SÉANCE DU 24 VENDÉMIAIRE AN III (15 OCTOBRE 1794) - N° 18 163 agitée que par la passion du bien, et dont les procès-verbaux constatent sa justice et sa haine pour les persécutions, vous dira pourtant qu’elle a contracté une habitude insuportable à beaucoup d’oreilles, c’est de parler contre l’aristocratie, contre les agitateurs, contre les alarmistes. Oui, législateurs, ces insectes voraces et perfides sont encore effrontés et veulent insulter aux sacrifices, à l’énergie, de ceux qui ont constamment soutenu la cause de la liberté. Mais que peut un vain frelonnement à côtés des principes étemels qui nous unissent, qui nous resserent avec les représentans du peuple, qui amalgament nos coeurs avec la patrie ! En pardonnant à l’erreur, vous frapperés les restes impurs des factions liberticides qui ont désolé la République, qui ont voulu obscurcir la justice des français des rayons vivifiants que vous vouliez répandre. Point de grâce à l’instrument vénal qui étouffe le cri de la conscience et de l’innocent, qui foule aux pieds la dignité de l’homme pour se vendre aux partis. Que les complices du triumvirat disparaissent. Mais que le père de famille trahi, injustement immolé aux vengeances particulières, voye se détendre les verrous de sa prison. Qu’il soit rendu aux consolations, au partage de nos succès. Union, concorde au milieu de vous, Législateurs, donnés l’exemple à vos commettants. Que les querelles particulières s’éteignent, que le flambeau de l’amitié, comme celui de la sagesse vous éclaire toujours. Mais un mouvement spontané frappe ici nos âmes ; chaque jour voit éclore une victoire mémorable remportée par nos républicains. Les despotes et leurs esclaves reculent saisis d’effroi à l’approche de nos frères, de nos enfans, et nous sommes les admirateurs muets de leurs triomphes et la distance ingrate qui nous sépare d’eux, comprime l’ivresse de notre reconnaissance, nous ne pouvons voler dans le transport de l’admiration et de l’allégresse offrir des palmes à l’héroïsme, eh bien législateurs, soyés souvent nos organes auprès de nos armées victorieuses, faites leur parvenir les cris touchants et sublimes de la sensibilité, de l’attendrissement, de la gratitude républicaine. Répétés leur, représentans, que nous chérissons, que nous partageons les lauriers qu’ils cueillent, que nous sommes jaloux de la gloire dont ils se couvrent, que nos bras leur prépare des embrassemens, comme les annales du monde proclament leur courage et la honte des tirans, que vainqueurs au dehors comme la Convention sera respectée au dedans, bientôt la terre de la liberté, purgée des brigands et des traîtres, sera le théâtre des vertus, l’azile du bonheur, de l’innocence, de la vérité, d’une paix glorieuse et durable. Moussard, président. Réponse du Président (35) : Les vrais amis du peuple savent que la voix de la vérité ne se fait jamais entendre en vain (35) Bull., 24 vend.; Débats, n" 754, 370. devant lui. Forte de cette opinion, la Convention nationale vient de proclamer les vérités fondamentales de l’ordre social. Elle a entendu avec satisfaction l’expression de vos sentimens ; elle aime à penser que, toujours gravés dans le coeur des habitans de la section des Piques, ils y seront inaltérables. La Convention nationale vous admet à sa séance. c [Les membres du tribunal du deuxième arrondissement de Paris à la Convention nationale ] (36) La voix des pères de la Patrie s’est faitte entendre, et le tribunal du deuxième arrondissement s’est empressé de venir se réunir autour d’eux. Ici est le point de réunion de tous les bons français, ici s’est faitte la journée du 9 thermidor; ici le monstre affreux de la tiran-nie doit rendre les derniers soupirs; qu’ils ne se flattent pas ces hommes altérés du sang de leurs frères, de nous ramener sous le joug honteux, dont nous venons d’être délivré, par votre courage ; le peuple et ses magistrats ont en horreur toute espèce de tirannie. Les français ne sont pas nés pour être esclaves, ce n’est pas pour ramper sous une verge de fer dirigée par quelques individus qu’ils ont fait la révolution; s’ils ont détruit, et chassé, tous les apôtres de la superstition, ce n’étoit pas pour voir changer leurs superbes palais en vastes prisons, oû toutes les familles dévoient être ensevelies. Enfin ils n’ont point rendu à la justice ses balances, pour quelle puisse frapper indistinctement, sans formes et sans motifs, toutes les classes de la société. Aujourd’huy un nouvel ordre s’établit malgré les efforts des intrigants, la liberté a repris son empire, c’est la justice, la sagesse, la raison, trop longtems insultés qui vont la diriger. Magistrats du Peuple, nous sentons mieux que personne que sans la justice les hommes ne peuvent être libres. Nous nous empressons donc, et comme magistrats, et comme citoyens, de renouveller ici le serment de ne suivre que les loix, de n’écouter de conseils, et de ne suivre de direction que de la Convention nationale seule, à qui le Peuple a confié le droit de sauver la Patrie. Vive la Convention nationale. Perdry, président. Le tribunal après avoir entendu la lecture de l’adresse de la Convention nationale au Peuple français ainsi que le discours cy-dessus que le président étoit chargé de rédiger, arrête que ledit discours sera transcrit sur les registres du tribunal et lu à la Convention na-(36) C 321, pl. 1347, p. 9. Bull., 26 vend. 164 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE tionale par le citoyen Perdry assité des autres membres dudit tribunal. Leroy, greffier. d [Les autorités constituées de la section du Bonnet-Rouge à la barre de la Convention nationale ] (37) Citoyens Législateurs, Les autorités constituées de la section du Bonnet-Rouge auraient cru manquer à ce qu’elles doivent à leurs concitoyens, si pour vous exprimer leur voeu, elles avaient attendu leur réunion dans l’assemblée décadaire, c’est ce qui les amène aujourd’hui devant vous. Le peuple fit la révolution dans l’espoir d’en recueillir les avantages. Les circonstances exigèrent impérieusement des fatigues, des sacrifices, des privations. Le peuple se fit un devoir de les supporter. Pour prix de ses efforts, il se flattait d’obtenir une garentie assurée des personnes et des propriétés, une justice exacte, un gouvernement doux et bienfaisant, la jouissance des effets résultant du nouvel ordre des choses. Il est arrivé plusieurs fois près du terme de ses espérances; mais des hommes pervers, ambitieux, intrigants, lui ont envié sa conquête; ils ont songé à la lui ravir, ont tenté de se l’approprier, et y sont parvenus. La terreur, la calomnie, la discorde et les suplices ont été leurs moyens : ils n’ont laissé au peuple que des privations, des souffrances, des humiliations, et la stupeur qui tient au dernier degré de servitude. Tels furent les crimes de Robespierre, tels sont encore les excès coupables de ses astucieux partisans. Veut-on, après avoir frappé les principales têtes de l’hidre, enlever à ces petits ti-rans leurs usurpations, les priver des jouissances exclusives qu’ils ont osé s’attribuer et qu’ils caraissent, les rappeler à l’égalité qu’ils violent impudement, même en se disant les égaux de leurs dupes et de leurs victimes; ne veut-on plus trembler devant eux : tout est perdu, la contre-révolution est faite. Et pourquoi ? parce qu’on réprouve tout ce qui n’est pas la révolution faite pour le peuple. Mais le peuple est réveillé; sorti de sa stupeur, il s’indigne contre les traitres qui ont abusé de sa confiance pour l’asservir et pour le perdre, en se disant ses plus zélés serviteurs. Il est las de conspirations : il connaît la dignité de l’homme ; il veut être libre : il le sera. Toute espèce de despotisme et de tirannie lui serait désormais insuportable. Que les conspirateurs sentent enfin qu’ils doivent s’attendre à la plus fatale destinée ; le Peuple et la Convention, toujours unis, les écraseront. Votre adresse au Peuple français a prévenu, citoyens législateurs, les voeux de ce Peuple es-(37) 3 321, pl. 1347, p. 10. Moniteur, XXII, 248. Débats, n" 753, 364-365. sentiellement bon et juste. La lecture de cette instruction sage et sublime a fait tréssaillir de joye tous les bons citoyens, les vrais zélateurs de la république, tous ceux qui n’ont pas embrassé la révolution par des sentiments d’intérêt personnel, ceux dont l’ambition s’est bornée à servir leur patrie, à travailler au bien de tous : elle a porté le calme dans le sein des familles honnêtes, en même temps qu’elle a fait trembler les méchants; elle a rassuré les citoyens qui redoutaient le retour de la terreur; votre adresse fait aimer le gouvernement ré-publiquain, objet des voeux de tout homme raisonnable : elle ramènera ceux que de fausses vues avaient écarté du bon chemin, ou que la terreur avait aliénés. Le Peuple veut un gouvernement dont il puisse s’honorer auprès des habitans des contrées les plus lointaines, comme des races les plus reculées. Poursuivez, citoyens législateurs, vos immortels travaux. Allez droit au but; frappez, sans distinction, les coupables qui voudraient ou vous égarer, ou perdre plus directement la patrie; protégez l’innocence et la faiblesse, excusez l’erreur, et conduisez sagement le vaisseau jusques dans le port, tels sont les voeux du Peuple instruit par son expérience. Il sent combien le règne des loix est nécessaire à sa félicité, à sa prospérité; et ne veut obéir qu’à elles et c’est à vous seuls qu’il a confié le droit de les faire. Les autorités constituées de la section du Bonnet-Rouge ne reconnaissent, comme tout le peuple, que la Convention nationale pour point de ralliement; elles mettront toute leur gloire à seconder ses travaux, à faire exécuter ses décrets. Suivi d’une demi-page de signatures. e Le troisième comité révolutionnaire central de Paris, séant section de Brutus, est introduit. L’orateur : Citoyens représentants, des cannibales, sous le masque du patriotisme et de l’amour du bien public, à l’aide d’un système de stupeur qu’ils avaient eu l’art de répandre sur toute la République, avaient eu l’audace de se saisir de la foudre nationale qui vous est exclusivement confiée pour écraser les ennemis de la liberté. Ils ont paru, ces hommes perfides et sanguinaires... Vous avez parlé... ils ne sont plus. La France entière, comprimée par la tyrannie et l’arbitraire, respire enfin pour applaudir à votre mâle énergie. Vos décrets bienfaisants lui rendent chaque jour une nouvelle existence. Elle voit avec confiance approcher ces jours heureux que vous lui préparez, et s’attache plus que jamais, s’il était possible, à son auguste représentation, qu’elle couvrira constamment de son amour, de son respect et de sa reconnaissance. Et nous aussi, que vous avez chargés pour coopérer avec vous à la gloire de sauver la chose publique par une surveillance active et conti-