[Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES-[26 septembre 1790.] toute l'influence que fait espérer le préopinant. M. Camus. Le 11 de ce mois, quand l’Assemblée a décrété qu’il serait versé 20 millions au Trésor publie, elle a renvoyé au comité des finan-ces trois motions ayant pour objets : Tune de faire imprimer les états des recettes et des dépenses; l’autre de contraindre les receveurs des impositions à justifier de leurs recettes; la troisième de ne plus accorder de somme que sur une ordonnance dq roj, contresignée du ministre. Je suis surpris que le comité des finances n’en ait pas rendu compte ainsi qu’il en avait été chargé. Je demande donc que l'on veuille bien adopter le décret que je vais présenter : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des finances, décrète que la caisse d’escompte remettra au Trésor public la somme de 1U millions; « Que les motions faites le 11 de ce mois et renvoyées au comité des finances, ensemble la motion faite ce jour sur l’impression des bordereaux des hôtels des monnaies, seront remises à l’instant au rapporteur du comité des finances, pour que, dans trois jours au plus tard, le comité présente un projet de décret sur lesdites motions; « Que les 10 millions dont la remise est ordonnée par le présent décret seront remis au Trésor pùblic sur la signature de l’ordonnateur dudit Trésor. » (Ge projet de décret est mis aux voix et adopté.) M* le Président, L’ordre du jour est la suite de la discussion sur le mode de liquider la dette publique. M. Iæ CoiUeulx de Cantelen (1). Messieurs, il n’est sans doute aucun bon citoyen qui ne désire concourir au succès du projet vaste et simple de libérer l’Etat d’une grande partie de sa dette par la vente des biens nationaux. Cette idée à peine conçue, on a désiré d’en précipiter l’exécution ; ces premiers mouvements tiennent à notre caractère. Au moment où nous saisissons une grande et belle idée, les délais et les moyens tempérants de la prudence nous irritent et nous importunent. La facilité qu'on a eue de remplir le vide du Trésor public en versant une certaine quotité de délégations sur les biens nationaux et en leur donnant le caractère de papier-monnaie, le succès avec lequel on a ainsi remédié au défaut des recettes, et remboursé 200 millions de capitaux, a persuadé même de très bons esprits que ces délégations ou assignats pouvaient également acquitter la totalité de la dette exigible. On s’est flatté en même temps, et c’est l’illusion la plus générale, que des sommes énormes ainsi rendues aux créanciers, et reversées dans le public, allaient y faire l’effet d’un remboursement réel, et auraient les heureuses influences d’un accroissement de richesses. Le caractère qu’un souverain imprime sur une monnaie ne peut en dénaturer l’essence; ainsi, ce qui paraît le plus important dans la grande question qui nous occupe actuellement, c’est de bien examiner ce qu’est en réalité un assignat. Je renfermerai ma discussion sous ce point de vue principal, et j’éviterai de traiter cet objet (1) Le Moniteur s’est borné à reproduire le projet de.décret proposé par M. Le Gouteulx. 243 sous les mêmes rapports qui ont été déjà présentés à l’Assemblée avec tant de talents et de succès.. L’assignat sur les domaines nationaux est une délégation, non sur des revenus, mais sur des biens-fonds; on ne peut ni on ne doit donc considérer, cette délégation comme un remboursement réel, mais seulement comme un échange contre un bien-fonds. L’assignat, même avec le caractère de monnaie, est purement et simplement la conversion d’un capital dont l’intérêt était payé par une portion des contributions publiques, en un capital en fonds de terre, dont l’intérêt sera payé par les produits de cette terre. Il est donc évident que. cette conversion ne présente en elle-même aucun accroissement dans la richesse publique, qu’il pourra en résulter un emploi plus utile; mais nous n’y observons d’abord qu’un département dans les revenus et les dépenses particulières : ce sont les ci-devant usufruitiers des domaines nationaux, qui, par la conversion et la réduction de leur usufruit, fournissent aujourd’hui ce que payaient ou auraient payé d’autres contribuables. D’ailleurs, le numéraire ne s’obtient et ne s’accroît réellement dans un royaume que par l’accroissement des revenus. La richesse d’un Etat dépend moins de la masse de ce numéraire que de la rapidité avec laquelle il circule, parce que larichesse réelle d’un peuple dépend uniquement de la quantité des productions de la terre et de la quantité du travail des habitants ; en sorte que ce n’est pas autant la somme gagnée qui a été utile à l’Etat, que la manière dont elle a été gagnée, et l’émulation qu’elle occasionne : ce qui conduit à conclure que la quantité positive des marcs d’argent ou du numéraire n’est point en soi Le principe de la culture, de l’industrie et de la population, et, nous le disons de nouveau, il n’y a dans cette opération aucun accroissement de richesses publiques : il n’en résulte dans le royaume aucune quantité positive de marcs d’argent, ou d’arpents de terre au delà de ce qui y était auparavant. Oq peut me dire, il est vrai, que les lettres de change, ou les bons papiers de commerce qui multiplient le travail et vivifient l’industrie, sont des assignats-monnaie à un plus court terme, qu’elles triplent ou quadruplent le numéraire en Europe. En effet, les lettres de change et les papiers de commerce représentent la prodigieuse quantité de denrées des quatre parties du monde, qui sont successivement consommées par ses habitants; mais c’est sur celte consommation successive (qui n’est que l’échange mutuel des productions) que sont délégués en réalité les papiers de commerce. Ainsi, ce ne sont point des assignats sur des capitaux, mais sur des revenus; et, en ce sens, on a dit avec raison que les lettres de change étaient le meilleur et le premier de tous les papiers-monnaie, lorsqu’il est d’ailleurs appuyé sur la bonne foi et l’opinion publique. Mais il ne faut pas perdre de vue que les lettres de change sont, en même temps, une obligation précise et sévère de payer telle somme dans un temps déterminé ; que le numéraire, avec lequel elle doit être acquittée, existe en métal, ou ia monnaie est en chemin, si je peux me servir de cette expression, pour être présentée à son échéance; que ce papier circulant n’est donc qu’une avance sur la mounaie effective qui doit inévitablement être mise successivement en circulation ; que les mêmes valeurs ne peuvent être