décision du Roi et des Etats généraux, en les suppliant de statuer, sans délai, sur cet objet intéressant, conformément au résultat et procès-verbal ci-dessus référés dans lesquelles rassemblée déclare persister. Art. 85. Qu’il soit fait un règlement général pour toutes les municipalités, et que ce règlement soit appliqué à toutes les communautés sans exception, indépendamment de tous les règlements particuliers ; qu’elles soient composées de différents ordres de citoyens habitants des villes, et que l’élection des maires et officiers municipaux se fasse par l’assemblée générale de leurs habitants. Art. 86. Qu’il soit fait un règlement général et uniforme pour l’administration des hôpitaux, même pour ceux situés dans les villes municipales non royales et ailleurs. Art. 87. L’assemblée demande l’abonnement de tous les impôts en chaque province pour y être régis par elle, supportés par les trois ordres également et proportionnellement aux facultés de chaque individu. Le montant de l’abonnement sera versé directement dans le trésor royal. Art. 88. Le régime intérieur de la province de Bretagne a été trop peu connu jusqu’ici ; il est intéressant que les comptes à rendre des Etats de cette province et des différentes commissions intermédiaires et autres tenant à l’administration, soient désormais publiés par la voie de l’impression pour l’instruction des villes et spécialement pour celle des campagnes. Art. 89. Que les députés aux Etats généraux, chargés de défendre en général tous les droits du tiers-état, s’intéresseront de plus, particulièrement, pour tous ceux qui seraient victimes de leur zèle pour les intérêts de leur ordre et qui auraient souffert pour cette seule cause quelques vexations, soit dans leur état, ou autrement. Art. 90. Que les députés qui seront nommés par l’assemblée ne puissent, pendant la durée des Etats généraux, accepter aucuns dons, pensions lre Série, T. Y. ou gratifications extraordinaires, ni même des lettres d’anoblissement, afin d’éloigner tout ce qui pourrait altérer la confiance qui leur a mérité les suffrages de leurs concitoyens. Qu’au surplus, tous les députés du tiers-état jouissent dans cette assemblée et à l’avenir dans toute autre assemblée nationale des mêmes honneurs et prérogatives que les représentants des deux autres ordres, et qu’on supprime, s’il est possible, jusqu’à la mémoire de ces distinctions avilissantes qui ne servaient qu’à diviser des assemblées où l’on ne devrait porter d’autre titre que celui de citoyen. Art. 91. Pour inspirer une parfaite confiance dans la bonté et la promesse du Roi, le tiers a arrêté de demander que les Etats généraux ne se séparent qu'après que toutes les réformes et les lois y auront été arrêtées irrévocablement et auront reçu leur dernière sanction par la signature du souverain et l’enregistrement solennel dans l’assemblée nationale. Art. 92. L’assemblée, après avoir entendu la lecture d’un mémoire qui lui a été adressé par MM. les étudiants en droit et jeunes citoyens de Rennes, à l’occasion d’une nouvelle relation des événements qui se sont passés en cette ville au mois de janvier dernier, publiés sous les noms de quatre membres de la noblesse, et d’une consultation au pied dudit mémoire du 8 du présent mois, touchée de les voir exposés aux plus noires calomnies lorsque leur modération et leur prudence autant que leur courage et leur zèle méritent les plus grands éloges, a arrêté de charger ses députés de réclamer auprès du souverain et de la France entière une justice qui devient plus que jamais nécessaire, et de demander en conséquence aux Etats généraux l’information la plus publique et le jugement le plus solennel de l’affaire des 26 et 27 janvier dernier. Art. 93. Sur les représentations qui lui ont été faites, que MM. les avocats du parlement de Rennes se trouvent compromis pour s’être montrés zélés défenseurs des lois et des intérêts des peuples, ce qui est d’autant plus étrange que le mémoire pour lequel ils sont inquiétés ayant été présenté au Roi, nulle autre autorité que la sienne ne pouvait le condamner, l’assemblée a chargé ses députés aux Etats généraux de s’employer pour leur défense de la manière qu’ils jugeront la plus convenable, même par voie d’intervention, s’il en est besoin, l’assemblée ne pouvant témoigner trop de reconnaissance delà conduite noble et généreuse de cet ordre, qui n’a fait qu’exprimer les plaintes trop légitimes de la nation. Art. 94. Enfin l’assemblée, en donnant à ses députés tous les autres pouvoirs relatifs à leur commission, les engage à saisir tous les moyens propres à rétablir le calme, la paix, l’union entre les différents ordres de l’Etat en ce qui ne serait pas contraire aux arrêtés compris au présent, afin de seconder autant qu’il sera en leur pouvoir les vues bienfaisantes de Sa Majesté. Telles sont les plaintes, doléances et remontrances de l’assemblée générale du tiers-état de la sénéchaussée de Ploërmel, arrêtées dans ladite assemblée et rédigées par nous, commissaires nom-. més pour cet effet à Ploërmel, le 16 avril 1789. Signé Robin de Morhéry, etc. Et est ladite minute, contenant cinquante-neuf pages chiffrées en chacune d’icelles, signée Tuault, M. le sénéchal, président. 2o