252 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 janvier 1791.] préalable sur cette proposition. D’abord la première est inutile; car les comités ne refusent jamais d’entendre ceux qui viennent leur donner des lumières. Pour la seconde, elle est dangereuse. C’est en ajoutant ainsi des membres à des membres qu’on ne parvient à aucun résultat. Il est reconnu que les comités les moins nombreux sont ceux qui travaillent le plus, et d’ailleurs dans une question où il s’agit d'effacer la ligne de démarcation qui séparait les deux marines, il ne faut point donner assez de poids au comité pour que l’on croie devoir s’en rapporter à sa décision. M. Charles de ÜLaineth. Quoiqu’il soit reconnu que les comités réduits à un petit nombre, sont ceux qui travaillent avec leplus d’activité, je pense cependant que dans une matière neuve, où chaque membre peut apporter de nouvelles lumières, il est nécessaire, quand il y a eu une différence d’opinion bien manifestée, d’admettre de nouveaux membres pour changer peut-être totalement les bases déjà adoptées. Les comités, en restant toujours dans le même état, finissent par prendre des habitudes qui pourraient attenter à la liberté de l’Assemblée. Si on entrait dans des détails, il serait facile de prouver que les comités se reposent sur deux ou trois membres qui font le travail à la longue. Je demande que les propositions de M. Barnave soient adoptées. M. le Président met aux voix la question préalable sur la proposition de faire au comité de marine une adjonction de six membres. (La partiedroiteet l’extrémité delà partiegauche se lèvent pour rejeter la question préalable. — Après deux épreuves, M. le Président déclare qu’il y a lieu à délibérer.) M. d’André. Je demande par amendement, afin de donner à cette adjonction tout l’effet qu’elle doit produire, que les six membres qui seront nommés ne soient d’aucun comité. D’abord j’observerai que je crois la motion inutile, et non dangereuse et que je me suis levé contre. Elle tend à rendre interminables les travaux du comité. Par le conflit qui a eu lieu, je crois avoir aperçu que le comité avait saisi le véritable point de la question ; d’un côté, on a réclamé pour la marine ci-devant royale; de l’autre, pour la marine ci-devaut marchande; c’est-à-dire que ni les uns ni les autres ne sont contents. Il y a longtemps que ceux qui désirent le plus aller en avant, se plaignent de voir la même personne de cinq à six comités ; et si l’on s’informait bien pourquoi un rapport n’est pas toujours prêt à temps, l’on saurait que le rapporteur s’est quelquefois présenté huit jours de suite au comité sans y trouver personne. M. Gaulticr-Bianzat . Je trouve étonnant que, sous prétexte de faire un amendement, le préopinant contrarie la motion. M. de Hoailles. Je demande aussi que les six membres ne soient pris dans aucun comité; cela répond à tout. (L’Assemblée, consultée, ordonne qu’il sera adjoint au comité de la marine six membres, qui seront tenus d’opter, s’ils font partie d’autres comités.) L’ordre du jour est un rapport du comité des domaines sur la donation et l’échange du Cler-montois. M. Geoffroy, rapporteur (1). Messieurs, en prescrivant à votre comité des domaines de vous rendre compte de ce qui regarde le Clermentois, vous avez semblé ne mettre à son travail et à ses recherches d’autres limites que les principes, d’autres bornes que l’utilité publique. 11 ne répondrait donc qu’imparfaitement à vos vues, si, se constituant lui-même juge de l’importance que vous attachez à telle ou telle question, il se permettait d’en élaguer quelques-unes : vous avez désiré tout connaître; tout doit vous être soumis. C’est dans cet esprit qu’a été rédigé ce rapport que je viens vous offrir en son nom ; il se divise en deux parties nécessairement liées l’une à l’autre, mais que la différence des époques et des contrats nous a forcés de distinguer. Dans la première, le comité vous présentera les observations dont lui a paru susceptible la donation faite du Clermontois au Grand-Gondé, en 1648, sous la minorité de Louis XIV. Dans la seconde, nous fixerons vos regards, et nous appellerons plus particulièrement votre attention sur le contrat d’échange passé entre le gouvernement et M. de Condé, en 1784, sous le ministère de M. de Galonné. Pour procéder avec méthode dans une discussion si importante par ses résultats, il est indispensable de vous présenter en avant de l’analyse des deux actes dont il s’agit, quelques détails historiques absolument nécessaires pour l’intelligence des faits et le développement des pricipes qui doivent servir de base à votre décision. Le Clermontois est une petite contrée située entre leVerdunois, le Barrois, la Champagne et la principauté de Sedan ; il a fait longtemps partie du patrimoine des ducs de Lorraine sous la mouvance de nos rois. En 1632, le cardinal de Richelieu conçut le projet de réunir cette petite province à l’Empire français, et de terminer, par des sacrifices pécuniaires, les longues querelles dont cette langue de terre avait été le prétexte ou l’occasion entre les deux puissances. Tel fut l’objet du traité d’Yverdun ; traité éludé presque aussitôt que conclu. Les négociations se reprirent avec plus de succès en 1641. Les armes de la France avaient de nouveau conquis la. Lorraine et toutes les possessions du duc Charles, troisième du nom ; ce prince, devenu plus facile par ses revers, et cédant à l’empire de circonstances dont il est inutile de rendre compte, signa en personne le traité dit de Paris. Par ce traité, en date du 29 mars 1641, on as-sureau duc la restitution de ses duchés de Lorraine et de Bar, à l’exception : « 1° Du comté et de la place de Clermont, et « de toutes leurs appartenances et dépendances, « qui demeureront à l’avenir, pour jamais, unis « à la couronne; « 2° Des places, prévôtés et terres de Stenay « et Jametz, qui demeureront aussi à sadite Ma-« jesté et à ses successeurs rois, pour toujours en « propriété, avec le revenu d’icelles, et tous les « villages et territoires qui en dépendent. » Les diverses places, cédées par cet article, forment la petite province connue aujourd’hui sous le nom de Clermontois. C’est de cette époque que date sa réunion définitive à la France. Les années qui suivirent ce traité jusqu’en 1648, (1) Le Moniteur ne contient qu’une analyse de ce rapport. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 janvier 1791.] où Mazarin, sous le nom d’un roi mineur, disposa du Clermontois en faveur du grand Coudé, sont célèbres dans l’histoire par les victoires de ce prince. Peut-être ne serait-il pas hors d’œuvre de les rappeler ici, puisque ce sont ces mêmes victoires que Mazarin a voulu récompenser par la donation du Clermontois. Mais qui ne connaît pas les combats deRocroy, de Fribourg, de Nort-lingue?... Il a donc paru convenable au comité de substituer, à cette glorieuse nomenclature, de courts détails sur les circonstances moins con-nuesquiont plus efficacementinfluésur la cession du Clermontois, que les exploits du vainqueur deMéry. L’acte de donation est du mois de décembre 1648. Cette époque nous rappelle la guerre de la Fronde et les intrigues de toutes espèces auxquelles elle donna lieu. Nous voudrions pouvoir dire que le prince de Condé, étranger à tous les partis, n’employa sa médiation et le crédit que lui donnait la gloire dont il s’était couvert en combattant les ennemis de l’Etat qu’à pacifier les troubles intérieurs si nuisibles aux succès du dehors ; mais recherché à la fois par la cour et le parlement, cédant tour à tour aux impulsions de Mazarin et à celles de ses rivaux d’ambition, il mit la sienne à tirer parti des circonstances, et finit par faire marchander sa protection. Le Clermontois en fut le prix. « Ce prince, dit Reboulet, attentif à profiter du besoin qu’on avait de le ménager, et puissamment secondé par La Rivière, favori de Monsieur, obtint enfin ce qu’il désirait. » Les lettres patentes éprouvèrent de longues contradictions au parlement ; la duchesse de Lorraine forma opposition à l’enregistrement, et son opposition fut reçue. « Cette compagnie, ajoute l’historien que j’ai cité plus haut, avait raison; la reine avait excédé ses pouvoirs, le régent pouvant tout faire à l’avantage de son peuple, mais non en détériorer la condition. » Quoi qu’il en soit de la vérité de cette réflexion, Condé, n’ayant pu vaincre par ses caresses la résistance du parlement, ne laissa pas que de se mettre en possession des objets compris dans les lettres patentes du mois de décembre 1648; et ce n’est que très postérieurement qu’elles ont été enregistrées. Cette jouissance du prince concessionnaire ne fut pas de longue durée ; dans le cours de l’année 1654, six ans après l’investiture, Fabert entra à main armée dans le Clermontois et en fit la conquête sur les officiers du prince. Je ne vous parlerai ni des causes ni des motifs de cette guerre ; je ne vous peindrai point Condé proscrit et fugitif, obligé de chercher une retraite chez les Espagnols qu’il avait vaincus ; et je me hâte d’arriver au traité des Pyrénées, conclu le 7 novembre 1659; traité en vertu duquel la restitution du Clermontois lui est assurée. Les grands intérêts qui divisaient la France et l’Espagne furent plus aisés à accommoder que les stipulations de ce traité, qui concernaient le prince de Condé : des vingt-quatre conférences qu’exigea la consommation des articles, sept seulement roulèrent sur les affaires générales, quinze furent employées à régler les conditions sous lesquelles ce prince rentrerait en France. La fermeté du roi d’Espagne fit échouer tous les projets de vengeance que le plénipotentiaire de Louis XIV méditait; et Condé fut rendu à la France aux conditions énoncées depuis l’article 79 jusqu’à l’article 88 inclusivement. L’article 79 commence ainsi : 253 « M. le prince de Condé ayant fait dire à M. le « cardinal Mazarin, plénipotentiaire du roi Très « Chrétien, son souverain seigneur, pour le faire « savoir à Sa Majesté, qu’il a une extrême dou-« leur d’avoir, depuis quelques années, tenu une « conduite désagréable à Sa Majesté; qu’il vou-« drait pouvoir racheter de la meilleure partie « de son sang tout ce qu’il a commis d’hostilité « dedans et hors de la France, etc. » Il la supplie de le recevoir en grâce. En conséquence, l’article 86 porte : « Après que ledit sieur prince aura satisfait, de « sa part, au contenu dans les trois articles 80, « 81 et 82 du présent traité, tous duchés, comtés, « terres, seigneuries et domaines, même ceux de « Clermont, Stenay et Dun, comme il les avait « avant sa sortie de France , et celui de Jametz <* aussi, en cas qu’il l’ait eu, lesquels apparte-« liaient ci-devant audit seigneur prince ...... lui « seront restitués réellement et de fait. » Cette clause du traité des Pyrénées et l’acte de donation du mois de décembre 1648 constituent les titres en vertu desquels la maison de Condé a joui jusqu’à ce jour du Clermontois. Nous examinerons dans la suite quelle est la force de ces actes, et jusqu’à quel degré ils peuvent obliger la nation ; mais la donation primitive que les mémoires du temps évaluent à un produit annuel de 100,000 livres, ayant reçu, par des donations additionnelles faites à diverses époques, un accroissement considérable, l’ordre des faits nous appelle à vous rendre compte de ces donations secondaires qui ont plus que doublé le produit des droits anciens du Clermontois. Les droits établis depuis la donation, et indépendants de ce premier bienfait, sont : Ie Le droit de formule et des greffes des hvpo-thèques. Louis XIV, par sa déclaration donnée au camp devant Maëstncht le 2 juillet 1673, ayant ordonné que les papiers et parchemins sur lesquels ou inscrirait les actes publics seraient assujettis au droit de timbre, décida, par arrêt de son conseil du 30 décembre de la même année, que le prince jouirait des droits de formules et des greffes des hypothèques dans le Clermontois, et que les papiers et parchemins porteraient l’empreinte de ses armes; 2° Le droit de capitation. La capitation ayant été introduite dans tout le royaume en 1696, il fut décidé qu’elle serait perçue par le prince sur le pied de 27,470 1. 15 s.; 3° La vente exclusive du tabac introduite dans le Clermontois au profit de la maison de Condé en 1719, par arrêt du conseil du 21 mars de la même année, sous le ministère deM. Le Duc, chef de cette maison. Louis XV n'avait, à cette époque, que neuf ans; 4° La subvention, le huitième sur les boissons, le droit de 14 sols par queue de vin, le droit de contrôle des exploits, le droit de contrôle des actes des notaires et des actes sous signatures privées. À l’occasion de ce quatrième article, le comité doit observer que les divers droits y mentionnés n’ont point, comme ceux rappelés précédemment, pour fondement unique, la libéralité du prince. En effet, la déclaration du 15 août 1769, qui les a établis en faveur de M. de Condé, les présente comme un remplacement avantageux à la province d’un droit de traite intérieure connue sous le nom de droits de six deniers pour franc, et de m [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 janvier 1791.] ceux de petit passage, qui se percevaient en vertu de la donation primitive ; mais il doit observer en même temps que la substitution des nouveaux droits aux droits anciens, loin d’être favorable, comme l’annonce le préambule de la déclaration aux habitants du Clermontois, a singulièrement aggravé leurs charges. Ce fait, iütiniment peu important à constater, sera établi lors de la discussion des moyens, si on le juge nécessaire. Quant à présent, le comité se borne à indiquer qu’il considérera cette extension, ainsi que toutes celles qu’ont subies les droits anciens, comme des donations nouvelles absolument étrangères à celle de 1618 et beaucoup moins susceptibles de faveur. Au surplus, ce n’est là qu’un des motifs qui ont déterminé votre comité à tirer une ligne de démarcation entre les droits perçus dans le Gler-montois en vertu de la douatiou primitive, et ceux qui ont été établis postérieurement par des concessions nouvelles du gouvernement. Cette distinction est d’autant plus importante à saisir qu’elle est échappée aux auteurs de l’échange de 1784, et qu’ils ont voulu rapporter tous les droits du Clermontois, actuellement existants, à la donation de 1648. Le comité a cru de son devoir de relever cette erreur dangereuse avant d’aborder cet acte digne, sous tous les rapports, de l’examen réfléchi des représentants de la nation. Les lettres patentes de 1769 fixent, comme on vient de le voir, le dernier état de la jouissance de la maison de Condé sur le Glermontois. Il ne paraît pas que, depuis cette époque jusqu’en 1784, le gouvernement eût rendu aucune ordonnance relative aux droils du concessionnaire, soit pour les augmenter, soit pour les modifier. Ces droits sont de deux espèces : Les uns consistent en droits censuels et de fief, auxquels sont attachés quelques domaines corporels; les autres sont de véritables contributions publiques et participent plus ou moins de la nature de l’impôt. Ces derniers, aussi variés que dans les autres provinces de France, y sont moins onéreux peut-être (1); mais la diversité dans le mode et la qualité, résultant des intérêts opposés des finances françaises et de celles du prince, multipliait les agents et les frais, et montrait dans i’aveDir un obstacle perpétuel pour l’introduction d’un meilleur régime. Ce fut là le prétexte dont on se servit pour arrêter et colorer les bases de l’échange de 1784. Voici comme s’exprime l’arrêt du conseil, en date du 15 février de ladite année, rendu sur le rapport du sieur de Galonné : « Le roi s’étant fait représenter les lettres patentes données à Paris par le roi Louis XIV, au mois de décembre 1648, enregistrées en ses cours de parlement, chambre des comptes et cour des aides, par lesquelles, pour les causes et motifs y exprimés, ce monarque a fait don à Louis de Bourbon, prince de Coudé, premier prince du sang, premier pair et grand maître de France, des terres et seigneuries de Stenay, Dun, Jametz et Glermont-en-Argonne, ainsi que des domaines et prévôtés de Varennes et des Monti-(1) Le patriotismo des habitants du Clermontois me fait un devoir de rappeler ici que, lors de la formation de leurs cahiers, iis ont unanimement demandé à être réunis à la province des Trois-Evêchés, et à contribuer aux charges publiques, dans la même forme que les autres provinces de l’Empire ; sauf l’indemnité due à M. de Condé, si la nation jugeait qu’il y eût lieu à en accorder une. gnons, leurs appartenances et dépendances, lesquelles composent aujourd’hui la province du Clermontois, pour en jouir par lui, ses successeurs et ayants cause, comme de chose à eux appartenant en tous droits de propriété et de justice, sous les clauses de garantie qui furent exprimées plus particulièrement dans un brevet du 18 des mêmes mois et an, portant qu’en cas de cession, acquisition, transport, donation, ou par quelque autre voie et manière que ce fût, il échût à Sa Majesté quelques droits de propriété sur le tout ou partie desdites terres, lesdits droits de propriété y seraient joints et incorporés; en conséquence desquels actes tous les droits et impositions qui avaient eu lieu sur les biens, habitants et sujets desdits comtés, terres et seigneuries du Glermontois ont été levés et perçus au profil du prince de Condé et de ses descendants et successeurs. Vu aussi le contrat de mariage de M. Louis-Joseph de Bourbon, prince de Condé, actuel propriétaire et possesseur de toutes lesdites terres et seigneuries, passé en la présence et du consentement du feu roi Louis XV, le 2 mai 1753, dont, l’original est au rang des minutes de Bro, notaire à Paris, lors duquel ayant été prévu que le bien de l’Etat pourrait demander que cette propriété fut rétrocédée en tout ou en partie à Sa Majesté, il fut expressément stipulé que, nonobstant la substitution desdites terres et seigneuries portée audit contrat de mariage, M. le prince de Condé aurait la faculté d’échanger avec Sa Majesté uniquement, le tout ou partie de sesdites propriétés dans le Glermontois; à la charge que ce qui serait donné eu contre-échange demeurerait grevé de la même substitution. Sa Majesté ayant reconnu qu’il importe à ses finances et à l’Etat que les perceptions soient uniformes dans le Clermontois et dans les provinces voisines et limitrophes; et que le seul moyen de parvenir à ce but si désirable est qu’elle puisse faire percevoir à son profit les différents droits perceptibles dans le Glermontois, donnés à bail par M. le prince de Condé, à Jean Loriot, sous le cautionnement des sieurs Roffin, Pignon, de Laâge et Saint-Amand, par actes des 6 mars 1781 et 12 décembre 1783, et tous autres droits qui pourront par la suite être imposés et perçus dans ledit pays, autres .néanmoins que ceux qui seront ci-après nommément réservés à M. le prince de Condé ; et ayant fait connaître ses intentions à ce prince, il s’est empressé de s’y conformer et de consentir à céder à Sa Majesté les droits portés auxdits baux, qui sont ; « 1° Le droit de grandes gabelles, qui consiste dans la vente exclusive des sels dans l’étendue du Clermontois; « 2° La vente exclusive du tabac; « 3° Le droit du haut-conduit ou grand-passage ; « 4° L’impôt Fredeau ou truite foraine, et les acquits-à-caution ; « 5° Le droit de quatorze sols par queue de vin façonné dans le Clermontois, mesure de Bar ; « 6° Le droit de faciende de bière ; « 7° Le droit de huitième de toutes les boissons et liqueurs; « 8° Le droit de formule ou de timbre des papiers et parchemins, et des registres et acquits ; « 9° Le droit de contrôle des exploits; « 10° Le droit de contrôle des actes des notaires et des actes sous signatures privées; « 11° Le droit des actes d’affirmation de voyage ; € 12° Le droit de tabellionnage ; en outre les (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (15 janvier 1791. J 2oo droits de greffes et hypothèques , et la police des ponts et chaussées, ainsi que tous autres droits qui ne se trouveront pas réservés ci-après, et qui pourront être imposés et établis par la suite dans ledit pays, en principal, ou par addition aux droits précédents, et ce, moyennant une rente annuelle et perpétuelle de six cent mille livres au principal de douze millions, laquelle rente lui sera constituée pour lui, ses héritiers ou successeurs, pour, et au nom de Sa Majesté, sous l’hypothèque générale de tous les domaines de la couronne, et avec assignat spécial d’icelle, tant pour le principal que pour les arrérages, sur les domaines des duchés de Lorraine et de Bar : ladite rente franche et exempte de toute retenue et imposition, de dixièmes, vingtièmes, ou autres impositions présentes et à venir, sous quelque forme et dénomination qu elles puissent être établies par la suite; cette exemption faisant partie des conditions dudit échange : laquelle rente aura cours à compter du 1er janvier 1784, que commencera la jouissance des objets et droits échangés et sera acquittée et payée de six en six mois, à raison de trois cent mille livres par chaque semestre, par les fermiers, régisseurs, et sur les revenus desdits domaines de Lorraine et de Bar, des mains desquels fermiers et régisseurs M. le prince de Condé et ses héritiers et successeurs recevront directement et sur leurs simples quittances, lesdits arrérages ; et en outre aux conditions suivantes, et qui sont : « 1° Que Sa Majesté demeurera chargée de l’exécution dudit bail fait à Jean Loriot et ses cautions, par M. le prince de Condé, par lesdits actes des-aits jours 6 mars 1781 et 12 décembre 1783, ou de l’indemnité qu’ils pourraient prétendre, en cas qu’il plût à Sa Majesté de résilier lesdits baux ; « 2° Que ladite rente audit capital sera et demeurera chargée de la substitution ci-devant annoncée, de même que pouvaient l’être lesdits droits échangés ; et que dans le cas où il plairait à Sa Majesté de rembourser le capital de ladite rente, elle fournirait à M. le prince de Condé des fonds de terre suffisants pour produire un revenu égal; « 3° Enfin, que M. le prince de Condé continuera de posséder et de jouir incommutablement et en toute propriété, et pareillement ses descendants et successeurs, desdites terres, comtés, fiefs et seigneuries de Stenay, üun, Jametz, Cler-mont-en-Àrgonne, domaines et prévôtés de Va-rennes et des Mou liguons; ensemble de tous les droits non compris en la cession et réservés, lesquels consistent ; « 1° Dans le droit de percevoir à son profit la capitation fixée à la somme de vingt-sept mille quatre cent soixante-dix livres quinze sois, ainsi que la subvention fixée à vingt-sept mille livres, par la déclaration du 15 août 1769, de la même manière que ces droits ont été perçus jusqu’à présent au profit de M. le prince de Condé, lesquelles sommes seront réparties en la manière accoutumée, par le commandant et intendant pour M. le prince de Coudé dans le Clermontois, à l’assistance d’un gentilhomme de la province, quant à la capitation des nobles et privilégiés, et à l'assistance des prévôts de chaque prévôté, quant à la capitation et à la subvention à répartir sur les roturiers; « 2° Dans les droits d’accrue; atterrissement, alluvion, police et pêche sur la rivière navigable de Meuse, dans toute l’étendue du Clermontois, de même que le roi l’exerce sur les autres rivières navigables de son royaume ; « 3° Dans le droit d’avoir à instituer un grand-maître, et de faire administrer par ledit grand-maître et par les officiers des maîtrises particulières des eaux et forêts, établies par lettres patentes de 1677, à l’instar des grands-maîtres et maîtrises particulières royales du royaume, les eaux, forêts et buissons appartenant àM. le prince de Condé, aux particuliers et aux communautés laïques et ecclésiastiques, et autres gens de mainmorte; et de connaître par lesdits officiers de toutes les matières d’eaux et forêts, suivant les lois et ordonnances du royaume, et les règlements particuliers de simple administration de M. le prince de Condé, conformément aux lettres patentes de 1648 et aux règlements et arrêts rendus en conséquence; et que les appellations des jugements des maîtres particuliers continueront d’être portées et relevées au bailliage de Clermont séant à Varennes, et dudit bailliage au Parlement de Paris, de même que dans le droit d’avoir un receveur des domaines et bois, dans la caisse duquel on continuera de verser le prix des adjudications des bois des communautés et gens de mainmorte pour n’être les fonds remis aux propriétaires que sur les résultats du conseil de M. le prince de Condé, ainsi que cela s’est pratiqué jusqu’à présent ; « 4° Dans le droit de nommer et instituer les officiers et cavaliers de maréchaussée, dont la brigade continuera d’être habillée aux couleurs de M. le prince de Condé, et de correspondre avec les maréchaussées des provinces de Champagne et des Trois-Evêchés, ainsi et de la même manière qu’il en a été jusqu’à présent ; « 5° Dans le droit de pouvoir tirer de France, ou de Lorraine et Barrois et des Trois-Evêchés, en exemption de tous droits d’entrée, de sortie et démarqué de mines, toutes les mines nécessaires à l’aliment des forges de Stenay et de Montblain-ville, appartenant à M. le prince de Condé ; « 6° Dans le droit de fabrique, vente et distribution de poudres et salpêtres dans toute l’étendue du Clermontois, ainsi que M. le prince de Condé en a toujours joui ; « 7° Dans le droit de présenter à Sa Majesté les sujets pour les places de lieutenants et autres officiers du roi, composant l’état-major de Stenay, et autres villes et places qu’il plairait à Sa Majesté d’établir dans le Clermontois; « 8° De conserver au lieutenant du roi de Stenay, aux officiers de M. le prince de Condé et autres personnes dénommées en l’état annexé au bail du Clermontois, leur frauc-salé en argent, conformément audit état; « 9° Dans la juridiction civile, criminelle, police des eaux et forêts, avec le droit de donner des provisions et nommer à tous les offices, tant des mairies, des hautes justices appartenant à M. le prince de Condé, des prévôtés du bailliage de Clermont séant à Varennes, que de la grande maîtrise et des maîtrises particulières, et de la nomination et présentation du juge des cas royaux à Clermont et du procureur du roi, comme M. le prince de Condé en a le droit par lesdites lettres patentes de 1648; et que les appellations des jugements qui seront rendus par les officiers des bailliages desdites terres et seigneuries, et par les prévôts, pour ce qui concerne le domaiue et les droits domaniaux et seigneuriaux de M. le prince de Condé, continueront d'être relevées, nùment et sans moyen, tant au parlement, qu’à la cour 256 [A? semblée natior ale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [15 janvier 1791.) des aides de Paris, suivant la nature des cas, avec les mêmes privilèges et prérogatives que les pairies du royaume, suivant les arrêts et règlements faits et rendus pour l’exercice desdites juridictions bailliagères et prévôtales; « 10° Dans le droit d’administration des hôpitaux, maisons et établissements de charité; « 11° Dans les domaines corporels consistant dans les villes, châteaux, forteresses et terrains en dépendant, dans l’état de démolition où ils se trouvent actuellement, et des forges, moulins banaux et non banaux, à eau et à vent, pressoirs banaux et non banaux, métairies, fermes, gagnages, terres labourables, près, vignes, chene-vières, enclos, tuileries, papeteries, et toutes autres usines et bâtiments quelconques, bois, taillis et de haute-futaie, terres vaines et vagues ; 12° Dans les domaines incorporels, consistant dans le droit d’aubaine, déshérence, bâtardise, épaves et confiscation , droit de troupeau à part, tel qu’il est exercé dans les duchés de Lorraine et deBar, et qu’il est compris dans les baux et sous-baux des domaines de M. le prince de Gondé dans le Glermontois; le droit du tiers-denier de tous les bois et usages communaux dans les hautes justices de M. le prince de Gondé ; dans les sei-neuries engagées à faculté de rachat et dans les ois justifiés venir de l’ancienne concession des ducs de Lorraine, comme ledit droit de tiers-denier perçu au profit du roi sur les bois et usages communaux des duchés de Lorraine et de Bar ; le droit de guet et de garde dans les lieux où ils sont établis; le droit de carrière, l’aide de Saint-Rémi, la faculté de rentrer dans les domaines et seigneuries engagés à faculté ; les cens, rentes, droit de bourgeoisie ; le droit appelé le rachat de Noël, amendes ; droit de halage, stellage et minage des grains, dîmes et terrages des grains et des vins; la redevance appelée la taille des conduits, payable par chaque ménage dans les villes et bourgs, à raison de six livres par année; et dans les villages et hameaux, à raison de quatre livres seize sols par année; et par chaque ménage, pressurage des vins et ébarbages des marcs, droits de taverniers pour la pente d’enseignes, de jaugeage, droit de pêche dans les rivières et ruisseaux, droit de chasse, droit de péage et passage par eau, droits de bacs, ponteaux et bateaux ; droits de tonlieu, foires Saint-Gilles et autres foires et marchés, plaids banaux, droits de bienvenue, droits sur les bouchers et sur tous autres métiers, mairies et doyennés, nomination à tous bénéfices qui ne sont point consistoriaux, corvées seigneuriales, droits de sauvements, fiefs, arrière-fiefs et mouvance ; droits seigneuriaux en cas de mutation, foi et hommages, lods et ventes et autres droits féodaux, suivant les coutumes, titres, arrêts et règlements rendus pour le maintien et la conservation desdits droits et redevances, comme dépendant desdits comtés, terres et seigneuries du Glermontois, selon que lesdits droits sont dus à cause de ladite seigneurie ; « 13° Dans l’exemption du droit de contrôle des actes pour les adjudications de bois et cautionnements faits par le grand maître et les officiers des maîtrises particulières des eaux et forêts de M. le prince de Gondé. A l’égard des exploits laits à la requête de ses procureurs fiscaux, tant en matière civile et criminelle, que des eaux et forêts, ils continueront d’être contrôlés gratis, sauf à être le payement desdits droits de contrôle poursuivi et recouvré au profit du roi contre les particuliers, après qu’il sera intervenu jugement de condamnation contre eux. « Dans tous lesquels droits ci-dessus détaillés, appartenant aux seigneuries particulières et locales de M. le prince de Condé, il demeure maintenu et conservé sans aucune chose en excepter ni réserver ; et à la charge par M. le prince de Gondé, ses hoirs, successeurs et ayants cause, ès dits comtés, terres et seigneuries, de continuer d’acquitter les fiefs, aumônes et autres charges foncières suivant le procès-verbal qui en fut fait par le commissaire départi pour leur liquidation, après le traité de Paris, du 29 mars 1641, et qui a servi jusqu’à ce jour pour régler l’état annuel et le payement de la quotité desdits fiefs, aumônes et charges foncières ; le tout conformément aux lettres patentes, brevet de garantie de 1648, et arrêts et règlements rendus en conséquence ; lesquels, quant aux propriétés, droits et objets ci-dessus réservés, demeureront en leur force et vertu, pour être exécutés selon leur forme et teneur. Lesquelles propositions et stipulations ayant été agréées et acceptées par Sa Majesté, il ne reste plus qu'à consommer lesdits cession et échange auxdits prix et conditions. A quoi voulant pourvoir : ouï le rapport du sieur de Galonné, conseiller ordinaire au conseil royal, contrôleur général des finances : Le roi, étant en son conseil, a commis et commet les sieurs. Moreau de Beaumont et Lenoir, conseillers d’Etat, pour, conjointement avec ledit contrôleur général, acquérir, par voie d’échange, pour et au nom de Sa Majesté, lesdits droits perceptibles dans le Glermontois, tant ceux compris aux baux passés par M. le prince de Gondé à Jean Loriot, ainsi qu’ils ont été ci-dessus énoncés, que tous autres Don réservés ou qui pourraient être imposés et établis par la suite, et constituer en remplacement ladite rente de six cent mille livres, aux charges, clauses et conditions qui viennent d’être expliquées ; lesquelles Sa Majesté a agréées et agrée, et passer du tout contrat par-devant notaires, pour, sur ledit contrat et sur le présent arrêt, être ensuite expédié toutes lettres patentes nécessaires. « Fait au conseil d’Etat du roi, Sa Majesté y étant, tenu à Versailles le quinze février mil sept cent quatre-vingt-quatre. « Signé : Le Maréchal de Ségur. » Le comité observe dans cet arrêt, ainsi que dans tous les actes qui l’ont suivi, deux omissions bien importantes : 1° On n’y énonce point le produit des droits cédés; on se conteDte de rappeler le bail de Loriot; 2° Il n’y est fait aucune mention des 7,500,000 1., promises à M. de Gondé, outre la rente perpétuelle et viagère de 600,000 livres. Les motifs de celte double réticence sont faciles à saisir : cela n’exige pas de commentaire. En vertu des pouvoirs donnés aux commissaires, pouvoirs limités à la seule apposition de leur signature au bas. de l’acte, ces commissaires se transportent chez Me Bro, notaire, avec M. de Gondé, et y consomment l’échange passivement et sans examen. Le contrat ainsi signé est rapporté au conseil en avril 1784, et y est revêtu de lettres patentes adressées aux cours souveraines, qui en ordonnent l’enregistrement; et cet enregistrement a lieu partout sans difficulté et sans obstacle. La seule cour des aides de Paris, qui ne veut pas | Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [lo janvier 1791. | apercevoir lu préjudice causé à nos finances par cette transaction, se montre au contraire très attentive à empêcher que cette transaction ne porte atteinte à l’étendue de sa juridiction et de son ressort; c’est là l’unique objet de ses sollicitudes et de ses réserves. L’assentiment des magistrats, chargés alors de stipuler les intérêts de la nation, n’entraîna point la sanction de l’opinion publique. Des murmures, qui sont venus jusqu'à vous, ont constamment dénoncé l’échange dont il s’agit, comme un de ces marchés désastreux qui ont signalé la carrière de ce ministre déprédateur, dont presque tous les pas ont été des erreurs, et toutes les décisions des prodigalités. Le public jugeait ainsi sur de simples aperçus; le comité a dû donnera son opinion des ba.>es plus solides, et l’environner de tout ce qui peut lui concilier votre approbation et vos suffrages. C’est dans ces vues qu’il a entrepris de remonter jusqu’à la donation de 1648, et devons en soumettre, préliminairement à tout, la validité. Et en effet, si, par cette discussion première, on arrive à prouver que la donation de 1648 et celles qui l’ont suivie sont nulles , qu’elles répugnent aux principes et qu’elles ne sont point conformes aux lois de l’Etat, il en resuite évidemment que M. de Cou dé n’ayant vendu au gouvernement que des droits que le gouvernement pouvait revendiquer sans compensation, l’échange tombe de lui-même, et nous n’avons plus le même intérêt à insister sur la lésion quia paru caractériser cet acte. D’après cette considération, la marche que nous avons à suivre se trouve toute tracée. Nous examinerons d’abord les donations pour venir ensuite à l'échange, et chaque fois nous débuterons par i’exposé des principes sur la matière. § I. Principes sur les donations des biens du domaine , et leur application à celle de 1648 et suivantes. Le prince en France n’a jamais été considéré que comme usufruitier et simple administrateur des biens du domaine. Loin qu’on lui ait reconnu le droit d’e i disposer par ventes, donations et actes de toutes natures, la maxime contraire est une des plus constantes de notre droit public : elle a sa base dans les ordonnances de nos rois, dans l'opinion des publicistes, dans les arrêts du conseil, et enliu dms toutes tes espèces d’autorités qui existaient avant que vous vous occupassiez de la régénération de l’Empire. Vous-mêmes, Messieurs, venez récemment de la consacrer par l’article 29 de votre décret sur la législation domaniale, portant que « les dons, conces-« sious et transpoits à titre gratuit de biens et « droits domaniaux, faits avec clause de retour à « la couronne, à quelque époque qu’ils puissent « remonter; et tous ceux postérieurs à l’ordon-« nance de 1566, quand même laclause de retour « y serait omise, sont et demeurent révocables à « perpétuité, même avant l’expiration du terme « auquel la réversion à la couronne aurait été « tixée par la concession ». Dès aujourd’hui la nation peut donc, en conformité des lo s anciennes et nouvelles, exercer le retrait du Glermontois. Or, ce qu’elle peut, elle le doit; car la faveur qu'elle accorderait au donataire en retardant cette dépossession contrarierait vos vues bienfaisantes d'économie et établirait entre les apa-lre Série. T. XXII. 257 riagistes que vous avez dépossédés, et le coaces - sionnaire que vous laisseriez investi des propriétés nationales, une distinction choquante opposée aux idées qu’on s’est faites jusqu’à ce jour de ces deux espèces de titres. Quelque clair que soit ce principe, quelque impérieuse que soit cette considération, on a combattu l’application de la loi de la révocabilité dans la circonstance, par diverses objections, du mérite desquelles vous pourrez juger par la réponse que le comité va faire aux deux principales. Ges objections se trouvent dans des écrits anonymes publiés en faveur de M. de Gon lé. Qu s’y est prévalu fortement de la clause du traité des Pyrénées, que j’ai copiée dans le cours de ce rapport; et l’on a prétendu que cette clause faisant une des conditions essentidles de la paix de 1659, on ne pouvait l’enfreindre sans porter atteinte à tout le traité, sans s’exposer au risque de voir l’Espagne, garante de cetie clause, en réclamer l’exécution. Quand cet argument serait sans réplique, je remarque d’abord qu’il serait au plus propre à proléger la donation de 1648, et qu’il ne pourrait servir d’égide aux concessions secondaires qui ne sont pas moins importantes en masse que celle-ci. Je remarque ensuite qu’il s’en faut bien que l’auteur de l’ouvrage dont il s’agit ait saisi l’esprit de la clause 86 et celui du traité en général. Qie demandait le prince de Coudé pendant les conférences? Que sollicitait pour lui le roi d’Es-pagne? Le réiablissernent du prince dans sa patrie, dans ses biens, dans ses titres et dans ses honneurs, pour eu jouir comme par le passé. Geite restitution prononcée n’a pu changer la nature de ses litres, ni rendre patrimoniaux des biens d’essence domaniale. Pour que cela fût, il aurait fallu que le traité contint, à cet égard, une stipulation expresse. Elle ne se trouve nulle part; il y est dit, au contraire, que le Glermontois lui sera restitué comme il l’avait par le passé avant sa sortie de France ; ce qui exclut toute idée de novation de titre. Ainsi le traité des Pyrénées a laissé au Glermontois sa nature de bien domanial; ainsi cette concession est, comme toutes les autres, restée sujette à la loi de révocabilité. Elle y est restée sujette, nonobstant la clause de perpétuité énoncée dans les lettres de don : car ce ne sont pas seulement les aliénations à temps du domaine que la loi proscrit, mais toutes espèces d’aliénations. Elle y est restée sujette, nonobstant les titres certains qu’avait le prince de Coudé à la reconnaissance de la nation et à la libéralité du monarque: car il n’est aucune espèce de service qui puisse motiver l’infraction des lois qui défendaient d’aliéner les biens du domaine. Elle y est restée sujette, et le prince concessionnaire l’a si bien senti lui-même, que, dans la vue d’échapper à cette révocabilité qui le menaçait d’avance, et qu’on pouvait exercer un jour contre lui ou ses successeurs, il fit insérer, dans le contrat, que le Glermontois n’avait jamais été uni au domaine de la couronne; assertion inexacte, démentie par le texte môme du traité de 1641, où on lit ces mois à la suite de l’énonciation des objets cédés: qui demeureront à l'avenir pour jamais unis à la couronne. Cependant le Giermontois eu a été séparé; il en a été séparé dans la partie des droits régaliens, apanage unique et exclusif delà souveraineté; 17 2q8 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 janvier 1791.] il en a clé séparé dans la partie des domaines fonciers que b s lois de l’Etat ne permettaient pas d’aliéner ou de concéder. C’est à vous qu’il ap-pariie t de prmioncer si ces branches, distraites du corps de l’Empire, doivent y être rattachées. Le comité vous propose de le faire et, si sou avis motivé sur les lois anciennes (1), sur l’autorité de vos démets, dont il n’a ni pu ni voulu s'écarter, obtient votre approbation, le plan de ce rapport se amplifie, et il ne nous reste qu’à vous indiqmrles effets nécessaires de la révocation des donations de 1G48 et suivantes, sur l’échange de 1784. g H. Réflexions sur l'échange de 1784. Dans ce système, il ne peut être question d’examiner si cet échange est préjudiciable aux droits de la nation et contraire à ses intérêts, et si l’oubli des formalités ordinaires n’est pas encore surpassé par l’énormité de la lésion ; car n'y eût-il rien d’exact dans ces propositions, du moment où les donations de 1648 et suivantes sont (J) En 1484. les Elats de Tours demandèrent la révocation des dons et aliénations, même de ceux faits aux églises ; et par ordonnance donnée à Montargis le Ü7 décembre, Charles VIII révoqua, cassa, annula les dons faits depuis le décès de Charles Vil. En 1498, Louis XII réduisit à moitié tous les dons faits pendant son règne. François 1er, son successeur, le prodigue François Ier fut plus loin ; il révoqua tous les dons et aliénations, à la réserve des terres aliénées pour le fait do la guerre. Presque tous les règnes suivants nous offrent de semblables mouuircnls de l'hommage rendu par nos rois au principe de l’inaliénabilité du domaine : je me bornerai à en citer encore deux, parce qu’ils ont trait plus Darliculièrement àia question qui rend ces noU s nécessaires. L’un est un éclit de François II, en date du 18 août 4559, par lequel il révoque tous les dons faits par ses prédécesseurs, des membres, portions et revenus du domaine do la couronne, quelques causes, raisons, faveurs et considérations qui puissent être exprimées dans les lettres. L’autre est un cdil de Henri III, en date du mois de mai 1579, qui annule également les dons faits par lui ou par ses prédécesseurs, des membres du domaine de la couronne à titre de récompense, rémunérations de services.... en quelque manière, pour quelque temps et et à quelque personne que ce soit, et réunit au domaine toutes les portions ainsi distraites, nonobstant toutes vérifications faites dans les cours de parlemente! chambre des compics. Pour arriver droit à celte dernière citation si évidemment décisive dans l’aftaire du Clcrmontois, j’ai franchi l’ordonnance de 1366, ouvrage do 1 immortel chancelier de rilôpit.l. Ce précieux dépôt des maximes les plus pures do notre ancien droit domanial porte que le domaine do la couronne ne peut être aliéné que dans doux cas seulement : l’un pour apanages, l’autre en deniers comptants pour nécessité de la guerre. Aucun de ces motifs n’a déterminé la cession du Cler-montois : elle est donc nulle et révocable, quoique rénni-ncratoire. Les dons de ce genre n’ont point obtenu la faveur de l'exception ; celle disposition est sage : car donner est, de toutes les manières de disposer des biens du domaine, la plus préjudiciable à la chose publique, la plus abusive et la plus propre à favoriser la cupidité et l’intrigue. Aussi des princes que l’histoire no peut guère citer que pour cet acte de justice, François Il et Henri 111 n’ont-ils pas craint en suivant les traces de leurs prédécesseurs, do révoquer spécialement les dons remunératoires. Je rappelle leur exemple surabondamment, car je sais qu’il ne faut d’autres guides, à l’Assemblée nationale, que la raison et les principes. révoquées, il ne peut plus exister d’échange. L'échange suppose diversité de biens, ou réciprocité de droits : or ici tout appartient à la nation, et les droits que M. de Gondé cède, et la rente qui lui est donnée en retour; l’anéantissement du premier acte produit donc nécessairement celui du second. � Mais pour opérer la ruine de l’échange dont, il s’agit, il n’est pas besoin d’insister sur l’effet possible d’un décret que vous n’avez pas encore rendu : déjà il coexiste un qui le proscrit : c’est celui où, en déclarant le principe que toutes espèces de contributions publiques ne peuvent jamais être la propriété d’aucuns citoyens, vous avez voulu que les contrats faits au nom du gouvernement pour l’acquisition de droits tenant de la nature de l’impôt lussent annulés, ainsi que les rentes constituées en remplacement. Par cette disposition vous avez affranchi I Etat du payement de la rente de six cent mille livres, et détruit, dans toutes ses parties, le fameux traité de 1784; et il ne vous reste pas même à délibérer sur l’indemnité, car vous avez du en même temps qu’il ne serait pas accordé d’indemnité. Mais ce n’est pas seulement l’échange de 1784 qui se trouve anéanti par l’effet de votre décret, qui déclare caducs entreles mains des particuliers, et incessibles de la part du gouvernement, tous titres donnant le droit de lever des impôts; cette suppression frappe égal' ment de moû toutes les donations postérieures à celle de 1648, lesquelles ne consistent qu’en droiis de ce genre, et réduit celle-ci aux seuls domaines fonciers. Ainsi, le seul intérêt qu’ait encore M. de Condé à la question est uniquement relatif à la jouissance des domaines corporels, au delà tout est jugé, et ce point mêmeencore incertain ne saurait l’être longtemps si l’on se réfère aux principes que nous avons établis dans le cours de ce rapport. Il n’est pas douteux que la nation, dont vous exercez les droits, n’ait celui de rentrer dans ses domaines; elle en a usé ainsi à l’égard des apa-nagistes; elle doit, à plus furie raison, en user de même à l’égard des cessionnaires, qui sont en générai bien moins favorab es que les premiers. Le comité n’entend point infirmer par là les droits que le grand Gondé, et par lui ses descendants, ont à la reconnaissance de la naùon; il sait qu’il est du devoir et de l’intérêt des peuples d’honorer les grands hommes : de justes récompenses excitent l’émulation et fécondent le champ de l’héroïsme et de la vertu. Aussi, Messieurs, votre comité voit-il avec satisfaction qu’il est des moyens, dans celte cause, d’unir la générosité à la justice, et la munificence nationale à l’économie publique. Si cette économie commande le retrait total du G ermontoi', d’un autre côté, vous pouvez laisser à M. de Coudé, à titre d’indemnité, les 7,500,000 livres qu’il a touchées lors de l’échange de 1784, et la patrie sera généreusement acquittée. Et qu’on ne dise point que celte indemnité est insuffisante : 325,000 livres de revenus fixes ne peuvent, dans aucun temps, dans aucun lieu, ni sous aucun rapport, être considérées comme une indemnité légère : car lorsque les services du grand Gondé étaient encore présents à l’esprit des peuples, le ministre qui lui donna le Clermontois ne croyait disposer que de 100,000 livres de rente. Ge fait est consigné dans le mémoire que la reine régente présenta au parlement, contie Gondé, proscrit et persécuté; et alors on avait intérêt à grossir le bienfait, à exagérer les grâces de la [la janvier 1791.] [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. cour, pour signaler davantage l’ingratitude reprochée an prince. En terminant ce rapport, nous devons mettre encore sous vos yeux deux objections qui ont été faites au comité, lors de la discussion du projet de décret, contre la partie de ce projet qui ordonne la reprise des domaines corporels du Glermontois : car, je le répète, tout le reste est jugé par votre décret du 22 novembre sur la législation domaniale. ü’un c.ô é, l’on a prétendu que le Glermontois était une possession légitime de la maison de Condé, parce qu’il avait pu être donné; qu'il avait pu être donne, parce qu’il n'avait point été uni aux domaines ne la couronne, et qu’il n’avait point été uni aux domaines de la couronne, parce qu’il n’avait point été compté de ses revenus à la Chambre des comptes, et que ces mêmes revenus n’avaient point été gérés pendant dix ans par l’administration. De l’autre, l’on a dit que la restitution du Glermontois, lors du traité des Pyrénées, ne fat point gratuite, et que la Fi ance en a été indemnisée par l’acquisition d’Aveunes et de Juliers, et par la cession de trois autres villes importantes, Rocroy, le Catelet et Linehamp. La réponse à la première de ces objections est dans notre coda domanial; la réponse à la seconde est dans le traité des Pyrénées. Ce fat Louis XIII q ni unit le Glermontois à la couronne; ce fut Louis XIV, ou plutôt son ministre, qui le donna. Ce fait posé, je présente aux adversaires de l’opinion du comité le dilemme suivant : A l’avènement de Louis XIV au trône, le Glermontois était, ou une piopriété domaniale et nationale, ou une propriété particulière de ce prince. Dans le premier cas, il est visible que l’argument de la non-gestion pendant dix ans par les préposés du domaine ne signifie rien; dans le second, ii n’est ni plus heureux ni plus concluant; car il n’y a pas de maxime plus certaine, en matière domaniale, que celle qui veut que les biens patrimoniaux et particuliers du prince qui parvient au trône soient réunis de droit aux domaines de la couronne; le concours de sa volonté ou de ses agents est inutile pour celte réunion ; elle s’opère ipso facto. Henri IV a rendu hommage à cette loi. Louis XIV ne pouvait donc disposer du Glermontois comme d’une propriété particulière. Est-il d'ailleurs permis de considérer comme propriétés particulières u’un prince les conquêtes qu’un peuple fait sur un autre peuple? Si ce ne sont pas là de véritables propriétés publiques, il faut dire que le sang et l’argent des nations appartiennent aux rois. Je pusse à la seconde objection ; j’ai dit que la réponse se trouvait dans le traité des Pyrénées. Je lis l’article 79 et je vois que Gondé ne veut rien tenir que de la bienveillance du roi son maître; qu’il n’enlend point imposer des conditions à son souverain seigneur, et qu’il s’en réfère absolument à ses bontés royales. Je lis Farticie 84, et je vois que la remise de Juliers au duc de Nvu bourg, et celle d’Avennes à la France par l’Espagne, sont uniquement subordonnées au consentement donné par le roi de rendre au prince de Gondé le gouvernement de Bourgogne, et à M. le duc d’Enghien, la charge de grand-maitre de sa maison; l’article Je dit expressément, et ne dit que cela; et il faudrait moins d’art pour en tirer parti en faveur du projet de décret du comité que pour s’en prévaloir en sens contraire. Je iis l’article 49 ; et je vois que c’est le roi d’Espagne, et non le prince de Gondé, qui restitue Rocroy, le Catelet et Linehamp; que cette stipulation précède tous les arrangements qui regardent ce prince et que, s’il intervient dans la suûe pour cette partie de la convention, ce n’est qu’en qualité de dépositaire de ces places qui lui avaient été confiées par son allié comme un gage de la sûreté de ses promesses et pour se soumettre à les rendre toujours, en qua'ité de dépositaire. Un mot de Louis XIV nous fera mieux juger, au reste, que toute. dissertation ultérieure, de la nature ries obligations qu’eut la France à Gondé, à l’uccasion de cette paix. Un jour qu’ils parcouraient ensemble la carte des Flandres, le roi lui dit: <■ Mon cousin, sans vons j’aurais toutes ces places, — Sire, lui répondit le prince, vous m’aviez promis de ne m’eu jamais parler. » PROJET DE DÉCRET. L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des domaines, a décrété et décrète ce qui suit : Art. 1er. Les dort et cession faits en décembre 1648 par la reine régente, mère de Louis XIV, à Louis de Bourbon, prince de Gondé, des comtés, terres et seigneuries de Stenay, üun, Jametz, Glermont-en-Argonne, et des domaines et prévôtés de Va-rennes et des Montignons, leurs appartenances et dépendances, composant ce qu’on appelle aujourd’hui le Glermontois, sont et demeurent révoqués, ainsi que tous brevets, arrêts du conseil, édits, déclarations, lettres patentes portant, au prolit dudit Louis de Bourbon ou de ses successeurs, garantie, confirmation ou ampliation desdits don et cession. Art. 2. Le contrat d’échange passé au nom du roi entre ses commissaires et Louis-Joseph de Bour-bon-Gondé, le 15 février 1784, est déclaré nul et comme non avenu. En conséquence, la rente de six cent mille livres constituée en faveur dudit Louis-Joseph de Bourbon-Condé, par ledit contrat d’échange, demeure supprimée et éteinte à compter du jour de la publication du décret du 22 novembre dernier sur la législation domaniale. Art. 3. Défenses sont faites aux agents et préposés de Louis-Joseph de Bourbon-Condé de s’immiscer à l’avenir dans la jouissance des biens et droits dépendant du Glermontois ; et seront lesdits biens et droits, conformement à l’article i«r dn decret du 22 novembre dernier, administrés, régis et perçus, suivant leur nature, par les commis, agents et préposés du fisc, chacun en ce qui les concerne. Art. 4. L’Assemblée nationale, prenant en considération les services rendus à l’Etat par Louis de Bourbon, surnommé le grand Coudé, décrète : l°Que la somme de sept millions cinq cent mille livres, comptée à Louis-Joseph de Bourbon-Condé, lors de l’échange ci-dessus annulé, lui demeurera en mémoire desdils services ; 2° que les finances des offices créés par Louis de Bourbon,