ARCHIVES PARLEMENTAIRES 2 nivôse an II 22 décembre 1793 168 f Convention nationale.] iine coupable négligence dans la défense de nos lignes. Je propose ces deux suspensions d’abord, et ensuite en repassant dans votre mémoire toute l’bistoire de cette armée, peut-être trou¬ veriez-vous encore plusieurs ci-devant à rendre nuis. Je ferai tous mes efforts, dussé-je y périr, pour réparer la journée d’hier et ne pas laisser couper notre ligne de communication par terre entre Elne, Collioure ou plutôt Argelès. « Signé : Doppet. » « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Salut public [Barère, rapporteur (1)], décrète : Art. 1er. « Chaque comité révolutionnaire de Paris fera remettre, dans le jour, au ministre de la guerre les dons civiques qui ont été faits, et qui se trouvent en dépôt dans les diverses sections. Art. 2. « Le ministre de la guerre indiquera le dépôt général, donnera les récépissés, et fera partir sur-le-champ les souliers compris dans les dons ci¬ viques pour les armées de la République. Art. 3. « La Commission des subsistances et des appro¬ visionnements de la République exercera, dans le jour, le droit de préhension : en conséquence, elle fera rassembler tous les souliers existant actuellement dans les différents dépôts, maga¬ sins, ateliers et boutiques. Art. 4. « Elle les fera passer sur-le-champ aux armées de la République; elle nommera des commissaires pour éviter les dilapidations et faire certifier le comité de Salut public de la réception et de la distribution desdits souliers dans les armées. Art. 5. « Les Sociétés populaires et les diverses sections des communes sont invitées à diriger la généro¬ sité des citoyens vers les dons civiques de sou¬ liers (2). » Compte rendu du Moniteur universel (3). Barère. Yous avez connaissance des nouvelles de l’ancienne et de la nouvelle Vendée. Le (1) D'après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton C 286, dossier 849. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 50. (3) Moniteur universel [n° 94 du 4 nivôse an II (mardi 24 décembre 1793), p. 379, col. 3]. D’autre part, le Journal des Débals el des Décrets (nivôse an II, n» 460, p. 26) rend compte du rapport do Barère dans les termes suivants : Barère. Vous avez déjà reçu des nouvelles de l’ancienne et de la nouvelle Vendée. Le comité n’a comité a reçu quelques détails; il ne les a pas jugés assez marquants pour qu’ils vous fussent communiqués; mais il vous dira que l’armée de Charette est aux abois. Elle est éparse çà et là; l’autre, sans chefs et sans munitions, est errante et fugitive. Nos troupes sont à ses trousses, et l’anéantiront entièrement. Quoique manquant de souliers, nos soldats n’en sont pas moins ardents; mais vous ne devez pas souffrir que les défenseurs de la patrie aillent ainsi nu-pieds dans la rigueur de l’hiver. Les marches forcées qu’ils font occasionnent une grande consommation. N otre collègue Laplanche, dans une lettre où il dit que la « colonne infer¬ nale », c’est le nom que porte la colonne du Nord, a juré de ne se reposer que lorsque tous les bri¬ gands auront été exterminés, nous annonce que l’armée a un besoin extrême de souliers. Quel¬ ques mesures ont été prises pour lui en procurer. A Rennes, où le patriotisme est froid, les représentants du peuple ont requis les citoyens d’apporter leurs souliers pour chausser les défenseurs de la liberté. Cette mesure a été exécutée, et les citoyens de Rennes portent maintenant des sabots. C’est Paris qui a donné l’exemple de pareils dons civiques. Dans toutes les sections, il y a des dépôts de souliers, chemises, etc., mais il faut rassembler dans un même endroit tous ces objets : la Commission des subsistances doit enfin exercer le droit de préhension qui lui a été délégué. Voici le décret que je suis chargé de vous présenter à ce sujet. (Suit le texte du décret que nous avons inséré ci-dessus d’après le procès-verbal.) Le décret est adopté. i*. On lit une lettre du citoyen Montenoise, char¬ bonnier au Val-de-Gouhenam [Val-de-Gouhe-nansI, département de la Haute-Saône, par point de détails plus intéressants à vous offrir. Il résulte de tout ce qu’il a recueilli que l’armée de Charrette est aux abois et que l’autre est fugitive. Ce qu’il y a de plus marquant dans toute la corres¬ pondance, c’est le besoin de souliers qu’éprouvent les défenseurs de la patrie. Nous recevons tous les jours de nouvelles demandes à cet égard. Le rapporteur lit deux lettres : l’une de Francastel, l’autre de Laplanche, qui insistent sur cet objet. (Voy. ci-après ces pièces aux annexes de la séance, p. 178 et 179) Celui-ci ajoute : Westermann, à la tête de sa cavalerie, poursuit vivement les brigands, qui, depuis le Mans, sont en fuite devant lui. S’il est arrêté quelques instants, j’espère le rejoindre avec la colonne infernale (c’est ainsi qu’il nomme les 10,000 hommes du Nord) et elle rendra bon compte des restes de l’armée catholique. Barère. A Rennes, le patriotisme était froid; cependant les représentants ont requis les souliers, et les habitants ont pris des sabots pour donner leurs chaussures aux défenseurs de la République. Paris ne se laissera point devancer en sacrifices pour la liberté. Je viens vous demander de décréter que les comités révolutionnaires feront parvenir aux dépôts de la guerre les dons civiques qui leur ont été faits en souliers; que le ministre les fera partir en poste pour les armées; que la commission ministé¬ rielle des subsistances exercera dans le jour, sur les magasins de souliers de la République, le droit de préhension dont l’exercice lui est délégué; et que les Sociétés populaires dirigeront le zèle des bons citoyens, vers des dons en souliers. (Décrété.) [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES f 2 nlvôse an 11 169 ( 22 décembre 1703 laquelle ce citoyen fait don à la République de 50 milliers de charbon, et demande qu’il lui soit in¬ diqué un lieu de dépôtpour cette offrande civique. « La Convention nationale décrète qu’il sera fait mention honorable au procès-verbal et inser¬ tion dans le « Bulletin » du don patriotique de 50 milliers de charbons offerte par le citoyen Montenoise, charbonnier. « Le ministre des contributions publiques est chargé de lui envoyer le présent décret, et de lui indiquer le lieu où il peut déposer ce don patriotique (1). » Suit la lettre du citoyen Montenoise (2). « Au Val de Gouhenans, le 18 frimaire, l’an II de la République française, une et indi¬ visible. « Citoyens représentants, « En vertu du décret du 21 septembre dernier (vieux style), qui met à la disposition du conseil exécutif provisoire toutes les matières néces¬ saires à la confection des poudres et salpêtres, toutes les communes étant requises par une lettre du district à faire la déclaration de toutes les matières qui pourraient être ou exister sur leurs territoires, plusieurs de ces communes, dans l’arrondissement, que je connais n’ont fait aucune déclaration sur quelle matière que ce soit; d’autres ont déclaré qu’elles ne connais¬ saient aucune de ces matières sur leur territoire. Eh bien ! moi, en vrai républicain, je ne peux me taire à de pareilles déclarations, connaissant bien leur fausseté sur plusieurs de ces matières. « Mais, c’est le bois de Bourdenne qui m’inté¬ resse et qui fait le sujet de cette lettre, puisque c’est cette matière que je travaille depuis long¬ temps, c’est-à-dire de distance en distance d’in¬ tervalle de deux ou trois ans. Mais, depuis trois ans, j’ai fait toutes mes diligences possibles à remplir le magasin à charbon du moulin à poudre près Colmar, dont je m’étais chargé, et je l’ai fait, et il me reste encore quelques milliers de charbon et beaucoup de bois où je pourrai en fabriquer la campagne prochaine, si on ne le détruit pas; et voilà pourquoi j’ai tant à cœur quand je vois la destruction de ce bois-là. Oui, je veux le dire, des communes où croît le plus ce bois-là, soit par malice ou ne connaissant l’uti¬ lité, la nécessité de cette matière, délibèrent et ont délibéré depuis qu’elles sont maîtresses de leurs bois, que tous coupeurs d’échalas, fabri¬ cants de paniers, vanniers et autres ne coupe¬ ront que de la revenue (sic) du bois de Bour¬ denne, parce que, disent-ils, « que c’est un bois de nul rapport, et que pour la vigne il est très durable ». Je prévois, représentants, que, par de pareils délits, dans peu la féréation (sic) des moulins à poudre pourrait survenir, surtout en Franche-Comté et en Alsace, s’il n’y a de sérieuses et promptes peines portées contre ceux qui se trouveront en contravention. « Enfin, pour dire en deux mots, le résultat (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 51. (2) Archives nationales, carton C 286, dossier 849, pièce 29. de cette lettre est que je demande et que j’espère que la coupe du bois de Bourdenne soit absolument défendue et que ledit bois ne soit mis dans aucun ouvrage quel qu’il puisse être, que pour les poudres et salpêtres, et fabriqué par ceux qui connaissent la facture (sic). « Je suis trop long, chers représentants, je vous prie d’excuser toute la simplicité et la pla¬ titude que renferme ce barborion (sic). Elles sortent de la tête du charbonnier, mais grand républicain. Fier de ce nom, le Français por¬ tera la terreur jusqu’aux extrémités de la terre. Sans doute ou peut-être cette lettre n’aura aucune suite sur les hypocrites et fanatiques qui, s’ils [le] pouvaient, ils anéantiraient toutes les matières nécessaires pour nous défendre et faire tomber notre sainte et inimaginable Constitu¬ tion. Oui, je vous reconnais, malgré tous les tyrans, et je vous reconnaîtrai et vous regar¬ derai tant que la lumière du jour m’éclairera, comme mes pères de. qui et par qui je tiens l’être (sic) de la liberté, de l’égalité, par qui je suis été racheté de la contagion de nos ci-devant rois et princes (sic) dont nos pères ont été les victimes depuis une trop longue suite d’années. Vous êtes mes pères, je veux suivre et respecter vos lois, et voilà pourquoi j’offre encore aujour¬ d’hui 50 milliers de charbon à la République, gratis. Je vous prie, s’il plaît de me faire par¬ venir une note où je pourrai le conduire le plus tôt possible, afin que j’en puisse fabriquer autant que je pourrai. Gagner ma vie, voilà tout ce que je demande, malgré que je suis né d’une fortune très basse. « Je demande que vous me fassiez passer une note où je dois conduire cette marchandise, c’est parce que je ne connais pas de moulin où il serait à propos de conduire celui que j’ai et celui que je fabriquerai par la suite; je ne vou¬ drais pas que cette matière soit perdue dans un temps où elle est très nécessaire. « Je suis, en attendant, avec la soumission la plus grande, votre très humble et très obéissant serviteur. « Montenoise, charbonnier des poudres et salpêtres pour le service de la (République , présentement au Val de Gouhenans, district de Lure, département de la Haute-Saône. Compte rendu du Moniteur universel (1). Barère-Chaque jour nous acquérons la preuve que ce sont les sans-culottes qui sont généreux, que ce sont eux qui aiment la patrie et la servent. Le citoyen Montenoise, charbonnier, a écrit au comité qu’il faisait don à la République de 50 milliers de charbon; il demande qu’on lui indique la destination qu’on veut donner à son offrande. Je vous propose de décréter la mention hono¬ rable du patriotisme de ce citoyen. Cette proposition est décrétée. Une députation de la Société des Amis de l’éga¬ lité et de la liberté, séant aux Jacobins, est intro¬ duite à la barre. Elle présente une adresse éner-(1) Moniteur universel [n° 94 du 4 nivôse an II (mardi 24 décembre 1793), p. 380, col. 2],