ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 6 nivôse an II 26 décembre 1793 336 [Convention nationale.] cette sainte action par une députation prise dans son sein, pour, avec la commune entière, venir allumer le feu sacré de notre liberté et jurer avec nous de ne point le laisser éteindre dans le cœur de nos mères, nos épouses et nos enfants, à qui nous apprendrons à le défendre. « La commune de Draveil a député, pour porter la présente, les citoyens Tcrreblanclie, Layné, Hatine et Corbin. « Pour expédition conforme au registre des délibérations de la commune de Draveil, ce 5 nivôse, 2e année de la République une et indivisible. (Suivent 12 signatures.) « P. -S. La commune de Draveil a remis au directoire du district de Corbeil, le 14 novembre dernier (vieux style), 7 marcs d’argent prove¬ nant de leur église, avec les cuivres et le fer, et 3 croix de Saint-Louis qui avaient été remises au greffe de leur municipalité. « Richer, secrétaire. » Le représentant du peuple Carrier, écrit de Nantes, en date du 4 nivôse, et confirme la nou¬ velle de la victoire de Savenay; il ajoute : « Sur la rive gauche, nous avons encore battu Charette aux Herbies; nous lui avons tué 3 ou 400 brigands : il s’est enfui en désordre dans les bois, avec environ 900 brigands. Nantes est illu¬ miné: les cris de Vive la République ! Vivent ses défenseurs! Vive la Montagne! retentissent de toutes parts : l’allégresse est universelle et inap¬ préciable. « Oui, qu’elle vive notre chère République ! Insertion au « Bulletin » (1). Suit le texte de deux lettres de Carrier, d’après le Bulletin de la Convention (2). I. Carrier, représentant du peuple près l’armée de l’Ouest, à la Convention nationale. « Nantes, le 30 frimaire, l’an II de la Répu¬ blique une et indivisible. n Citoyens mes collègues, vous avez décrété qu’il n’existait plus de Vendée, vous décréterez bientôt qu’il n’existe plus un seul brigand. « L’affaire du Mans a été si sanglante, si meurtrière pour eux, que, depuis cette commune jusqu’à Laval, la terre est jonchée de leurs cada¬ vres. Leur déroute a été si complète, qu’ils se fl) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 112. (2) Premier supplément au Bulletin de la Conven¬ tion nationale du 6 nivôse an II (jeudi 26 décembre 1793. Moniteur universel [n° 98 du 8 nivôse an II (samedi 28 décembre 1793), p. 393, col. 1]. Journal des Débals et des Décrets (nivôse an II, n° 467, p. 146). Aulard : Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salul public, t. 9, p. 550 et 645). sont divisés en désordre. Une bande de ces scélérats s’est portée à Châteaubriant, et l’autre à Ancenis. Ces deux postes ont cru voir arriver l’armée des brigands dans des desseins hostiles; l’un s’est replié sur Rennes, l’autre sur Nantes. A l’instant, j’ai pris les mesures les plus promptes et les plus efficaces pour empêcher le passage de la Loire et de la Vilaine; j’en ai fait part au comité de Salut public. « Le lendemain, je fus instruit par un capitaine des bateaux armés que j’avais fait placer sur la rive gauche de la Loire, que les brigands en grand nombre, qui s’étaient portés à Ancenis, tentaient le passage de cette rivière, à l’aide des toues et des bateaux qu’ils portaient sur leurs chariots, et des barriques qu’ils prenaient à Ancenis, et qu’ils clouaient à des planches; mais il m’annonça en même temps que l’artillerie de nos bateaux armés, brisant les embarcations des brigands, les tuait ou noyait tous. Effecti¬ vement, tous les équipages ont si bien fait leur devoir, qu’il-n’y a ici que très peu de brigands qui aient passé la Loire, et à mesure qu’ils arri¬ vaient sur la rive gauche, ils étaient tués pas nos postes de Champtoceaux et de Saint -Florent sans nulle résistance; ils venaient à la nage sans armes. Il n’en eût pas échappé un seul, sans les ordres du général Moulin, qui s’est avisé de donner à quelques-unsjdes passeports pour les autoriser à rentrer chez eux. Je viens de faire partir l’ordre d’arrêter ce général vraiment coupable; il est déjà remplacé. « Le 28, Westermann et l’adjudant général Hector sont entrés tous les deux dans Ancenis avëc peu de forces, par deux portes opposées; ils ont fait une boucherie épouvantable des brigands; les rues de cette commune sont jonchées de morts; ils n’ont pas perdu un seul homme, nous n’avons qu’un blessé; ils ont pris 8 pièces de canons aux brigands, tous leurs caissons et leurs affûts. « Le 29, Westermann a marché sur Nort à 10 heures du soir. Il s’est emparé du village des Touches seul, avec la cavalerie de la légion du Nord; il y a trouvé environ 300 ou 400 brigands; il les a tous massacrés. Le lendemain, à 5 heures du matin, il a attaqué Nort ; l’ennemi, épouvanté, s’est sauvé devant lui, et a pris la route de Blain. Néanmoins, il a tué plusieurs brigands dans Nort, et a fait environ 100 prisonniers pour des raisons qu’il m’ a confiées ; il y a pris 200 chevaux, et m’annonce que La Rochejacquelin et Stofflet ont été tués en passant la Loire. « La défaite des brigands est si complète, que nos postes les tuent, prennent et amènent à Nantes par centaines; la guillotine ne peut plus suffire : j’ai pris le parti de les faire fusiller; ils se rendent ici et à Angers par centaines. J’assure à ceux-ci le même sort qu’aux autres. J’invite mon collègue Francastel à ne pas s’écarter de cette salutaire et expéditive méthode. C’est par principe d’humanité que je purge la terre de la liberté de ces monstres. « La bande qui se porte du côté de Blain, ne fera pas une marche bien longue. La colonne, commandée par le général Kléber, est à Château¬ briant; Westermann poursuit à grandes jour¬ nées cette horde fugitive ; toutes les communica¬ tions, tous les ponts, toutes les embarcations qui auraient pu faciliter une invasion dans le Morbihan, tout est rompu, détruit, brûlé; et les forces tellement disposées sur la rive gauche de la Villaine, depuis son embouchure jusqu’au¬ près de Vannes, de manière qu’il est impossible [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. ! ® nivôse an 11 337 aux brigands d’aller se réunir aux nombreux partisans qu’ils ont dans le Morbihan (1). « Sur la rive gauche tout va on ne peut pas mieux; nous y avons eu 13 ou 14 avantages successifs ; tous les marais, tout le continent sont au pouvoir de la République. Charrette se cache dans, les bois avec environ 2,000 brigands aussi lâches que lui. Il ne reste plus à prendre que Noirmoutier. Vous recevrez bientôt la nouvelle de cette prise. L’expédition sur la rive gauche couvre de gloire le génétal Haxo, à qui elle a été confiée, ainsi que le général Dutruy et tous les braves défenseurs qui combattent sous leurs ordres. Vive la République! encore quelques jours, et il n’existera plus un seul brigand sur les deux rives de la Loire (2). « Salut et fraternité. « Signé : Carrier. » IL Carrier, représentant du peuple près l’armée de l’Ouest, à la Convention nationale. « Nantes, le 4 nivôse, l’an II de la Répu¬ blique, une et indivisible. « Tous les brigands, sur la rive droite de la Loire sont enfin exterminés; il n’existe plus d’armée catholique et. royaliste dans cette partie de la République. Nous les avons attaqués le 2 et le 3, et nous en avons fait une boucherie, telle, qu’on n’en entendra plus parler. Il ne s’en est sauvé que quelques-uns, qu’on détruira très facilement en faisant des battues dans les bois. Les deux combats ont été livrés à Savenay. Nous leur avons pris tous leurs canons, caissons et équipages, et les poussant jusqu’à la Villaine, dont j’avais fait enlever les ponts et détruire toutes les embarcations, nous en avons tué environ 6,000, formant la totalité de leur bande fugitive. « Sur la rive gauche nous avons encore battu Charrette aux Herbiers : nous lui avons tué 3 ou 400 brigands. Il s’est enfui en désordre dans les bois avec environ 900 brigands. « Nantes est illuminé, les cris de : Vive la République! Vivent ses défenseurs! Vive la Montagne! retentissent de toutes parts. L’allé¬ gresse est universelle et inexprimable. Oui, qu’elle vive notre chère République, son triomphe est assuré. « Signé : Carrier. » Compte rendu du Moniteur universel (3). Le Président. Vous venez d’apprendre la vic¬ toire que nos troupes ont remportée sur les (1) Applaudissement d’après le Journal de Per-lel (n° 461 du 7 nivôse an II [vendredi 27 décembre 1793], p. 212) et d’après les Annales palrioliques el littéraires (n° 360 du 7 nivôse an II [vendredi 27 dé¬ cembre 1793], p. 1626, col. 1). (2) Applaudissements; d’après le. Mercure uni¬ versel (7 nivôse an II [vendredi 27 décembre 1793] p. 110, col. 2.) (3) Moniteur universel (n° 98 du 8 mvose an II [samedi 28 décembre 1793], p. 393, col. .1). D’autre part le Journal des Débals el des Décrets (nivôse an II, lre SÉRIE, T. LXXXII. rebelles de la Vendée. Voici une lettre qui vient de me parvenir qui contient l’annonce d’une vic¬ toire encore plus complète. ( Suit le texte de la première lettre de Carrier, datée de Nantes le 30 frimaire, que nous avons insérée ci-dessus .) Le même représentant du peuple Carrier, écrit de Nantes, le 4 nivôse : ( Suit le texte de la seconde lettre de Carrier, datée de Nantes le 4 nivôse, que nous avons insérée ci-dessous.) n° 464, p. 95), rend compte de la lettre de Carrier et la de discussion qui a suivi dans les termes suivants : « Le Président annonce de nouveaux détails relatifs à une victoire plus complète sur les brigands de Vendée. La lettre qu’on a lue est de Carrier, datée de Nantes, le 3 nivôse. Elle renferme les faits sui¬ vants : « La route du Mans à Laval est jonchée des cadavres des brigands. Arrivés à Laval, les fuyards se sont divisés en deux colonnes. L’une est allée vers Châteaubriant et l’autre vers Ancenis. Cette dernière a tenté de passer la Loire. Un grand nombre des brigands s’est noyé en traversant. D'autres ont été tués sur l’autre rive. Il n’en eût pas échappé un seul, si le général Moulins n’eût donné à quel¬ ques-uns des passe-ports pour s’en retourner chez eux. Il est destitué et remplacé. Westermann, quoique avec peu de monde, a pris tout ce qui leur restait d’artillerie. » « Un citoyen est à la barre et s’exprime à peu « près en ces termes : « C’est moi qui ai apporté à la Convention les « détails qui viennent de vous être communiqué. « Je vais y en ajouter d’autres dont j’ai été té¬ moin oculaire. a Au moment où je partis de Nantes, il arrivait « 500 brigands que les habitants de la campagne « avaient saisis, jetant les armes et demandant « grâce. La grâce seule qu’on leur accorde , est la « mort, qu’ils réservaient à ceux de nos frères qui « seraient tombés entre leurs mains. En passant à « Ancenis, j’ai rencontré au moins dix détachements « soit d’habitants, soit de volontaires, qui avaient « saisi dans les forêts des brigands, qui les avaient « choisies pour leur dernier repaire. « J’ai appris encore des administrateurs d’An-« cenis qu’ils étaient sur le point d’envoyer à Angers « 600 brigands qui avaient été faits prisonniers. « A Angers, j’en ai trouvé moi-même 800 arrêtés « aussi, et qui allaient subir la peine due à leur « félonie envers la liberté. Il en est absolument de « même à Saumur. Et si je calcule le nombre des k brigands qui ont péri dans les différents combats « que leur ont livrés les hommes libres, je ne dirai « pas trop en les portant à 30,000 (Applaudisse-« ments). « Je profite de la faculté que vous m’avez accor-« dée de parler à votre barre, pour vous annoncer « que, chargé par le conseil exécutif de donner de « l’activité aux fonderies de la République, je les <1 ai trouvées dans le meilleur état. On y fond des « canons de tous calibres, des boulets, des obus, et « des mortiers. Les ouvriers qu’on y emploie sont « animés du plus pur républicanisme, et bientôt « nous aurons plus que rempli le vide qu’auraient « laissé dans nos parcs d’artillerie les pertes que « nous pourrions avoir faites. 1 J’étais chargé de vous offrir un calice, je le ferai « parvenir à la Monnaie. » « Le citoyen qui est à la barre reçoit les honneurs « de la séance, au milieu des applaudissements. 22