ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 juin 1789.] 03 [États généraux.] sion des faits, pour en venir ensuite à la discussion des principes et des moyens tirés de la raison; et alors la conférence s’étant ouverte, l’un de vos commissaires entreprit la discussion successive des faits allégués dans le mémoire qui avait été lu. Chaque fait a été discuté contradictoirement par divers commissaires des trois ordres, et toujours renfermés dans leur mandat. Vos commissaires, Messieurs, se sont bornés à rapporter l’examen des faits à la question sur la vérification des pouvoirs, quoique les commissaires de la noblesse ramenassent toujours la question de l’opinion par ordre ou par tête, parce qu’ils regardaient les deux questions comme liées et dépendantes, ils semblaient même nous reprocher de chercher à les éluder, nous accusant de nous sentir trop faibles sur cette matière. La séance ayant duré trois heures et demie, sans que la discussion du mémoire de la noblesse eût été finie, ou fut obligé de la renvoyer à un autre instant, et la circonstance des fêtes ayant amené le clergé et la noblesse à ne s’ajourner qu’à mercredi prochain, sur les instances de vos commissaires, la séance a été remise à mardi. M. ilalouet. Je demande que les commissaires conciliateurs du tiers soient autorisés à discuter avec les commissaires conciliateurs des autres ordres la question de la délibération par tête ou par ordre. • Cette motion avait été proposée par amendement, le 29 mai, et rejetée. Un membre rappelle ï’amendemeut et veut que l’on décide quel nombre de voix il faut pour le reproduire. M. Camus. Il y a changement d’état dans la question ; elle peut être ainsi présentée. Les commissaires ayant rapporté que, suivant les ordres privilégiés, les deux questions de la vérification et de la votation sont nécessairement liées et se prêtent un secours mutuel, il est de l’intérêt et de la dignité de l’Assemblée de repousser les reproches que les commissaires de la noblesse pourront faire aux commissaires du tiers-état d’éluder une question majeure par faiblesse de moyens. La question actuelle diffère évidemment de celle qui a été rejetée, et mérite, par son importance, un mûr examen. D’autres membres pensent que l’on ne peut séparer les deux questions, sans retarder les travaux. On répond que la proposition qui vient d’être faite n’est pas nouvelle, qu’on l’a déjà présentée, qu’elle a été rejetée, qu’il n’y a point de changement essentiel dans les circonstances, qu’ainsi l’on ne doit pas s’arrêter à cette motion. La motion a été presque unaniment rejetée. MM. Biauzat et Camus disent que la question de la votation ne doit être décidée qu’après qu’ils seront constitués. La séance est levée. ÉTATS GÉNÉRAUX. Séance du mardi 2 juin 1789. COMMUNES. A l’ouverture de la séance, M. Malouet a reproduit la motion qu’il a faite hier d’augmenter les pouvoirs des commissaires et de les autoriser à traiter dans les conférences la question de la délibération par ordre ou par tête. Cette motion est encore rejetée. M. d’AïlIy. Je me suis rendu hier chez M. le garde des sceaux, accompagné de plusieurs de MM. les adjoints, pour m’informer de la cause du retard de la députation. M. le garde des sceaux m’a répondu qu’ayant trouvé le Roi plongé dans la douleur occasionnée par l’état chancelant de Mgr. le dauphin, il avait cru ne pas devoir lui en faire part, mais qu’il saisirait le premier moment pour prendre ses ordres et qu’il s’empresserait d’en informer les communes. — Quoique l’adresse proposée dans la séance du 30 ait été agréée par l’Assemblée, le calme delà réflexion m’a fait entrevoir quelques termes et même des phrases qu’il est convenable de changer; en conséquence, je demande la permission de faire la lecture d’un nouveau discours ; je ne prétends par là nullement gêner les suffrages ; il sera permis à chacun de prononcer sou sentiment; mais comme cela pourrait entraîner l’Assemblée dans de trop longs débats, je propose de remettre les deux adresses à un certain nombre d’adjoints qui viendront ensuite en faire leur rapport et dire celle qu’ils préfèrent. MM. du bureau sont chargés de comparer les deux adresses ; et cette comparaison faite, l’un d’eux annonce que la majorité des suffrages s’est réunie en faveur de la première, attendu qu’elle avait reçu la sanction de l’Assemblée, mais qu’on y avait fait quelques légers changements qui portent plus particulièrement sur des phrases grammaticales. Plusieurs membres demandent la lecture des deux adresses. M. le Doyen. La seconde est retirée. On insiste pour que la première soit lue à cause des changements que l’on est convenu y avoir faits. On répond que ces changements n’altèrent aucunement le sens de l’adresse, qu’elle reste la même, et que la lecture en ayant déjà été faite, elle devenait inutile. L’un des adjoints se lève, et prétend que les changements que l’on a faits sont de nature à préjudicier à l’Assemblée. Des députés se joignent à ceux qui demandent une seconde lecture. MM. les adjoints démentent l’assertion de leur collègue. Des membres prétendent que MM. du bureau jugeant que ces changements n’étaient pas de nature à être connus, l’Assemblée doit s’en rapporter à leur sagesse et à leur prudence. D’autres combattent ce sentiment qui tend à donner trop d’influence à MM. du bureau. Un membre. Je demande que l’on fasse retirer tous les étrangers, si Ton veut faire une seconde lecture. Il s’élève de vives réclamations. MM. les adjoints offrent de communiquer l’adresse dans une salle particulière à ceux des membres de l’Assemblée qui voudront en prendre connaissance. Cette proposition est rejetée. On met aux voix pour savoir si l’on ferait ou non la lecture du discours. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 04 [États généraux.] [3 juin 1789.] Il y a eu 185 voix pour qu’elle n’ait pas lieu, et 114 pour qu’elle fût faite. La séance est levée. ÉTATS GÉNÉRAUX. Séance du mercredi 3 juin 1789. CLERGÉ. Oh propose de donner aux commissaires conciliateurs le pouvoir de signer les procès-verbaux des conférences. La proposition est débattue ; on met aux voix, mais comme on ne peut les recueillir toutes, il n’y a pas de décision. Un curé fait un discours dont l’objet est de prévenir la nécessité de la réunion avec le tiers-état, et de la votation par tête. Get avis n’est suivi d’aucune délibération. NOBLESSE. Les commissaires conciliateurs font leur rapport de la dernière conférence ; ils disent que le tiers-état a demandé un procès-verbal signé par tous les commissaires, et qu’ils n’ont pas cru avoir des pouvoirs suffisants pour cet objet. La délibération s’ouvre pour savoir si ce procès-verbal sera signé par MM. de la noblesse. M. de Clermont-Tonnerre présente ainsi la motion : Autorisera-t-on les commissaires à signer le procès-verbal, s’ils le jugent convenable? M. d’Esprémenil propose un amendement conçu en ces termes : pourvu que la qualification de communes ne soit pas donnée au tiers-état. Cette motion et l’amendement passent à la pluralité de 116 voix contre 99. COMMUNES. Un des adjoints annonce que M. d’Ailly Ta chargé de témoigner à l’Assemblée que sa santé ne lui permet pas de continuer les fonctions de doyen. Alors les adjoints sont chargés de nommer un nouveau doven. Ils demandent s’il faut qu’il soit pris parmi les adjoints seulement. L’Assemblée pense que tous ses membres sont éligibles. En conséquence, le bureau procède à l’élection dans une salle particulière. M. Bailly, député de Paris, réunit la majorité des suffrages, et il est aussitôt installé. M*“. Je rappelle à l’Assemblée que MM. les commissaires chargés de la rédaction du règlement ont-promis de le présenter sans aucun délai. M. le Doyen. De nouvelles corrections en suspendent encore la lecture jusqu’à la prochaine séance. Un membre. Je demande si le jour auquel la députation des communes doit être reçue par le Roi est enfin fixé. M. le Doyen. M. le garde des sceaux a adresé une lettre à M. d’Ailly, dans laquelle il lui marque que le mauvais état de la santé de monseigneur le dauphin est un obstacle à ce que le Kqi pût donner encore un moment d’audience aux communes. Je propose dénommer, en attendant que le Roi ait fait connaître ses intentions, les membres qui doivent composer la députation. L’Assemblée décide qu’elle sera formée de MM. du bureau, ayant à leur tête le président, et de MM. les commissaires nommés pour les conférences. Un membre. J’observe qu’en considérant la célérité avec laquelle le clergé et la noblesse ont été admis à l’audience du Roi, si ce n’est pas un refus que la Chambre des communes éprouve, c’est au moins une réponse dilatoire. Je propose de députer directement le doyen, accompagné de MM. les adjoints et des commissaires des conférences. M. le Doyen. Il est difficile d’être admis directement auprès du Roi ; mais si l’Assemblée le décide, j’emploierai tous les moyens d'y parvenir. M. Milscent fait sentir l’inconvénient d’admettre des intermédiaires entre le Roi et la nation. C’est seconder le vœu de Sa Majesté que d’aller directement à lui -, il est évident qu’il a été trompé. La lettre venue du Roi en fournit la preuve. Sa Majesté y témoigne de l’inquiétude de l’inaction où sont plongées les communes, et cela dans le moment où elles avaientinvité les membres du clergé au nom du désir de la paix à se réunir à elles, dans un moment où il ne lui restait à prononcer qu’un oui ou un non. Il importe d’ailleurs d’avoir des rapports directs avec Sa Majesté, attendu qu’elle n’est jamais entourée que des grands, du haut clergé, des adversaires mêmesùes communes. Est-il possible que la vérité parvienne au pied du trône par l’organe de ceux qui n’ont d’intérêt qu’à faire valoir leur propre cause et affaiblir celle des représentants ? M. Chapelier. Bien loin que l’état fâcheux de monseigneur le dauphin doive nous éloigner du Roi, c’est un motif de plus pour nous engager à faire nos efforts pour l’approcher. Qui mieux que la nation peut consoler un Roi bon et généreux? c’est au milieu de son peuple qu’il doit être placé dans les moments d’affliction et de douleur. On propose ensuite la motion suivante : Que les députés des communes ayant tout à craindre de la lenteur des voies intermédiaires entre le Roi et son peuple, et ne pouvant en reconnaître la nécessité, il faut s’adresser dès ce moment à Sa Majesté par l’organe de M. le doyen, pour la supplier d’indiquer aux représentants des communes le jour et Tlieure qu’elle voudra bien recevoir leur députation et leur adresse. M. de la Dorde-Mereville. Je m’oppose au commencement de ce dernier énoncé, car en s’expliquant ainsi, on laisse encore subsister toute la difficulté ; on en pourrait conclure en effet que ce n’est que la lenteur des intermédiaires et la crainte qu’ils inspirent aux communes, qui les fait rejeter, et que sans ces raisons on les accep-M. de Mirabeau profite de ces réflexions pour proposer un amendement qui, rédigéavec la motion, est conçu en ces termes : « Les députés des communes, ne pouvant re-