424 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [3 octobre 1790.] approuver ou condamner, c’est la colonie de Saint-Domingue. Troisième vérité : toutes nos opérations sont conformes à vos décrets : elles sont relatives à notre régime intérieur, à nos relations extérieures. Vous aviez reconnu qu’il devait exister des différences entre notre Constitution et la vôtre; votre décret du 8 mars déterminait nos droits; nous ne sommes pas allés au delà : mais, quand nous nous serions trompés, serions-nous coupables? « Faites donc disparaître les mers qui nous séparent ; faites que , comme les provinces de France, rapprochés de l’Assemblée nationale et du roi, notre patriotisme puisse vous avoir pour guide! Rien ne peut excuser les agents du pouvoir exécutif ; ils se sont couverts du manteau de l’Assemblée nationale, ils se sont entourés de vos décrets, et ils ont violé tous vos décrets; ils ont dissous les assemblées du peuple, des assemblées reconnues par vous, formées d’après vos décrets. Sans réquisition, sous le ridicule prétexte d’indépendance, et pour les vils intérêts du despotisme, ils ont égorgé des citoyens. Et l’on voterait des remerciements à dos assassins ! C’est alors que la colonie serait perdue; le désespoir s’emparerait de nos frères ; ils consentiraient à être pauvres, ils seraient invincibles. On vous parle de rétablir la paix. Nous garantissons que tout est calme; nous avons supplié nos concitoyens d’attendre avec patience : ils attendent votre justice : ils ne l’attendront pas en vain. Nous allons leur écrire que vous êtes sur le point de nous la rendre; notre voix soutiendra leur résignation ; rien sur la terre ne peut nous ravir leur confiance. Ne précipitez donc rien; un pays tout entier est venu se jeter dans vos bras ; sa cause appelle toute l’attention de votre sagesse; vous allez élever un monument pour les siècles, vous allez graver la reconnaissance dans les cœurs. Nous vous avons dit la vérité ; nous en répondons sur nos têtes. Le ciel a conservé nos archives, nous vous offrirons la preuve de tout ; tous les faits que nous avons présentés sont appuyés par des pièces que nous mettrons sous vos yeux, et qui exigent un long examen. Voici nos conclusions : « Nous demandons que vous renvoyiez l’examen de notre affaire par-devant un comité ad hoc , que nous supplions de rendre le plus nombreux qu’il vous sera possible; que vous permettiez que des commissaires, nommés par l’assemblée générale, assistent au comité créé ad hoc, pour lui offrir tous les renseignements dont il pourra avoir besoin ; qu’il soit également permis à l’assemblée générale d’assister au rapport qui sera fait par le comité ad hoc. Ces demandes sont trop légitimes pour ne pas être accueillies. Les moments que vous donnerez à notre cause ne seront pas perdus, et les bénédictions du peuple seront la récompense de votre sagesse. » M. le Président. L’Assemblée nationale ne cherche pas à trouver des coupables dans des Français; son équité reconnue doit vous mettre à portée de savoir ce que vous devez attendre d’elle, et lui a prescrit les formes qu’elle a adoptées à votre égard ; elle a entendu le récit des faits que vous venez de lui faire; elle examinera les pièces, elle les pèsera dans sa justice, et vous fera connaître ses intentions. M. Barnave. Je demande que ce narré des faits soit remis sur le bureau pour servir de pièce dans cette affaire. M. Valentin de Cnllon, orateur de la députation. Empressés de paraître devant vous, nous n’avons pu rédiger par écrit le récit que je viens de vous présenter : je n’ai que ces notes sur lesquelles j’ai fait mon rapport, nous ne perdrons pas un moment pour mettre en ordre ces faits signés par nous; ils seront remis à l’Assemblée nationale puisqu’elle le désire. (La séance est levée à 9 heures et demie.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. EMMERY. Séance du dimanche 3 octobre 1790 (1). La séance est ouverte à onze heures du matin. M. Vernier, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au matin. M. Groupilleau, secrétaire , lit le procès-verbal de la séance d’hier au soir. Ces procès-verbaux sont adoptés. M. Ilumldot, député du Beaujolais , demande un congé d’un mois environ. M. Griraud-Duplessis, député de la Loire-Inférieure, sollicite un congé de six semaines. M. Seurrat de Viaboulaye , député d’Orléans, demande la permission de s’absenter pour trois semaines. M. llangin, député de Mouzon, demande également un congé de trois semaines. Ces .congés sont accordés. Le sieur Boucault, mécanicien à Paris, qui a déjà eu l’honneur de présenter à l’Assemblée nationale des échantillons de monnaie extraits de la matière des cloches, lui en présente de nouveaux, extraits avec des procédés différents. Il annonce à l’Assemblée qu’il espère démontrer bientôt la manière dont on peut faire dans cette fabrication les plus grands bénéfices possibles. L’Assemblée nationale ordonne le renvoi de ces échantillons à son comité des monnaies, pour en faire l’examen. Le sieur Bourjot, élève de l’académie d’architecture, présente à l’Assemblée nationale un plan d’édifice pour ses séances, qui est reçu avec satisfaction. Un de MM. les secrétaires fait lecture d’une lettre écrite de Laon à M. le Président par "les sous-ofliciers, brigadiers et dragons du régiment de la reine, dans laquelle ils justifient le sieur Pellan, major-commandant de ce régiment, sur les imputations odieuses qui lui ont été faites dans les Annales patriotiques, n° 360, du lundi 27 septembre. Le même secrétaire fait lecture d’une lettre écrite à l’Assemblée nationale, par les électeurs du district d’Angers. A cette lettre dans laquelle (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. [Assemblée nationale.j ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [3 octobre 1790.) 425 les électeurs protestent que jamais ils ne croiront mettre assez de zèle et d’activité à exécuter les décrets régénérateurs de l’Assemblée nationale, est joint le procès-verbal de l’élection des juges du district. M. le Président fait donner lecture d’une lettre du père de M. Désilles à qui l’Assemblée a voté des remerciements pour son dévouement héroïque à Nancy. Elle est ainsi conçue : « M. le président, l’état bien critique encore de la santé de mon fils ne lui permet pas de répondre lui-même à la lettre dont vous l’avez honoré au nom de l’Assemblée nationale. Quelle que soit l’inquiétude que me donnent ses jours, je n’ai pas cru pouvoir différer plus longtemps d’exprimer de sa part aux représentants de la nation les sentiments dont son cœur est pénétré. Il est bien loin de croire mériter tous les éloges qu’on se plaît à lui prodiguer ; il est d’une nation, il est dans un corps où l’action que l’on a remarquée dans cette circonstance ne peut être un mérite particulier. 11 n’a fait qu’imiter des exemples si communs dans Tannée française et dans le régiment où il a l’honneur de servir. Il sent vivement le prix des éloges que l’Assemblée nationale veut bien lui décerner, et l’intérêt qu’elle a la bonté de prendre à sa conservation. Daignez, Monsieur, être auprès d’elle l’interprète de ses sentiments et des miens. » (On applaudit .) M. Pintevïlle de Cernon, rapporteur du comité des finances, fait part à l’Assemblée des besoins du Trésor public et présente un projet de décret qui, après quelques observations, est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale décrète ce qui suit : « Art 1er Les fonds nécessaires au service du Trésor public seront demandés au Corps législatif par l’ordonnateur chargé de la direction du Trésor public. « Art. 2. Il sera fourni chaque mois au comité des finances l’état de situation de la caisse de chaque receveur particulier, pour Tannée 1790 et les précédentes, l’état des recouvrements à faire, et les causes qui peuvent retarder ces recouvrements. « Art. 3. Il sera fourni par chaque mois l’état des payements faits sur les impôts indirects, et des causes de retard ou de suspension dans les recouvrements. « Art. 4. Il sera remis au comité des finances des états de toutes les matières d’or et d’argent provenant des vaisselles, dons patriotiques, ou matières achetées de l’étranger par le Trésor public, lesquelles ontété portées aux hôtels des monnaies� pour y être fabriquées; ainsi que les bordereaux de versement des monnaies en provenant, au Trésor public ou dans les différentes caisses. Ces états seront imprimés, à commencer du premier octobre 1789, et chaque mois pour l’avenir. » M. de Pintevillc-Cernon. M. Dufrêne, en nous envoyant Tétatdes dépenses du moisdernier, observe qu’il faut 45 millions pour le service de ce mois-ci. Iicomptesur unerentréede 30 millions et demande que l’Assemblée lui fasse délivrer 15 millions sur les assignats restant de la première émission. Le comité des finances vous propose le projet de décret suivant: « L’Assemblée nationale décrète que la caisse d’escompte délivrera au Trésor public la somme de quinze millions, pour fournir aux besoins du mois d’octobre. » (Ce projet est mis aux voix et adopté par l’Assemblée Nationale.) M. Goudard, membre du comité d’ agriculture et de commerce , propose de décréter que pour accélérer le reculement des barrières aux frontières du royaume, et prévenir toutes les difficultés qui pourraient retarder l’exécution de cette opération si avantageuse au commerce, les comités d’imposition et de finances soient chargés de se réunir à celui de commerce et d’agriculture, pour concerter et présenter, dans le plus court délai possible, un plan sur l’organisation des compagnies de finances qui seront chargées de la perception des impôts indirects. Cette proposition est adoptée en ces termes : <• L’Assemblée nationale, ayant ouï le rapport de son comité d’agriculture et du commerce, décrète que, voulant accélérer le reculement des barrières aux frontières du royaume, et prévenir tous les obstacles qui pourraient retarder l’exécution de cette opération si avantageuse au commerce, charge ses comités d’imposition et des finances de se réunir à celui d’agriculture et du commerce, pour concerter et présenter, dans le plus court délai possible, un plan sur l’organisation des compagnies de finances, qui seront chargées de la perception des impôts indirects. » M.de firogli e, membre du comité des rapports. Une insurrection bien dangereuse, vient de se manifester dans le département de l’Aude. Des malintentionnés apportent des obstacles à la libre navigation du canal de Languedoc, soit en arrêtant les bateaux, soit en brisant les écluses, soit en démolissant les ouvrages en maçonnerie pratiqués pour former les écluses. Le directoire a conçu les plus vives alarmes sur les suites de ces mouvements séditieux, et il ne craint pas moins la violation prochaine de toutes les propriétés, que des attentats contre les jours des citoyens. Nous vous proposons un projet de décret. M. l’abbé Gouttes. Il faut éclairer le peuple sur l’article de la circulation des grains et lui présenter les motifs qui doivent le rassurer sur la liberté de ce commerce. Quelle est la cause des égarements de ce peuple? c’est qu’il a vu violer les lois anciennes et nouvelles et que l’avidité des négociants a besoin d’être arrêtée. Il faut que les directoires soient instruits du jour du départ des grains qui seront vendus. Voici l’amendement que je vous propose : « Que le négociant qui fait transporter des grains sera obligé de déclarer au directoire la quantité des grains qu’il envoie, et le lieu pour lequel il les destine, et sera obligé de rapporter un certificat du directoire du district ou du département du lieu où il l’aura conduit. » M. de Boissy-d’Anglas. Je propose de prendre des mesures le long des côtes pour empêcher que nos blés n’aillent chez l’étranger. M. de Custine. Tous ces amendements sont de véritables entraves au commerce des blés. Vous avez décrété que ce commerce serait libre. Je propose la question préalable sur les motions qui viennent d’être faites et l’adoption du projet de décret du comité. (La question préalable sur les amendements est mise aux voix et prononcée.)