] Assemblée nationale.] détruite. Donc il est urgent que le comité d’inp-positions fasse son rapport sur les impositions de 1791. (La motion de M. l’abbé Gouttes sur les impositions de 1791 est adoptée.) M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angely) . J’ai la ferme conviction que l’impôt sera exactement perçu si l’on met en activité les assemblées administratives, car le peuple sait que l’impôt est indispensable et il ne se refusera pas à le payer. Je demande que les comités de Constitution et des finances nous proposent incessamment un mode de surveillance pour la perception de l’impôt en déterminant, dans ies assemblées administratives, la hiérarchie des pouvoirs sans laquelle l’impôt ne sera jamais bien perçu. M. de Bonnay. Me sera-t-il permis de faire remarquer à l’Assemblée que les discussions semblables à celle qui nous occupe font perdre un temps précieux? Le comité des finances e-t déjà saisi de la réclamation du contrôleur général. On pourrait peut-être renvoyer cette affaire aux comités des finances ei de Constitution réunis. (Cette proposition est adoptée.) M. Wernier, au nom du comité des finances , propose un projet de décret relativement à un emprunt demandé par les officiers municipaux de Sivry , district de Verdun. Le décret est rendu, sans discussion, en ces termes : « L’Assemblée nationale, d’après le rapport de son comité des finances, et l’avis du bureau intermédiaire du district de Verdun, où les nouvelles assemblées administratives ne sont point encore en activité, autorise les officiers municipaux de Sivry à faire l’emprunt de la somme de huit cents livres, pour acquitter le prix de l’adjudication des murs de clôture du nouveau cimetière, à charge d’en faire le remboursement dans deux ans, sur le prix à provenir de la vente de leur quart de réserve, s’ils y sont autorisés; et, à ce défaut, par la voie d’imposition suivant le mode qui sera adopté par le district et département, et, au surplus, à charge de rendre compte. » M. Vernier, au nom du même comité, pro-' pose un autre décret relatif à un emprunt parla ville de Gimont , district d’Aueh,. département du Gers, pour payer le logement des bas-officiers et soldats du premier bataillon du régiment de Cam-brésis. Le décret est rendu ainsi qu’il suit : « L’Assemblée nationale, sur. le rapport qui lui a été fait par son comité des finances', de la délibération du 22 juin, prise en conseil général de la ville de Gimont, district d’Auch, département du Gers, autorise et valide, én tant que de besoin, le payement de 2,400 livres fait aux particuliers qui ont logé les bas-officiers et soldats du premier bataillon du régiment de Gambrésis ; et comme de ladite somme, celle de dix-huit cents livres provient d’un emprunt fait sous le cautionnement solidaire des officiers municipaux et notables, l’Assemblée ordonne que cette dernière somme sera remboursée aux prêteurs, sur les premiers deniers à provenir des titres de créance qui sont entre les mains du trésorier de ladite ville. » M. Thourei . Vous avez adopté, sauf rédaction, ]20 juillet 1700.] g 08 l’article 11 du titre II des juges de paix, Voici comment le comité vous propose de le rédiger définitivement : Art. 11. « Lorsqu’il y aura lieu à l'apposition des scellés, elle sera faite par le juge de paix, qui procédera aussi à leur reconnaissance et levée, mais sans qu’il puisse connaître des contestations auxquelles cette reconnaissance donnerait lieu. Il recevra les délibérations de famille pour la nomination des tuteurs, des curateurs aux absents, et aux enfants à naître, et pour l’émancipation et la curatelle des mineurs, et toutes celles auxquelles la personne, l’état ouïes affaires des mineurs pourront donner lieu pendant la durée de la tutelle ou curatelle, à charge de renvoyer par devant les juges qui seront établis par le titre suivant, la connaissance de tout ce qui deviendra contentieux dans le cours on par suite des délibérations ci-dessus. Le juge de paix pourra recevoir, dans tous les cas, le serment des tuteurs et des curateurs. » M. le Président. L’ordre du jour est la suite de La discussion du nouveau projet de décret sur l’ordre judiciaire (1) présenté par le eomité de Constitution. M. Thouret, rapporteur. Je vais vous faire lecture de l’article 1er, du titre III, des juges de district. « Art. 1er. Il sera établi en chaque district un tribunal composé de trois juges, auprès duquel il y aura uu officier chargé des fonctions du ministère public, lies suppléants y seront au nombre de quatre, dont fieux au moins seront pris dans la ville de l’établissement. > M. Sentetz. L’établissement des tribunaux de district, et tout ce qui s’ensuit dans les articles 3 et 4 du plan du comité, me paraît réunir un grand nombre d’inconvénients. Je vous proposerai de substituer aux seize articles qui forment ces deux îtitres, huit articles qui me paraissent infiniment plus simples, plus favorables à l’intérêt des peuples, plus économiques pour l’Etat et pour les plaideurs. Vous eu allez entendre la lecture : je vous eu présenterai ensuite la justification. « Art. 1er. Il sera établi, dans chacune des deux principales villes de chaque département, un tribunal composé de dix juges, et dont le ressort sera formé du nombre de districts qui sera jugé convenable. « Art. 2. Ce tribunal sera divisé en doux sections pour le jugement des affaires civiles; il se réunirapour le jugementdes affaires criminelles. « Art. 3. La première section, composée de sept juges, connaîtra en premier et dernier ressort, jusqu’à la valeur de 1,000 livres, de toutes affaires personnelles, et des affaires réelles dont l’objet sera de 50 livres de revenu déterminé. Elle connaîtra aussi en dernier ressort des appels des jugements des juges de paix, lesquels elle sera tenue de juger sommairement à l’audience, sur simple exploit d’appel. Elle connaîtra enfin des appels des jugements rendus par la seconde section, dans les" causes qui lui sont attribuées par l’article suivant. « Art. 4. La seconde section, composée de trois juges, connaîtra en première instance de toutes (1) Voyez le nouveau projet sur l’ordre judiciaire, Archives parlementaires, t. a, pages �33 et suiv. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 204 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. les causes civiles qui n’ont pas été ci-devant attribuées. « Art. 5. Il sera établi auprès de chaque tribu-bunal six suppléants, dont trois au moins seront choisis dans la ville de l’établissement. « Art. 6. Les juges de la seconde section remplaceront les juges de la première, par préférence aux suppléants, excepté lorsqu’il s’agira des causes qui auront été jugées en première instance par la seconde section; mais les juges de la seconde section ne pourront être remplacés que par des suppléants. « Art. 7. Le nombre de sept juges sera nécessaire pour les jugements de la première section, celui de trois pour ceux de la seconde, celui de neuf pour les jugements criminels. « Art. 8. Les sept premiers élus formeront la première section, qui sera présidée parle premier élu des trois, sans qu’aucune de ces différences puisse établir entre les juges d’autre supériorisé de caractère que celle qui est relative aux jugements qui leur sont déférés. » M. Sentet* poursuit: Voici maintenant la justification de ces articles, par le parallèle très court et très simple de ce projet avec celui que vous présente le comité. Les titres III et IV de son projet sur l’établissement des tribunaux de district et d’appel réunissent une multitude d’inconvénients qui, tous, disparaissent dans le plan que je propose. Les uns sont relatifs à l’administration de la justice civile, les autres à l’administration de la justice criminelle, d’autres enfin sont communs et à l’une et à l’autre. Voici d’abord ceux qui sont relatifs à l’administration de la justice civil •. On est d’abord étonné de voir, dans chaque district, d’après le projet du comité, un tribunal de trois juges décider, en dernier ressort, non seulement des causes personnelles et réelles, jusqu’à la valeur de 1,000 livres, mais encore d’objets qui peuvent souvent se porter à des sommes bien considérables, et dont vous avez attribué la connaissance, en première instance, aux juges de paix. Cette attribution des juges de district devient pius effrayante encore lorsque l’on considère que le plus grand nombre de ces tribunaux, se trouvant placés dans de petites villes ou dans des bourgs, les juges seront, pour l’ordinaire, peu instruits; que d’ailleurs c’est multiplier à i’infiui ce qu’ou appelle les justices de village, c’est-à-dire les foyers de chicane et de mauvaise foi; que c’est ouvrir à l’ambition des cultivateurs des écoles pernicieuses et faciles d’éducation pour leurs enfants ; que c’est enfin disséminer, dans tous les points du royaume, l’espèce des praticiens qui est depuis si longtemps le scandale de l’ordre judiciaire et le fléau des habitants des campagnes. Dans le plan que je propose, ia première section, composée de sept magistrats, jugera toutes les affaires de dernier ressort ; ia seconde, composée de trois magistrats, ne jugera jamais qu’à la charge de l’appel. Ces tribunaux, n’étant établis que dans des villes assez considérables, se trouveront toujours dans des foyers d’émulation et de lumières, lesquels ne peuvent guère exister sans une certaine population et le concours d’établissements qui en est la suite. Il en résultera plus d’instruction et de régularité dans les juges, plus d’éducation et de pudeur dans les hommes de loi, beaucoup moins de facilité pour les candidats praticiens des campagnes. Qu’on ne dise pas que, dans le système que je propose, la justice [20 juillet 1790. J sera plus éloignée des justiciables. Il est possible que pour les causes qui, (Sans le plan du comité, sont attribuées en dernier ressort aux juges de district, il fût plus commode à quelques-uns de trouver cette justice dans le district, que de ne là trouver que dans l’une des deux divisions du département. Mais considérez aussi qu’un très grand nombre de plaideurs seraient obligés de se transporter dans le chef-lieu du district pour y plaider en première instance, et ensuite de là dans le département où serait établi le tribunal d’appel, peut-être à 40 lieues de leur domicile. Le plan nue je propose donne à ces derniers l’avantage de trouver, et la justice en première instance, et la justice eu dernier ressort, dans une même ville, qui ne serait jamais guère plus éloignée de leur domicile que de quatre ou cinq lieues. Remarquez d’ailleurs que dans le petit nombre de plaideurs pour qui la justice s’éloignerait de quelques pas, ne doivent pas être comptés les citoyens pauvres dont vous avez attribué les causes en dernier ressort aux juges de paix. Je passe aux inconvénients qui résultent du projet du comité, relativement à l’administration de la justice criminelle. Si, comme vous l’avez déjà préjugé, il ne doit point y avoir d’appel en matière criminelle, au moyen de la procédure par jurés, ou le fait sera vérifié par des jurés et le procès jugé en dernier ressort au tribunal de district; ou l’un et l’autre auront lieu au tribunal d’appel, ou bien le fait sera vérifié par des jurés près le tribunal de district, et le procès porté ensuite au tribunal d’appel pour être jugé. Dans ces trois cas, de grandes difficultés se présentent, et à l’égard des jurés, et à l’égard des juges. Dans le premier cas, les tribunaux de district étant placés en grande partie dans de petites villes, comment y trouver des citoyens en assez grand nombre qui aient assez de" loisir et de lumières pour se charger des fonctions de jurés, surtout si les accusés ont la faculté d’en récuser plusieurs, et si, comme il résulte de vos principes, la qualité de juré est incompatible avec celle de membre des corps municipaux et des directoires? A l’égard des juges, n’est-il pas épouvantable que trois juges de villape prononcent et fassent exécuter des jugemems de mort? On dira peut-être que leurs fonctions se bornent à appliquer la loi. Mais ces fonctions-là sont encore assez importantes et assez difficiles, elles sont assez susceptibles d’erreur et de corruption, pour qu’elles ne doivent pas être commises imprudemment; d’abord à des juges en trop petit nombre, pour que leurs passions et leurs bévues particulières puissent être suffisamment balancées, et à des juges dont les habitudes doivent nécessairement rétrécir les lumières. Dans le second cas, comment des accusés pourront-ils récuser des jurés qu’ils n’auront pas pu connaître, et qui habitaient peut-être à 30 lieues, dans un département étranger? Il arrivera ensuite, à l’égard des juges, qu’un très grand nombre de procès criminels allant s’engouffrer dans le même tribunal, une habitude excessive de juger flétrira nécessairement la délicatesse et l’humanité des magistrats; ils porteront dans ces fonctions cette familiarité et cette indifférence qu’on a vues trop souvent chez les anciens Tournelütes , dont un grand usage avait lassé la sensibilité. Ainsi on verra se reproduire ces assassinats juridiques, dont on doit autant la fréquence à ce vice de l’organisation judiciaire, qu’à l’imperfection de notre code criminel. Dans le troisième cas, res- [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 120 juillet 1790.] tent toujours les difficultés à l’égard des jurés des petites villes, et à l’égard des juges endurcis par la grande habitude des jugements criminels ; et il y en a de particulières, à raison des embarras innombrables qui résulteront inévitablement, dans l’expédition des affaires criminelles, de ce que les juges du fait seront à une grande distance des juges du droit. Aux inconvénients qui résultent du plan du comité, et du côté des jurés, et du côté des juges, on peut ajouter, dans tous les cas où un tribunal d’appel établi de trois en trois ou de quatre en quatre départements, serait juge des procès criminels, la considération assez importante en finance des frais de traduction des accusés dans des tribunaux éloignés, et ensuite sur les lieux du délit pour y être exécutés, ainsi qu’on le pratiquait souvent par le passé. On peut éviter cette dernière dépense -, mais alors les exécutions, dont le motif ne peut être pris que dans l’utilité de l’exemple, étant concentrées dans une grande ville, où la fréquence et i’ha-bitude les rendent indifférentes, deviendront inutiles pour tout le ressort. Enfin il est à craindre qu’une pareille organisation de l’ordre judiciaire, décrétée constitutionnellement, n’oppose des obstacles insurmontables au succès du travail si désiré sur la réformation de la jurisprudence criminelle. Le projet que je vous présente évite ces divers inconvénients. Il faut juger, auprès du même tribunal, et le fait et le droit. Trois juges de village ne sont pas arbitres de la vie et de l'honneur. Les tribunaux sont établis dans des villes considérables, les jurés sont à côté d’eux, ils peuvent être éclairés, connus des justiciables, et en grand nombre. Tous les juges du tribunal réunissent leurs lumières, lorsqu’ils prononcent sur la vie et l’honneur des citoyens ; les questions de ce genre les occupent assez souvent pour qu’ils en acquièrent la connaissance; mais les jugements criminels sont assez rares pour qu’ils ne se familiarisent point avec ce ministère terrible et pour qu’ils l’abordent avec terreur. Le projet du comité présenterait encore bien des difficultés relatives à la fois, et à l’administration de Injustice civile, et à l’administration de la justice criminelle. D’abord, en établissant des tribunaux de district, vous perdrez le fruit de la mesure la plus sage que vous ayez prise pour assurer au peuple l’exactitude et l'intégrité dans l’exercice de la justice: je veux dire la publicité des instructions, des rapports et des jugements. En effet, quel auditoire peut se former dans des villes de 1,000, de 1,200, de 1,500 âmes de population, où L-plus grand nombre des habitants, étant ouvriers ou laboureurs, sont obligés de régler la durée de leur travail sur celle du jour, où d’ailleurs ils ne sont pas assez instruits pour en imposer aux juges et apprécier leurs jugements? Dans les villes considérables, au contraire, des auditeurs éclairés, dont les occupations seront plus libres, ren-drontpar leur présence les magistrats cir« onspects et formeront cette opinion publique qui jugera les juges eux-mêmes, et qui apprendra au peuple s’il est intéressant pour lui de les réélire ou d’en changer. L’inégalité qui a été observée dans la division des départements en districts, porterait aussi une grande imperfection dans la distribution de ces tribunaux de district; car, sur une égale surface et une égale population, là, il n’y en aurait que trois ou quatre; ici, il y eu aurait huit ou neuf. Je conclus à ce que la priorité soit accordée aux articles que je propose. 205 M. Mèamel-Hogaret. Avant de discuter le plan du comité, je vais vous soumettre un autre projet qui me paraît renfermer plus d’avantages. « Art. 1er. Il sera établi dans chaque département un tribunal d'appel composé de sept juges et de deux officiers chargés des fonctions du ministère public. « Art. 2. Il sera établi clans chaque district, autre que celui dans lequel siégeront les juges d’appel, un tribunal composé de trois juges et d’un officier chargé des fonctions du ministère public. « Art. 3. Le tribunal d’appel connaîtraen premier et dernier ressort : « 1° De toutes les causes du district où il sera établi, et qui seront portées dans les autres, au tribunal du district, pour y être jugées en premier et dernier ressort; « 2° De tous les procès qui lui seront portés de plein vol par les parties, lorsqu’elles ne voudront pas plaider devant le tribunal ar district, oui ou nonï En cas que l’affirmative soit décidée, de combien de juges ce tribunal sera-t-il composé? (L’Assemblée adopte cette manière de poser la question.) M. Tronchet Là question dé savoir s’il y aura un tribunal par chaque district, me paraît fondée sur ce principe qu’il faut rapprocher la justice des justiciables. Ge principe est vrai et il doit être respecté, mais il n’est pas le seul ; non seulement il faut ouvrir aux justiciables un accès facile aux tribunaux, mais encore il faut leur procurer la meilleure justice possible. Ce second principe me paraît supérieur au premier, et c’est lui surtout qu’il faut considérer. Il me semble que le grand nombre des tribunaux qu’on nous propose d’établir, ne nous mèneront pas à ce but. La trop grande multiplicité de tribunaux nous donnera nécessairement des juges inhabiles. Quelque plan que suive le comité, il y aura toujours une classe de citoyens qui se livreront à l’instruction des affaires, et s’il n’y en a pas une quantité suffisante dans chaque district pour les occuper, ils seront conduits à l’irnprobité par le peu de moyens que leur offrirait leur état; il serait cependant indispensable que ces personnes fussent instruites, afin que ce ne soit point un aveugle qui en conduise un autre. Vous proposerais-je un décret dans lequel je n’établiraisqu’un tribunal pour deux districts? Gela peut dépendre des considérations locales et de la population. Je me ré luis donc à demander que le décret proposé par le comité ne soit pas constitutionnel, mais que les législatures aient le droit de diminuer le nombre des tribunaux, d’après l’avis des départements, suivant l’exigence des cas. M. Delley d’Agler. Suivant le plan du comitépl y aura 540 tribunaux de district; si l’on compare ce nombre avec celui qui existait avant la suppression des justices seigneuriales, on serait étonné qu’il put suffire. L’expérience du préopinant a dû lui apprendre que le plus grand malheur des plaideurs était la longueur dans la décision des affaires, ce qui leur fait perdre un (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 juillet 1790.] 208 temps plus précieux encore que l’objet du procès. Quant à l’objection relative au peu de lumières qu’on trouvera dans les juges de district, le préo-pinant a eu raison de dire que dans les villes se trouvaient, les gens les plus expérimentés; car, en employant une comparaison triviale, les tribunaux inférieurs n’étaient que des rabatteurs de gibiers du côté où étaient placés les grands tireurs, le conclus à ce que l’article proposé par le comité soit adopté. M. Thonret. Les difficultés qu’on fait naître sur l’établissement des tribunaux dedistrict, viennent uniquement de ce que la plupart de nos collègues reconnaissent que la division de leurs départements et districts est, contre les représentations du comité, beaucoup moins nombreuse. Mais si elle est bonne pour l’administration, elle est bonne aussi pour l’ordre judiciaire. Une erreur commise dans l’établissement des administrations de district ne peut déterminer l’Assemblée à en commettre une autre dans l’érection des tribunaux. M. le Président fait lecture des diverses propositions; on demande la question préalable sur toutes. M. Démcunier. Ce n’est point le cas de la question préalable, plusieurs des amendements proposés peuvent trouver leur place lorsqu’on discutera l’article 1er du comité. La première des questions proposées par M. Goupil est mise aux voix, et l’Assemblée décide : « Qu'il y aura un tribunal dans chaque district. » M. le Président. Il reste maintenant à examiner la seconde des questions proposées par M. Goupil : De combien de juges le tribunal de district sera-t-il composé? M. Pétion. On ne peut rien décider sur le nombre des juges, sans régler d’abord leur compétence, puisque c’est d’elle que dépend le plus ou moins d’occupations qu’ils trouveront; il s’agit d’abord d’examiner l’organisation des tribunaux d’appel. Le comité, à cet égard, propose de consacrer de grands abus et de rappeler l’ancien régime. Les grands tribunaux d’appel en retiendront l’esprit de chicane; en lui donnant un plus grand théâtre et plus de moyens, ils éloigneront la justice du justiciable, multiplieront les gens de loi, et par conséquent les procès. Bientôt vous verriez les départements se disputer entre eux ces établissements, qu’ils regarderont comme une source de leur richesse. A mon avis, il vaudrait beaucoup mieux faire porter successivement les appels d’un dislrict à un autre sans réciprocité, c’est le moyen d’anéantir la hiérarchie si impolitique et si dangereuse des tribunaux. Celte idée est simple et porte avec elle ce caractère d’unité qui fait le plus bel ornement de votre Constitution ; elle pare à de très grands inconvénients et n’en présente que d e très faibles. . . Je propose la question suivante : « Etablira-t-on des tribunaux de deux espèces, les uns pour juger en première instance, les autres sur l’appel? » ou: « Les tribunaux de district seront-ils tribunaux de première instance et d’appel, suivant l’ordre qui sera établi ? » M. Fréteau. Je crois aussi qu’il est nécessaire de régler la compétence des tribunaux avant de fixer le nombre des juges dont ils seront composés. Le projet du comité leur attribue la juridiction des eaux et forêts et celle de la monnaie, peut-être leur attribuera-t-on aussi la connaissance des affaires en matière d’impôt, ce dernier objet augmenterait beaucoup leur occupation, et trois juges ne me paraissent pas suffisants. M. Thonret. Le plan de faire juger les affaires pas les tribunaux de district n’a point été présenté par le comité, parce qu’il contrarie les bases déjà décrétées, et que dans la discussion sur cette matière il a paru évident que l’intention de l’Assemblée était d’avoir des tribunaux d’appel; cependant vous voulez prendre ce nouveau plan pour base de la discussion ; j’observe qu’il présente une masse de dépenses bien plus considérables en augmentant infiniment le nombre des juges. Il y a 547 districts, il faudrait 1,094 juges de plus, tandis que dans le plan du comité 8 juges par département suffisent ; ils détruiraient d’ailleurs la seule utilité de l’appel qui présente un degré de confiance beaucoup plus grand. M. Chabroud. Messieurs, je propose que les tribunaux des districts soient employés en même temps, et pour le premier, et pour le second degré de juridiction; que chacun d’eux soit, dans son enclave particulière, tribunal de première insance ; et qu’ils soient tribunaux d’appel les uns à l’égard des autres. Voici les avantages que je trouve dans ce plan : 1°. Il apporte une grande simplicité dans votre organisation judiciaire. Vous placez sur la même ligne un certain nombre de juges, et vous leur distribuez tellement leurs fonctions, qu’ils vont suffire à tout. Or, si avec un moindre nombre d’agents, vous pouvez obtenir tout l’effet que vous attendriez d’un plus grand nombre, la première méthode est préférable. Vous êtes, d’une part, plus certains de votre résultat, quand il dépend d’un mouvement moins compliqué; et, d’autre part, il vous est bien plus facile de voir promptement les causes qui tendent au désordre, et d’y obvier. 2° Des tribunaux d’appel formeront tôt ou tard des compagnies. Une correspondance dangereuse s’établira entre elles, elles mettronten masse leur pouvoir, leurs moyens, leur grand crédit. Je dis leur grand crédit ; elles i’auront tel dans un grand ressort que finalement la justice dépendra d’elles. Je ne donnerai pas plus de développement à cette idée; mais je vous rappellerai les parlements, dont les nouvelles compagnies ne différeraient que par quelques nuances. Dans le principe, les officiers des parlements étaient amovibles; ils n’étaient que juges, iis étaient en petit nombre. Il n’y avait que huit magistrats dans le conseil delohinal devenu depuis le parlement de Grenoble: consultez le passé en faveur de l’avenir. Les tribunaux de district ne seront jamais dangereux ; leurs officiers ne pourront avoir, comme juges de première instance, qu’un ascendant borné comme l’importance de leurs fonctions et comme leur territoire; ils n’en auront aucun comme juges d’appel; car, dans mes vues, ils n’auraient point de territoire déterminé. Et puis, circonscrits dans d’étroites enclaves, réunis en très petit nombre, ils ne formeront jamais des compagnies ; ils demeureront en groupes épars aux places qui leur auront été assignées; et plusieurs centaines de ces groupes ne seront pas susceptibles de cette correspondance, de cette 209 [Assemblée nationale.) réunion trop facile à réaliser pour vingt tribunaux. 3° Il m’a paru que vous ne voulez pas des juges de deux classes, que vous proscrivez cette distinction de juges supérieurs, et de juges inférieurs, et des disparités choquantes entre les citoyens qui remplissent les mêmes fonctions. Je trouve cela dans [le plan même du comité; car il vous propose de décréter que « la distinc-« tion des deux degrés de juridiction n’établit « aucune différence ni supériorité personnelles « entre les juges. « Je m’appuie sur l’autorité du comité et c’est sa thèse que je soutiens. Mais quand vous aurez décrété qu’il n’y a aucune différence ni supériorité personnelles entre les juges, l’opinion et le préjugé décréteront autrement, et vous n’habituerez pas le peuple à concevoir l’état du juge d’appel qui réforme, sans préexcellence sur l’état du premier juge qui est reformé. Au fond, je suis d’accord avec le comité ; mais ce qu’il réduit à une décision de droit, je l’établis par le fait, qui est toujours plus sûr que le droit. 4° Le préjugé du peuple sur la supériorité des tribunaux d’appel ira plus loin : les juges seront peuple aussi sur ce point; on préférera une place dans le tribunal d’appel à une place dans le tribunal appelable. Celui qui jugera quatre départements et celui qui ne jugera qu’un district, ne se résoudront pas à s’assimiler. Qu’en arrivera-t-il ? le juge de district sera occupé d’un degré à monter, il séjournera impatiemment dans le premier. Je vois bien que, dans cet état de choses, les vues ultérieures du juge de district pourront être un principe d’émulation, qu’il cherchera à mériter par le travail l’assiduité et l’intégrité, cet avancement qu’il ambitionnera; mais cette considération ne me séduit pas, et j’arrête ma pensée sur l’intérêt qu’a le peuple à attacher un bon juge à ses fonctions. Dans tous les temps on a trop peu fait attention à l’importance des fonctions qui sont remplies dans les premiers tribunaux. Il n’y a de bons jugements que ceux qui sont calqués sur l’instruction : or, l’instruction se fait dans les premiers tribunaux; ainsi, il est vrai, en dernière analyse, que les bons jugements sont l’ouvrage des premiers tribunaux. Il est donc très important que les premiers tribunaux soient remplis d’hommes éclairés, sages et justes. Il faut donc y attacher ces hommes, et pour cela il faut ne leur pas montrer au-dessus une place qui leur fasse envie. Vous voulez que tous vos juges jouissent d’une grande considération; ne laissez pas échapper le moyen principal qui vous est offert pour la leur assurer; ne faites point un partage inégal de cette considération ; les tribunaux auxquels vous donneriez un peu plus finiraient par avoir tout. C’est par quelque supériorité que commence la tyrannie. 5° Quand les juges de district seront appelables les uns aux autres, l’appel ne sera plus pour les justiciables que la provocation d’un nouvel examen des procès, et non le recours d’une puissance à une puissance plus grande. Les juges auront l’idée d’une fonction à remplir et non d’une autorité supérieure à exercer; et les jugements appelables ou non , tiendront leur force de la 4ro Série. T. XVII. [20 juillet 1790.) loi, et non des hommes qui auront prononcé (1). Ceci paraîtra une exception bizarre, extrême : les personnes qui ont été à portée d’observer, en avoueront la vérité. Il est arrivé bien souvent que le penchant à rendre marquante la supériorité du tribunal, a eu grande part, au moins, aux prononciations accessoires. Je ne laisse pas subsister cet écueil et cela est plus sûr que de le donner à éviter. Je compte plus sur la loi qui abolit l’objet de la tentation, que sur la morale qui recommande de ne pas succomber. 6° Quand vous avez ordonné la division du royaume en départements, et des départements en districts, vous avez vu la jalousie des villes éclater. D’anciennes rivalités ont agi, de nouvelles ont pris naissance ; les préférences obtenues seront longtemps peut être un sujet de discorde. L’établissement des tribunaux d’appel aurait le même effet; vous ajouteriez un levain à un levain. 11 y aurait cette différence, que la première opération a été nécessaire et que la seconde serait spontanée ; que l’une a produit seulement le mécontentement de quelques villes, tandis que l’autre susciterait les murmures de plusieurs départements. Et ces murmures auraient pour motif, outre la jalousie de territoire, une véritable inégalité dans la condition des justiciables envers qui il semblerait ainsi que vous n’auriez pas accompli vos promesses. L’aptitude que je propose d’attribuer aux tribunaux de district, relativement à la connaissance des appels, est aussi favorable à l’égalité, que la création des tribunaux particuliers d’appel leur est opposée. Mon avis est de donner aux parties le choix de leurs juges d’appel, dans une certaine latitude, et vous sentez que la préférence que la confiance accorderait, ne serait pas une inégalité. Je dis que le système qui ne laisse pas même des prétextes aux rivalités et aux murmures, a des droits à votre assentiment. 7° Les habitants des villes accoutumées à avoir dans leur sein de grands établissements civils, sont ici de véritables adversaires; ils rejetteront un plan qui anéantit les grands établissements. Je dis qu’ils se feront illusion; à des avantages spécieux ils sacrifieront dans leurs pensées les vrais principes de la prospérité. Dès qu’il y a dans une ville un grand tribunal tous les regards se tournent de ce côté. Tout devient juge, avocat, procureur, greffier, praticien, solliciteur... Cette industrie immorale, qui vit des procès, prend la place de l’industrie utile, des arts et du commerce et une grande cité se trouve n’avoir qu’une existence odieuse et précaire. (On applaudit dans toutes les parties de la salle.) M. Chabroud continue : Je dis odieuse, car les richesses qui s’v amassent sont récoltées dans une grande enclave, au milieu des larmes et de la ruine des citoyens. Je dis précaire ; car la moindre réforme dans l’administration de la justice, une nouvelle division de territoire et mille autres événements renversent cette fortune empruntée. (1) Je crois que le but de l’appel est en effet un examen nouveau et rien de plus. Dans la discussion qui précéda le décret relatif, on ne lui assigna point un autre caractère. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 14 210 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 8° On a bien dit souvent dans cette tribune que les villes des départements sont établies pour les peuples et non les peuples pour elles. Et pourtant, si vous avez des tribunaux particuliers d’appel, vous livrez les départements à quelques villes. Leur population leur assure d’abord une grande représentation; ajoutez l’ascen-dant des grands tribunaux et l’esprit formaliste des gens de loi, et elles disposeront de tout. J’aimerais mieux dire franchement aux habitants de ces villes : soyez les souverains administrateurs, au moins alors la Constitution ne serait pas en contradiction avec le fait. Les citoyens des départements ne seraient pas leurs propres administrateurs, mais la loi ne les aurait pas trompés en les constituant tels illusoirement. Enfin, la raison d’économie que je vous prie maintenant de prendre en considération, serait sans valeur, si elle était isolée à des établissements nécessaires. L’objection de la dépense n’est pas recevable. Mais après qu’on a démontré qu’un établissement n’est pas nécessaire, qu’on y peut suppléer et qu’il est avantageux d’y suppléer, alors la raison d'économie est transcendante. La dépense des tribunaux d’appel n’est pas un objet que l’on puisse négliger. Elle comprend les salaires des juges, des officiers qui exercent le ministère public, des greffiers, de leurs commis. Elle comprend la confection ou l’entretien des bâtiments dans lesquels ils seraient séants. Le peuple est bien chargé, il le serait encore davantage; il le serait non seulement par la dépense commune d’entretien, mais aussi, mais surtout par ces contributions de détail que les justiciables forcés d’accourir apporteraient journellement dans la grande ville. Notez encore la dépense la plus importante à l’Etat, celle du temps, si précieux à l’agriculture, si précieux au commerce. Si l’on m’opposait le calcul sec des salaires des juges, je ferais mon calcul aussi et sans sortir de là, peut-être ne serais-je pas vaincu; mais je dis que ce n’est qu’un accessoire de mon tableau comparatif. Ma proposition à l’égard des tribunaux de district tour à tour appelants et jugeant les appels, est susceptible d’objections. Je vais examiner sommairement celles que je prévois; je me réserve la solution de celles que je n’aurai pas prévues, si l’Assemblée le permet. On peut me dire, en premier lieu, que les tribunaux de district liés par des prérogatives communes, s’accorderont pour les soutenir, qu’il y aura entre eux un pacte de ne pas se réformer et qu’enfin la voie de l’appel deviendra illusoire, nos juges trop puissants et leurs sentences trop indépendantes. Je craindrais tout cela, si je proposais précisément entre les tribunaux de district la réciprocité de l’appel, c’est-à-dire, par exemple, si l'appel des jugements du tribunal A étant nécessairement porté au tribunal B, celui des jugements du tribunal B était nécessairement aussi porté au tribunal A. Alors ces deux tribunaux, liés par un rapport régulier et continuel, pourraient bien avoir la pensée de s’accorder dans les vues réciproques de l’amour-propre ou de l’ambition; mais il est facile de trouver une méthode exempte de cet inconvénient. Dans mon dessein particulier, je laisserais aux parties, pour chaque affaire, l’avantage de désigner le tribunal auquel elles porteraient appel, et lorsqu’elles ne pourraient s’accorder, je déter-| [20 juillet 1790.] minerais le choix ou par des règles que j’aurais prescrites, ou même par le sort. Non seulement par cette méthode je préviens le danger que l’on nie montre, j’y trouve de plus l’avantage de produire une émulation précieuse et qui aura d’heureux effets. Les juges pour leur gloire, les gens de loi et de pratique, pour leur gloire et pour leur intérêt, emploieront leurs efforts à mériter la confiance, et de leurs justiciables naturels, et des justiciables volontaires, que leur bonne renommée attirera des districts voisins. Et comme la ville qui possédera un tribunal de district ne sera point indifférente à l’affluence des plaideurs qui y sera attirée ou qui en sera repoussée, il s’y formera un centre d’observation et d’opinion publique, qui sera pour les juges et les gens de loi et de pratique un aiguillon de plus. On craindra, en second lieu, que de cette multitude de tribunaux, jugeant en dernier ressort, il ne résulte une multitude de jurisprudences diverses. Ne perdons pas de vue qu’ici l’on entend par jurisprudence les usages des tribunaux. Dans ce sens, je dis qu’il faut abolir toutes les jurisprudences, et ne laisser subsister que la vraie qui est la loi; je dis que nos différends doivent être jugés selon la loi et non selon les usages des tribunaux. On répète tous les jours chez les jurisconsultes et à l’audience, que les juges doivent consulter les lois et non les exemples. Il serait heureux que cette maxime n’eût jamais été oubliée; les tribunaux n’auraient pas introduit ces usages que l’on a appelés leur jurisprudence. S’il est permis aux parties et à leurs défenseurs de citer des exemples, une première entorse donnée à la loi en attire une seconde et une troisième : voilà un usage, une jurisprudence, et la loi cède; car la citer encore dans son vrai sens, quand il y a un usage contraire du tribunal, c’est engager entre l’amour-propre des juges un combat dont le succès n’est pas douteux. Si, au contraire, il est défendu de citer des exemples, les juges peuvent sans doute commettre une et plusieurs erreurs, mais elles seront oubliées, mais il ne s’établira pas de comparaison entre ee que la loi veut et ce qu’ils ont jugé, et leur amour-propre n’interviendra pas entre eux et la loi. Ainsi, un ou plusieurs mauvais jugements ne feront aucune atteinte à la loi. Ce sera toujours elle que l’on montrera aux tribunaux comme leur guide. Je crois que voilà le moyen sûr d’obvier à la diversité de jurisprudence, et de simples tribunaux de district environnés de moins d’appareil, me paraissent en assurer davantage l’efficacité; car iis n’auront pas l’ascendant qui, de la part d’un grand tribunal, en impose quelquefois aux plaideurs et à ceux qui les défendent. Enfin, on pourra craindre que les départements ne soient trop isolés, trop indépendants lorsqu’ils renfermeront dans leur sein, et le premier, et le second degré de juridiction, et je n’ai pas besoin d’expliquer les conséquences ultérieures que l’imagination cherchera à cet état de choses. Je réponds d’abord que ce danger prétendu existe dans le plan de ceux, en assez grand nombre dans cette Assemblée, qui veulent un tribunal d’appel pour chaque département. Ensuite c’est par leur propre intérêt qu’il faut lier les départements, non par des institutions [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 juillet 1790.] forcées dommageables au plus grand nombre, qui donneront à ceux-ci le penchant à s’affranchir d’une dépendance pénible pour eux. En morale et en politique, l’égalité, la liberté, l’abolition de toute préférence, composent le ciment qui unit en un seul tout, les parties d’une grande société. Altérez ces principes, la tendance à la décomposition se produit inévitablement. Ajoutez qu’un département sera trop faible, et en territoire, et en population, pour que jamais il songe à essayer séparément ses forces; et que son industrie, ses productions, ses consommations établissent des rapports utiles auxquels sa prospérité tient tellement, que l’interversion des uns serait l’abdication de l’autre. Ajoutez encore que, si vous semblez isoler les départements dans leurs tribunaux indépendants, vous les raccrochezaussitôt, pour ainsi parler, les uns aux autres, par le recours à la cassation des jugements, et surtout par ce centre commun d’administration, de législation, de protection, de fraternité qui sera dans l’Assemblée nationale. On pourrait enfin ne pas s’assujettir à la division administrative à l’égard des tribunaux, et rendre chaque tribunal de district appelable à ceux des districts voisins, sans considérer s’ils sont ou ne sont pas du même département. Cette méthode établirait la liaison réciproque des départements, et dissiperait les craintes que l’on expose. D’après ces réflexions, je demande qu’il soit décrété : «' Que les juges des districts seront juges d’ap-« pel les uns à l’égard des autres, selon les rap-« ports qui seront déterminés dans les articles « suivants. » Les articles suivants contiendront des détails, dont il me paraît, quant à présent, inutile d’occuper l’Assemblée. (Le discours de M. Chabroud est vivement applaudi.) Plusieurs membres demandent l’ajournement. M. tue Chapelier. L’ajournement n’a pas besoin d’être mis en délibération, il est absolument indispensable. J'avoue que moi, qui suis déterminé à combattre le plan de M. Chabroud, je ne suis point actuellement en état de le faire. J’observe de plus qu’il culbute tout le plan du comité, et en le résumant on ne peut en conclure autre chose, sinon que les juges ne seront pas habiles et que la justice sera un fléau. M. Thouret. Je demande le renvoi de ce plan au comité auquel M-Chabroud sera prié de se réunir. (L’Assemblée ordonne l’impression du discours de M. Chabroud et l’ajournement à jeudi.) M. de Pleurre, député de Sézanne, demande la permission de s’absenter pendant un mois pour affaires importantes, en observant que c’est la première demande de cette espèce qu’il ait faite dans le cours de quatorze mois et demi. L’Assemblée accorde la permission demandée. JM. de G®uy, député de Saint-Domingue , fait part à l’Assemblée de deux lettres arrivées des colonies, l’une du Cap, et l’autre de Saint-Domingue. Elles sont écrites au nom des assemblées provinciales du Sud et du Nord, et contiennent l’expression de la plus vive reconnaissance pour le décret du 8 mars, concernant les colonies. m Nous espérons, est-il dit dans une de ces lettres (en parlant de M. de La Luzerne), que la honte de ses mensonges le forcera à descendre de sa place. Le retour de l’ordre en dépend. L’assemblée provinciale de la partie de Saint-Domingue vote des remerciements particuliers à M. Barnave. (La séance est levée à A heures.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TREILHARD. Séance du mardi 20 juillet 1790, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. M. Melon présente une adresse des élèves des collèges de Tulle et de Brive, département de la Corrèze, fédéré à Tulle, qui, à la suite de leur serment fédératif, transmettent à l’Assemblée nationale le témoignage de leur soumission, de leur respect et de leur amour, et la supplient de les faire jouir au plus tôt des principes d’une éducation nationale, plus conforme aux droits de l’homme et du citoyen. M. Dupont (de Nemours ), secrétaire , donne lecture de l’extrait des adresses, ainsi qu’il suit : Adresse de l’assemblée primaire du canton de Pont-de-Roide, district de Saint-Hippolyte, département du Doubs : elle désire l’établissement de foires au Pont-de-Roide, chef-lieu de ce canton. Tous les habitants qui le composent s’occupent sans relâche du payement des impôts, de la contribution patriotique et de l’entière exécution des décrets de l’Assemblée nationale, pour le maintien desquels ils sont prêts de sacrifier leurs biens et leur vie. Adresse de la municipalité d’Argent, district d’Aubigny, qui exprime ses regrets de n’avoir pas encore dé garde nationale formée ; ce qui l’a privée de l’avantage de députer à la fédération du 14 juillet. Elle s’unit de cœur et d’esprit au serment solennel qui y a été prononcé. Adresse des officiers municipaux de la ville de Caen, qui envoient le procès-verbal de la confédération des gardes nationales et troupes de ligne du département du Calvados, qui a eu lieu dans cette ville, le premier du présent mois. Adresse de la communauté des procureurs du présidial de Béziers, qui s’engagent d’employer toute l’influence de leur ministère sur l’esprit de leurs clients pour leur faire chérir et respecter les décrets de l’Assemblée. Ils ont solennellement prêté le serment civique entre les mains des officiers municipaux. Adresse des officiers municipaux de la ville de Phalsbourg, qui annoncent que les habitants, en. sus de leur contribution patriotique, montant à la somme de 9,691 liv. 16 sols, ont offert à la nation : 1° les gages d’un capital de 7,809 livres qui leur sont dus par l’Etat depuis près de onze ans pour les offices des anciens officiers municipaux ; 2° le produit des impositions sur les ci-devant privilégiés; 3° d’une somme de 243 liv. 17 sols en espèces d’or ou d’argent. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.