696 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 1791.; M. Duport, au nom des comités de Constitution et de jurisprudence criminelle, fait cette lecture dans les termes suivants : LOI sur la police de sûreté , la justice criminelle , et V institution des jurés. De la police de sûreté. TITRE Ier. De Vinstitution des officiers de police de sûreté. 'Art. 1er. « Le juge de paix de chaque canton sera chargé des fonctions de la police de sûreté, ainsi qu’elles seront ci-après détaillées. Art. 2. « Il y aura, de plus, un ou plusieurs fonctionnaires publics chargés d’exercer, concurremment avec les juges de paix des divers cantons, les fonctions de la police de sûreté. Art. 3. « Cette concurrence sera exercée par les capitaines et lieutenants de la gendarmerie nationale, sous l’exception portée en l’article 14 du titre V. Néanmoins, dans les villes où il y a plus d’un juge de paix établi, les officiers de gendarmerie ne pourront remplir ces fonctions de police, mais seulement celles qui sont attribuées à la gendarmerie nationale par l’article 1er de la seconde section du décret du 24 décembre 1790. Art. 4. « Les officiers de police auront le droit de faire agir la force publique pour l’exécution de leurs mandats. TITRE II. Du mandat d'amener et du mandat d'arrêt. Art. 1er. « L’ordre d’un officier de police de sûreté, pour faire comparaître les prévenus de crime ou délit, s’appellera mandat d’amener. Art. 2. « Le mandat d'amener sera signé de l’officier de police, et scellé de son sceau; le prévenu y sera nommé ou désigné le plus clairement qu’il sera possible; il contiendra l’ordre a’amener l’inculpé devant l’officier de police; il sera exécutoire par tout le royaume, aux conditions prescrites par les articles 9 et 10 du titre Y, et copie sera laissée à celui qui est désigné dans le mandat. Art. 3. « Si l’inculpé est trouvé hors de la résidence de l’officier de police, il sera conduit devant le juge de paix du lieu, lequel visera le mandat d'amener, mais sans pouvoir en empêcher l’exécution. Art. 4. « Aucun citoyen ne peut refuser de venir rendre compte aux officiers de police des faits qu’on lui imputent s’il refuse d’obéir, ou si, après avoir déclaré qu’il est prêt à obéir, il tente de s’évader, le porteur du mandat d’amener pourra employer la force pour le contraindre; mais il sera tenu d’en user avec modération et humanité. Art. 5. « Si l’officier de police desûreté, devant qui l’inculpé est amené, trouve, après l’avoir entendu, qu’il y a lieu à le poursuivre criminellement, il donnera ordre qu’il soit envoyé à la maison d’arrêt du tribunal du district : cet ordre s’appellera mandat d'arrêt. Art. 6. « Le mandat d'arrêt sera également signé et scellé de l’officier de police, lequel tiendra registre de tous ceux qu’il délivrera : il sera remis à celui qui doit conduire le prévenu en la maison d’arrêt, et copie en sera laissée à ce dernier. Art. 7. « Le mandat d'arrêt contiendra le nom du prévenu, et son domicile s’il l’a déclaré, ainsi que le sujet de l’arrestation; faute de quoi, le gardien de la maison d’arrêt ne pourra le recevoir, sous peine d’être poursuivi criminellement. Art. 8. « Aucun déposilaire de la force publique ne pourra entrer de force dans la maison d’un citoyen, sans un mandat de police ou ordonnance de justice. TITRE III. Fonctions générales de l’officier de police. Art. 1er. « Tous ceux qui auront connaissance d’un meurtre ou d’une mort dont la cause est inconnue ou suspecte, seront tenus d’en donner avis sur-le-champ à l’officier de police de sûreté du lieu, ou, à son défaut, au plus voisin, lequel se rendra incontinent sur les lieux. Art. 2. « Dans les cas énoncés en l’article précédent, l’inhumation ne pourra être faite qu’après que l’officier de police se sera rendu sur les lieux, accompagné d’un chirurgien ou homme de l’art, et aura dressé un procès-verbal détaillé du cadavre et de toutes les circonstances, en présence de 2 citoyens actifs; lesquels, ainsi que le chirurgien ou homme de l’art, signeront l’acte avec lui. Art. 3. « L’officier de police, assisté comme il vient d’être dit, entendra les parents, voisins ou domestiques du décédé, ou ceux qui se sont trouvés en sa compagnie avant son décès; il recevra sur-le-champ leurs déclarations, et les interpellera de les signer, ou de déclarer s’ils ne le savent faire . Art. 4. « L’officier de police pourra défendre que qui que ce soit ne sorte de la maison ou ne s’éloigne du lieu dans lequel le mort aura été trouvé; et ce, jusqu’à la clôture du procès-verbal et des déclarations. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 1791.J 697 Art. 5. « L’officier de police fera saisir sur-le-champ celui ou ceux qui seront prévenus d’avoir été les auteurs ou les complices du meurtre; et après avoir reçu leurs déclarations, il pourra délivrer des mandats d’arrêt contre eux, et les faire ccm-duire à la maison d’arrêt du tribunal du district. Art. 6. « En cas de meurtre ou de mort dont la cause est inconnue et suspecte, l’officier de police aéra personnellement tenu, sans attendre aucune réquisition, et sans y préjudicier, de commencer la poursuite, et de délivrer à cet effet les mandats nécessaires. TITRE IV. Lu flagrant délit. Art. 1er. « Lorsqu’un officier de police apprendra qu’il se commet un délit grave dans un lieu, ou que la tranquillité publique y aura été violemment troublée, il sera tenu de s’y transporter aussitôt, d’y dresser procès-verbal détaillé du corps du délit, quel qu’il soit, et de toutes ses circonstances; enfin, de tout ce qui peut servir à conviction ou à décharge. Art. 2. « En cas de flagrant délit, ou sur la clameur publique, l’officier de police fera saisir et amener devant lui les prévenus, sans attendre les déclarations des témoins; et si les prévenus ne peuvent être saisis, il délivrera un mandat d’amener pour les faire comparaître devant lui. Art. 3. « Tout dépositaire de la force publique, et même tout citoyen, sera tenu de s’employer pour saisir un homme trouvé en flagrant délit, ou poursuivi par la clameur publique, comme coupable d’un délit, et l’amener devant l’officier de police le plus voisin. Art. 4. « Tout dépositaire de la force publique, et même tout citoyeu, pourra conduire devant l’officier de police un homme fortement soupçonné d’être coupable d’un délit déjà dénoncé, comme dans le cas où il serait trouvé saisi des effets volés ou d’instruments servant à faire présumer qu’il est auteur du délit, sauf à être responsables s’ils ont agi méchamment et par envie de nuire. Art. 5. « L’officier de police recevra les éclaircissements donnés par le prévenu; et s’il les trouve suffisants pour détruire les inculpations formées contre lui, il ordonnera qu’il soit remis sur-le-champ en liberté. Art. 6. « Si le prévenu n’a pas détruit les inculpations, il en sera usé à son égard ainsi qu’il sera statué ci-après. TITRE V. Le la dénonciation du tort personnel , ou de la plainte. Art. 1er. « Tout particulier qui se prétendra lésé par le délit d’un autre particulier pourra porter ses plaintes à la police, devant un juge de paix ou un des officiers de gendarmerie désignés plus haut. Art. 2. « La dénonciation du tort personnel, ou la plainte, pourra être rédigée par la partie ou son fondé de procuration spéciale, ou par l’officier de police, s’il en est requis : la procuration sera toujours annexée à la plainte. Art. 3. « La plainte sera signée à chaque feuillet par l’officier de police ; elle sera également signée et affirmée par celui qui l’aura faite, ou par son fondé de procuration spéciale ; il sera fait mention expresse de la signature de la partie, ou de sa déclaration de ne pouvoir signer, à peine de nullité de la plainte. Art. 4. « Les plaintes seront écrites de suite, et sans aucun blanc, sur un registre tenu à cet effet. La date y sera toujours exprimée. Art. 5. « Celui qui aura porté plainte aura 24 heures pour s’en désister; auquel cas, elle sera biffée et anéantie 8 jours après, à moins que l’officier de de police n’ait jugé convenable de la prendre pour dénonciation ; ce qu’il sera tenu de faire dans tous les délits qui intéressent le public. Art. 6. L’officier de police qui aura reçu la plainte recevra également la déposition des*témoins produits par l’auteur de cette plainte : il sera aussi tenu d’ordonner que les personnes et lieux seront visités, et qu’il en sera dressé procès-verbal toutes les fois qu’il s’agira d’un délit dont les traces peuvent être constatées. Art. 7. Dans le cas où l’officier de police qui a reçu la plainte est celui du lieu du délit ou de la résidence momentanée du prévenu, il pourra, d’après les charges, délivrer un mandat d'amener contre le prévenu, pour l’obliger à comparaître, et à lui fournir des éclaircissements sur le fait qu’on lui impute. Art. 8. « Néanmoins, en vertu du mandat d'amener, le prévenu ne pourra être contraint à venir qu’autant qu’il sera trouvé dans les 2 jours de la date du mandat, à quelque distance que ce puisse être; ou, passé les 2 jours, s’il est trouvé dans la distance de 10 lieues du domicile de l’officier qui l’a signé. 698 [Assemblé© nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 1191.} Art. 9. « Si, après les 2 jours, le prévenu est trouvé au delà des 10 lieues, il en sera sur-le-champ donné avis à l’officier de police qui aura signé le mandat; et suivant l’ordre qui y sera porté, il sera gardé à vue ou mis en état d’arrestation, ' en faisant viser le mandat par l’officier de police du lieu, jusqu’à ce que le juré ait prononcé s’il y a lieu ou non à acusation à son égard. Art. 18. « Pour cet effet, 4 jours après la délivrance du mandat d'amener , si le prévenu n’a pas comparu devant l’officier qui l’a signé, celui-ci enverra copie de la plainte et des déclarations des témoins, au greffe du tribunal du district du lieu du délit, pour y être procédé ainsi qu’il sera prescrit ci-après. Art. 11. « Si, néanmoins, le prévenu est trouvé saisi des effets volés ou d’instruments servant à faire présumer qu’il est auteur du délit, il sera amené sur-le-champ devant l’officier de police qui aura signé le mandat d’amener , quels que soient la distance et le délai dans lequel il aura été saisi. Art. 12. « Dans le cas où le mandat d’amener aura été rendu contre un quidam , s’il est arrêté dans les 2 jours ou dans les 10 lieues, il sera amené aussitôt devant l’officier de police qui l’a signé ; et si, passé les 2 jours, il est arrêté au delà de 10 lieues, il en sera donné avis à l’officier de police, ainsi que de son nom et de son domicile, s’il l’a déclaré. Les 4 jours pour envoyer la procédure au greffe du district ne commenceront que de cette époque. Art. 13. « Enfin, dans le cas où l’officier de police qui a reçu la plainte n’est ni celui du lieu du délit, ni celui de la résidence du prévenu, il sera tenu de renvoyer l’affaire, avec toutes les pièces, devant le juge de paix du lieu du délit pour qu’il soit déterminé par celui-ci s’il y a lieu ou non à délivrer le mandat d'amener. Art. 14. « Si la plainte a été portée devant un des officiers de gendarmerie nationale ci-dessus désignés, il pourra délivrer le mandat d’amener, mais devant le juge de paix de la résidence du prévenu, ou du lieu du délit, lequel juge de paix pourra seul donner, s’il y a lieu, le mandat d'arrêt , qui sera également signé de l’officier de gendarmerie. Art. 15. « Les déclarations des témoins seront faites et reçues par écrit devant l’officier de police, mais en présence du prévenu, s’il est arrêté. Art. 16. « Lorsque le prévenu comparaîtra devant l’officier de police, il sera examiné sur-le-champ, ou au plus tard dans les 24 heures ; et s’il résulte des éclaircissements qu’il n’y a aucun sujet d’inculpation contre lui, l’officier de police le renverra en liberté. Art. 17. « Lorsque le prévenu ne donnera pas les éclaircissements pour détruire les inculpations, alors si le délit est de nature à mériter peine afflictive, l’officier de police, soit celui du lieu du délit, soit celui de la résidence du prévenu, délivrera un mandat d’arrêt pour le faire conduire à la maison d’arrêt du district du lieu du délit. Art. 18. « Si le délit est de nature à mériter une peine infamante, l’officier de police délivrera également. un mandat d’arrêt contre le prévenu, à moins qu’il ne fournisse une caution suffisante de se représenter lorsqu’il en sera besoin; auquel cas, il sera laissé à la garde de ses amis qui l’auront cautionné. Art. 19. « Si le délit n’est pas de nature à mériter une peine afflictive ou infamante, il ne pourra être donné de mandat d’arrêt contre le prévenu ; mais celui qui a porté plainte à la police sera renvoyé à se pourvoir par la voie civile. Art. 20. « Le refus de l’officier de police, de délivrer un mandat d’amener ou un mandat d’arrêt contre un prévenu, n’étant qu’une décision provisoire de police, celui qui a porté sa plainte pourra se pourvoir ultérieurement, ainsi qu’il sera prescrit ci-après. Lorsque l’officier de police aura refusé de délivrer le mandat , la partie plaignante ou dénonciatrice pourra exiger de lui un acte portant le refus. TITRE VI. De la dénonciation civique. Art. 1er. « Tout homme qui aura été témoin d’un attentat, soit contre la liberté et la vie d’un autre homme, soit contre la sûreté publique ou individuelle, sera tenu d’en donner aussitôt avis à l’officier de police d.u lieu du délit. Art. 2. « L’officier de police demandera au dénonciateur s’il est prêt ou non à signer et affirmer sa dénonciation. Art. 3. « Si le dénonciateur signe la dénonciation et l’affirme, l’officier de police sera tenu d’ordonner, aux témoins qu’il indiquera, de venir faire devant lui leur déclaration. Art. 4. « Sur cette déclaration, le dénonciateur pourra demander à l’officier de police un mandat d’amener contre le prévenu. Art. 5. « Il sera observé, à l’égard de la dénonciation civique, ce qui est porté dans les articles 4, 5, 7, [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 1191.] 090 •8, 9, 10, 11, 13, 14 du titre de la dénonciation, du tort personnel ou de la plainte. Art. 6. « Si les éclaircissements donnés ne détruisent pas l’inculpation, l’officier de police sera tenu de délivrer un mandat d’arrêt contre le prévenu, ou il le recevra à caution, si le délai n’est pas de nature à emporter peine afflictive. Art. 7. « Si les éclaircissements donnés détruisent l’inculpation, l’officier de police renverra le dénoncé en liberté, sauf au dénonciateur à présenter son accusation au tribunal de district, ainsi cfu’il sera prescrit plus bas, et sauf au dénoncé à se pourvoir en dommages et intérêts. Art. 8. « Si le dénonciateur refuse de signer et d’affirmer sa dénonciation, l’officier de police ne sera pas tenu d’y avoir égard : il pourra néanmoins, d’office, prendre connaissance des faits, entendre les témoins, délivrer un mandat d’amener contre le prévenu ; et s’il y a lieu, un mandat d’arrêt, sauf, dans ce cas, à en être personnellement responsable s’il est prouvé qu’il ait agi méchamment et avec envie de nuire. De la justice criminelle et de V institution des jurés. TITRE 1er. De la ■procédure devant le tribunal du district, et du juré d’accusation. Art. 1er. « Il sera désigné, dans chaque tribunal, un des juges pour remplir dans les matières criminelles les fonctions qui vont être détaillées. Eu cas d’absence ou d’empêchement, ce juge sera remplacé par celui qui le suit dans l’ordre du tableau. Art. 2. « Ce juge s’appellera directeur du juré ; il sera pris à tour de rôle, tous les 6 mois, parmi les membres composant le tribunal, le président excepté. Art. 3. « Celui qui, sur le mandat d’arrêt d’un officier de police, aura fait au gardien de la maison d’arrêt remise du prévenu, en prendra reconnaissance ; il remettra les pièces au greffier du tribunal, et en prendra pareillement reconnaissance : il rapportera à l’officier de police ces deux actes visés dans le jour par le directeur du juré. Art. 4. Aussitôt* après avoir délivré son visa, ou au plus tard dans les 24 heures, le directeur du juré examinera les pièces remises, pour vérifier si l’inculpation est de nature à être présentée au juré : il pourra même à cet effet entendre le prévenu. Art. 5. « Aucun acte d’accusation ne pourra être présenté au juré, que pour un délit emportant peine afflictive ou infamante. Art. 6. « Danslecas où il n’ya pointée partieplaignante ou dénonciatrice, soit que l’accusé soit présent on non, si le directeur du juré trouve, par la nature du délit, que l’accusation ne doit pas être présentée au juré, il assemblera dans les 24 heures le tribunal, lequel prononcera sur cette question, après avoir entendu le commissaire du roi. Art. 7. « Si, dans le même cas, il trouve que, par la nature du délit, l’accusation doit être présentée au juré, ou si, contre son opinion, le tribunal l’a décidé ainsi, il dressera l’acte d’accusation. Art. 8. « Dans le cas où il y a une partie plaignante ou dénonciatrice, le directeur du juré ne pourra ni dresser l’acte d’accusation, ni porter au tribunal la question mentionnée en l’article 6, si ce n’est après 2 jours révolus depuis la remise du prévenu en la maison d’arrêt, ou des pièces au greffe du tribunal ; mais, ce délai passé sans que la partie ait comparu, il sera tenu d’agir ainsi qu’il est prescrit par les articles précédents. Art. 9. Lorsqu’il y aura une partie plaignante ou dénonciatrice, et qu’elle se présentera au directeur du juré par elle-même ou par un fondé de procuration spéciale, dans le susdit délaide 2 jours, l’acte d’accusation sera dressé de concert avec elle. Art. 10. « Si le directeur du juré et la partie ne peuvent s’accorder soit sur les faits, soit sur la nature de l’accusation, chacun d’eux pourra rédiger séparément son acte d’accusation. Art. 11. « Si le directeur du juré ne trouve pas le délit de nature à être présenté au juré, la partie pourra néanmoins dresser seule son acte d’accusation. Art. 12. « Celui qui aura porté sa plainte ou dénonciation à l’officier de police pourra, sur son refus constaté de délivrer un mandat d’amener ou un mandat d’arrêt, présenter directement son accusation au juré du district au lieu du délit. Art. 13. « Les actes d’accusation seront toujours communiqués au commissaire du roi avant d’être présentés au juré : si le commissaire du roi trouve que, d’après la loi, le délit est de nature à mériter peine afflictive ou infamante, il exprimera son adhésion par ces mots : La loi autorise. Au cas contraire, il exprimera son opposition par ceux-ci : La loi défend ; dans ce dernier cas, la question pourra être portée au tribunal de district, qui la décidera dans les 24 heures. Art. 14. « Dans tous les cas où le corps du délit aura pu être constaté par un procès-verbal, il sera 700 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 1791. J joint à l’acte d’accusation, pour être présenté conjointement au juré, à peine de nullité de l’acte d’accusation. Art. 15. « L’acte d’accusation contiendra le fait et toutes ses circonstances : celui ou ceux qui en font l’objet y seront clairement désignés et dénommés; la nature du délit y sera déterminée aussi précisément qu’il sera possible ; il sera dit qu’il a été commis méchamment et à dessein. Art. 16. « Les témoins qui n’auront pas fait leur déclaration devant l’officier de police la feront devant le directeur du juré; ces déclarations seront reçues par écrit avant que les témoins soient examinés de vive-voix par le juré d’accusation. Art. 17. « Dans tous les cas ci-dessus énoncé3, s’il résulte un ou plusieurs actes d’accusation, le directeur du juréiera assembler les jurés dans la forme qui sera déterminée au titre X. Art. 18. « Les jurés étant assemblés au jour indiqué, le directeur du juré leur fera prêter d’abord, en présence du commissaire au roi, le serment suivant : « Citoyens, « Vous jurez et promettez d’examiner avec attention les témoins et pièces qui vous seront présentés, et d’en garder le secret; vous vous expliquerez avec loyauté sur l’acte d’accusation qui va vous être remis : vous ne suivrez ni les mouvements de la haine et de la méchanceté, ni ceux de la crainte ou de l’affection. » Art. 19. « Le directeur du juré exposera aux jurés l’objet de l’accusation, et leur expliquera avec clarté et simplicité les fonctions qu’ils ont à remplir: les pièces de la procédure leur seront remises, à l’exception de la déclaration écrite des témoins. Art. 20. « Les pièces seront lues d’abord, ensuite les témoins produits seront entendus de vive-voix, ainsi que la partie plaignante ou dénonciatrice si elle est présente; cela fait, le directeur du juré se retirera et laissera les jurés délibérer entre eux. Art. 21. « Le plus ancien d’âge sera leur chef, les présidera, et sera chargé de recueillir les voix. Art. 22. « Si les jurés trouvent que l’accusation doit être admise, leur chef mettra au bas de l’acte cette formule affirmative: La déclaration du juré est : Oui, il y a lieu. S’ils trouvent que l’accusation ne doit pas être admise, il mettra au bas de l’acte cette formule négative : La déclaration du juré est : Non, il n’y a PAS LIEU. Art. 23. « Dans le cas mentionné en l’article 10, où le directeur du juré et la partie plaignante ou dénonciatrice auraient présenté chacun un acte d’accusation séparé, les jurés détermineront celle des deux accusations qui doit avoir lieu, en mettant au bas de l’acte la formule affirmative, et au bas de l’autre acte la formule négative; et, si aucune des deux accusations ne leur paraît devoir être admise, leur chef mettra la formule négative au bas des deux actes. Art. 24. « S’ils estiment qu’il y a lieu à une accusation, mais différente de celle qui est portée dans l’acte ou dans les actes d’accusation, le chef du juré mettra au bas : La déclaration du juré est : Il n’y A PAS LIEU A LA PRÉSENTE ACCUSATION. Art. 25. « Dans ce cas, le directeur du juré pourra, sur les déclarations écrites des témoins, et sur les autres renseignements, dresser un nouvel acte d’accusation. Art. 26. « Dans tous les cas, les déclarations des jurés seront signées par leur chef, et remises par lui, en leur présence, au directeur du juré, lequel en dressera un acte. Art. 27. <• Le nombre de 8 jurés sera absolument nécessaire pour former un juré d’accusation, et la majorité des suffrages pour déterminer qu’il y a lieu à accusation. Art. 28. « Si les jurés prononcent qu’il n’y a pas lieu à accusation, le prévenu sera mis en liberté, et ne pourra plus être poursuivi à raison du même fait, à moins que sur de nouvelles charges il ne soit présenté un nouvel acte d’accusation. Art. 29. « Lorsque le juré d’accusation aura déclaré qu’il y a lieu à accusation, le directeur du juré rendra sur-le-champ une ordonnance de prise de corps contre l’accusé, d’après laquelle, s’il n’est pas déjà arrêté, il sera saisi en quelque lieu qu’il soit trouvé, et amené devant le tribunal criminel. Art. 30. « S’il n’échoit pas peine afflictive, mais infamante, et que le prévenu n’ait pas déjà été reçu à caution, le directeur du juré rendra contre lui une ordonnance de prise de corps, sauf à l’accusé à demander sa liberté, laquelle lui sera accordée en donnant caution. Art. 31. « Si, au contraire, le prévenu a déjà été reçu à caution, l'ordonnance contiendra seulement l’injonction à l’accusé de paraître à tous les actes de la procédure, et d’élire domicile dans le lieu du tribunal criminel, le tout à peine d’y être contraint par corps. Art. 32. « Le nom de l’accusé, ainsi que sa désignation et son domicile, s’il est connu, seront marqués. 701 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 1791.] précisément dans l’ordonnance de prise de corps; elle contiendra en outre la copie de l’acte d’accusation, ainsi que l’ordre de conduire directement l’accusé en la maison de justice du tribunal criminel. ' Art. 33. « Dans tous les cas il sera donné copie à l’accusé, tant de l’ordonnance de prise de corps, ou à l’effet de se représenter, que de l’acte draccu-sation. Art. 34. « Si, sur l’ordonnance de prise de corps, Tac: cusé ne peut être saisi, l’on procédera contre lui ainsi qu’il sera dit au titre des contumaces. Art. 35. « Lorsque le juré d’accusation aura déclaré qu’il n’y a pas lieu à accusation, le directeur du juré en donnera avis sans délai, à l’officier de police qui a délivré le mandat d’amener, alin que dans le cas mentionné dans l’article 9 du titre 5 de la police, il fasse cesser sur-le-champ toute poursuite ou détention du prévenu. Art. 36. « Il en sera de même si le tribunal de district avait jugé que l’accusation n’est pas de nature à être présentée au juré, sauf à prendre, s’il y a lieu, les formes qui sont indiquées dans la police correctionnelle. TITRE II. Formation du tribunal criminel. Art. 1er. « Il y aura un tribunal criminel par chaque département. Art. 2. « Ce tribunal est composé d’un président et de 3 juges, pris chacun tous les 3 mois, et par tour, dans les tribunaux de districts, le président excepté. Art. 3. « Il y aura près du tribunal criminel un accusateur public, un commissaire du roi et un greffier. Art. 4. « Le président du tribunal criminel, l’accusateur public et le greffier seront nommés par les électeurs du département. Art. 5. « L’accusateur public sera nommé à la prochaine élection pour 4 ans seulement, et à la suivante pour 6 années : le président sera nommé pour 6 années; l’un et l’autre pourront être réélus : le greffier sera à vie, le tout conformément à la loi du 29 mai 1791. TITRE III. Fonctions particulières du président. Art. 1er. « Le président, outre les fonctions de juge, est chargé d’entendre l’accusé au moment de son arrivée, de faire tirer au sort les jurés, et de les convoquer : il pourra néanmoins déléguer ces fonctions à l’un des juges : il est chargé personnellement de diriger les jurés dans l’exercice des fonctions qui leur sont assignées par la loi, de leur exposer l’affaire, même de leur rappeler leur devoir : il présidera à toute l’instruction, déterminera l’ordre entre ceux qui demanderont à parler, et aura la police de l’auditoire. Art. 2. « Le président du tribunal criminel peut prendre sur lui de faire ce qu’il croira utile pour découvrir la vérité, et la loi charge son honneur et sa conscience d’employer tous ses efforts pour en favoriser la manifestation. TITRE IV. Fonctions de l'accusateur public. Art. 1er. « L’accusateur public est chargé de poursuivre les délits sur les actes d’accusation admis par les premiers jurés, et il ne peut porter au tribunal aucune autre accusation à peine de forfaiture. « Lorsque l’accusateur public aura reçu une dénonciation du pouvoir exécutif, ou du tribunal criminel ou d’un commissaire du roi, il la transmettra aux officiers de police, et veillera à ce qu’elle soit poursuivie par les voies et suivant les formes ci-dessus établies. « La dénonciation du pouvoir exécutif ne pourra être transmise à l’accusateur public que par l’intermédiaire du commissaire du roi. Art. 2. « L’accusateur public aura la surveillance sur tous les officiers de police du département; en cas de négligence de leur part, il les avertira; en cas de faute plus grave, il les déférera au tribunal criminel, lequel, selon la nature du délit, prononcera les peines correctionnelles déterminées par la loi. Art. 3. « Si d’office, ou sur la plainte ou dénonciation d’un particulier, l’accusateur public trouve qu'un officier de police est dans le cas d’être poursuivi pour prévarication dans ses fonctions, il décernera contre lui le mandat d’amener, et s’il y a lieu, il donnera au directeur du juré la notice des faits, les pièces, et la déclaration des témoins, au cas qu’il en ait reçu, pour que celui-ci dresse l’acte d’accusation et le présente au juré dans la forme ci-dessus prescrite. TITRE V. Des fonctions du commissaire du roi. Art. 1er. « Dans tous les procès criminels, soit au tribunal de district, soit au tribunal criminel, le commissaire du roi sera tenu de prendre communication de toutes les pièces et actes, et d’assister à l’examen et au jugement. 702 [Assemblée nationale-! ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [16 septembre 1791. Art. 2. « Le commissaire du roi pourra toujours faire aux juges, au nom de la loi, toutes les réquisitions qu’il jugera convenables, desquelles il lui sera délivré acte. Art. 3. « Lorsque le directeur du juré, ou le tribunal criminel, n’auront pas jugé à propos de déférer à la réquisition du commissaire du roi, l’instruction ni le jugement n’en pourront être ni arrêtés ni suspendus, sauf au commissaire du roi du tribunal criminel à se pourvoir en cassation après le jugement, ainsi qu’il va être détaillé ci-après. Art. 4. « Si néanmoins quelque affaire de la nature de celles qui sont réservées au Corps législatif était présentée au tribunal criminel, le commissaire du roi sera tenu d’en requérir la suspension et le renvoi au Corps législatif, et le président de l’ordonner, à peine de forfaiture. TITRE VI. Procédure devant le tribunal criminel. Art. 1er. « Nul homme ne peut être poursuivi devant le tribunal criminel, et jugé que sur une accusation reçue par un juré, composé de 8 citoyens. Art. 2. « Si le juré a déclaré qu’il y a lieu à accusation, le procès et l’accusé, dans le cas où il sera détenu, seront envoyés par les ordres du commissaire du roi au tribunal criminel du département, et ce dans les 24 heures de la signification qui aura été faite à l'accusé de l’ordonnance de prise de corps. Art. 3. « Néanmoins, dans les deux cas ci-après, savoir si le juré d’accusation est celui du lieu où est établi le tribunal criminel, ou si l’accusé est domicilié dans le district où siège le tribunal, l’accusé aura le droit de demander à être jugé par l'un des tribunaux criminels des deux départements les plus voisins. Art. 4. « L’accusé ne pourra cependant exercer ce droit qu’autaut que le tribunal criminel qu’il est autorisé à décliner, dans les deux cas ci-dessus, se trouve établi dans une ville au-dessous de 40,000 âmes. Art. 5. « Lorsque l’accusé se trouvera dans l’un des deux cas mentionnés dans l’article 3 ci-dessus, l’ordonnance de prise de corps, après avoir énoncé l’ordre de le conduire dans la maison de justice du tribunal criminel du département, dénommera en outre les tribunaux criminels les plus voisins entre lesquels l’accusé pourra opter. Art. 6. « Dans les cas mentionnés ci-dessus, si l’accusé est détenu dans la maison d’arrêt, il notifiera au greffe son option dans les 24 heures de la signification qui lui aura été faite de l’acte-d’accusation, passé lequel temps il sera envoyé à la maison de justice, soit du tribunal direct, soit de celui qu’il aura choisi. S’il y a plusieurs accusés qui ne puissent s’accorder sur le tribunal, il sera tiré au sort entre eux. Art. 7. « Si, dans les mêmes cas, l’accusé n’avait pu être saisi sur le mandat d’amener de l’officier de police, mais seulement en vertu de l’ordonnance de prise de corps, il sera conduit, par celui qu en est porteur, devant Je juge de paix du lieu où il sera trouvé, pour y passer la déclaration de l’opposition dont il vient d’être parlé, ou de son refus de la faire, de laquelle déclaration le juge de paix gardera minute, et délivrera expédition au porteur de l’ordonnance. Art. 8. « Le porteur de l’ordonnance, après avoir remis T’accusé dans la maison de justice du tribunal direct, ou de celui qn’il aura choisi, remettra également au greffe la déclaration de l'accusé, ainsi que l’ordonnance de prise de corps. Art. 9. « Le greffier donnera connaissance de ces deux actes à l’accusateur pablic ; et si le tribunal que l'accusé a préféré n’est pas le tribunal direct, l’accusateur public fera notifier ces actes au greffe du tribunal du district où l’accusation a été reçue; et sur la réquisition qu’il en fera par l’acte même de notification, les pièces lui seront aussitôt renvoyées. Art» 10. « Dans tous les cas, 24 heures au plus tard après son arrivée et la remise des pièces au greffe, l’accusé sera entendu par le président ou par l’un des juges qu’il commettra à cet effet, en présence de l’accusateur public. Le greffier tiendra note de ses réponses, laquelle sera remise au président. Art. 11. « Les notes de l’interrogatoire, ainsi que les éclaircissements par écrit qui auront été pris par les officiers de police et le directeur du juré, seront envoyées au greffe du tribunal criminel, et remises au président, lequel en donnera connaissance à l’accusateur public : le tout, pour servir de renseignements seulement. Art. 12. « Si l’accusateur public ou la partie produisent des témoins nouveaux, leurs dépositions seront faites et reçues par écrit par le président ou par le juge qu’il commettra à cet effet : il en sera de même à l’égard de ceux qui sont produits par l'accusé, le tout sans préjudice des témoins que l’accusé pourra toujours faire entendre lors de l’examen : ces nouvelles dépositions, ainsi que les anciennes, seront toutes remises au président , pour servir de renseignements seulement. Art. 13. « Tout accusé pourra faire choix d’un ou deux amis pour l’aider et lui servir de conseil dans sa défense, sinon le président lui en désignera un ; mais les conseils ne pourront jamais communiquer avec l’accusé, que lorsqu’il aura été entendu. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septempre 1791.] 703 Art. 14. « Les témoins seront tenus de comparaître sur l’assignation qui leur sera donnée, sous peine d’amende et de contrainte par corps, lesquelles peines seront prononcées par les officiers de police, tribunal de district ou tribunal criminel, devant lesquels les témoins auront été assignés pour déposer, à moins qu’ils ne présentent une excuse, laquelle sera jugée par le tribunal qui l’aura assigné. ' Art. 15. « Chaque témoin qui demandera une indemnité sera taxé, par l’officier qui l’aura fait assigner, suivant un tarif uniforme qui sera dressé à cet effet par les directoires de département. Art. 16. « Les témoins pourront néanmoins être entendus dans le débat, quoiqu’ils n’aient pas été assignés ni reçus à déposer préalablement par écrit. Art. 17. « Le 1er de chaque mois, le président du tribunal criminel fera former le tableau des jurés de la manière qu’il sera dit au titre XI. Art. 18. « Le 15 de chaque mois, s’il y a quelque affaire à juger, le juré de jugement s’assemblera sur la convocation qui en sera faite le 5 du même mois. Art. 19. « L’accusateur public sera tenu, aussitôt après l’interrogatoire, de faire ses diligences de manière que l’accusé puisse être jugé à la première assemblée du juré, qui suivra son arrivée. Art. 20. « Si l’accusateur public ou l’accusé ont des motifs de demander que l’affaire ne soit pas portée à la première assemblée du juré, ils présenteront leur requête en prorogation de délai au tribunal criminel, lequel décidera si cette prorogation doit ou non être accordée. Art. 21. « Si le tribunal criminel juge qu’il y a lieu d’accorder la demande, ce délai ne pourra être néanmoins prorogé au delà de l’assemblée des jurés, qui aura lieu le 15 du mois suivant. Art. 22. « La requête en prorogation de délai sera présentée avant le 5 de ce mois, époque de la convocation du juré. Art. 23. « Le nombre de 12 jurés sera absolument nécessaire pour former un juré de jugement. Art. 24. « Le président, en présence du public, du commissaire du roi, de l’accusateur et de l’accusé, fera prêter à chaque juré séparément, le serment suivant : « Citoyen, « Vous jurez et promettez d’examiner, avec l’attention la plus scrupuleuse, les charges portées contre un tel..., de n’en communiquer avec personne, jusqu'après votre déclaration; de n’écouter ni la haine ou la méchanceté, ni la crainte ou l’affection; de vous décider d’après les charges et moyens de défense, et suivant votre conscience et votre intime conviction, avec l’impartialité et la fermeté qui conviennent à un homme libre. » Art. 25. « Le serment prêté, les jurés prendront place tous ensemble sur des sièges séparés du public et des parties, et ils seront placés en face de l’accusé et des témoins. TITRE Vif. De l'examen et de la conviction. Art. 1er. « En présence des juges, de l’accusateur public, du commissaire du roi, des jurés et du public, l’accusé comparaîtra à la barre, libre et sans fers : le président lui dira qu’il peut s’asseoir, lui demandera son nom, âge, profession et demeure, dont il sera tenu note par le greffier. Art. 2. « Le président avertira l’accusé d’être attentif à tout ce qu’il va entendre; il ordonnera au greffier de lire l’acte d’accusation, après quoi, il dira à l’accusé : « Voilà de quoi l’on vous accuse : vous allez entendre les charges qui seront produites contre vous. » Art. 3. « L’accusateur public exposera Je sujet de l’accusation, il fera entendre ses témoins, ainsi que la partie plaignante, s’il y en a; les témoins, avant de déposer, prêteront serment de parler sans haine et sans crainte , de dire la vérité, toute la vérité , rien que la vérité. Art. 4. « La liste des témoins qui doivent déposer, sera notifiée à l’accusé, 24 heures au moins avant l’examen. Art. 5. « L’examen des témoins sera toujours fait de vive voix et sans que leurs dépositions soient écrites. Art. 6. « Après chaque déposition, le président demandera à l’accusé s’il veut Tépondre à ce qui vient d’être dit contre lui ; l’accusé pourra, ainsi que ses amis ou conseils, dire, tant contre les témoins que contre leur témoignage, ce qu’il jugera utile à sa défense. Art. 7. « Le témoin sera toujours tenu de déclarer d’abord si c’est de l’accusé présent qu’il entend parler et s’il connaissait l’accusé avant le fait qui adonné lieu à l'accusation. Art. 8. « Il sera demandé au témoin s’il est parent, allié, serviteur et domestique d’aucuoe des parties. 704 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 1791.] Art. 9. « Lorsque les témoins de l’accusateur public et de la partie plaignante, s’il y en a, auront été entendus, l’accusé pourra faire entendre les siens ; l’accusateur public ou la partie plaignante pourront également s’adresser au président pour les questionner et dire sur eux, ou leur témoignage, tout ce qu’ils jugeront nécessaire. Art. 10. « Les témoins ne pourront jamais s’interpeller entre eux. Art. 11. « Les témoins seront entendus séparément : néanmoins, l’accusé pourra par lui-même, ou par ses amis ou conseils, demander qu’ils soient entendus en présence les uns des autres; il pourra demander encore, après qu’ils auront déposé, que ceux qu’il désignera se retirent de l’auditoire et qu’un ou plusieurs d’entre eux soient introduits et entendus de nouveau, séparément, ou en présence les uns des autres. Art. 12. « L’accusateur public aura la même faculté à l’égard des témoins produits par l’accusé. Art. 13. « Les conseils prêteront serment de n’employer que la vérité dans la défense des accusés, et seront tenus de s’exprimer avec décence et modération. Art. 14. « L’accusé pourra faire entendre des témoins pour attester qu’il est homme d’honneur, et d’une conduite irréprochable; les jurés auront tel égard que de raison à ce témoignage. Art. 15. « Ne pourront être entendus en témoignage les ascendants consre leurs descendants et réciproquement, les frères et sœurs contre leurs frères et sœurs, un mari contre sa femme, ou une femme contre son mari, et les alliés au même degré. Art. 16. « Pendant l’examen, les jurés et les juges pourront prendre note de ce qui leur paraîtra important, pourvu que la discussion n’en soit pas interrompue. Art. 17. « Tous les effets trouvés lors du délit ou depuis, pouvant servir à conviction, seront représentés à l’accusé, et il lui sera demandé de répondre personnellement s’il les reconnaît. Art. 18. « A la suite des dépositions, l’accusateur public sera entendu, la partie plaignante pourra demander à faire des observations; l’accusé ou ses amis pourront leur répondre. Art. 19. « Le président résumera l’affaire, fera remarquer aux jurés les principales preuves pour et contre l’accusé; il terminera en leur rappelant avec simplicité les fonctions qu’ils ont à remplir, et en posant nettement les diverses questions qu’ils doivent décider relativement au fait, à son auteur et à l’intention. Art. 20. « Le président dira aux jurés qu’ils doivent d’abord déclarer si le fait de l’accusation est constant ou non, ensuite si un tel qui est accusé, est ou non convaincu de l’avoir commis. Art. 21. « Le président posera ensuite les questions relatives à l’intention, résultant de l’acte d’accusation, ou qu’il jugera résulter de la défense de l’accusé, ou du débat; il disposera ces questions, suivant l’ordre dans lequel elles doivent être décidées, en commençant par les plus favorables à l’accusé; il les remettra par écrit au chef des jurés, lesquels seront tenus d’y délibérer. Art. 22. « Le président ordonnera aux jurés de se retirer dans leur chambre; ils y resteront sans. pouvoir communiquer avec personne ; le premier inscrit sur le tableau sera leur chef. Art. 23. « Lorsque les jurés se trouveront en état de donner leurs déclarations, ils feront avertir le président, qui commettra l’un des juges, lequel, avec le commissaire du roi, passera dans la chambre du conseil, où le chef du juré se rendra pareillement; les jurés successivement, et en l’absence les uns des autres, feront chacun devant eux leurs déclarations particulières de la manière qui va être expliquée. Art. 24. « Chaque juré, en commençant par leur chef, donnera d’abord sa déclaration sur le fait pour décider si le fait porté dans l’acte d’accusation, est constant ou non; si cette première déclaration est affirmative, il en fera sur-le-champ une seconde sur l’accusé, pour déclarer s’il est, ou non, convaincu. Art. 25. « Ceux des jurés qui auront déclaré que le fait n’est pas constant, n’auront pas d’autre déclaration à faire, et leurs voix seront comptées en faveur de l’accusé pour les déclarations suivantes. Ceux qui, ayant trouvé le fait constant, auront déclaré que l’accusé n’en est pas convaincu, n’auront aucune autre déclaration à faire, et leurs voix seront également comptées en faveur de l’accusé pour les déclarations qui pourront suivre. Art. 26. « Ceux des jurés dont les premières déclarations auront été affirmatives en feront une troisième, relative à l’intention, sur les questions posées par le président. Art. 27. « Dans les délits qui renferment des circonstances indépendantes entre elles, tels que dans une accusation de vol, pour savoir s’il a été commis de nuit, avec effraction, par une personne domestique avec récidive, le président posera séparément ces diverses questions, et il sera fait sur chacune d’elles une déclaration distincte et séparée par tous ceux des jurés qui auront fait une déclaration affirmative sur le fait de l’accusation et sur l’auteur. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 1*791.] 705 Art. 28. « L’opinion de 3 jurés suffira toujours en faveur de l’accusé, soit pour décider que le fait n’est pas constant, soit que l’accusé n’est pas convaincu, soit pour décider en sa faveur les questions relatives à l’instruction, posées par le président. Art. 29. « Chaque juré prononcera les diverses déclarations ci-dessus dans la forme suivante ; il mettra la main sur son cœur et dira : Sur mon honneur ei ma conscience , le fait est constant , ou: le fait ne me parait pas constant; l'accusé est convaincu ou : l'accusé ne me parait pas convaincu. La même forme sera observée dans les autres déclarations. Art. 30. « Pour constater les diverses déclarations, des boîtes blanches, et des boîtes noires seront placées sur le bureau de la chambre du conseil : les boîtes blanches serviront pour exprimer que le fait n'est pas constant , que l'accusé n'est pas convaincu et la décision favorable à l’accusé sur les questions relatives à l’intention, posées par le président. Art. 31. « Après chacune de ses déclarations, chaque juré, en témoignage de son opinion qu’il aura prononcée à haute voix, déposera ostensiblement dans les boîtes, des boules d’une couleur semblable. Art. 32. « Cela fait, les jurés seront appelés, et en leur présence, il sera fait ouverture des boîtes; les boules seront comptées, les déclarations partielles seront rassemblées, pour former la déclaration générale du juré. Art. 33. «Les jurés rentreront dans l’auditoire, elaprès avoir repris leurs places, le président leur demandera si un tel est convaincu d’avoir, etc., etc., le chef du juré dira : Sur mon honneur et ma conscience la déclaration du juré est : UN TEL n’est pas convaincu, ou bien :'un tel est convaincu. Un TEL EST CONVAINCU D’AVOIR, ETC., MAIS INVOLONTAIREMENT, OU POUR LA LÉGITIME DÉFENSE DE SOI OU D’AUTRUI, ETC. Art. 34. « La déclaration du juré sera reçue par le greffier, signée de lui et du président. Art. 35. « Tous les accusés compris dans le même acte d’accusation seront soumis au même juré. Art. 36. « S’il y a plusieurs coaccusés, le tribunal déterminera celui qui sera le premier présenté au débat en commençant toujours par le principal accusé, s’il y en a un; les autres coaccusés y seront présents, pourront y faire leurs observations; il sera fait ensuite un débat pour chacun d’eux sur les circonstances qui lui seront particulières. Art. 37. « Le juré ne pourra donner de déclaration sur un délit qui ne serait pas porté dans l’acte d’acid Série. T. XXX. cusation, quelle que soit la déposition des témoins. Art. 38. « Si l’accusé est déclaré non convaincu du fait porté dans l’acte d’accusation et qu’il ait été inculpé sur un autre par les dépositions des témoins, le président, d’office ou sur la demande de l’accusateur public, ordonnera qu’il soit arrêté de nouveau ; il recevra les éclaircissements que le prévenu donnera sur le nouveau fait, et, sfil y a lieu, il délivrera un mandat d’arrêt et renverra le prévenu ainsi que les témoins, devant un juré d’accusation, pour être procédé à une nouvelle instruction. Art; 39. « Dans ce cas le juré d’accusation pourra être celui du district dans le chef-lieu duquel siège le tribunal criminel. Art. 40. « Si l’accusé est déclaré convaincu du fait porté dans l’acte d’accusation, il pourra encore être poursuivi à raison du nouveau fait ; mais, s’il est déclaré convaincu du second délit, il n’en subira la peine qu’autant qu’elle serait plus forte que celle du premier, auquel cas, il sera sursis à l’exécution du premier jugement. Art. 41. « Si la déposition d’un témoin est évidemment fausse, le président d’office en fera dresser procès-verbal, et pourra, sur la réquisition de l’accusateur public ou de l’accusé, faire arrêter sur-le-champ le témoin et, après avoir reçu les éclaircissements, délivrer un mandat d’arrêt contre lui et le renvoyer devant le juré d’accusation du lieu ; l’acte d’accusation, dans ce cas, sera dressé par le président. TITRE 8. Du jugement et de l'exécution. Art. 1er. « Lorsque l’accusé aura été déclaré non convaincu, le président prononcera qu’il est acquitté de l’accusation, et ordonnera qu’il soit mis sur-le-champ en liberté. Art. 2. « Il en sera de même, si les jurés ont déclaré que le fait a été commis involontairement, sans aucune intention de nuire , ou : pour la légitime défense de soi ou d’autrui. Art. 3. « Tout particulier ainsi acquitté ne pourra plus être repris ni accusé du même fait. Art. 4. « Lorsque l’accusé aura été déclaré convaincu, le président, en présence du public, le fera comparaître, et lui donnera connaissance de la déclaration du juré. Art. 5. « Sur cela le commissaire du roi fera sa réquisition au tribunal pour l’application de la loi. Art. 6. « Le Président demandera à l’accusé s’il n’a 45 706 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 1191.] rien à dire pour sa défense : lui, ses amis ou conseils ne pourront plus plaider que le fait est faux, mais seulement qu’il n’est pas défendu, ou qualifié crime par la loi, ou qu’il ne mérite pas la peine dont le commissaire du roi a requis l’application. Art. 1. « Les juges prononceront ensuite, et sans désemparer, la peine établie par la loi, ou acquitteront l’accusé dans le cas où le fait dont il est convaincu, n’est pas défendu par elle ; il sera libre aux juges de se retirer dans une chambre pour y délibérer. Art. 8. « Lorsque les jurés auront déclaré que le fait de l’excuse proposée par le président, est prouvé, les juges prononceront ainsi qu'il est dit dans l’article du code pénal. Art. 9. <« Les juges donneront leur avis à haute voix en présence du public, en commençant par le plus jeune et finissant par le président, Art. 10. « Si les juges étaient partagés pour l’application de la loi, l’avis le plus doux passera; s’il y a plus de deux avis ouverts, et si 2 juges sont réunis à l’avis le plus sévère, ils appelleront des juges du tribunal de district pour les départager, à commencer par le premier après le président, et ainsi de suite, par ordre du tableau. Art. 11. « Le président, après avoir recueilli les voix et avant de prononcer le jugement, lira le texte de la loi sur laquelle il est fondé. Art. 12. « Le greffier écrira le jugement, dans lequel sera inséré le texte de la loi lu par le président. Art. 13. « Le président prononcera à l’accusé son jugement de condamnation ; il lui retracera la manière généreuse et impartiale avec laquelle il a été jugé : il pourra l’exhorter à la fermeté et à la résignation, et il lui rappellera les voies de droit qu’il peut encore employer pour sa défense. Art. 14, « Lorsque le jugement de condamnation aura été prononcé à l’accusé, il sera sursis pendant 3 jours à son exécution. Art. 15. « Le condamné aura le droit de se pouvoir en cassation contre le jugement du tribunal ; à cet effet, il sera tenu, dans le susdit délai de 3 jours, de remettre sa requête en cassation au greffier, lequel lui en délivrera reconnaissance : celui-ci remettra la requête au commissaire du roi, qui sera tenu de l’envoyer aussitôt au ministre ae la justice, après en avoir délivré reconnaissance au greffier. Art. 16. « Le commissaire du roi pourra également demander, au nom de la loi, la cassation du ju-ement : il sera tenu, dans le même délai de jours, d’en passer la déclaration au greffe. Art. 17. « Néanmoins, dans le cas d’absolution par un jugement, le commissaire du roi n’aura que 24 heures pour se pourvoir, pendant lequel temps il sera sursis à l'élargissement du prisonnier. Art. 18. « Les requêtes en cassation seront adressées directement au ministre de la justice, lequel sera tenu, dans les 3 jours, d’en donner avis au président, et d’en accuser la réception au commissaire du roi, qui en donnera connaissance au condamné et à son conseil. Art. 19. « Dans le cas où la demande en cassation aura été présentée par le condamné, elle ne pourra être jugée qu’après 1 mois révolu, à compter du jour de l’admission de la requête ; et pendant ce délai, le condamné pourra faire parvenir au tribunal de cassation, par le ministre de la justice, les moyens qu’il voudra employer. Art. 20. « Le tribunal de cassation rejettera la requête, ou annulera le jugement : dans ce dernier cas, il exprimera sa décision, le motif de la cassation, et renverra le procès à un antre tribunal criminel. Art. 21. « Le ministre de la justice enverra sans délai la décision du tribunal de cassation au président du tribunal criminel et au commissaire du roi, lequel en donnera connaissance à l’accusé et à son conseil. Art. 22. « Lorsque le jugement aura été annulé, l’accusé sera toujours renvoyé en personne devant le tribunal criminel indiqué par le tribunal de cassation. Art. 23. « Dans le cas où le jugement aura été annulé à raison de fausse application de la loi, le tribunal criminel rendra son jugement sur la déclaration déjà faite par le juré, après avoir entendu l’accusé ou ses conseils, ainsi que le commissaire du roi. Art. 24. « Dans le cas où le jugement aura été annulé à raison de violation ou d’omission de formes essentielles dans l’instruction du procès, l’accusé ainsi que les témoins seront présentés à l’examen d’un nouveau juré qui sera assemblé à cet effet. Art. 25. « Passé le délai de 3 jours, mentionné en l’article 15, s’il n’y a point eu de demande en cassation, ou dans le3 24 heures après la réception de la décision qui aura rejeté cette demande, la condamnation sera exécutée. Art. 26. « Cette exécution se fera sur les ordres du commissaire du roi, qui aura le droit à cet effet de requérir l’assistance de la force publique. Art. 27. « La décision des jurés ne pourra jamais être soumise à l’appel ; si néanmoins le tribunal est [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 1791.} 707 unanimement convaincu que les jurés se sont trompés, il ordonnera que 3 jurés seront adjoints aux 12 premiers pour donner une déclaration aux quatre cinquièmes des voix. Art. 28. « A cet effet, après avoir formé le tableau du juré, il en sera toujours tiré au sort 3 de plus, lesquels seront placés séparément dans l’auditoire; ils prêteront serment, lorsqu’ils seront requis de se joindre aux autres jurés. Art. 29. « Le nouvel examen ne pourra avoir lieu que dans le cas seulement où l’accusé aurait été convaincu, et jamais lorsqu’il aurait été acquitté. Art. 30. « Le silence le plus absolu sera observé dans l’auditoire : si quelque particulier s’écartait du respect dû à la justice, le président pourra le rerendre, le condamner à une amende, ou même garder prison jusqu’au terme de 8 jours, suivant la gravité des faits. Art. 31. « Le tribunal criminel sera compétent pour connaître des intérêts civils résultant des procès criminels, et il statuera sur-le-champ en dernier ressort. Art. 32. « Le tribunal criminel sera également compétent pour prononcer les peines correctionnelles résultant -des procès portés devant lui. TITRE IX. Des contumaces. Art. Ier. « Si, sur l’ordonnance de prise de corps ou de se représenter en justice, l’accusé ne paraît pas dans fa huitaine et ne peut être saisi, le président du tribunal criminel rendra une ordonnance portant qu’il sera fait perquisition de sa personne, et que chaque citoyen est tenu d’indiquer l’endroit où il se trouve. Art. 2. « Cette ordonnance, avec celle de prise de corps, sera affichée à la porte de l’accusé et à son domicile élu, ainsi qu’à la porte de l’auditoire pour ceux qui ne sont pas domiciliés ; elle sera également notifiée à ses cautions, s’il en a fourni. Art. 3. « Cette ordonnance sera proclamée dans les lieux ci-dessus énoncés pendant 2 dimanches consécutifs : passé ce temps, les biens de l’accusé seront saisis. Art. 4. « Huitaine après la dernière proclamation, le président du tribunal rendra une seconde ordonnance portant qu’un tel... est déchu du titre de citoyen français, que toute action en justice lui est interdite pendant tout le temps de sa contumace, et qu’il va être procédé contre lui malgré son absence. Cette ordonnance sera signifiée, proclamée et affichée aux lieux et dans la même forme que dessus. Art. 5. « Après un nouveau délai de quinzaine le procès sera continué dans la forme qui est prescrite pour les accusés présents, à l’exception toutefois, que les dépositions des témoins reçues par écrit, seront lues aux jurés qui auront été tirés au sort. Art. 6. « Aucun conseil ne pourra se présenter pour défendre l’accusé contumax sur le fond de l’affaire; seulement s’il est dans l’impossibilité absolue de se rendre, il enverra son excuse dont la légitimité pourra être plaidée par ses amis et décidée par le tribunal. Art. 7. « Dans le cas où le tribunal trouverait l’excuse légitime, il ordonnera qu’il sera sursis à l’examen et au jugement pendant un temps qu’il fixera eu égard à la nature de l'excuse et à la distance des lieux. Art. 8. « Les condamnations qui interviendront contre un accusé contumax seront exécutées, en les inscrivant dans un tableau qui sera suspendu au milieu de la place publique. Art. 9. « L’accusé contumax pourra, en tout temps, se représenter en se constituant prisonnier et donnant connaissance au président de sa comparution : de ce jour, tout jugement et procédures faits contre lui seront anéantis sans qu’il soit besoin d’aucun jugement nouveau ; il en sera de même s’il est repris et arrêté. Art. 10. « H rentrera également dans tous ses droits civils à compter de ce jour ; ses biens lui seront, rendus, ainsi que les fruits de ceux qui auront été saisis, à la déduction des frais de régie et de ceux du procès. Art. 11. « Il sera de nouveau procédé à l’examen et au jugement de l’accusé contumax qui se sera représenté, ou qui aura été repris : néanmoins les dépositions écrites des témoins décédés pendant son absence, seront lues au juré qui aura tel égard que de raison à cette circonstance. Art. 12. « Dans le cas même d’absolution, l’accusé qui a été contumax pourra être condamné, par forme de correction, à garder la prison pendant 8 jours ; le juge pourra aussi lui faire en public une réprimande pour avoir douté de la justice et de la loyauté de ses concitoyens. Art. 13. « Pendant tout le temps de la contumace, le produit des biens de l’accusé sera versé dans la caisse du district : néanmoins, s’il a une femme et des enfants ou unr père et une mère dans le besoin, ils pourront demander sur les biens personnels de l’accusé la distraction à leur profit d’une somme, laquelle sera fixée par le tribunal civil. Art. 14. «jTout accusé qui s’évadera des maisons d’arrêf 708 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 1791.] ou de justice sera regardé comme contumax, et il sera procédé contre lui ainsi qu’il vient d’être dit. Art. 15. « La peine portée dans le jugement de condamnation sera prescrite par 20 années à compter de la date du jugement ; mais, ce temps passé, l’accusé ne sera plus reçu à se présenter pour purger sa contumace. Art. 16. « Après la mort de l’accusé, prouvée légalement, ou après 50 ans de la date du jugement, ses biens, à l’exception des fruits, seront restitués à ses héritiers légitimes : néanmoins, après 20 ans, les héritiers pourront être provisoirement envoyés en possession des biens en donnant caution. TITRE X. De la manière de former le juré d' accusation. Art. 1er. « Le procureur syndic formera tous les 3 mois la liste de 30 citoyens pour servir de jurés dans les accusations ; elle sera approuvée par le directoire, et envoyée à chacun des membres qui la composeront. Art. 2. « Nul ne pourra être placé sur la liste, s’il ne réunit les conditions requises pour être électeur. Art. 3. « Le tribunal de district indiquera un des jours de la semaine pour l’assemblée du juré d’accusation. Art. 4. « Huitaine avant ce jour, le directeur du juré fera tirer au sort, en présence du commissaire du roi et du public, 8 citoyens sur la liste des 30 pour en former le tableau du juré d’accusation. Art. 5. « S’il y a lieu d’assembler le juré d’accusation, ceux qui doivent le composer seront avertis, 4 jours d’avance, de se rendre au jour fixé, sous peine de 30 livres d’amende et d’être privés du droit d’éligibilité et de suffrage pendant 2 ans. Art. 6. « Lorsque les citoyens inscrits sur la liste prévoiront pour l’un des jours d’assemblée du juré quelque obstacle qui pourrait les empêcher de s’y rendre, s’il arrivait qu’ils y fussent appelés par le sort, .ils donneront connaissance au directeur du juré, 2 jours au moins avant celüi de la formation du tableau des 8, pour lequel ils désirent d’être excusés. Art. 7. « La valeur de cette excuse sera jugée, dans les 24 heures, par le tribunal de district. Art. 8. « Si l’excuse est jugée suffisante, le nom de celui qui l’a présentée sera retiré pour cette fois de la liste ; si elle est jugée non valable, son nom sera soumis au sort comme celui des autres. Art. 9. « Si celui qui a présenté l’excuse est désigné par le sort pour être un des 8 qui forment le tableau du juré d’accusation, il lui sera signifié que son excuse a été jugée non valable, qu’il est sur le tableau des jurés et qu'il ait à se rendre au jour fixé pour l’assemblée : copie de cette signification sera laissée à sa personne ou à son domicile; à défaut de signification à la personne, elle sera laissée à un des officiers municipaux du lieu qui sera tenu de lui en donner connaissance. Art., 10. « Tout juré qui ne se sera pas rendu sur la sommation qui lui en aura été faite - sera condamné aux peines mentionnées dans l’article 5 : sont exceptés de la présente disposition ceux qui prouveraient qu’ils sont retenus pour cause de maladie grave. Art. 11. « Dans tous les cas, s’il manquait un ou plusieurs jurés au jour indiqué, le directeur du. juré le fera remplacer par un des citoyens de la ville, tiré au sort en présence du commissaire du roi et du public dans la liste des 30, et subsidiairement parmi les citoyens du lieu ayant les conditions requises pour être électeur. TITRE XI. De la manière de former le juré de jugement. Art. 1er. « Nul citoyen désigné par la loi pour servir de juré ne peut se refuser à cette obligation. « Tout citoyen ayant les conditions requises pour être électeur, se fera inscrire avant le 15 décembre de chaque année, pour servir de juré de jugement, sur un registre qui sera tenu à cet effet par le secrétaire greffier de chaque district. Art. 2. « Le procureur syndic du district enverra, dans les 15 derniers jours de décembre, copie de ce registre au procureur général syndic du département et en fera remettre un exemplaire à chaque municipalité de son arrondissement. Art. 3. « Ceux qui auront -négligé de se faire inscrire pendant le mois de décembre au plus tard, sur le registre du district dans l’arrondissement duquel ils exercent les droits de citoyens actifs, seront privés des droits de suffrage et d’éligibilité à toutes fonctions publiques, pendant le cours des 2 années suivantes. Art. 4. « Ne pourront être jurés les officiers de police, les juges, les commissaires du roi, l’accusateur public, les procureurs généraux syndics et procureurs syndics des administrations, ainsi que tous les citoyens qui n’ont pas les conditions requises pour être électeurs : les ecclésiastiques et les septuagénaires pourront s’en dispenser. 709 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 1791.] Art, 5. « Sur tous les citoyens ayant les qualités susdites, inscrits dans les registres des directoires, le procureur général syndic de département en choisira, tous les 3 mois, 200 qui formeront la liste du juré du jugement; cette liste sera approuvée par le directoire, imprimée et envoyée à tous ceux qui la composeront. Art. 6. ‘ « Un citoyen ne pourra jamais, sans son consentement, être placé plus d’une fois sur la liste pendant la révolutiou d’une année; et si, pendant les 3 mois que son nom sera sur la liste, il a assisté à une assemblée de jurés, il pourra s’excuser d’en remplir une seconde fois les fonctions ; le tout à moins qu’il n’habite la ville même où siège le tribunal criminel. Art. 7. « Nul ne pourra être juré de jugement dans la même affaire où il aurait été juré d’accusation. Art. 8. « Lorsqu’il s’agira de former, le 1er de chaque mois, le tableau de 12 jurés, ainsi qu’il est dit article 17, titre VI, le président du tribunal criminel, en présence du commissaire du roi et de 2 officiers municipaux, lesquels prêteront le serment de garder le secret, présentera à l’accusateur public la liste des 200 jurés; celui-ci aura la faculté d’en exclure 20 sans donner de motif; le reste des noms sera mis dans le vase, pour être tiré au sort, et former le tableau des 12 jurés. Art. 9. « Le tableau des 12 jurés de jugement, ainsi formé, sera présenté à l’accusé, qui pourra, dans les 24 heures, récuser ceux qui le composent; ils seront remplacés par le sort. Art.. 10. « Si l’accusé avait exercé 20 récusations, celles qu'il voudrait présenter ensuite devront être fondées sur des causes dont le tribunal jugera la validité. Art. 11. « Cette récusation de 20 jurés pourra être faite par plusieurs coaccusés, s’ils se concertent ensemble pour l’exercer ; et, s’ils ne peuvent s’accorder, chacun d’eux séparément pourra récuser 10 jurés. Art. 12. « Dans ce dernier cas, chacun d’eux récusera successivement un des jurés, jusqu’à ce que sa faculté de récusation soit épuisée. Art. 13. « Lorsque les citoyens inscrits sur la liste des 200, prévoiront, pour le 13 du mois suivant, quelque obstacle qui pourrait les empêcher de se rendre à l’assemblée du juré, s’il arrivait qu’ils fussent appelés par le sort, ils en donneront connaissance au président du tribunal criminel, 2 jours au moins avant le 1er du mois pendant lequel ils désirent d'être excusés. Art. 14. » La valeur de cette excuse sera jugée dans les 24 heures par le tribunal criminel. Art; 15. « Si l’excuse est jugée suffisante, le nom de celui qui l’a présentée sera retiré pour cette fois de la liste ; si elle est jugée non valable, son nom sera soumis au sort comme celui des autres. Art. 16. « Si celui qui a présenté l’excuse est désigné par le sort pour être un des 12 qui forment le tableau du juré de jugement, il lui sera signifié que son excuse a été jugée non valable, qu’il est sur le tableau du juré, et qu’il ait à se rendre au jour fixé pour l’assemblée du juré; copie de cette signification sera laissée à sa personne ou à son domicile; et, à défaut de signification à la personne, elle sera laissée à l’un des officiers municipaux du lieu, qui sera tenu de lui en donner connaissance. Art. 17. » Tout juré qui ne se sera pas rendu sur la sommation qui lui en aura été faite, sera condamné à 50 livres d’amende, et à être privé du droit d’éligibilité et du suffrage pendant 2 ans ; sont exceptés de la présente disposition, ceux ui prouveraient qu’ils sont retenus pour cause e maladie grave. Arb 18. « Dans tous les cas, s’il manquait un ou plusieurs jurés au -jour indiqué, le directeur du juré le fera remplacer par un des citoyens de la ville, tiré au sort en présénce du commissaire du roi et du public dans la liste des 200, et subsidiairement parmi les citoyens du lieu ayant les conditions d’électeur. TITRE XII. Procédures particulières sur le faux , la banqueroute , concussion * malversation de deniers. Art. 1er. « Toute plainte ou dénonciation en faux, en banqueroute frauduleuse, en concussion, péculat, vol de commis ou d’associés en matière de finance, commerce ou banque, seront portées devant le directeur du jure du lieu du délit, ou de la résidence de l’accusé, à l’exception des villes au-dessus de 40,000 âmes, dans lesquelles elles pourront être portées devant les juges de paix. Art. 2. tt Dans les cas mentionnés en l’article ci-dessus, le directeur du juré exercera les fonctions d’officier de police ; il dressera en outre l’acte d’accusation. Art. 3. x L’acte d'accusation ainsi que l’examen de l’affaire seront présentés à des jurés spéciaux d’accusation et de jugement. Art. 4. « Pour former le juré spécial d’accusation, le procureur syndic, parmi les citoyens éligibles, en choisira 16 ayant les connaissances relatives au genre du délit, sur lesquels il en sera tiré au sort 8 qui composeront le tableau du juré. 710 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 1791.] Art. 5. « Le juré spécial du jugement sera formé par le procureur-général-syndic ; lequel, à cet effet, choisira 28 citoyens, ayant les qualités ci-dessus désignées. Art. 6. « Sur ces citoyens, l’on en tirera au sort 12 pour former un tableau, lequel sera présenté à l’accusé ou aux accusés qui auront le droit de récuser ceux qui le composeront. Art. 7. « Une première récusation pourra être faite sur la liste entière, comme ayant été formée en haine de l’accusé', et dans le cas où le tribunal le jugerait ainsi, il sera formé une nouvelle liste par le vice-président du directoire ; ceux qui auront été portés sur la première liste pourront néanmoins être employés sur la deuxième. Art. 8. « Tous les membres du juré spécial qui auront été récusés seront remplacés par des citoyens tirés au sort d’abord parmi les 12 autres choisis par le procureur-général-syndic, et subsidiairement par des citoyens tirés au sort dans la liste ordinaire des jurés. Art. 9. « L’accusateur public n’aura aucune récusation à exercer sur les jurés spéciaux. Art. 10, « Dans tout le reste de la procédure l’on se conformera aux règles établies par les titres précédents. TITRE XIII. Du faux. Art. 1er. « Dans toutes les plaintes ou dénonciations en faux, les pièces arguées de faux seront déposées au greffe, signées par le greffier qui en dressera un procès-verbal détaillé; elles seront signées et paraphées par le directeur du juré, ainsi que par la partie plaignante ou dénonciatrice, et par le prévenu, au moment de sa comparution. Art. 2. « Les plaintes et dénonciations en faux pourront toujours être reçues, quoique les pièces qui en font l’objet, aient pu servir de fondement à des actes judiciaires ou civils. Art. 3. « Tout dépositaire public et même tout particulier dépositaire de pièces arguées de faux, sera tenu, sous peine d’amende et de prison, de les remettre sur l’ordre qui en sera donné par écrit par le directeur du juré, lequel lui servira de décharge envers tous ceux qui ont intérêt à la pièce. Art. 4. « Les pièces qui pourront être fournies pour servir de comparaison, seront signées et paraphées à toutes les pages par le greffier, par le directeur du juré et par le plaignant ou dénonciateur ou leur fondé de procuration spéciale, ainsi que par l’accusé, au moment de sa comparution. Art. 5. « Les dépositaires publics seuls pourront être contraints à fournir les pièces de comparaison qui seraient en leur possession, sur l’ordre par écrit du directeur du juré, qui leur servira de décharge envers ceux qui pourraient avoir intérêt à la pièce. Art. 6. « Lorsque les témoins s’expliqueront sur une pièce du procès, ils seront tenus de la parapher. Art. 7. « S’il est nécessaire de déplacer une pièce authentique, il en sera dressé une copie collationnée, laquelle sera signée par le juge de paix du lieu. Art. 8. « Si, dans le cours d’une instruction ou d’une procédure, une pièce produite est arguée de faux par une des parties, elle sommera l’autre partie de déclarer si elle entend se servir de la pièce. Art. 9. » Si la partie déclare qu’elle ne veut pas se servir de la pièce, elle sera rejetée du procès, et il sera passé outre à l’instruction et au jugement. Art. 10. « Dans le cas où la partie déclarerait qu’elle entend se servir de la pièce, l’instruction sur le faux sera suivie civilement devant le tribunal saisi de l’affaire principale. Art. 11. « Mais, si la partie gui a argué de faux la pièce soutient que celui qui l’a produite est l’auteur du faux, l’accusation sera suivie criminellement dans les formes ci-dessus prescrites ; il sera sursis au jugement du procès jusqu’après le jugement de l’accusation en faux. Art. 12. « Les procureurs-généraux-syndics, les procureurs-syndics, les procureurs des communes, les juges, ainsi que les officiers de police, seront tenus de poursuivre et de dénoncer tous les auteurs et complices de faux qui pourront venir à leur connaissance dans la forme ci-dessus prescrite. Art. 13. « L’officier public poursuivant, ainsi que le plaignant ou dénonciateur, pourront présenter au juré d’accusation et à celui de jugement toutes les pièces et preuves de faux ; mais l’accusé ne pourra être contraint à en produire ou en fabriquer aucune. Art. 14. « Si un tribunal trouve dans la visite d’un procès, même civil, des indices qui conduisent à connaître l’auteur d’un faux, le président pourra d’office délivrer le mandat d’amener et remplir à cet égard les fonctions d’officier de police. Art. 15. « Lorsque des actes authentiques auront été déclarés faux en tout ou en partie, leur rétablissement, leur radiation ou réformation sera ordonnée par le tribunal qui aura connu l’affaire ; les pièces de comparaison seront renvoyées sur-le-champ dans les dépôts dont elles ont été tirées. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre J79Î,] TU Art. 16. « Dans tout le reste de la procédure, les règles prescrites dans les titres ci-dessus seront observées. TITRE XIV. Des prisons et maisons d'arrêt. Art. l*r. « Il y aura près de chaque tribunal de district une maison d’arrêt pour retenir ceux qui y seront envoyés par un mandat d’officier de police, et près de chaque tribunal criminel une maison de justice pour détenir ceux contre lesquels il sera intervenu une ordonnance de prise de corps, indépendamment des prisons qui sont établies comme peine. Art. 2. « Les procureurs-généraux-syndics veilleront, sous l’autorité des directoires de département, à ce que ces différentes maisons soient non seulement sûres, mais propres et saines, de manière que la santé des personnes détenues ne puissent être altérée. Art. 3. « La garde de ces maisons sera donnée par le directoire du département, sur la présentation de la municipalité du lieu, à des hommes d’un caractère de mœurs irréprochables, lesquels prêteront serment de veiller à la garde de ceux qui leur seront remis, et de les traiter avec douceur et humanité. Art. 4. * Les gardiens des maisons d’arrêts, maisons de justice, ou geôliers de prisons, seront tenus d’avoir un registre signé et paraphé à toutes les pages par le président du tribunal. Art. 5. « Tout exécuteur de mandat d’arrêt, d’ordonnance de prise de corps, ou de jugement de condamnation à prison, sera tenu, avant de remettre la personne qu’il conduit, de faire inscrire en sa présence sur le registre l’acte dont il est porteur ; l'acte de remise sera écrit devant lui ; le tout sera signé tant par lui que par le gardien ou geôlier, qui lui en donnera eopie signée pour sa décharge. Art. 6. « Nul gardien ou geôlier ne peut recevoir ou retenir aucun homme, qu’en vertu des mandats, ordonnances ou jugements dont il vient d’être parlé, à peine d’être poursuivi et puni ainsi qu’il est porté par le Gode pénal. Art. 7. « Le registre ci-dessus mentionné contiendra également en marge de l'acte de remise, la date de la sortie du détenu, ainsique l’ordonnance ou le jugement en vertu desquels elle a eu lieu. Art, 8. « Dans toutes les villes où il y aura, soit une maison d’arrêt, soit une maison de justice, soit une prison, un des officiers municipaux du lieu ! sera tenu de faire au moins 2 fois par semaine j la visite de ces maisons. I Art. 9. « L'officier municipal veillera à ce que la nourriture des détenus soit suffisante et saine ; et s’il s’aperçoit de quelque tort à cet égard contre la justice ou l’humanité, il sera tenu d’y pourvoir par lui-même, ou d’y faire pourvoir par la municipalité, laquelle aura le droit de condamner le gardien à l'amende, même de demander sa destitution au directoire de département, sans préjudice de la poursuite criminelle eontre lui, s’il y a lieu. Art. 10 « La police des maisons d’arrêt, de justice et de prison, appartiendra à la municipalité du lieu; le président du tribunal pourra néanmoins donner tous les ordres qu’il jugera nécessaires pour le jugement et l’instruction. Si quelque détenu usait de menaces, injures ou violences, soit à l’égard du gardien ou du geôlier, soit à l’égard des autres détenus, l’officier municipal pourra ordonner qu’il sera resserré plus étroitement, renfermé seul, même mis aux fers en cas de fureur ou de violence grave, sans préjudice de la poursuite criminelle, s’il y a lieu. Art, 11. « Les maisons d’arrêt ou de justice seront entièrement distinctes des prisons qui sont établies pour peine, et jamais un homme condamné ne pourra être mis dans la maison d’arrêt, et réciproquement. TITRE XV. Des moyens d'assurer la liberté des citoyens contre les détentions illégales ou autres actes arbitraires. „ Art. 1er. « Tout homme, quelle que soit sa place ou son emploi, autre que ceux à qui la loi donne le droit d’arrestation, qui donnera, signera, exécutera l’ordre d’arrêter un citoyen, ou qui l’arrêtera effectivement, si ce n’est pour le remettre sur-le-champ à la police, dans les deux cas déterminés par la loi, sera poursuivi criminellement et puni ainsi qu’il est ait au Gode pénal-Art. 2. « Nul homme, dans le eas où sa détention est autorisée par la loi, ne peut être conduit que dans les lieux légalement et publiquement désignés par l'administration du département pour servir de maison d’arrêt, de maison de justice ou de prison, sous la même peine contre ceux qui le conduiraient, détiendraient ou prêteraient leur maison pour le détenir. Art. 3. « Quiconque aura-connaissance qu’un homme est détenu illégalement dans un lieu, est tenu d’en donner avis à un des officiers municipaux ou au juge de paix du canton; il pourra aussi en faire sa déclaration, signée de lui, au greffe de la municipalité ou du juge de paix. Art, 4, « Ces officiers publies, d’après la connaissance qu’ils en auront, seront tenus de se transporter aussitôt et de faire remettre en liberté la personne détenue, à peine de répondre de leur négligence, 7i2 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 septembre 1191. et même d’être poursuivis comme coupables d’attentat à la liberté individuelle, s’il est prouvé qu’ils avaient connaissance de la détention. Art. 5. « Personne ne pourra refuser l’ouverture de sa maison pour cette recherche -, en cas de résistance, l’officier municipal ou le juge de paix pourra se faire assister de la force nécessaire, et tous les citoyens seront tenus de prêter main-forte. Art. 6. « Dans le cas de détention légale, l’officier municipal, lors de la visite dans les maisons d’arrêt, de justice ou prison, examinera ceux qui y sont détenus et les causes de leur détention, et tout gardien ou geôlier sera tenu, à sa réquisition, de lui représenter la personne de l’arrêté, sans qu’aucun ordre puisse l’en dispenser, et ce, sous peine d’être poursuivi criminellement comme coupable d’attentat à la liberté individuelle. Art. 7. « Si l’officier municipal, lors de la visite, découvrait qu'un homme est détenu sans que la détention soit justifiée par aucun des actes mentionnés dans les articles 5 et 6 du titre XIV, il en dressera sur-le-champ procès-verbal, fera conduire le détenu à la municipalité, laquelle, après avoir de nouveau constaté le fait, le mettra définitivement en liberté, et dans ce cas, poursuivra la punition du gardien ou geôlier. Art. 8. « Les parents ou amis de l’arrêté, porteurs de l’ordre de l’officier municipal, lequel ne pourra le refuser, auront aussi le droit de se faire représenter la personne du détenu, et le gardien ne pourra s’en dispenser qu’en justifiant de l’ordre exprès du président ou directeur du juré, inscrit sur son registre, de le tenir au secret. Art. 9. « Tout gardien qui refuserait de montrer au porteur de l’ordre de l'officier municipal la personne de l'arrêté, sur la réquisition qui lui en sera faite, ou de montrer l’ordre du président eu directeur du juré qui le lui défend, sera poursuivi ainsi qu’il est dit à l’article 6 et autres. Art. 10. « Pour mettre les officiers publics ci-dessus désignés à portée de prendre les soins qui viennent d’être imposés à leur vigilance et à leur humanité, lorsque le prévenu aura été envoyé à la maison d’arrêt du district, copie du mandat sera remise à la municipalité du lieu, et une autre envoyée à celle du domicile du prévenu, s’il est connu : celle-ci en donnera avis au parents ou amis du prévenu. Art. 11. « Le directeur du juré donnera également avis aux municipalités, de l’ordonnance de prise de corps rendue contre le prévenu, sous peine d’être suspendu de ses fonctions. Art. 12. « Le président du tribunal criminel sera tenu, sous la même peine, d’envoyer auxdites municipalités copie du jugement d’absolution ou de condamnation du prévenu. Art. 13. « Il y aura à cet effet, dans chaque municipalité, un registre particulier pour y tenir note des avis qui leur auront été donnés. » (Ce décret est mis aux voix et adopté.) M. Duport, rapporteur. Je ne crains pas, Messieurs, d’être contredit par les hommes qui réfléchissent en disant que, de toutes les institutions publiques, la plus importante de toutes est l’institution judiciaire. C’est elle qui protège, d’une manière plus immédiate, les droits reconnus par la déclaration des droits, la liberté, la sûreté, la propriété. On est libre dans un pays, lorsqu’on y est jugé d’une manière impartiale; et, sans une bonne justice, en vain auriez-vous bien organisé les autres pouvoirs. Il s’agit de savoir maintenant quand on établira le juré? D’abord, il ne peut pas être mis à exécution à présent, par une raison qui est décisive; c’est que, comme vous le voyez, il tient en entier à l’établissement de la gendarmerie nationale. Je ne sais pas, parce que cela ne me regarde pas particulièrement, et d’ailleurs, parce que je ne m’en suis pas assez informé, je ne sais pas à qui en est la faute; je ne sais pas pourquoi la gendarmerie n’est pas encore en activité; mais ce que je sais, c’est que, dans les divers départements, il n’y a aucun des établissements principaux qui soient faits. Jusqu’à ce que cela existe, vous ne pouvez pas mettre à exécution votre institution des jurés. Il y a une seconde cause. Les élections du peuple sont certainement une des meilleures institutions politiques; mais, dans les divers départements, on a nommé, soit pour président du tribunal criminel, soit pour être accusateur public, des hommes très capables peut-être de remplir un jour ces fonctions, mais à qui elles sont étrangères. On a choisi, par exemple, d’anciens lieutenants-criminels, et il est évident que, si l’on retrouve dans ces hommes des avantages, on ne peut pas se dissimuler qu’on ytrouvera un attachement trop grand aux anciennes formes, qui sont très opposées à celles établies. Il résulte de tout cela, qu’il faut qu’on ait le temps d’examiner toutes les institutions. Enfin, Messieurs, il est un troisième motif digne d’être aperçu par vous. L’institution des jurés est le meilleur moyen connu pour obtenir une justice véritablement impartiale ; car, appelés pour prononcer sur le sort des individus du même état, devant craindre, comme l’accusé, l’empiétement des pouvoirs constitués, étant en même temps appelés à la justice par la crainte des délits et. des autres attentats qui peuvent être commis contre eux, fisse trouvent dans le véritable rapport pour le bien juger. Le moment où les sentiments haineux diminuent, où les hommes sont divisés ou aigris les uns contre les autres, où les passions aveuglent leur jugement, n’est pas le moment le plus favorable pour commencer l’institution des jurés. Il faut attendre que ralliés à une loi commune, qui est la Constitution, désespérant de pouvoir l’anéantir, la modération et la générosité dominent sur la haine et l’aigreur. C’est alors seulement qu’on ne craindra pas que l’opinion publique altère le jugement des jurés. D’après ces réflexions, je demande que l’on dise que l’institution des jurés sera mise à exécution, 3 mois après que la gendarmerie nationale aura été établie.