234 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 décembre 1790.] mais considérées sous le rapport de la force des villes de guerre dans le moment où elles sont attaquées, l’inconvénient qui en résulte est presque nul, et je ne crains pas d’affirmer qu’en supposant deux places absolument semblables, qui seraient assiégées dans le même temps, la différence de résistance produite par l’état différent des maçonneries de leurs revêtements, pourvu que, comme je viens de le dire, il n’y ait pas de brèches effectives à l’une d’elles, cette différence, dis-je, dans la durée des deux sièges, ne serait pas d’une demi-journée. Je saisis avec empressement cette occasion de tranquilliser l’Assemblée nationale et les autres citoyens sur l’état de ruine apparente où sont plusieurs de nos places, et de les prier de ne point juger la valeur intrinsèque de nos forteresses d’après de légères excoriations qui n’affectent que l’épiderme de leurs remparts. Vos deux comités, joignant aux considérations que j’ai eu l’honneur de vous exposer ci-dessus celle que les fonds très modérés demandés par le ministre de la guerre, devant être consommés aux extrémités du royaume, deviendraient une ressource précieuse dans les points où la circulation toujours ralentie offre des moyens de subsistance plus rares aux journaliers et aux hommes de métier, que les approvisionnements auxquels ils étaient destinés resteraient à l’Etat, et qu’on n’aurait fait tout au plus une dépense anticipée et non une dépense inutile, ils ont été d’avis que la demande qui vous est soumise était conforme aux vues d’économie, de prudence et de sollicitude paternelle qui doivent diriger l’Assemblée nationale, et qu’elle ne pouvait pas, sans inconvénient n’être pas adoptée ; en conséquence, c’est, en leur nom que j’ai l’honneur de vous proposer le décret suivant : « L’Assemblée nationale, délibérant sur la demande du ministre de la guerre, oui le rapport de ses comités diplomatique et militaire, décrète qu’il sera accordé au département de la guerre une somme extraordinaire de 4 millions, destinée à subvenir aux frais des travaux et aux approvisionnements les plus pressés dans les différentes places de guerre où ces travaux et ces approvisionnements seront jugés nécessaires. » M. Defermon. Je demande qu’il soit ajouté par amendement, et « que, de mois en mois, il sera rendu compte à l’Assemblée, par le ministre de la guerre, de l’emploi desdits fonds ». L’amendement et le projet de décret sontadoptés en ces termes : « L’Assemblée nationale, délibérant sur la demande du ministre de la guerre, ouï le rapport de ses comités diplomatique et militaire, décrète qu’il sera accordé au département de la guerre une somme extraordinaire de quatre millions, destinée à subvenir aux frais des travaux et des approvisionnements les plus pressés dans les différentes places de guerre où ces travaux et ces approvisionnements seront jugés nécessaires, et que, de mois en mois, il sera rendu compte à l’Assemblée nationale, par le ministre de la guerre, de l’emploi dudit fonds. » Un membre observe qu’il est important que l’Assemblée sache provisoirement, ainsi qu’elle en a plusieurs fois manifesté le vœu, quel est le montant du non-complet dans l’armée des années 1789 et 1790. Il fait la motion que le ministre de la guerre soit tenu de donner cet état dans un mois. (Cette motion est décrétée .) M. de Cnssy, au nom du comité des monnaies, fait une exposition des principes du comité sur le système monétaire. Passant en revue tous les désordres qui se sont produits dans cette partie de l’administration, il ne craint pas d’affirmer que pendant que le comité est à la poursuite des abus, ceux à qui ces abus ont servi de patrimoine jusqu’à présent, ont trouvé moyen de les multiplier. Il fait un tableau de toutes les difficultés du système monétaire, il exhorte l’Assemblée à porter le flambeau de la lumière dans cette administration dont les peuples sont la victime depuis plusieurs siècles : Il est temps que la vigilance nationale mette la monnaie au taux où elle doit être. Il prie l'Assemblée de mettre en discussion les questions suivantes : Quel poids servira à la division de la monnaie? Portera-t-elle la même empreinte que celle qui a cours ? La valeur en sera-t-elle exprimée par une légende ? Pour quelle somme en fabriquera-t-on ? Où prendra-t-on des fonds pour cette fabrication ? M. de Gussy propose l’ajournement jusqu’à ce que ces points aient été décidés. M. Malouet. Je m’oppose à l’ajournement : Nous avons besoin de petite monnaie, tout le monde le sait ; alors pourquoi différer ? Comment nous sommes-nous procuré des matières d’or et d’argent? En faisant des sacrifices. Eh bien, il faut encore en faire; contentons-nous d’ajourner ce qui regarde les principes monétaires et décrétons aujourd’hui la quantité de petite monnaie qui nous est nécessaire avec le titre que nous lui donnerons. M. Bouche. Cette motion est des plus délicates ; mais avons-nous donc juré de tout faire et sommes-nous insatiables d’affaires? Laissons à la législature prochaine à s’occuper des monnaies et contentons-nous de décréter tout bonnement la petite monnaie dont nous avons besoin. M. tïe "Virieu. Avant la création du nouvel ordre judiciaire il existait une cour des monnaies; elle surveillait cette administration, mais aujourd’hui que cette cour n’existe plus vous ne pouvez rien décréter sans reconstituer une administration, car sans cela vous exposeriez la nation à tous les risques possibles. La taille ne doit son origine qu’à l’abus que les princes faisaient de la fausse monnaie; les peuples aimèrent mieux payer cet impôt que d’être obligés d’avoir continuellement dans le commerce des valeurs factices. Depuis cette époque, les abus qui se sont commis dans les monnaies sont innombrables. Il est temps qu’ils cessent; le travail de votre comité est prêt; dans trois jours il peut être imprimé et distribué, j’insiste sur l’ajournement. M. Rewbell. Une nécessité qui s’impose est celle de substituer de la monnaie de billon à l’incommode monnaie de cuivre. Si vous émettez de nouvelles pièces de cuivre, prévenez donc les commerçants que, pour un marché d’un louis, ils seront obligés de se prémunir d’une brouette et qu’ils s’en iront chargés du prix incommode qu’ils auront reçu. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 décembre 1790.] 235 M. Dnport. Je me plains de ce que le comité, au lieu de donner son avis, au lieu de faire un rapport, ne fait que des questions. En attendant que le comité veuille bien nous en préparer la solution, je demande qu’il soit décrété qu’il sera fait une fabrication de petite monnaie. M. Démeunier. Il suffit en ce moment de résoudre les questions suivantes : Combien faut-il de petite monnaie ? Admettra-t-on la monnaie de billon ? Adoptera-t-on les divisions décimales? Enfin quelle empreinte portera cette petite monnaie? Comme vous ne pouvez examiner aujourd'hui ces questions, je propose de les renvoyer à jeudi. Cette proposition est adoptée et le décret suivant est rendu : « L’Assemblée décrète que son comité des monnaies lui présentera jeudi prochain ses vues sur chacune des questions suivantes: « 1° Quelle est la somme de petite monnaie dont il paraît convenable d’ordonner la fabrication dans les moments actuels; « 2° Ordonnera-t-on de fabriquer de la mon-naie-billon, où se bornera-t-on à une monnaie rouge et à une monnaie d’argent d’un titre bas? « 3° Adoptera-t-on la division décimale? « Le comité des monnaies se concertera sur cet objet avec le comité des finances, et indiquera les moyens d’exécution touchant la petite monnaie qui paraît nécessaire à la circulation. 11 sera tenu, en outre, de rappeler les questions proposées par lui dans la séance de ce jour, et de les accompagner de ses réponses. » M. Pinteville-Cernon. Je viens vous rendre compte de la situation actuelle du Trésor public; elle est très consolante. Le mois dernier, la recette a excédé la dépense de 3 millions, et tout annonce pour ce mois-ci un succès encore meilleur. La caisse de l’extraordinaire est prête à y verser 2 millions; la loterie a eu des tirages plus heureux ; la ferme générale tient ses engagements, et l’état de la régie des aides est assez bon . Il y avait hier au soir dans la caisse, en espèces d’or, 2,242,000 livres ; en argent, 9,475,0 )0 livres ; en assignats 11,374,000 liv. ; en effets 6,592,000 livres. Ainsi le Trésor public n’a pas encore besoin des secours qui ont été désignés pour le mois de décembre dans l’aperçu des besoins et des dépenses des deux derniers mois de cette année ; nous pouvons attendre jusqu’au 10, et lorqu’à cette époque nous vous proposerons un nouveau versement au Trésor public, ce sera pour continuer l’économie des espèces qu’il est précieux de conserver. (On applaudit à plusieurs reprises.) M. le Président. L’ordre du jour est la discussion du projet de décret sur l'organisation delà force publique (1). M. Rabaud, rapporteur. Le comité de Constitution, avant de présentera l’Assemblée les projets de décrets sur l’organisation de la force publique dans ses diverses parties, a cru devoir les faire précéder des articles constitutionnels. La postérité y retrouverait les principes dans toute leur pureté pour corrriger les erreurs que le temps aurait pu introduire. C’est même le seul moyen de (i) Voyez le rapport do M. Rabaud do Saint-Étienne, Archives parlementaires , t. XX, p. 592» conserver la Constitution dans sonintégrité, parce-que les principes constitutionnels expliquent clairement la pensée du législateur et qu’ils la perpétuent sans altération. Enfin, si l’Assemblée trouvait quelque chose à y changer, à ajouter ou à retrancher, le comité en profiterait pour rectifier les diverses parties de son travail qui sont des conséquences de ces principes. Voici les articles constitutionnels que votre comité présente à votre délibération : De la force publique en général. « Art. 1er. L’Assemblée nationale déclare, comme principes constitutionnels, ce qui suit : 1° La force publique, considérée d’une manière générale, est la réunion des forces de tous les citoyens. 2° L’armée est une force habituelle, extraite de la force publique, et destinée essentiellement à agir contre les ennemis du dehors. 3° Les corps armés pour le service intérieur sont une force habituelle extraite de la force publique et essentiellement destinée à agir contre les perturbateurs de l’ordre et de la paix. 4° La nation ne forme point un corps militaire; mais les citoyens seront obligés de s’armer aussitôt que l’ordre public troublé ou la patrie attaquée demanderont l’emploi de la force publique, ou lorsque la liberté publique sera en péril. 5° Ceux-là seuls jouiront des droits de citoyens actifs qui, réunissant d’ailleurs les conditions prescrites, auront pris l’engagement de rétablir l’ordre au dedans quand ils en seront légalement requis, et de s’armer pour la défense de la liberté et de la patrie. 6° La force armée est essentiellement obéissante. 7° Nul corps armé ne peut exercer le droit de délibérer. 8° Les citoyens ne pourront exercer le droit de suffrage dans aucune des assemblées politiques s’ils sont armés ou seulement vêtus d’un uniforme. 9° Les citoyens ne peuvent exercer aucun acte de force publique établie par la Constitution sans avoir été requis. 10° Les citoyens ne pourront refuser le service dont ils seront requis légalement. « Art. 2. En conséquence, l’Assemblée nationale déclare que les citoyens actifs et leurs enfants mâles, âgés de dix-huit ans, déclareront solennellement la résolution de remplir au besoin ces devoirs en s'inscrivant sur les registres à ce destinés. « Art. 3. L’organisation de la garde nationale n’est que la détermination du mode suivant lequel les citoyens doivent se rassembler, se former et agir, lorsqu’ils seront requis de remplir leur service. « Art. 4. Les citoyens requis de défendre la chose publique et armés en vertu de cette réquisition, ou s’occupant des exercices qui seront institués, porteront le nom de gardes nationales. « Art, 5. Comme il n’y a qu’une nation, il n’y aura qu’une garde nationale, soumise aux mêmes règles, à la même discipline et au même uniforme. » La discussion s’ouvre sur la première disposition de l’article 1er. M. de Montlosier. Je n’ai jamais cru qu’il fût possible d’organiser un corps sans parler de son