[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [11 juin 1791. J |27 {Le côté gauche se lève et demande unanimement à aller aux voix.) M. le Président. Je raels aux voix l’article premier du projet des comités. A droite : Point de voix ! point de voix ! (L’Assemblée, consultée, adopte l’article 1er au milieu du bruit à l’unanimité, du côté gauche.) M. Foucault-Lardimalie . Gomment, Messieurs, vous ne voulez pas écouter mon projet de décret 1 Je demande que l’Assemblée délibère sur l’acte d’oppression qu’elle vient d’exercer. Elle ne m’a pas laissé parler, présenter mon projet. A gauche : Passons à l’article suivant. M. Bureaux de Pusy, Vun des rapporteurs , donne lecture de l’article 2 ainsi conçu : Art. 2. « Chaque général d’armée et chaque officier général, commandant en chef une division militaire, signera la déclaration suivante : Je promets sur mon honneur d'être fidèle à la nation , à la loi et au roi ; de ne prendre part directement , ni indirectement , mais au contraire de m'opposer de toutes mes forces à toutes conspirations , trames ou complots qui parviendraient à ma connaissance , et qui pourraient être dirigés , soit contre la nation et le roi, soit contre la Constitution décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi ; d’employer tous les moyens qui me sont confiés par les décrets de l'Assemblée nationale , acceptés ou sanctionnés par le roi, pour les faire observer à ceux qui me sont subordonnés par ces mêmes décrets; consentant , si je manque à cet engagement , à être regardé comme un homme infâme , indigne de porter les armes et d'être compté au nombre des citoyens français. « Cette déclaration sera remise par les généraux d’armée ou autres officiers généraux commandant les divisions militaires dans le lieu de leur résidence habituelle, aux corps administratifs et municipaux dudit lieu, appelés à cet effet en présence des troupes assemblées et sous les armes; lesdits corps administratifs et municipaux, après avoir pris connaissance de cette déclaration, et l’avoir transcrite sur leur registre, l’adresseront au ministre de la guerre. M. d’Ambly. Voulez-vous écouter un vieux militaire ? {Applaudissements à gauche.) A gauche : Oui ! oui ! parlez 1 M. d'Ambly. Vous avez déjà fait prêter un serment à l’armée ; vous voulez lui en demander un second. A quoi vous servira-t-il. Ceux qui voudront s’en aller s’en iront : ne les forcez pas à cela, je vous le demande comme bon citoyen. (L’Assemblée, consultée, adopte l’article 2.) M. Foucault-Lardimalie. Vous ne voulez pas qu’il soit dit que vous n’avez voulu entendre aucune discussion, aucun projet contraire. M. Regnaud {de Saint-Jean-d’ Angêly .) Je demande que les mots : sur mon honneur , qui sont dans l’article qui vient d’être décrété soient joints désormais à tous les serments qui seront prononcés par les Français. {Applaudissements.) J’observe que si l’on est allé aux voix sur l’article, sans achever d’entendre l’opinant, c’est qu’on ne pouvait écouter quelqu’un qui laissait présumer que les comités de l’Assemblée avaient voulu faire un outrage à l’armée, du patriotisme de laquelle nous n’avons jamais douté. {Applaudissements.) M. de Toulongeon. On propose une mesure très sage en demandant que le mot honneur soit employé dans les serments de tous les fonctionnaires publics. Il est nécessaire que les deux mots sacramentaux, honneur et infamie , insérés dans l’article que vous venez de décréter, qui sont justes quand ils regardent tout le monde, mais qui sont une exception offensante quand ils ne regardent que l’armée, soient compris désormais dans tous les serments. Je demande donc qu’il soit dit, par amendement ou par article additionnel, que dorénavant tous les fonctionnaires publics et tous les citoyens français prêtant le serment civique, jureront sur leur honneur et se soumettront expressément en cas de violation à la peine d’infamie. {Applaudissements.) (Cette proposition est adoptée et renvoyée pour la rédaction aux comités réunis.) M. Foucault-Lardimalie. Je quitte la tribune, Messieurs; mais, avant de m’en aller, je prends acte de la résistance que j’ai éprouvée et du ridicule scandaleux dont l’Assemblée vient de se couvrir devant le monde entier qui a les yeux fixés sur nous. M. Bureaux de Pusy, rapporteur. Messieurs, avant de passer à l’article suivant, il est essentiel que je donne à l’Assemblée une explication qui n’est pas sans utilité. Il est échappé à quelques personnes d’accuser le serment que vous venez de décréter d’être une mesure offensante et outrageante pour l’armée... M. de Cazalès. Oui, Monsieur I M. Foucault-Lardimalie. Messieurs, je demande à être écouté si vous continuez à parler. {Bruit prolongé.) Plusieurs membres : A l’ordre ! A l’ordre ! M. Foucault-Lardimalie. Je demande à être écouté. M. Bureaux de Pusy, rapporteur. J’ai cru que l’attention que me prêtait l’Assemblée était une permission suffisante pour parler. M. Foucault-Lardimalie. Vous m’avez prêché la liberté, j’en veux user. M. Bureaux de Pusy, rapporteur. On vous a dit que le serment qu’on vous proposait était injurieux pour l’armée; inutile, dangereux et outrageant pour les officiers... M. Foucault-Lardimalie. Je me charge de le prouver. A gauche : A l’ordre! Quel est donc cet homme-là! Faites donc mettre cet homme-là dehors 1 M. de Cazalès. C’est une injustice atroce. {Murmures.) Il est extraordinaire que MM. Le Cha- 128 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il juin 1791.] pelier et de Pusy veuillent interpréter une opinion qu’on ne m’a pas donné le temps de développer. Cette marché d’oppression n’est pas digne de l’Assemblée nationale. Pour la seconde fois, je demande qu’il me soit permis d’expliquer ma pensée tout entière. A gauche : Non 1 non ! La discussion est fermée. M. de Montlosler. Eh bien, M. de Pusy ne doit pas parler. M. Bureaux de Pnsy, rapporteur. Si l’on m’eût permis d’acliever le ueu de mois que j’avais à dire, on aurait vu que je ne voulais pas rouvrir la discussion. M. de Cazalès Je demande, dis-je, pour la seconde fois, qu’il me soit permis de développer ma pensée tout entière avant que personne ne veuille l’interpréter (Non! non!) ; et je demande que M. de Pusy ne combatte pas ma pensée puisqu’il ne la connaît pas et que j’ai le droit de la développer moi-même. M. Bureaux de Pusy, rapporteur. Je ne combats point M. de Cazalès. Je demande au nom des comités à expliquer les motifs de leur conduite. Quel était l’état des choses? Il s’élevait de grandes réclamations contre l’armée, des plaintes nombreuses contre les officiers dont on accusait le civisme. M. Foucault-Lardimalie. Je demande à rétablir un fait.. ( Murmures d'impatience à gauche.) D’où viennent les troubles dans les troupes? Le voici, Messieurs; il y a 6 semaines que la société des prétendus amis de la Constitution de Strasbourg a écrit à toutes les autres sociétés des amis de la Constitution de toutes les villes du royaume, d’envoyer à l’Assemblée nationale des adresses pour demander le licenciement des officiers de l’armée, et un député de l’Assemblée a porté lui-même au ministre cet écrit infâme d’invitation. Ainsi, Messieurs, ne cherchez pas la cause de tous les désordres, de tous les troubles, ailleurs que dans le club des Jacobins. ( Applaudissements à droite ; rires ironiques à gauche.) M. de montlosler. Je fais la motion qu’on licencie tous les clubs de France. (Rires ironiques à gauche.) (La partie droite se lève en applaudissant.) M. Bureaux de Pusy, rapporteur. La veille du 28 février, M. de Foucault a fait la même confidence à l’Assemblée. C’est bien gratuitement et bien inutilement qu’il vient de m’interrompre, car il ne s’agit pas de savoir comment ont été provoquées, comment sont arrivées les pétitions que vous avez reçues... (Violentes interruptions à droite.) M. Cigongne. Je fais la motion qu’on mette dehors ceux qui interrompront davantage. M. Bureaux de Pusy, rapporteur. Il s’agit d’examiner si le décret que la majorité a cru très utile, est un outrage ou une mesure obligeante pour l’armée : c’est là ce que je demande à éclaircir. Je disais donc, Messieurs, que par quelques moyens, que par quelques voies qu’aient été répandues dans le public et adressées à l’Assemblée, les pétitions qui inculpent les officiers, le fait est que ces pétitions existent ; qu’elles avaient répandu l’alarme, qu’elles inquiétaient les citoyens. Et quel était le reproche que l’on faisait aux officiers? De se jouer par un subterfuge du serment qu’ils avaient fait. J’ai déclaré hier, au nom des comités, combien ils avaient regardé cette inculpation comme futile ; mais j’ai fait sentir en même temps qu’il était nécessaire au bien public, qu’il était indispensable que les officiers détruisissent ces bruits outrageants. Et quelle était la manière la plus décente dont ils pussent les détruire, et dont l’Assemblée pût leur en offrir les moyens ? N’était-ce pas de s’adresser à eux-mêmes et de leur dire : on vous taxe d’échapper à votre serment par subterfuge; on vous taxe d’infamie. Eh bien ! l’Assemblée a pour vous la considération qu’elle doit à des hommes libres et honnêtes. Elle vous demande de démentir et de signer vous-mêmes, individuellement, le démenti que l’on vous présente (Bravo) : démentez l’outrage que l’on a fait à votre honneur : c’est de cette manière que l’on s’honore de se disculper comme militaire. Et c’est cette mesure qu’on attaque! C’est à cette mesure qu’on se fait honte d’avoir participé ! Moi je me fais gloire d’avoir eu à vous la proposer et je déclare au nom du comité militaire, qu’il croit avoir mérité l’estime de tous les officiers de l’armée, en vous la présentant. ( Applaudissemen ts.) M. de Cazalès. Et moi, je soutiens que c’est un outrage insultant pour les officiers de l’armée. M. de Montlosler. On doit moins compter sur l’honneur des clubs que sur celui des officiers. M. de Tracy. Pour enlever tout soupçon, je fais la motion que M. le Président soit chargé d’écrire aux officiers de l’armée, le peu de mots que M. de Pusy vient de dire; nous le signerons tous. (Applaudissements.) Je vous prie, Monsieur le Président, de mettre cette motion aux voix. Voix diverses : Oui I oui I L’ordre du jour ! M. de Cnstine. Il me paraît plus convenable d’envoyer les paroles de M. de Pusy au ministre de la guerre, qui en donnera connaissance à l’armée. M. de Tracy. J’adopte cet amendement à ma proposition. M. Perdrix. Ce serait trop humilier l’Assemblée. Je demande l’ordre du jour ou la question préalable ! M. Bureaux de Pusy, rapporteur , donne lecture de l’article 3 du projet de décret ainsi conçu : Art. 3. « Une déclaration pareille sera rémise par les maréchaux de camp employés sous les généraux commandants de division, auxdits généraux; par les colonels des corps, aux maréchaux de camp aux ordres desquels ils se trouvent; par les officiers de chaque corps, à leurs colonels ou commandants respectifs; et toutes ces déclara-