[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [21 mai 1790.] contre les prétendus séditieux; on confisqua Jeurs biens; quatre d’entre eux furent envoyés aux galères ; deux y sont morts, et les deux autres réclament votre secours. Une lettre avait déjà été écrite à M. de Montmorin pour obtenir leur liberté, et elle n’avait produit aucun effet. Aujourd’hui ce ministre nous dit, en vous remettant les pièces relatives à cette affaire, que par un long usage les forçats de Genève sont reçus dans nos galères ; que les Fribourgeois, n’ayant pas de moyen de punir de cette manière, ont recours à l’humanité des Français, pour éviter de décerner la peine de mort. L’humanité nous impose donc, selon lui, la loi de faire punir ceux qu’on ne peut faire punir chez les autres : mais ces faits sont contredits. A Fribourg il y a des galères de terre, et pourquoi ne les y a-t-on pas misl C’était pour se délivrer des remords qui suivent l’injustice, et de l’aspect des victimes du patriotisme qui aurait pu exciter à la vengeance les amis de la liberté. Enfin votre comité a cru que vous ne laisseriez pas subsister l’usage barbare dont on s’appuie, et qu’en le détruisant vous voudriez en anéantir même les traces; c’est dans ces vues que je suis chargé de vous proposer le projet de décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, a décrété et décrète : >» 1° Qu’à l’avenir il ne sera reçu dans nos galères aucune personne condamnée par des juges étrangers; » 2° Que les forçats qui sont sur les galères françaLes seront élargis dans trois mois, à dater du jour de la sanction du présent décret, s’ils ne sont réclamés par les tribunaux qui les ont condamnés; » 3° Que son président se retirera par devers le roi pour faire connaître les dispositions de ce décret aux puissances qui ont des sujets dans nos galères. Un membre demande que la détention des Fribourgeois soit maintenue. Il dit que la France ayant accepté de les garder dans ses galères doit les y conserver ou les rendre au conseil de Fribourg, mais qu’en aucun cas elle n’a le droit de les mettre en liberté. Un autre membre objecte que l’on sacrifierait des malheureuses victimes des discordes civiles en les rendant à leur patrie où elles trouveraient la mort. M. I�egrand, député du Berry. L’Assemblée ne peut ni juger ni préjuger la conduite des magistrats de Fribourg parce qu’ils sont une puissance étrangère, mais nous ne pouvons pas retenir dans les fers des hommes condamnés en vertu de jugements rendus par des tribunaux étrangers et par des lois qui nous sont étrangères ; il ne nous est permis de regarder comme coupables que les individus frappés en vertu des lois du royaume. En conséquence, ceux qui ne sont pas déclarés coupables par nos lois doivent être élargis. M. Charles de Carnet h. Un jour viendra où les peuples connaîtront leurs droits et les malheureux Fribourgeois, morts aux galères pour la liberté, auront mérité d’être inscrits parmi les généreux défenseurs des droits de leur patrie; ce n’est pas à nous de les punir. M. Rœderer. Il y a sur nos galères des cri-631 minels jugés dans des Etats voisins de la France: ceneserait pas sans péril pour la sécurité publique qu’on les rendrait à la liberté. Ce qu’il importe d’abolir c’est l’usage de recevoir les galériens des puissances étrangères; ces puissances ne nous laissant pas les récompenses à décerner, il convient de leur laisser la punition de leurs coupables. M. Rewbell. Je vois dans la détention des deux Fribourgeois un emprunt de lettres de cachet et un abus de pouvoirs. Plusieurs amendements sont ensuite proposés et le projet de décret du comité des rapports est adopté, après modification, dans les termes suivants : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, a décrété et décrète : Art. 1er. « Qu’à l’avenir il ne sera reçu dans les galères de France aucune personne condamnée par des jugements étrangers. » Art. 2. « Que son président se retirera par devers le roi pour le supplier de donner des ordres pour que les nommés Sudan et Haguenot, Fribourgeois actuellement détenus aux galères à Brest, soient mis en liberté dans la huitaine du jour de la sanction du présent décret. » Art. 3. «Que Sa Majesté sera également suppliée de faire connaître les dispositions du présent décret aux puissances dont les sujets sont actuellement détenus aux galères de France. » (La séance est levée à 10 heures du soir.) ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-THOURET. Séance du vendredi 21 mai 1790, au matin (1). La séance est ouverte à neuf heures du matin. M. Chabroud, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier matin ; il est adopté : M. de l�a Réveillèredel�épeaux, secrétaire, fait part d’un acte fédératif pour le maintien de la Constitution, et pour repousser les efforts de ses ennemis, passé entre les citoyens armés de de vingt-neuf communautés du Cambrésis. Un bataillon de jeunes gens, dont le plus âgé n’avait que quatorze ans, s’est trouvé présent à cette cérémonie. Cette jeunesse a paru déjà très exercée au maniement des armes, et a annoncé le germe de toutes les vertus patriotiques. M. le Président donne lecture d’une lettre de M. Fautras, qui présente à l’Assemblée nationale un mémoire sur les troupes de la marine. Ce mémoire est renvoyé au comité de la marine. M. le Président lit la note suivante qui lui a été adressée par M. le garde des sceaux : « M. le garde des sceaux transmet à M. lepré-sident de l’Assemblée nationale, un mémoire que le ministre de la république de Genève, auprès du roi, a remis à M. le comte de Montmorin, et par lequel elle réclame la conservation des franchises dont elle jouit, ainsi que quelques-uns de (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.