101 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 septembre 1190.] [Assemblée nationale.] dèrent à penser qu’il serait indifférent aux créanciers de ce prince, et plus avantageux au Trésor royal, que ce serait une opération moins dispendieuse et moins susceptible d’aucune diversion de fonds, de convertir ces créances en rentes viagères qui, au lieu d’être acquittées par M. d’Artois, le seraient directement par le roi. Or, pourquoi les créanciers de M. d’Artois seraient-ils victimes d’un arrangement auquel ils ont consenti librement, parce qu’ils devaient le croire aussi inviolablement sûr qu'aucun autre, et parce que la garantie directe du roi ne pouvait que leur inspirer une nouvelle confiance dont ils seraient cruellement désabusés par l’Assemblée nationale ? J’ai cru nécessaire d’entrer dans ces détails, non pas pour justifier ces anciens arrangements; c’était, sans contredit, un mauvais ordre de choses que celui où le roi pouvait arbitrairement employer à payer les dettes de ses frères, ce qui ne lui appartenait pas, suivant les principes éternels et immuables que nous avons su depuis reconnaître, ce qui était la propriété, et devait être à la disposition du peuple. Mais j’ai voulu prouver que cet abus très grave n’appartient pas au moment présent, mais au temps passé ; que l’opération a été consommée le jour où l’engagement a été pris ; qu’en un mot, il n’est plus question là d’économie, mais de fidélité. Je me sens entraîné à une réflexion générale que j’adresserai volontiers à M. Camus; car je crains qu’il ne cherche des motifs particuliers à ceux qui lui répondent, au lieu de discuter les raisonnements qu’ils lui opposent; je l’entends déjà répéter qu’il ne peut trouver d’adversaires que parmi ce qu’il lui plaît de nommer dans son écrit des hommes de cour. Eh bien ! je lui ferai, avec la franchise la plus entière, ma profession de foi sur les abus à la destruction desquels je ne crois pas avoir été tout à fait étranger, non plus que quelques-uns de ceux qui, dans la langue de M. Camus, pouvaient s’appeler autrefois des hommes de cour. Tant que les abus ont existé dans toute leur force, tant qu’ils ont été entourés de mille prestiges de puissance et d’opinion, tant qu’ils ont été essentiellement attachés, et, pour ainsi dire, inhérents à la forme du gouvernement, je pense qu’il a fallu les dénoncer avec zèle, les attaquer avec courage, les poursuivre avec constance, et en triompher par une opiniâtreté toujours victorieuse. Je pense que c’était là le droit, le devoir, la fonction la plus honorable de tout homme courageux et indépendant, qui se sentait digne d’être libre. Mais par une bizarrerie qu’il est cependant possible de s’expliquer, une partie de ceux qui parlent aujourd’hui se taisaient alors, et cet ancien et détestable régime n’a pas le moins profité à ceux-là qui en combattent le plus aujourd’hui le fantôme; mais quant à ce chaos de préjugés, d’erreurs et de toutes sortes d’éléments incohérents, il a succédé un nouvel ordre de choses, un gouvernement libre et représentatif, qui, par là même qu'il existe doit rendre impossible presque tous les abus les plus graves, tels que celui, par exemple, de voir payer arbitrairement les dettes des frères du roi, danger vraiment incompatible avec un Corps législatif consentant les impôts; alors toutes ces déclamations que j’appellerai rétrogrades, m’ont paru, je dois le dire, sans courage, sans utilité, et uniquement propres à capter ceux qui n’avaient ni mémoire, ni réflexion. En un mot, tant que les abus ont existé, il a fallu s’occuper de les détruire; aujourd’hui qu’ils n’existent plus, il faut les empêcher de se reproduire ; mais il faut laisser à l'ancien régime tout ce qui lui appartient ; laissons-lui surtout ce qui lui convenait mieux qu’à la liberté toujours aussi fière que généreuse, ces formes d’une adulation servile pour le pouvoir naissant et d’une persécution barbare pour le pouvoir renversé. TROISIÈME ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 20 SEPTEMBRE 1790. Lettre pastorale de Charles-François Le franc de Pompignan , archevêque de Vienne, dénoncée à V Assemblée nationale par le directoire du district d'Annonay (1). Charles-François, par la grâce de Dieu et du Saint-Siège apostolique archevêque de Vienne, primat des primats des Gaules, vice-gérant du souverain pontife dans la province viennoise et dans sept autres provinces ; — au clergé séculier et régulier et à tous les fidèles de notre diocèse : Salut et bénédiction en Notre-Seigneur Jésus-Christ. Ayez soin , mes Frères, de vous conduire avec une grande circonspection ; non comme des gens sans raison , mais comme des personnes sages, rachetant le temps, parce que les jours sont mauvais (2). Animée d’un zèle ardent pour le salut de ceux qui lui appartiennent, l’Eglise n’a jamais cessé de leur remettre devant les yeux cet avis de saint Paul aux Ephésiens : Réglez avec la plus grande circonspection toutes vos œuvres et toutes vos entreprises : dans toutes vos démarches, ayez pour guide la sagesse ; non celle de la chair, non celle du siècle, mais celle qui vient d’en haut. Les jours de votre pèlerinage sont comptés, ils s’écoulent avec une extrême vitesse, et à travers une infinité de périls , vous risquez à chaque instant de vous perdre : ne négligez donc rien ; rachetez le temps, et à quelque prix que ce soit, de ces jours mauvais, de ces jours d’épreuve, sachez vous en faire des jours de grâce et de salut. Quand pourrions-nous être mieux autorisés, nos très chers Frères, à vous offrir et à vous développer ces mêmes avertissements? car dans les principes de l’Evangile dont Dieu lui-même nous a commis la dispensation à votre égard : ce qui rend les jours mauvais , c’est l’affaiblissement de la piété et de la religion parmi les tentations multipliées qui nous assaillent; ce qui rend les jours mauvais, ce sont les obscurcissements et les pertes de la foi à laquelle seule il est donné de vaincre le monde (3), mais, qui, se trouvant comme éteinte dans un grand nombre de ses enfants, les abandonne au dur et honteux esclavage de ce même monde ; en sorte qu’on les voit captivés par ses différentes attaches, intimidés et agités par ses vaines terreurs, en proie à toutes ses illusions : ce qui rend les jours mauvais, en un (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) Yidete,fratres, quomodo caute ambuletis: non quasi insipientes, sed ut sapientes ; redimentes tempus, quo-niam dies mali sunt. ( Ephes . Y, 15, 16.) (3) Hæc est Victoria, quæ vincit mundum, fides nos-tra, (J. Joan, V, 4.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. . [20 septembre 1790.] 402 _ [Assemblée nationale.] mot, c'est l'amour du monde et de ce qui est dans le monde , amour qui ne saurait compatir avec celui que nous devons à notre Père céleste ; car, selon , l’oracle énoncé par l’apôtre saint Jean, on ne trouve dans le monde que convoitise de la chair, convoitise des yeux, orgueil de la vie. C’est partout un désir insatiable et des plaisirs, et des frivoles amusements de la curiosité et des richesses, de l’élévation enfin et des honneurs; ce qui vient non du Père céleste, mais du monde (1). Quelque part que se portent à présent vos regards, nos très chers Frères, ne le rencontrent-ils pas, ce triomphe odieux, des convoitises? Ne remarquez-vous pas avec quelle inconsidéralion; ou plutôt avec quelle espèce de fureur une multitude abusée sacrifie aux prétentions du temps, prétentions également futiles et incertaines, les plus solides assurances pour l’éternité? Ne les voyez-vous pas de tous côtés ces nobles enfants de la foi, qui se dégradent et s’avilissent eux-mêmes jusqu’à se rendre les esclaves du siècle présent? Partout des séductions plus efficaces; partout les moyens d’y échapper qui deviennent plus rares, et qui s’affaiblissent : ils sont donc mauvais les jours où nous vivons ! ils sont très mauvais : Pies mali sunt. Celui qui a la charge du salut de ses frères doit par conséquent mettre le plus grand soin à exciter leur vigilance. N’est-il pas redevable de la sienne, n’est-il pas redevable des plus tendres sollicitudes à chacun de ceux qu’il voit exposés à de tels périls ? 11 en est redevable à ceux-mêmes qui en seraient déjà les malheureuses victimes? que dira-t-il aux uns et aux autres? il leur prescrira et les conjurera de méditer attentivement ce que le bien-aimé disciple ajoute dans l’endroit même qui vient d’être cité : Que le monde passe avec tous les objets de ses convoitises , mais qu'en accomplissant la volonté divine on s'assurera l'éternité (2). Oui, qui réfléchirait comme il faut sur ce peu de paroles, serait bientôt compté parmi les vrais sages, que nous voyons faire du temps le meilleur emploi, se dérober aux dangers des jours mauvais , n’user enfin du siècle présent qu’avec précaution et réserve. Les convoitises du monde, les illusions du monde, ses terreurs comme ses attaches, passent avec lui ; mais qui accomplit la volonté de Dieu demeure éternellement : de siècle en siècle il a peuplé les déserts , ce divin oracle ; et ce même oracle aussi sera toujours capable de soutenir et d’animer ceux qu’il a déterminés à fuir le monde pour s’enfoncer dans les déserts. Sachez donc profiter et jouir d’un si précieux avantage, âmes d'élite, vous que la sublimité de votre vocation doit rendre l’objet de notre spéciale sollicitude : qui, sachez en profiter, nos très chers Frères, nos très chères Sœurs; sachez en jouir paisiblement et que la haine du monde, si elle vous poursuit dans vos asiles, ne les trouble pas. La lumière de la giâce, ses victorieuses impressions Vous avaient fait soupirer de bonne heure après les saints loisirs de la solitude : c’est pour vous y réfugier et y trouver le repos que vous aviez défi) Noble diligere mundum, neque ea quæ in mundo sunt. Si quis diligit mundum, non est charitas Patris in eo : quoniam omne quod est in mundo, concupiscentia carnis est, et concupiscentia oculorum et superbia vilæ ; quæ non est ex Pâtre, sed ex. mundo est. ( Evites Il, 15, 16.) (2) Et mundus transit, et concupiscentia ejus : qui autem facit voluntatem Dei, manet in æternum. [Ibid., 17.) mandé avec empressement les ailes de la colombe : ah! couse rvez-en la simplicité (1), votre attenté ne sera point frustrée. Nous aurions souhaité vous voir tous, afin de vous procurer quelque utilité spi-rituelle, et de vous affermir dans le bien : nous aurions souhaité et vous donner et recevoir de vous les touchantes consolations de cette foi qui nous est commune (2). Mais ce divin Sauveur, dont nous ne sommes que le ministre, daignera lui-même vous les donner. Rappelez-vous, dit-il, ce que vous avez déjà entendu de moi : Le serviteur ne doit pas être plus privilégié que son maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront également. Si lé monde vous hait, pensez que j'ai été avant vous l'objet de sa haine. Si vous étiez du monde, lé monde aimerait ce qui serait à lui : mais parce que vous n' êtes point du monde, et que je vous ai choisis du. milieu du monde , c’est pour cela qu'il vous hait (3). Les apôtres de Jésus-Christ ne pouvaient parler autrement que leur Maître. Mes bien-aimês , disait celui qu’il en avait établi le chef, aux premiers disciples de l’Evangile, qui furent parmi les idolâtres ce que sont parmi les faux chrétiens de notre siècle, ceux qui font profession dé suivre l’Evangile jusque dans ses conseils, ne trouvez-vous pas étrange de vous voir dans ce feu des persécutions qui vous éprouvent, comme s'il vous arrivait quelque chose de fort extraordinaire ; votre devoir, c'est de suivre les traces de celui qui a souffert pour nous : votre mérite, ce sera d'endurer patiemment des injustices en vue de lui; et c'est à quoi vous êtes appelés... Et même estimez-vous heureux, si I on vous fait des affronts et qu’on vous diffame pour le nom de Jésus-Christ ; réjouissez-vous d'avoir part aux ignominies et aux souffrances de Jésus-Christ ; elles assurent vos titres à sa gloire (4). L’apôtre des gentils établit les mêmes priû-cipes et emploie de semblables expressions, soit quand il écrit aux fidèles de Thessalonique : Ne vous laissez point ébranler par les persécutions qui nous arrivent ; vous n'ignorez pas que nous y sommes destinés (5) ; soit quand il encourage ainsi les Philippiéns : Demeurez intrépides au milieu dé vos adversaires ; ce qui cause leur perte vous procurera le salut. Et reconnaissez le don de Dieu; car (1) Et dixi: quis dabit mihi pennas sicut columbæ, et volabo, et requieseam? Ecce elongavi fugiens : et mansi in solitudine. ( Psalm . LIV, 7, 8.) — Estote...., Sim-plices sicut columbæ. (Matth.jX., 16.) (2) Desidero videre vos, ut sliquid imperlîar vobis graliæ spirilualis ad confirmandos vos : id est, simul consolari in vobis, per eam quæ invicem est, fideût vestram atque mcam. [Rom. I, 11, 12.) (3) Mementote sermonis mei, quem ego dixi vobis : non est servais major Domino suo. Si me persecuti sunt, et vos persequenlur. ( Joan ., XV, 20.) Si mundus vos odit, scitote quia me priorem ôdiô habuit. (Ibid., 18.) Si de mundo fuissetis, mundus quod suum erat dili-geret : quia vero de mundo non eslis, sed ego elegiVôfr de mundo, propterea odit vos mundus. (Ibid., 19.) (4) Charissimi, nolite peregrinari in fervoré quæ ad tentationem vobis sit, quasi novi aliquid vobis eontin-gat. (I Petr., IV, 12.) Si benefacienles sustinetis, hæc estgratia apud Deüiü ; in hoc enim vocati estiS, quia et Christus passus est pro nobis, vobis relinquens exemplum ut sequamini vestigia ejus. (Ibid., II, 20,21. Sed communicantes Christi passionibus gaudete, Ut et in revelatione gloriæ ejus gaudealis exultante». Si exprobramini in nomine Christi, beati eritis. (Ibid., IV> 13 et 14.) (5) Ut nemo moveatur in tribulationibus istis î ipsi enim scitis quod in hoc positi sumus. (I Thess., III, 3.) (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [20 septembre 1790.] vous n'avez pas eu seulement l'avantage de vous attacher à Jésus-Christ par la foi , mais encore de. souffrir pour lui (1). Ames religieuses, donnez. une attention spéciale à ce que dit ici le saint apôtre. Ce fut pour vous un beau jour sans doute, quand vos vues et vos affections vous élevant au-dessus des choses du siècle, vous lui dites un éternel adieu : les prédicateurs de l’Evangile s’empressaient de monter à la tribune sacrée, pour célébrer ce magnifique triomphe; et ils ne manquaient pas d’en attribuer l’honneur à la foi, à la foi gui nous rend victorieux du monde (2). Eh bien ! si votre gloire alors et votre bonheur, Ge fut de vous montrer attachés à Jésus-Christ par une foi sincère vos avantages se sont accrus : aujourd’hui, il ne vous est pas donné seulement de croire en lui, nous dit son apôtre, mais encore de souffrir pour lui. Connaissez donc le prix de vos humiliations et de toutes vos peinas ; loin d’y succomber, sachez-en recueillir les fruits par une patience inaltérable. Point de murmures, point de plaintes, sinon de celles qui s’adressent à Dieu et n’ont rien d’amer. Ceux qui vous prodiguent le mépris et vous haïssent , aimez-les; cherchez à devenir les bienfaiteurs de ceux quivous persécutent; priez pour eux. Que votre conduite les édifie , et que, les piquant d’une salutaire émulation, elle les engage enfin eux-mêmes à glorifier le Seigneur. Amassez sur leurs têtes les charbons ardents de la charité. Non, ne vous laissez point vaincre par le mal , vainquez plutôt le mal par le bien (3). Mais, supérieures aux menaces du monde, craignez se3 perfides insinuations et ses caresses. Le premier avis que donne Salomon à celui qu’il veut conduire dans les voies de la sagesse, c’est de se défier des flatteries des pécheurs et de s'éloigner deux (4), quand ils lui promettront de partager avec lui leurs richesses, leurs plaisirs toutes leurs vaines satisfactions. Et puisque ce fnt la haine de ces biens trompeurs, en môme temps que la crainte de périr avec ceux qui eu jouissent ou qui les poursuivent, y mettant leur félicité; oui, puisque ce fut ce double sentiment, et d’une haine éclairée, et d’une crainte magnanime qui détermina votre fuite, quand vous cherchâtes un asile dans le désert, n’allez pas dégénérer, et vous oublier vous-mêmes. Hélas 1 si les asiles du désert ont paru quelquefois perdre leur sûreté ; si un souffle pestilentiel y a quelquefois porté le ravage, n’est-ce pas lorsque les habitants du désert i, ont commencé d’entretenir trop de rapports avec le siècle? Qu’Israëi, que le peuple saint vienne à se mêler parmi les nations étrangères, il voudra bientôt prendre part à leurs criminelles occupations et à leurs fêtes plus criminelles: on le verra adorer leurs infâmes idoles , et de chute en chute, se précipiter dans un abîme (1) la aullo terreamini ab adversariis : quæ illis est causa perdilionis, vobis autem salutis, et hoc a Deo : quia vobis donatum est pro Christo, non solum ut in eum credatis, sed ut etiam pro illo patiamini. (Philivo., I, 28, 29.) (2) I. Joan., V, 4. (3) Diligite inimicos vestros, benefacite his qui ode-runt vos : et orate pro persequentibus et caluxnnianti-bus vos. ( Matth ., Y, 44.) Ex bonis operibus vos considérantes, glorificent Deum. ( I . Petr., II, 42.) Hoc enim faciens, carbones ignis congères super ca-put ejus. Noli vinci a malo, sed vince in bono malum. (Rom., XII, 20, 21.) (4) Fili mi, site lactaverint peccalores, ne acquiesças eis. Si dixennt ..... sortent mitte nobiscum, etc. (Prov., I.) i03 sans fond (1). Craignez, peuple du Seigneur, craignez de tels périls. Dans sa miséricorde il vous a. ouvert des cités de refuge (2), tenez-vous y à couvert. Mais s’il ne vous était plus libre de demeurer dans celle dont vous auriez fait choix ? Ah 1 nous pouvons bien appliquer ici ce que-prescrivait le Sauveur à ses disciples, de fuir d’une cité dans l'autre. Vous n’aurez pas été , leur disait-il, par toutes les villes d' Israël, que le Fils de l'homme viendra (3).0ui; il viendra ce divin Fils del' homme : nous ne savons ni l'heure , ni le jour (4); mais il viendra, soit pour vous consoler dans votre fuite, en dessillant les yeux et touchant les cœurs; soit pour donner la couronne qu'il a promise à ceux qui auront persévéré jusqu’à la /în(5),et qu’il leur prépare. Et les âmes timorées, à qui semblent fermés désormais de tels asiles, n’est-ce pas surtout pour elles que les dangers sont redoutables, les jours mauvais? Personne qui s’intéresse à notre salut, et nous ne saurions échapper , s’écrient-elles, tout espoir de fuite nous est ôté (6). Cependant qu’elles ne perdent pas confiance : celui qu’elles recherchent avec tant d’empressement est fidèle ; et il ne souffrira pas qu'elles soient tentées au-dessus de leurs forces. Il leur sera donné selon leur foi et leurs chastes désirs, afin qu’elles puissent conserver la simplicité des enfants de Dieu, et demeurer toujours irrépréhensibles malgré la commune dépravation, jetant une lumière pure, et telle que des flambeaux parmi les ténèbres du monde (7). Nous ne craindrons pas de vous le dire à tous, nos très chers Frères, les ténèbres de ce malheureux monde ne sont pas si épaisses, ses fatales illusions n’ont point tant d’efficacité, qu’il ne vous reste des moyens pour discerner au besoin la vérité et la suivre. Marchez-à la lumière tandis qu'il vous en reste, de peur que vous ne soyez surpris de la nuit. Ranimez votre foi; et puissiez-vous enfin vous montrer vrais enfants de lumière ! (8) Ne vous arrêtez donc pas à répéter ces tristes plaintes de l’ancien peuple, qui seraient incapables de vous justifier: Le Seigneur nous met en oubli : nous ne le voyons plus signaler par des prodiges sa protection: on n'entend plus lavoixde ses prophètes (9). Nous ne l’ignorons pas, nos très chers Frères� combien souvent et avec quelle véhémence elle est répétée, et par les bouches même les plus respectables, cette plainte qui, si elle est fondée, va, (1) Commixti sunt inler gentes, et didicerunt opéra eorum; et servierunt sculptilibus eorum : et factum est illis in scandalum. (Psalm. GV, 34.) (2) Mem., XXXV. (3) Cum perscqucntur vos in civitate ista, fugite in aliam. Amen dico vobis, non consommabitis civitates Israël, donec veniat filius hominis. (Matth., X, 23.) (4) Qui nescitis hora filius hominis venturus est. (Ibid., XXIV, 44.) (5) Ibid., X, 22; Il Tim . IV, 8. (6) Non erat qui cognosceret me. Periit fuga a me, et non est qui requirat animam meam. ( Ps . CXL, 5.) (7) Fidelis Deus est, qui non patietur vos tentari supra id quod potestis. (/. Cor., X, 13.) Secundum fidemvestramfiat vobis. (Matth., IX, 29.) Ut sitis sine querelà et simplices fdii Dei, sine repre-hensione, in medio nationis pravæ et perversæ, inter quos lucetis sicut luminaria in mundo. (Philip., Il, 45.) (8) Ambulate dum lucem habetis, ut non vos tenebræ comprehendant ..... Dum lucem habetis, crédité in lu* cem, ut filii lucis sitis . (Joan, XII, 35, 36.) (9) Ut quid, Deus, repulisti in finem? ..... Signa nostra non vidimus, jam non est Propheta : et nos non cognoscet amplius. ( Psal LXXIII, 1, 9.) £Q4 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 septembre 1790.] devenir pour vous le sujet d’une terrible condamnation, la plainte sur le silence des Prophètes en Israël; nous l’avons distinguée dans l’éloignement; elle a retenti à nos oreilles: « Laisserez -vous, « nous dit-on sans cesse, laisserez-vous ravager « impunément, et sans y opposer la moindre ré-« sistance, le champ commis àvossoins?Laisse-« rez-vous disperser, laisserez-vous égorger le « troupeau de Jésus-Christ ? Vous qui occupez la « place des porteurs, ne voyez-vous pas que vous « attirez sur vous la malédiction dont est frappé « le mercenaire ? Jetez les hauts cris, et si on « refuse de vous écouter criez encore : ne vous « lassezpoint : faites entendre les sons aigus de la « trompette au milieu de Jacob: réveillez ce pau-« vre peuple de son assoupissement ; annotait cez-lui et l’énormité et les châtiments de ses « m'mes(l).Quoi ! on s’efforce de vous ravir ce que « vous devez avoir de plus cher; on aveugle et on « séduit misérablement ceux dont vous aurez à « répondre âme pour âme ; en leur présentant sur « leurs droits des notions vagues et fausses, on « leur fait oublier leurs premiers devoirs, on « leur fait oublier leur destination non moins « glorieuse que sainte : on excite aux brigandages « et aux meurtres; on préconise les meurtres « commis; et vous vous taisez! « On ne se contente pas de ravaler à bien des « égards la loi de grâce au-dessous de la loi ju-« daïque, en effaçant par exemple les anathèmes « portés contre l’usure; on substitue sans pudeur « les dangereuses conceptions d’une philosophie « intempérante et versatile, dont le paganisme « lui-même ne put se contenter, à des vérités cer-« taines et immuables, à des vérités apportées « du ciel par un Dieu homme ; on osera s’élever « contre les ordonnances de Jésus-Christ, en bra-« vant ses menaces ; ses conseils, on les tournera « en dérision ; en un mot, on déchire l’évangile; « oui, on le déchire : et vous vous taisez ! « On se récriera contre la servitude tant qu’on « ne jouira pas d’une licence sans bornes comme « sans frein. On réclamera une liberté indéfinie « de parler et d’écrire, afin de pourvoir désor-« mais blasphémer impunément : on ne veut plus « que l’autorité vienne de Dieu; elle serait trop « réprimante. Mais les lois plus insupportables « et les plus odieuses, ce seront celles que l’E-« glise a imposées : en feignant de réformer ses « tribunaux, on les renverse. Pour que les saintes « règles et de la foi et des mœurs soient plus « sûrement et plus universellement méprisées « dans la bouche du prêtre, on n’entend pas « qu’il les tienne désormais de la bouche des « premiers pasteurs : on se fait un jeu sacrilège « de l’élever au-dessus d’eux, en même temps « qu’on le met aux pieds du simple laïque ; car « c’est afin d’anéantir toute subordination dans « l’Eglise, que sa divine hiérarchie est mise en « pièces ; et vous vous taisez ! « On s’indigne que celui qui a bâti sur la « pierre ferme cette mystique cité, ait voulu aussi « qu 'elle fût élevée au-dessus des collines et des « montagnes (2). Non, on ne peut souffrir que « l’Eglise demeure toujours éminemment visible ; « en sorte qu’il soit facile, du moins aux cœurs « droits, de la distinguer : on voudrait la rendre « méconnaissable ; vous le voyez, comme on al-« tente à son unité , soit en affectant de louer, (1) Clama, ne cesses, quasi tuba exalta vocem tuam, et annuntia populo meo scelera eorum, et domui Jacob peccata eorum. ( Is ., LVIII, 1.) (2) Matth., XYI, 18; Is., II, 2. « de relever, de favoriser les sectes qui en sont « le plus ennemies, soit en détruisant la plupart « des rapports établis entre nos différentes Eglises « particulières et l’Eglise romaine, que Dieu lui-« même a rendue pour jamais le centre de toutes « les autres; à la sainteté qui la caractérise éga-» lement, sainteté prouvée partant de prodiges ; « mais qu’on ose blasphémer, et dans les su-« blimes vérités que cette même Eglise enseigne, « et dans les justes qu’elle a formés, qu’elle « forme encore tous les jours, et jusque dans son « chef adorable ; à sa catholicité, en s’efforçant « de lui ravir les moyens qu’elle a droit d’em-« ployer, pour étendre et affermir son règne parti tout l’univers : et en cherchant à la confondre « parmi la multitude des sectes d’avec lesquelles « elle est assez distinguée par ce nom même, ce « beau nom de catholique : à son aspostolicité en « substituant des nouveautés à ce qu’elle reçut « de son origine, en déplaçant, par un profane « effort, des limites sacrées et en nous exposant « à ce reproche victorieux que fit toujours le « vrai fidèle aux auteurs de chaque hérésie et à « ses fauteurs, d’être étrangers à la tradition, et « de ne pouvoir, par une suite non interrompue « de pasteurs, remonter jusqu’à ceux institués « par les apôtres. Ne commencez-vous pas de « les éprouver, ces fatales secousses d’un boule-« versement presque général et sans exemple? « Le voilà qui s’enfonce, il est près de dispa-« raître, ce siège antique et si illustre, où vous « venez de vous asseoir au nom de Dieu ; bientôt « ce ne seront plus que des débris autour d’un « abîme; vous êtes le témoin de tout cela, et « vous vous taisez ! « Combien d’autels, combien de temples vont « être renversés, combien de profanés chaque « jour ! on les dépouille tous ; on envahit le pa-« trimoine du pauvre : la religion n’a plus rien « de sacré, on outrage ses ministres; ses au-« gustes mystères, on les avilit ; on méconnaît « ses lois et on lui en prescrit sur les vœux et les « serments, sur les sacrements et le culte... Ce-« pendant vous vous taisez ! » Est-ce une lâche pusillaminité de votre part? Est-ce indifférence ? de l’indifférence pour les afflictions ou les avan-tages*de l’Eglise, d’une mère si respectable et si tendre ! Jérusalem, ô sainte Jérusalem, f oublierais ce que je te dois! non ma voix et mes œuvres te sont consacrées : que plutôt ma main droite se dessèche et me devienne inutile, que ma langue s'attache à mon palais, si tu cesses jamais d'être l'objet de mes affections les plus douces (1)1 Est-ce donc la crainte qui nous a retenus ? Sans doute nous avons craint, et nous le déclarons volontiers ici, nos très chers Frères, nous avons craint de manquer aux règles sévères et importantes de la discrétion, sachant qu’il ne suffit pas de présenter aux esprits la vérité, si on ne la présente à propos : nous avons craint de compromettre son autorité et sa gloire, en l’exposant aux injustices de la prévention : nous avons craint de rendre plus coupables ceux qui s’endurciraient contre ses impressions les plus salutaires, et s’obstineraient à lui fermer l’entrée de leur cœur : nous avons craint d’envenimer des plaies trop récentes encore, et que nous n’aurions pas touchées avec des précautions assez délicates : nous avons craint, disons-le encore, nous avons (1) Si oblitus fuero tui, Jérusalem, oblivioni detur dexlera mea. Adhæreat lingua mea faucibus meis, si non meminero tui : si non proposuero Jérusalem in principio læiitiœ meæ. ( Psalm ., CXXXVI, 6, 7.) [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 septembre 1790.] J OS craint que les circonstances pénibles où l’on nous voyait, ne lissent attribuer à nos plus justes réclamations des motifs indignes du caractère sacré dont nous avons l’honneur d’être revêtus : quoique nous eussions pour nous le témoignage de notre conscience, et que nous fussions infiniment plus touchés du péril éternel où allaient se mettre ceux qui coopéraient à l’invasion du patriotisme de Jésus-Christ, que de ce qu’il pourrait en résulter de privation ou d’humiliation pour son ministre : oui, nous avons craint qu’on ne suspectât, qu’on ne feignît au moins de suspecter nos intentions les plus droites ; qu’on ne nous imputât d’être plus occupés de quelque intérêt personnel que des maux ou des périls de notre peuple ; et que, de ces paroles de paix, semées innocemment au milieu de vous, on ne vînt à en abuser pour éloigner la paix, la paix ! un bien si précieux, si désirable ! La paix qui doit être Vobjet continuel de nos vœux et de nos poursuites, si nous aspirons à la vraie vie, aux jours heureux (1). « Les prophètes nous parlent d’un « temps où la multitude des coupables s’élève « contre quiconque lui adresse des discours de « salut et la reprend (2); temps signalé par l’é-« normité ainsi que par le nombre des trangres-« sions, par l’oppression du juste et du faible » : et alors, disent-ils, celui qui est prudent se tiendra en silence parce que le temps est mauvais (3). Et toutefois croyez, nos très chers Frères, que nous ne les perdons pas de vue, ces décrets immuables qui nous obligent à parler. Sans vous dire que le Seigneur notre Dieu nous rend fidèles à lui parler en votre faveur, quand nous le supplions pour nous-mêmes ; nous sommes toujours également disposés et prêts à vous parler de sa part, et à vous déclarer ses ordres de la manière que nous jugerons devant lui convenir davantage et à sa gloire et à votre intérêt spirituel. Mais le plus souvent ne suffirait-il pas d’opposer à ceux qui s’égarent leurs propres lumières sur la loi, sur son importance et son étendue, sué les menaces et les promesses qui l’ont sanctionnée ? N’en serait-ce point assez ou en faudrait-il beaucoup davantage aujourd’hui? Si le tribunal des consciences était assez intègre, ne serait-il donc point assez éclairé? Ne satisferons-nous pas à l’obligation qui nous est imposée de reprocher ses crimes h la maison de Jacob (4), si nous rappelons à la censure de son propre cœur chacun de ceux qui prèvariquent (5)? Voyez Isaïe au milieu d’une nation coupable des plus grands désordres : il lui est ordonné d’élever la voix pour s’opposer à tant d’excès et ramener ses frères de leurs funestes écarts. Mais que dirai-je, en criant ? répond le saint Prophète. Toute chair est comme l’herbe des champs et toute sa gloire comme la fleur de cette herbe. Oui, le peuple est comme l’herbe qui se dessèche et dont la fleur est bientôt tombée ; mais la parole du Seigneur notre Dieu subsistera éternellement (6). (I) Quis est homo qui vult vitam, diligit dies videre bonos ? ..... Inquire pacem et persequere eam. (Psalm. XXXIII, 12-14.) (2) Odio habuerunt, corripientem in porta : et loquen-tem perfecte abominati sunt. {Am., V, 10.) (3) Quia cognovi multa scelera vestra et fortia peccata vestra : hostes justi accipientes munus et pauperes de-primentes in porta : ideo prudens in tempore illo tace-bit, quia tempus malum est. (Am., V, 12, 13.) (4) Is., LVIII, 1. (3) Is., XLVI, 8. (6) Vox dicentis, clama. Et dixi : quid clamabo? Omnis caro fœnum, et omnis gloria ejus quasi flos agri ..... Certes, il ne fallait que ce peu de mots bien médités pour faire d’Israël corrompu et follement livré au culte de ses idoles un peuple nouveau, un peuple saint. Et nous aussi, ne nous laissons plus aveugler, nos très chers Frères,, par les méprisables objets de nos passions ; réfléchissons, réfléchissons enfin et sur la vanité de tout ce qui est sujet au temps, de tout ce qui s’écoule et périt avec le temps et sur les longues destinées que nos œuvres nous préparent. Ainsi apprendrons-nous à le racheter , oui, à racheter le temps et dans le sens du grand apôtre; et nos jours constamment employés selon les règles de la vraie sagesse ne seront plus pour vous des jours mauvais. Les oracles sacrés ne le déclarent-ils pas à l’homme juste que le bien est pour lui, que tout va pour lui à souhait? Dicite justo quo-niam bene (1). A qui vous emploie dans le souvenir des années éternelles , oh ! que de biens vous lui apportez en effet, courtes et fugitives années! Encore une fois, nos très chers Frères, réfléchissez attentivement sur ces vérités non moins lumineuses que simples ; et nous n’aurons plus besoin de vous tant multiplier les instructions, les conseils ou les reproches. Dès lors aussi on n’aura point lieu de nous inculper nous-mêmes, comme si nous avions négligé nos obligations envers vous ; puisque votre conduite deviendra notre apologie ; heureuse apologie gravée et dans notre cœur et dans les vôtres par l'esprit du Dieu vivant! mais assez intelligible et assez manifeste pour être connue de tout le monde (2). Désormais on ne vous verra point, emportés à tous les vents des opinions nouvelles (3), ou égarés par le délire de vos propres idées au mépris de la divine parole que vous avez reçue et dont la vérité ni la sagesse ne sauraient passer. On ne vous verra point subjugués non plus par le vain appareil des respects humains; quand vous songerez que cette même parole à laquelle vous avez cru vous jugera (4), et que ce jugement doit être irrévocable. Que pourraient sur vous encore les suggestions de la cupidité ou de l’orgueil ? que pourraient les espérances du siècle ? Vous engageraient-elles â violer les saintes lois de la religion, de la justice, de la charité ? si vous considériez avec quelque attention ce qui vous fait mettre en si grand péril vos destinées éternelles, combien ce qui est près de vous séduire mérite peu de vous intéresser, que toute chair enfin se flétrit et tombe comme l'herbe des prairies, que les avantages du siècle sont les fleurs de cette herbe qui se flétrissent avant elle, et quelle folie ce serait de sacrifier ainsi les fruits d’immortalité pour des fleurs sitôt fanées, et qui échappent même le plus souvent aux mains si vainement empressées de les cueillir : car on ne suffirait jamais à nombrer les chagrins, les regrets, les cuisants dépits que causent aux amateurs du monde et à ses sages leur prétention et leur attente frustrée de la sorte, leurs espérances tant de fois déçues. En quoi il faut néanmoins bénir la bonté et la charité de Dieu à leur égard ; vere fœnum est populus : exsiccatum est fœnum, et cecidit flos : verbum autem Domini nostri manet in œlernum. (Is., XL, 6, 8.) (t) Id., III, 10; Psalm. LXXYI, 5. (2) Numquid egenus ..... commendatiis epistolis ad vos, aut ex vobis? Epistola nostra vos estis, scripta in cordibus nostris, quse scitur et legitur ab omnibus : manifestati quod epistola estis Chris ti ministrata a no-bis et scripta non atramento, sed spiritu Dei viyi (I Cor., III.) (3) Ephes., IY, 14. (4) Joan., XII, 48. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 septembre 1790.] 106 car il veut par là empêcher qu’ils ne continuent à s’éloigner de lui, et qu’ils ne se perdent en cherchant leur repos et mettant toute leur consolation ici-bas; qu’ils n’oublient absolument leur véritable patrie pour ce lieu d’exil, le ciel pour la terre; qu’ils ne se complaisent, qu’ils ne se glorifient dans les perfides succès d’une prudence charnelle, et qu’ils ne viennent enfin à s’élever hautement contre lui, blasphémant l’oracle consigné dans ses écritures : Il n'y a point de sagesse, il n'y a point de prudence ; il n'y a point de conseil contre le Seigneur (1). Disons-le, nos très chers Frères, il semble que nous pouvons assez facilement les apercevoir et les reconnaître ces conduites d’une sévérité toute miséricordieuse sur notre France. De quoi y paraît-on occupé, depuis je ne sais combien d’années? Hélas ! fort peu des objets de la religion et de la religion elle-même, fort peu d’encourager et de favoriser la vertu, fort peu de ce qui contribuerait pour chacun de nous au succès de la grande affaire, de l’affaire dont les conséquences seront éternelles. On n'a rien ou presque rien voulu faire, en un mot, pour bâtir la cité de Dieu, et qu’est-ce qu’on n’a pas fait pour la cité périssable du monde ? Que de recherches, que de combinaisons et de systèmes, que d’écrits, combien d’essais sur l’agriculture, sur le commerce, soit intérieur soit avec l’étranger: sur les manufactures et les arts ; sur la législation, sur les moyens d’assurer ce qu’on appelle le bonheur des citoyens, en assurant et augmentant leur aisance; sur les moyens encore d’accroître les richesses de l’Etat ; sur son crédit et ses ressources, ses relations et ses intérêts, sa population, son gouvernement, sa force militaire, ses alliances! S’il y a eu surtout cela beaucoup de sagacité dans les vues, de suite et d’habileté dans les discussions, dans les travaux, ne le demandez pas à un évêque, mais ce qu’il ne saurait trop vous répéter, c’est que des chrétiens ne devaient pas tout rapporter à des soins profanes. Or, le Seigneur notre Dieu, qui pouvait châtier ce criminel oubli de sa loi et de lui-même en donnant une pleine réussite à de tels soins, n’a pas voulu exercer un jugement si rigoureux sur ses enfants. Il leur refuse donc un repos qu’ils ont cherché hors de lui; il leur refuse ses vains contentements qui leur deviendraient si funestes, ou il y fait mêler de salutaires amertumes; et confondant les desseins d’une sagesse toujours ennemie de la sienne, il trouble la félicité de la terre, afin qu’on arrive, par de saints désirs et des efforts généreux, à celle qui nous est réservée dans le ciel. A-t-il eu besoin pour cela de déployer la force de son bras vengeur? l’a-t-on vu s’armer des redoutables fléaux de sa colère ? Non, il les tient encore en réserve, et déjà la prudence du siècle abandonnée, pour ainsi dire à elle-même, se trouve découcertée. Ainsi, n’a-t-il pas voulu renverser l’ordre des saisons ; nos campagnes il ne les a point frappées de stérilité : et au milieu des plus belles récoltes, vous le savez mieux qu’on ne peut vous le dire, presque tous les moyens de subsistance ont manqué. Il a permis qu’on multipliât et perfectionnât à l’envi les ateliers de fabrication pour les différents métiers et les arts, qu’on leur prodiguât les encouragements de toute espèce : cependant ne l'entendons-nous pas , com-(1) Non est sapientia, non est prudentia, non est con-silium contra Dominum. {Prov., XXI, 30.) ment chacun se plaint, qu’une multitude de ces mains si industrieuses sont condamnées à rester oisives? nous ne l’avons point vu mettre d’obstacles aux brillantes spéculations, .ni aux entreprises du commerce : et dans nos ports, et sur nos places, quand le commerce parut-il plus découragé, plus languissant? Il a éloigné de nos provinces les horreurs delà gu 'rre: et néanmoins,, les voyons-nous jamais libres d’alarmes? On s'épouvante sans sujet (1), il est vrai', mais ces vaines craintes, elles deviennent un supplice réel. Appliquerons-nous ici ce que disait le prophète Isaïe? Ne parlez plus de conjuration: car à entendre ce peuple, il y a de la conjuration partout . Ne partagez point ses erreurs... (2). Non, reconnaissons-�, nos très chers Frères, il en existe une en effet; et le foyer de cette fatale conjurations est dans nos mœurs! Nos inclinations perverses, nos erreurs et nos préjugés, nos criminels engagements, nos habitudes déréglées ont conspiré contre nous, et nous n’avons pas craint nous-mêmes de conspirer contre notre Dieu : car, dans un autre prophète (3), le Seigneur se plaint amèrement de ce que son peuple, son peuple ingrat, a formé une conjuration contre lui, au mépris de l’alliance la plus sainte et la plus solennelle. Inventa est conjuratio in viris Juda et in habitato-ribus Jérusalem (4). Renonçons pour jamais à ces dispositions de révolte; cessons de nous élever contre ce Dieu juste et terrible, et cessons de repousser les avances de ce Dieu plein de bonté: sa bonté se manifeste jusque dans les châtiments qu’il nous inflige. Cherchons auprès de lui les consolations delà foi; ne désirons point d’autres consolations que celles de la foi. Nous vous y exhortons, nos très chers Frères, en vous répétant ce qu’écrivait l’apôtre saint Paul aux fidèles de cette même nation, qui s’attira tant de fois les reproches des prophètes. Le juste vit de la foi , leur disait-il: or, nous ne sommes pas des enfants de révolte pour nous perdre, mais des enfants de la foi pour sauver nos âmes. Gardez-vous bien de négliger la correction du Seigneur; et ne perdez point courage. Il en use avec vous comme avec ses enfants; quel est l'enfant que son père ne corrige ? Ceux qui auront su profiter de ces épreuves y trouveront le sujet d'une grande joie. Marchez constamment dans les voies de la justice, et soyez fidèles à la grâce. Vivez dans une union vraiment fraternelle, souvenez-vous de ceux qui souffrent, et partagez leurs afflictions. Que vos mœurs soient pures : Dieu jugera ce qui aura échappé à la censure, ou peut-être à la connaissance des hommes . Lui-même a dit : Je ne vous abandonnerai point ; contents de ce que vous avez entre lès mains, abandonnez-vous donc à sa providence . Jésus-Christ est toujours le même: défiez-vous de ces doctrines curieuses et étrangères qui vous éloigneraient de lui. Ne cessons po int d'offrir , par cet adorable média teur, des sacrifices de louanges à notre Dieu. Les œuvres de bienfaisance et de charité, voilà encore des hosties qui seront agréées. Demeurez soumis et obéissants à ceux qui sont établis pour gouverner; afin que s'ils veillent , comme ayant à rendre compte de vos âmes, ils rerru-(1) Psalm. XIII, 5. (2) Non dicatis, conjuratio : omnia enim quse Ioquifcur populus iste, conjuratio est : et timorem ejus no timue-rilis, neque paveatis. ils., VIII, 12.) (3) Jer.,11. (4) Ibid., V, 9. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 septembre 1790.] 107 plissent ce devoir avec joie, et non en gémissant ; ce qui ne serait point votre avantage (1). Rendez-vous particulièrement attentifs, nos très chers Frères, à cette dernière et importante recommandation du saint apôtre. Ah I puissiez-vous n’oubüer jamais que, dans l’ordre du salut, tout dépend, pour vous, de cette religieuse soumission aux pasteurs! C’est à eux de former et d’éclairer votre foi ; c’est à eux de guider et d’assurer vos pas dans les bonnes voies. Dieu lui-même les a revêtus de son autorité à votre égard: et, comme il veut que vous soyez l’objet continuel de leurs pieuses sollicitudes, il veut aussi que vous en deveniez la consolation. Ne négligez donc rien, puisqu’il s’agit de vos plus pressants intérêts. Voudriez-vous, par votre indocilité, aggraver encore un tel fardeau? Au reste, vous ne le feriez pas impunément: et vous en êtes prévenus ici par le saint apôtre; car, observez en quels termes il s’exprime: «Si vous « affligez vos pasteurs et que vous les réduisiez « à ne remplir qu’en gémissant leurs obligations « à votre égard », ce ne sera pas votre bien. Comme s’il disait : ils ne perdront pas les fruits de leur fidélité constante à exécuter les ordres qu’ils avaient reçus, les fruits de leur obéissance, de leur charité et de leur zèle; non, les bénédictions de paix qu'ils désiraient tant vous communiquer retomberont sur eux ; mais sachez que Dieu sera touché de leur affliction à laquelle vous aurez été insensibles, qu’il prendra leur cause en main, et que leurs gémissements méprisés, s’élevant jusqu’à son trône, amasseront sur vos têtes les trésors d’une vengeance d’autant plus terrible, qu’elle n’aura pas été sollicitée : tout le mal sera polir vous. Hoc enim non expedit vobis. Oh ! que n’y a-t-il donc pas à craindre pour les peuples malheureusement séduits et. égarés, chez qui ce fatal esprit d’insu-hordination semblefaire chaque jour de nouveaux progrès, chez qui il a déjà fait tant de ravages! Il n’y a plus guère d’endroit peut-être qui soit demeuré insensible à la contagion, mais il n’y en a que trop où le mal est au comble. Les brebis, si on peut encore leur donner ce nom, n’écoutent plus la voix des pasteurs. Traversez les mers et observez ceux qui habitent les îles de Céthim : pénétrez sous les tentes dispersées dans les déserts de Cédar ; considérez atten-(1) Justas meus ex fide viyit ..... nos autem non su-mus substractionis filii in pei’ditionem, sed fidei in acquisitionern animæ. ( Hebr ., X, 38, 39.) Noli negligere disciplinam Domini : neque faligeris dünd ab eo argueris, . . . . (Ibid., XII, 5.) Tanquam filiis vobis offert se Deus : qui s enim filius quem non cor-ripit pater? (7.) — Disciplina ..... fructum pacatissi-Iùum exercitatis per eam reddit justitiæ. (11).... et gressus rectos facite pedibus vestris. (13) ..... — Ne quis desit graliæ Dei. (15.) — Charitas fraternitatis ma-ileat in vobis ..... (Ibid., XIJI, 1.) — Mementote vincto-rum, tanquam simul vincti, et laborantium, tanquam et ipsi in corpore morantes. (3.) — Honoi'abile connu-bium in omnibus et thorus immaculatus. Fornicatores enim et adultéras judicabit Deus. (4.) — Sint mores sine avarilia, contenti præsentibus : ipse enim dixit : non te deseram, neque derelinquam. (S) ..... — Jesus-Cbristus heri, et hodie : ipse et in sæcula, (8.) — Doc-trinis variis etperegrinis nolite abduci. (9) ..... — Per ipsum ergo offeramushostiamlaudis semper Deo. (16.).. — Beneficentiæ autem et communionis nolite oblivisci : talibus enim hostiis promeretur Deus. (16.) Obedite præpositis vestris, et subjacete eis. Ipsi enim pervigilant, quasi rationem pro animabus vestris red-aituri, ut cum gaudio hoc faciant, et non gementes : hoc enim non expedit yobis. (17.) tivement ce qui se pratique chez les nations lés plus éloignées, ch >z celles qui ue furent jamais assujetties à l’Evangile ; les verrez-vous traiter ainsi les ministres de leurs cultes profanes et superstitieux (1). Que vous servira, dirons-nous, soit à tels ou à tels d’entre les coupables, soit à d’autres que nous saurions près de le devenir, que vous servira d’être nés au milieu des splendeurs de la vérité, si vous vous élevez de la sorte contre ceux que le Seigneur avait commis pour vous en dispenser les orac'es ? Non, le troupeau qui a méconnu la voix du pasteur est déjà un troupeau sans pasteur, et bientôt errant, dispersé, il va rester en proie aux bêtes féroces. Croyez donc, nos très chers Frères, que ce sera non pas un esprit de domination sur les héritages du Seigneur (2), mais par le mouvement d’un zèle sincère et désintéressé pour le bien de vos â nes que nos chers et vénérables coopérât mrs dans le ministère qui nous lie à vous pour jamais, vous diront'ce que nous-mêmes vous répétons encore après saint Paul : Vivez soumis à ceux qui , établis pour vous gouverner , seront responsables de votre salut : et faites en sorte qu'ils trouvent leur joie à remplir une pareille obligation. Si vous les réduisiez à ne la remplir qn 'en gémissant , ce ne serait pas votre bien. Assistez-nous de vos prières (3) : nous vous le demandons pour eux et pour nous, comme le demandait à ses néophytes hébreux le même apôtre. Et plût à Dieu que tous vos pasteurs de tous les ordres eussent aussi le droit d’ajouter avec une semblable confiance : Nous nous rendons ce témoignage que notre conscience est droite et affermie dans le désir de nous bien comporter en toutes choses (4). Mais si nous ne sommes pas toujours tels que nous devrions être, affligez-vous de cette fragilité humiliante pour nous, sans en prendre occasion de vous élever, craignez plutôt pour vous-mêmes : nos maux spirituels ne manquent guère de causer les vôtres, s’ils n’en sont déjà une punition . Recourez donc pour vou3 comme pour nous au Père des miséricordes, conjurez-Ie de nous rendre, par sa grâce, des ouvriers sans reproche et dont son Eglise n'ait point à rougir (5), des ministres dignes de lui offrir, pour vous, ainsi que pour eux des sacrifices qu'il agrée (6); oui, des agents, des émules de son amour tels qu’on puisse les voir s’employer avec une ardeur infatigable et à vous procurer les vrais biens et à étendre sa gloire; des pasteurs qui sachent vous guider dans la bonne voie, des pasteurs soigneux de vous nourrir d'une pure doctrine, et vigilants pour vous défendre; des pasteurs enfin selon son cœur (7). Nous la demandons à tonte cette assistance charitable; mais nous la demanderons spécialement aux âmes cachées en Jésus-Christ, qui connaissent mieux et par une bienheureuse expérience, le prix estimable de la prières, son efficacité. L’apôtre desHébreux terminaitson épître, l’une des plus longues que nous ayons de lui, eu-leur témoignant combien il souhaitait les voir agréer ce qu'il leur avait écrit succintement pour la con-(1) Transite adinsulas Cethim, et videte : et in Cedar mittite, et considerate vehementer, si factum est hujus-cemodi. (Jer., Il, 10.) (2) Ut dominantes in Cleris, etc. (/ Petr., V, 3.) (3) Orate pro nobis. (Hebr. ubi supr., 18.) (4) Confidimus enim quia bonam conscientiam habe-mus in omnibus bene volentes conversari. (Ibid.) (5) Operarium inconfusibilem. ( IITim ., II, 15.) (■6) Hostias acceptabiles Deo. (I. Petf., II, 5.) (7) Dabo vobis pastores juxla cor moum et pasCent vos scientia et doctrina. (Jer., III, 15.) 108 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 septembre 1790.] solation de leur foi : et c’est ce que nous ferons également ici, nos très chers Frères. Rogo vos, fratres, ut sufferatis verbum solatii : etenimper paucis scripsi vobis (1). Oui, nous vous supplions de prendre en bonne part ces paroles de consolation. Si nous nous sommes si peu étendus, à proportion de la multitude des choses dont nous aurions à vous entretenir, nous n’avons pas manqué de vous en déclarer les principaux motifs, nous reconnaissant toutefois obligés de suppléer dans la suite à ce que paraîtraient demander tant vos besoins que les circonstances; et croyez que nos engagements à votre égard seront toujours chers à ce cœur où nous vous portons pour mourir comme pour vivre avec vous. Recevez nous dans le vôtre (2). Nous finirons, en souhaitant devant Dieu, à chacun de vous les bénédictions que nous désirons et que nous sollicitons auprès de lui pour nous-même. Gratia cum omnibus vobis! Amen (3). Donné à Vienne, le vingt-deux août mil sept cent quatre-vingt-dix. Charles François, Archevêque de Vienne. Par Monseigneur, Recourdon, secrétaire. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX. 'Séance du mardi 21 septembre 1790, au matin {A). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Dauchy, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance du 20 septembre au matin. Ce procès-verbal est adopté. M. d’Alençon, député du département de la Meurthe, demande et obtient un congé de quelques jours. M. Tuant de Ta Bouverie, député de Ploër-mel, réclame contre une note insérée à la suite d’un imprimé distribué ce jour, concernant les domaines congéables, dans laquelle on annonce que les députés du Morbihan n’ont pas distribué un ouvrage sur le même sujet qui leur avait été adressé. Il observe que celte distribution a été notoirement faite, il y a plus d’un mois, aux deux portes de la salle, par le fils du commis du bureau de l’inspecteur et qu’il n’est resté que deux exemplaires qui ont été remis, il y a peu de jours, à un député breton qui n’en avait pas reçu. M. Heurtault-JLamerville. Je suis chargé par les membres de la députation qui a assisté à Ta cérémonie funèbre, célébrée hier au champ de la fédération en l’honneur des gardes nationales victimes de leur patriotisme, de vous en présenter un tableau court, et restreint pour ainsi dire (1) Ubi supr.,�,%. (2) In cordibus nostris estis ad commoriendum et ad convivendum. {II Cor., VII, 3.) — Capite nos. {Ibid., 2.) (3) Uebr., ultim. (4) Cette séance est incomplète au Moniteur. à son effet moral. La députation que vous avez nommée a pensé que le procès-verbal de l’Assemblée nationale était le monument le plus digne de perpétuer la gloire des héros citoyens, morts pour la défense des lois. « Messieurs, la députation de l’Assemblée nationale s’est rendue hier matin en cérémonie au champ de la fédération ; elle y a été reçue par M. le maire et la municipalité de Paris, etaccueil-lie par MM. les officiers de la garde nationale, de la manière la plus empressée. Nous avons été conduits à la place destinée aux représentants de la nation. L’affluence des spectateurs est devenue immense. Les divers corps de troupes se sont avancés sous nos yeux dans le plus grand ordre ; les lignes se sont formées de même. Le plus profond silence qui régnait, augmentait ce qu’avaient de lugubre la musique et la décoration. Jamais homme n’a vu un spectacle aussi majestueux, aussi imposant, aussi puissant sur l’âme. Différent du grand jour de la Fédération celui d’hier avait, comme lui, le caractère bien marqué. L’un présentait le tableau de la joie du cœur la plus exaltée; l’autre, l’affliction fraternelle, qui ne sait que sentir et pleurer. « La messedite, M. le commandant de la garde nationale a traversé à pied le champ de la fédération, et est venu, accompagné du clergé, inviter la députation de l’Assemblée nationale à s’approcher de l'autel pour y rendre les derniers devoirs aux âmes des généreux guerriers dont nous voyions la pompe funéraire. « Nous nous sommes avancés dans le champ de la fédération; nous sommes montés à l’autel qui était au pied du mausolée entouré de peupliers, de torches funéraires, et de jeunes soldats de la garde nationale, qui semblaient, autour de ce tombeau vénérable, prendre la première leçon de mourir pour la patrie. La députation a fait le tour de l’autel, et jeté de l’eau bénite sur le tombeau. C’est alors que, dans la douleur et l’admiration, nous avons tous remarqué et retenu les quatre fidèles inscriptions qui décorent les quatre faces du monument. Il nous a paru que la reconnaissance doit les consacrer, la jeunesse les lire, la postérité les conserver. « Première : Aux mânes des braves guerriers morts à Nancy, pour la défense de la loi, le 31 août 1790. « Deuxième : Ennemis de la patrie, tremblez; ils laissent leur exemple. « Troisième : Le marbre et l'airain périront; leur gloire est éternelle comme l'empire de la liberté. « Quatrième : C'est dans ce champ qu'ils venaient de jurer d’être fidèles à la nation, à la loi et au roi. « Messieurs, en silence et les yeux mouillés de larmes, nous sommes ensuite descendus de l’autel; nous avons été reconduits avec dignité jusqu’à l’entrée du champ de la fédération, et nous nous en sommes éloignés, en désirant de ne revoir jamais de spectacle semblable. » (L’Assemblée décide que le récit de Heurtault-Lamerville sera inséré en entier au procès-verbal.) M. de Harambnre, membre du comité des finances, propose un projet de décret qui est adopté en ces termes : « L’Assemblée nationale autorise le président du comité de liquidation à écrire à M. Dufresne, pour qu'il fasse payer à M. Simon, premier commis de rapporteur du tribunal des maréchaux de France, la somme de 2,000 livres, portée sur