[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. im 551 essentiel qu’elle fût consacrée dans la Déclara¬ tion des droits de l’homme et du citoyen que le peuple français vient de proclamer; ses représen¬ tante l’ont fait. C’est un hommage rendu à la raison pour ses efforts constante. « La Constitution vous a donc garanti ce libre exercice des cultes, et sous cette garantie solen¬ nelle, éclairés par la raison et bravant des pré¬ jugés anciens, vous venez de vous élever à cette hauteur de la Révolution où la philosophie vous attendait. Citoyens, vous avez fait un grand pas vers le bonheur commun. « D était sans doute réservé aux habitante de Paris de donner encore ce grand exemple à la République entière; là, commencera le triomphe de la raison. « Vous venez aussi déposer sur l’autel de la patrie ces boîtes gothiques que la crédulité de nos ancêtres avait consacrées à la superstition : vous abjurez des abus trop longtemps propagés au sein du meilleur des peuples. La récompense de ce sacrifice se retrouvera dans le bonheur pur dont vous allez jouir, sous la plus belle Constitution du monde, au sein d’un État libre et dégagé de pré¬ jugés. « Ne nous le dissimulons pas, citoyens, ces hochets insultaient à l’Etre suprême au nom du¬ quel on les entretenait; ils ne pouvaient servir à son culte puisqu’il n’exige que la pratique des vertus sociales et morales; telle est sa religion, il ne veut de culte que celui de la raison, il n’en prescrit pas d’autre, et ce sera désormais la reli¬ gion nationale. » « La Convention accepte vos offrandes, elle applaudit aux sentiments que vous venez d’ex¬ primer, et vous invite à assister à sa séance. » Les citoyens qui sont à la barre sont accueillis avec transport par les représentants du peuple au milieu des cris de : « Vive la République! » Gobet dépose sur l’autel de la patrie sa c?oix et son anneau; Denoux, son premier vicaire, dé¬ pose 3 médailles aux effigies des ci-devant rois. Plusieurs membres demandent que le Prési¬ dent donne l’accolade à l’évêque de Paris. Le Président observe que d’aprè3 l’abjuration qui vient d’être faite, l’évêque de Paris est un être de raison : « Mais je vais, dit-il, embrasser Gobet. » (On applaudit.) � Le ci-devant évêque, le bonnet de la liberté sur la tête, accompagné de Chaumette, reçoit, au milieu des acclamations du peuple, l’accolade du Président. Plusieurs prêtres, membres de la Convention, se précipitent à la tribune. Coupé (de VOise> , ci-devant curé de Sermaize, près de Noyon, dit : « Je n’ai point apporté dans l’Assemblée des représentante du , peuple d’autre caractère ni d’autre esprit que celui d’homme libre et de ci¬ toyen. Cependant, à la vue du renoncement so¬ lennel que l’évêque de Paris et ses vicaires épis¬ copaux viennent de faire ici, je dois me rappeler que j’ai aussi été curé à la campagne. « Je me suis comporté avec probité dans une portion congrue, et dans un temps où d’ailleurs toutes les lois en faisaient un état louable et bien¬ faisant. « Je dois déclarer à la Convention nationale que depuis quelque temps j’en ai quitté le titre et les fonctions, et que je ne suis plus qu’un simple citoyen. « Il me reste ici une chose à faire : c’est de lui déclarer encore que je renonce à la pension que la nation nous laissait espérer. Quoique âgé et sans fortune, je ne veux pas être à charge à mes concitoyens ; j’ai toujours vécu de mon travail; je veux continuer à plus forte raison sous la République, et donner encore cet exemple à nos successeurs lorsque je sortirai du Sénat national. « Signé : J.-M. Coupé (de VOise), ci-devant curé de Sermaize, près de Noyon. Ce discours a été vivement applaudi. Lindei, ci-devant évêque du département de l’Eure, a dit : « Je n’ai point à rougir aux yeux de la nation du charlatanisme ou du fanatisme religieux, je n’ai employé les moyens de la religion que pour contribuer au bonheur de mes concitoyens. La morale que j’ai prêchée sera celle de tous les temps. Je n’ai accepté l’évêché de l’Eure dans des moments difficiles que parce que je pouvais servir la Révolution. Dès 1789, j’avais professé l’incompatibilité des fonctions du culte avec les fonctions civiles. Fidèle à mes principes, j’ai donné ma démission de cet évêché dans l’assem¬ blée électorale qui m’a nommé à la Convention nationale. On ne l’accepta pas alors. Tous les habitants de l’Eure sont témoins de ce que j’ai fait pour combattre le fanatisme, le fédéralisme, le royalisme. La seule ville d’Evreux a été ébran¬ lée par les déclamations de quelques scélérats échappés du sein de cette Assemblée, J’ai été en butte à la fureur de leurs complices, mais j’ai contribué à garantir le reste du département de la séduction. J’ai la satisfaction de pouvoir annoncer à la Convention nationale que les mi¬ nistres employés au culte dans la ville d’Evreux et dans tout le département, ont été fidèles à maintenir les principes de la République, qu’ils ont propagé les lumières de la raison, et qu’ils ont mérité la proscription des fédéralistes. La reli¬ gion de la loi sera celle de tout le département de l’Eure. Depuis longtemps, j’y ai dit avec succès que la cause de Dieu ne devait pas être une occa¬ sion de guerre entre les hommes, que chaque ci¬ toyen devait se regarder comme le prêtre de sa famille en la formant à toutes les vertus sociales. Toute la République sait que j’ai été le premier des évêques qui ai osé, par un grand exemple, détruire les préjugés superstitieux. « Lorsque l’abdication des prêtres avait quelque danger, les prêtres devaient s’empresser de së foire citoyens. La volonté du peuple annonce que £52 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j rras" le moment 4e eette abdication est arrivé. Un bon citoyen ne doit plus être ministre d’un culte public. J’abdique P évêché du département de l’Eure, et je renonce à l’exercice de toutes les fonctions du culte. « Lorsque la raison remporte une victoire aussi éclatante sur la superstition, le législateur nedoifc rien négliger pour en assurer le succès et la sta¬ bilité. Les fêtes et les solennités religieuses étaient devenues des institutions politiques : mesurez le vide immense qu’opérera la désertion de ces fêtes. Remplacez ce que vous détruisez, prévenez les murmures qu’occasionneraient dans les cam¬ pagnes l’ennui de la solitude, l’uniformité du travail et la cessation de ces assemblées pério¬ diques. Que des fêtes nationales promptement instituées préparent le passage du règne de la superstition à celui de la raison. Tous les dépar¬ tements ne sont pas également mûrs pour cette grande révolution. Les habitants dos campagnes n’ont pas les mêmes moyens d’instruction qui se trouvent dans les grandes cités. Le moyen d’ac¬ célérer le développement de l’opinion publique, c’est le prompt établissement de ces assemblées civiles où tous les citoyens se réuniront pour apprendre leurs droits, pour célébrer la liberté. et se former à la vertu. « Je demande que le comité d’instruction pu¬ blique soit chargé de présenter incessamment un rapport sur les fêtes nationales. « Signé : R.-T. Lindet. » Julien de Toulouse, ministre protestant, a dit : « Je n’eus jamais d’autre ambition que celle de voir s’établir sur la terre le règne de la raison et de la philosophie. Ministre d’un culte longtemps proscrit par la barbarie de nos lois gothiques, j’ai prêché hautement les maximes de la tolérance universelle : je me suis attaché à resserrer entre tous les hommes les liens de la fraternité, et dès longtemps on m’a entendu jeter les bases d’une famille universelle. « Né dans le département du Gard, transplanté successivement dans celui de l’Hérault et de la Haute-Garonne, les ministres alors appelés ca¬ tholiques m’ont entendu rendre hommage à la justice de l’Etre suprême, en prêchant que la même destinée attendait l’homme vertueux qui adorait le dieu de Genève, celui de Rome, de Mahomet ou de Confucius. « Je préparais alors les approches du flambeau delà raison qui devait un jour éclairer ma patrie; et je me félicite d’avoir vu arriver ce jour où la bienfaisante philosophie, mère des vertus so¬ ciale� n’a fait de tous les Français qu’un peuple de frères, et qui les donne pour modèle au reste de l’univers encore courbé sous les chaînes des tyrans orgueilleux et des prêtres fanatiques. « Gobet a manifesté des sentiments qui étaient gravés dans mon âme, j’imite son exemple. « On sait que les ministres du culte protestant n’étaient .guère que des officiers de morale; ce¬ pendant, il faut en convenir, quoique débarrassés de l’appareil fastueux du charlatanisme, tous les cultes, tons les prêtres n’étaient pas sans reproche à cet égard dans l’exercice des pratiques austères à l’aide desquelles ils prétendaient conduire les hommes à l’étemelle félicité. H est satisfaisant de faire cette déclaration sous les auspices de la Raison, de la philosophie, et d’une Constitution tellement populaire qu’elle annonce la chute de tous tes tyrans, et qu’elle ensevelit sous les dé¬ combres des abus de toute espèce, les erreurs superstitieuses du fanatisme et les brillants pri¬ vilèges de la royauté anéantie. « J’ai rempli pendant vingt ans les fonctions de ministre protestant, je déclare que dès ce jour j’en suspens l’exercice : désormais je n’aurai d’autre temple que le sanctuaire des lois, d’autre idole que la liberté, d’autre culte que celui de la patrie, d’autre évangile que la Constitution répu¬ blicaine que vous avez donnée à la France libre, et d’autre morale que l’égalité et la douce bien¬ veillance. « 'i.jlte est ma profession de foi politique et religieuse, tel est l’exemple que je crois devoir donner aux sectateurs des anciens préjugés; mais, en cessant d’exercer des fonctions que j’ai tâché d’honorer par une conduite exempte de reproche, je ne cesserai pas mes devoirs d’homme et de citoyen; je ne me croirai pas moins obligé de prêcher tes principes de cette morale sublime que Fauteur de toutes choses a gravée dans nos âmes, d’être en bon exemple à mes concitoyens, d’ins¬ truire les hommes dans les Sociétés populaires, sur les places publiques, dans tous les lieux où ils seront réunis sous les enseignes de la paix, de l’union, de la tendre fraternité ; de leur inspirer l’amour de la liberté, de l’égalité, la soumission aux lois et aux autorités constituées qui en sont les organes. « Je ne puis remettre sur le bureau les titres qui me donnaient le pouvoir d’annoncer aux hommes les vérités morales puisées dans l’Evan¬ gile, qui imprimèrent sur mon front un caractère dont je n’ai jamais abusé : je les déposerai, et je me flatte que la Convention voudra bien en faire un autodafé qui sera d’autant plus brillant que sa lumière terminera la bitte ridicule qui existe entre le fanatisme et la saine raison. » Ce discours a été couvert d’applaudissements. Gay-Vernon, ci-devant évêque, a dit : « Citoyens, « J’ai toujours soupiré après le moment où nous sommes : en 1790, étant alors curé de Com-preignac, je remis mes lettres de curé à mes bons paroissiens et leur dis : « Choisissez un autre « pasteur, si quelque autre peut vous rendre plus « heureux, je ne consentirai à demeurer au rrri-« lieu de vous qu’autant que vous m’élirez vous-« mêmes ; toutes tes places doivent être nommées « par le peuple. » Us m’élurent; je eédai à leurs instances fraternelles, et je prêtai le serment. En 1791, j’acceptai l’épiscopat pour contribuer aux progrès des lumières et hâter l’empire de la raison et le règne de la liberté. Lorsque Torné, évêque du Cher, proposa l’abolition des cos¬ tumes, je fus 1e premier à déposer ma croix sur le bureau de l’Assemblée législative. Aujour¬ d’hui, libre de suivre l’impulsion de ma cons-