{3 janvier 1791.1 7 [Assemblée nationale»! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. marche qu’il faut attribuer la discussion qui nous occupe, et non à des intentions sévères. Il s’agit ici de l’exécution d’un décret que la politique et la justice ont inspiré, que le roi a sanctionné. Nous serions au désespoir d’user de voies de rigueur contre nos collègues égarés par des scrupules; mais il n’est pas question de voies de rigueur. Je me plaindrai à M. l’évêque de Clermont, dont nous avons si souvent admiré les vertus patriotiques et religieuses ..... (On murmure à gauche; on applaudit à droite.) Je dirai au fonctionnaire ecclésiastique qui s’est présenté ce matin à la tribune, et qui a iïni par une proposition que j’ai été étonné d’entendre de sa bouche, qu’il peut trouver et dans les canons et dans les moyens naturels de sa position la faculté d’obéir tout à la fois à sa conscience et à la loi; il peut donner sa démission. J’oserai lui demander si la religion et l’honneur peuvent lui permettre de balancer; s’il peut dire d’un côté, je ne prêterai pas mon serment; de l’autre, je ne donnerai pas ma démission; c’est une singulière alternative pour celui qui s’y est placé. Je demande si l’honneur et la religion permettent à celui dont la conscience s’effraye du serment qu’on exige, de rejeter le moyen qui s’offre à lui de s’affranchir de ce serment, en ne blessant ni sa religion ni sa conscience. La religion prescrit à tout citoyen d’éviter les troubles, les calamités, l’égarement du peuple : la religion exige des ecclésiastiques qu’ils se soumettent à la loi, ou qu’ils saisissent le moyen qui dépend d’eux de concourir au rétablissement de la paix publique. On sait si le fanatisme ne produirait pas des égarements aussi terribles que ceux qui ont affligé le siècle passé. La religion peut-elle donc permettre une aussi funeste résistance ? l’honneur souffrirait-il des réticences odieuses? Rien n’est plus contraire à l’honneur que de faire une déclaration publique et une interprétation secrète au fond du cœur. Je crois donc que l’honneur et la religion nous garantissent également la soumission des ecclésiastiques fonctionnaires publics, leur respect pour la loi et leur amour pour la paix. Nous ne jugeons pas les consciences, nous plaindrons celui qui, trompé par des scrupules, donnera sa démission; mais nous admirerons son respect pour l’honneur, la religion et la loi. Il faut cependant, puisque la discussion s’est ouverte aujourd’hui sur cette matière, annoncer l’exécution complète du décret, et ne pas s’occuper des voies de rigueur auxquelles l’Assemblée n’a pas pensé, et qu’on a supposé qu’elle voulait prendre. Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée. M. Dufraisse-Duchey. M. Démeunier a avancé ..... M. d© 'Vlrieu. J’ai à répondre ..... (La discussion est fermée à une grande majorité.) Plusieurs membres demandent l’ajournement à huit jours. La question préalable est invoquée et admise sur cet ajournement. L’Assemblée décrète que le délai donné aux ecclésiastiques, fonctionnaires publics, pour prêter leur serment, expirera demain à une heure. M. le Président. M. Auvynet, député, m’a écrit à la date du 28 décembre dernier; il demande une prolongation de congé d’un mois ou de cinq semaines. (Le congé est accordé.) M. Dion, secrétaire , donne lecture de la lettre suivante adressée à l’Assemblée nationale par les administrateurs du département de la Corse : Bastia, le 14 décembre 1790. « Messieurs, les membres composant le directoire du département de la Corse, pénétrés de la plus juste admiration et de la plus vive reconnaissance envers l’Assemblée nationale, croient ne pouvoir mieux commencer leur carrière que par le renouvellement du serment patriotique qu’ils ont déjà religieusement proféré, et par une protestation solennelle de leur entière adhésion à vos saints décrets. Que votre législation est sage 1 que votre Constitution est sublime ! elle est puisée dans la nature, et la conservation de ses droits en est l’objet principal. Oui, Messieurs, nous jurons de la maintenir cette Constitution, le monument éternel de la gloire de la France, nous jurons de la maintenir au prix de notre vie, de lui rester toujours attachés, de lui être toujours fidèles. « On a cherché à répandre des soupçons au sein même de votre Assemblée sur la sincérité de notre dévouement à la France ; on a tenté de noircir notre conduite et nos sentiments ; on vous a même dit que la Corse était dans le désordre et qu’elle était prête à se donner à une puissance étrangère. Pourrait-on imaginer que les représentants mêmes de ce département à l’Assemblée nationale fussent les artisans de ces impostures ? Ce ne peut être que l’effort de la vengeance et de la haine, ou plutôt ce sont les cris du désespoir. Frappés de la juste indignation de leurs concitoyens, ils trouvent une consolation dans la calomnie; mais qu’ils soient démentis et qu’ils en rougissent. « Pourrait-elle, la Corse, renoncer à la liberté qui a toujours été son idole ? pourrait-elle trahir ses intérêts, sacrifier son bonheur? Non, nous nous rendons garants des sentiments de tous les Corses. « Nous vous assurons que l’ordre et la paix y régnent, que vos lois y sont respectées, y sont chéries ; nous périrons, ils périront tous avant de porter la plus légère atteinte à ces sentiments que nous nous faisons une gloire d’exposer aux yeux de votre auguste Assemblée. « Nous sommes avec le plus profond respect, Messieurs, vos très humbles, etc...