SÉANCE DU 1er FRUCTIDOR AN II (18 AOÛT 1794) - N° 9 265 proscription; c’est lui qui dictait les jugements du tribunal révolutionnaire; c’est lui qui, tous les décadis, insultait au malheur public par des fêtes et des bals où il présidait, et qui conduisait les farandoles que des prostituées et d’autres êtres immoraux faisaient autour de la guillotine qu’on avait mise en permanence. C’est lui enfin qui, par des épurations réitérées, tant dans les corps administratifs que dans les société populaire et la garde nationale, était parvenu à écarter tous les hommes fermes et clairvoyants, à désarmer beaucoup de patriotes, et à n’être entouré que de scélérats, d’hommes tarés, ou de quelques patriotes faibles qu’il tournait à son gré, et dont il se servait encore pour opprimer ceux qui avaient su lui résister. Les aristocrates seuls trouvaient faveur, tant auprès de Courbis qu’auprès du tribunal. Le comité révolutionnaire, qui était dans les bons principes, fut mandé à la barre du tribunal, où il fut traité de contre-révolutionnaire, et deux de ses membres mis en arrestation pour avoir décerné des mandats d’arrêt contre des aristocrates, refusé d’en lancer contre des patriotes et dénoncé le scélérat Moulin, complice des conjurés. Enfin l’horreur était à son comble; il serait trop long de rapporter ici tous les crimes dont les complices de Robespierre se sont rendus coupables; mille pièces, mille faits, mille actes d’oppression déposent contre les scélérats. La société populaire de Nîmes espère qu’une prompte justice purgera bientôt la terre de la liberté de ces êtres odieux, de ces monstres altérés de sang et de domination. Vous verrez, citoyens représentants, par le procès-verbal de la séance de la nuit du 19 thermidor, que nous déposons sur le bureau avec deux adresses et le procès-verbal qui porte notre nomination, que la société populaire de Nîmes a toujours été attachée aux vrais principes, et que l’influence que ces conspirateurs avaient coutume d’exercer sur elle a été nulle quand elle a tendu à lui faire méconnaître la représentation nationale. La société populaire a elle-même saisi les coupables dans son sein; aucun n’a échappé, et l’administration du district s’est empressée de la seconder en décernant provisoirement des mandats d’arrêt qui ont été confirmés par ceux de votre comité de sûreté générale. La scène qui s’est passée ici a été répétée à Nîmes 10 jours après. On trouve dans ces deux événements des ressemblances frappantes; mais dans cette comparaison il y a une grande différence à faire entre les chefs de la force armée. A Paris, il y avait un Hanriot, un conspirateur; à Nîmes c’est le brave patriote Cher qui a déployé le caractère d’un vrai républicain et qui n’a pas peu contribué au succès. L’agent national du district a aussi donné des preuves de la plus grande fermeté et d’un dévouement sans bornes; il a acquis de nouveaux droits à la confiance publique. Représentants, vous avez donné l’exemple du courage et du patriotisme; votre énergie a sauvé la liberté; soyez assurés que cet exemple ne restera pas sans être suivi. Le danger que la patrie a couru a redoublé le zèle des patriotes; plus ils combattent, plus ils acquièrent de courage et de force. On veut les anéantir, on les multiplie; on veut les épuiser, on les rend invincibles; chaque effort de leurs ennemis leur assure un triomphe. Ils ont juré l’unité et l’indivisibilité de la République; ils resteront fidèles à leur serment; ils affermiront les bases du gouvernement par la pratique des vertus, et ils sauront prouver à l’univers que ce n’est pas en vain que la Convention nationale a mis la justice et la probité à l’ordre du jour. (On applaudit). ( Suivent les signatures). (1) On a décrété l’impression de cette adresse au bulletin et GUFFROY a pris la parole : il a prié la Convention de réparer une injustice en rendant à ses fonctions le citoyen Sosset, dit Saint-Ange, adjudant-général, chef de bataillon, que Vincent a destitué, parce que, disoit-il, il avoit l’air d’un noble (2). SERGENT propose de rétablir également dans leurs fonctions tous les citoyens injustement destitués et mis en liberté par le comité de sûreté générale. BASSAL observe que la proposition de SERGENT ne peut être adoptée sans danger, qu’il n’y a aucun fonctionnaire public qui ne présente (sic) avoir été injustement destitué, qu’il faut renvoyer la proposition de SERGENT au comité de sûreté générale et le charger de présenter le projet de décret à la Convention pour faire rétablir dans leurs fonctions les patriotes qui en ont été injustement dépouillés et privés de leur liberté (3). La Convention décrète la mention honorable, l’insertion au bulletin et le renvoi de l’adresse au comité de sûreté générale pour lui en faire un prompt rapport. Elle charge ce comité d’entendre aujourd’hui les pétitionnaires sur les circonstances des faits qu’ils ont dénoncés, afin qu’ils puissent retourner de suite dans leurs foyers. Elle renvoie au même comité la proposition d’un membre de décréter que tous les fonctionnaires publics mis en liberté sont de plein droit rendus à leurs fonctions (4). [Applaudissements ] . 9 Les deux frères Renaud paroissent à la barre pour remercier la Convention sur leur mise en liberté; ils demandent la révision du procès de leur infortuné père (5). BOURDON (de l’Oise) : Les deux frères Renaud viennent remercier la Convention du (1) Moniteur (réimpr.), XXI, 527; Débats , n° 697, 3; J. Fr., n° 693; M.U., XLIII, 31; J. Mont., n° 111; Ann. R.F., n° 260; Rép. , n° 242; F. de la Républ, n° 410; J.S. -Culottes , n° 550; C. Eg., n° 730; J. Perlet, n° 695; Ann. patr., n° DXCV. (2) Gazette fr(se , n° 698. Après l’adoption du décret, ce journal place le rapport de GOUPILLEAU (de Fontenay). Voir, ci-dessous, n° 12. (3) J. Paris, n° 596. (4) P.V., XLIV, 4. Décret signé J. -P. Chazal, n° 10 452. Rapporteur anonyme selon C* II 20, p. 258. Reproduit au B‘n , 1 er fruct. (5) P.V., XLIV, 4. 266 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE décret qu’elle a rendu en leur faveur. Je demande qu’ils soient admis. Ils entrent à la barre. L’un d’eux : Citoyens représentants, vous voyez devant vous les deux malheureux frères Renaud; ils viennent vous remercier du décret qui les rend à la liberté et à la patrie; ils viennent aussi vous demander la révision du procès de leur infortuné père. POULTIER : Je demande que la pétition de ces deux citoyens soit renvoyée au comité de législation. GOUPILLEAU : Dans le rapport que j’ai fait il n’y a qu’un instant (1), je parlais de la réaction du mouvement politique qui a eu lieu. Je disais que les ennemis du peuple s’uniraient pour faire tourner à leur profit les victoires que vient de remporter la liberté. Si la Convention ne passe pas unanimement à l’ordre du jour sur la proposition qui vient de lui être faite, bientôt on viendra lui demander de réhabiliter la mémoire de Robespierre. L’Assemblée passe à l’ordre du jour sur la proposition de Poultier. BOURDON (de l’Oise) : [Rendons hommage aux grands principes de l’institution des jurés]. Je demande que la pétition des frères Renaud soit renvoyée au comité des secours (2). L’assemblée passe à l’ordre du jour sur cette proposition et renvoie au comité des secours leur pétition. 10 Coupé fait un rapport sur les vers à soie; la Convention décrète l’impression et la distribution du rapport (3). COUPÉ (de l’Oise) fait, au nom du comité d’agriculture, un rapport très détaillé sur les vers à soie et les mûriers, dont les feuilles leurs servent d’aliment. Il rappelle que toutes les nations ont mis un grand prix aux étoffes de soie, et se sont empressés d’établir des manufactures et des filatures. Il prouve, par plusieurs raisonnemens, que les manufactures générales sont sujettes à de grands abus, dont le plus grand est de mettre les sans-culottes ouvriers sous l’oppression et la dépendance des riches. Il déclare que dans un gouvernement où la mendicité est abolie on doit confier à tous les citoyens le soin d’élever des vers à soie et de préparer cette matière précieuse. A ce rapport sont jointes deux instructions aux citoyens de la République, sur les moyens qui doivent être employés dans la culture du mûrier et pour l’éducation des vers à soie. Le rapporteur termine en présentant un projet de décret tendant à augmenter très promptement la quantité des vers à soie qui existent dans la République. Après une légère (1) Voir ci-dessous, n° 12, selon l’ordre du Procès-Verbal. (2) Moniteur (réimpr.), XXI, 528; Débats, n° 697, 6; J. Fr., n° 693; J. Perlet, n° 695; Rép., n° 242; J. Paris, n° 596; Gazette frsse , n° 962; F. de la Républ. , n° 410; Ann. R.F. , n° 259; C. Eg. , n° 730; J. Mont. , n° 111; J. univ. , n° 1729; J. S. -Culottes , n° 550; M.U., XLIII, 31; Ann. patr., n° DXCV. (3) P.V., XLIV, 4. Rapport de Lequinio. Décret n° 10 451. discussion, la Convention décrète l’impression du rapport et du projet de décret (1). 11 La société républicaine de la commune d’Avize, district d’Epernay, département de la Marne, félicite la Convention nationale sur l’énergie qu’elle a montrée lors de la conspiration de l’infâme Robespierre; elle jure de défendre la représentation nationale. Mention honorable, insertion de l’adresse au bulletin (2). 12 Un membre [GOUPILLEAU], au nom des comités de sûreté générale et de salut public, fait un rapport sur la réduction des comités révolutionnaires et sur la police générale; il propose ensuite un projet de décret. La Convention en ordonne l’impression et l’ajournement (3). GOUPILLEAU (de Fontenay), au nom des comités de salut public et de sûreté générale : Citoyens, le premier devoir des fondateurs d’une république est de diriger tous les mouvements de la révolution vers le but qu’ils se sont proposé; éclairés par l’expérience, ils doivent profiter du présent pour s’emparer de l’avenir, et le maîtriser s’il est possible. En portant nos regards sur le passé, nous distinguerons ce caractère particulier à notre révolution : c’est que les événements préparés par nos ennemis intérieurs pour en retarder la marche l’ont toujours accélérée, et tout a tourné à l’avantage de la liberté. C’est ainsi que les infâmes projets d’une cour nécessairement corrompue ont hâté la chute du dernier des Capets; c’est ainsi que la conspiration et la mort du nouveau Catilina et de ses complices ont resserré les liens qui attachent le peuple à ses représentants. Mais il y a aussi une vérité qu’on ne peut se dissimuler : c’est que l’aristocratie, qui ne changera jamais, en applaudissant à la juste punition des derniers conspirateurs, conserve toujours son attachement aux anciens tyrans; c’est qu’en parlant des abus que quelques hommes ont faits d’un pouvoir terrible mais nécessaire, les malveillants en prennent occasion de décrier le gouvernement révolutionnaire et de rejeter sur l’institution la plus salutaire les fautes des individus. Eh quoi ! parce que quelques patriotes auront été momentanément victimes des haines, des vengeances particulières, parce que la Convention prend des mesures pour réparer les injustices partielles, s’ensuit-il de là qu’on doive (1) Ann. R.F., n° 260; J. Fr., n°693; Moniteur (réimp.), XXI, 539 (Cette gazette et plusieurs autres font dire à Lecointe-Puyraveau : « Occupons-nous dans ce moment de l’organisation du gouvernement de la République et ajournons le gouvernement des abeilles (sic) »; J. Paris, n°596; M.U., XLIII, 30; J. Mont., n° 111; Débats, n°697, 3; F. de la Républ., n°410; Ann. patr., n°DXCV; J. Perlet, n°695; J.S. -Culottes, n°551; Gazette frlse , n°961. (2) P.V., XLIV, 4. Mentionné par B", 3 fruct. (suppl1). (3) P.V., XLIV, 4.