SÉANCE DU 2 VENDÉMIAIRE AN III (MARDI 23 SEPTEMBRE 1794) - N08 35-37 377 indivisible et démocratique qui assure le bonheur commun soit assise sur des bases inébranlables. Vous êtes les fidèles mandataires du peuple et ce peuple qui a mis en vous toute sa confiance, vous secondera de tous ses moyens. C’est bien le cas de dire à présent que la justice et la probité sont à l’ordre du jour. Les seuls coupables subiront la peine due à leurs crimes et seront frappés de mort. En rendant à l’agriculture et aux arts des bras qui lui sont nécessaires, en rendant à la société des citoyens qui lui sont précieux, vous avez augmenté le nombre des amis de la révolution et lui avez fait de chauds partisans ; vous avez porté la consolation dans les familles éplorées, les uns sur le sort de leur père, les autres sur celui de leur mère, de leurs frères, de leurs sœurs, de leurs parens et de leurs meilleurs amis injustement détenus ; vous avez donné satisfaction et rendu justice à un million de patriotes proscrits qui gémis-soient sous l’oppression et la tiranie et dont la mort étoit assurée ; vous les avez rendus à la vie. Vous avez rassuré la fortune publique et vous avez comblé le vœux de tous les bons citoyens ; nous respirons enfin et grâce au génie bienfaisant dont la Convention est animée, grâce aux vertus qui la caractérisent, la terreur est dissipée, des jours serins nous éclairent et tout nous présage un avenir heureux. La marche du gouvernement révolutionnaire n’en sera que plus rapide. Cette victoire sur les traitres et les malveillans de l’interieur et les soins paternels de la Convention nationale resserant plus que jamais parmi nous les liens de l’amitié et ne faisant de tous les Français qu’une famille de freres, feront trembler tous les ennemis de la République et avanceront son triomphe. Périssent les tirans et les traitres, ennemis de la souveraineté du peuple. Vive la République une indivisible et démocratique et vive la Convention nationale. Mouton Corable, président, Griolet, Chalas, et une autre signature illisible, secrétaires. 35 Celle de Montpellier [département de l’Hérault] écrit que ce n’est pas assez pour la gloire de la Convention d’avoir créé la plus parfaite démocratie, qu’il faut encore étouffer entièrement le fanatisme, qui est presque terrassé. Elle propose d’établir dans chaque district un certain nombre d’officiers publics, sous la dénomination de surveillans actifs de morale, qui parcourront les communes, et que ces surveillans soient tenus de rendre un compte détaillé et décadaire de leurs opérations. Mention honorable, insertion au bulletin et renvoi au comité de Sûreté générale (52). 36 L’agent national du district de Saint-Dizier, département de la Haute-Marne, annonce à la Convention, que depuis le 15 floréal jusqu’au 10 fructidor, il a été extrait dans ce district seize mille huit cent seize livres de salpêtre qui ont été expédiées à Paris. Insertion au bulletin, et renvoyé à la commission des poudres et salpêtres (53). L’agent national du district de Saint-Dizier, département de la Haute-Marne, annonce à la Convention nationale que depuis le 15 floréal jusqu’au 10 fructidor, il a été extrait dans ce district 16 816 livres de salpêtre qui ont été expédiées à Paris ; qu’il en a été expédié vers la fin de la deuxième décade de fructidor environ trois milliers ; il sera aussi expédié dans peu de jours 50 milliers de charbon de bourdaine, etc. (54). 37 La société populaire d’Aigueperse, département du Puy-de-Dôme, se plaint de ce que les aristocrates lèvent la tête, et que le modérantisme cherche à profiter des derniers événemens. Elle demande que les prêtres et les ex-nobles soient surveillés de plus près, que la Convention maintienne le gouvernement révolutionnaire, et qu’elle ordonne l’impression de la liste des détenus mis en liberté, et de ceux qui ont sollicité leur élargissement. On réclame l’ordre du jour et le renvoi au comité de Sûreté générale ; on demande aussi l’insertion de l’adresse au bulletin. L’ordre du jour et le renvoi au comité obtiennent la priorité et la Convention décrète cette dernière proposition (55). LEVASSEUR (de la Sarthe) [en sa qualité de membre du comité des Dépêches] (56) fait lecture d’une adresse de la société d’Aigue-Perse, à peu près ainsi conçue : « Le tyran n’est plus ; mais son funeste génie survivrait-il encore? L’aristocratie lève une tête altière : le modérantisme veut profiter des événements ; on veut substituer au régime révolutionnaire celui d’une fausse clé-(52) P.-V, XLVI, 32. (53) P.-V., XLVI, 32. (54) Bull., 3 vend, (suppl.). Ann. Patr., n° 634 ; C. Eg., n° 769. (55) P.-V., XLVI, 32-33. (56) Gazette Fr., n° 996. 378 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE mence, déguisée sous le nom de justice. (On murmure d’une part, on applaudit de l’autre.) Oui, sans doute, il faut que la justice règne ; mais une justice sévère et impartiale qui en délivrant les patriotes persécutés, frappe sans pitié tous les contre-révolutionnaires. (On applaudit.) Nous applaudissions au décret qui ordonnait l’impression de la liste des détenus mis en liberté, et de ceux qui ont sollicité ; c’était le moyen d’éviter le piège que tend sans cesse l’aristocratie. Pourquoi ce décret a-t-il été si promptement rapporté ? Pourquoi envelopper des ombres du mystère des opérations qu’il importe tant de connaître? Certes on ne peut composer avec les principes : si des patriotes ont été victimes, la connaissance de ces intrigues ne fera qu’ajouter à notre reconnaissance. Quant à ceux pour qui la patrie n’est qu’un vain mot, cette classe d’hommes doit être proscrite : la publicité est la garantie de la justice. Nous demandons que le gouvernement révolutionnaire, qui doit conduire au port le vaisseau de la République, soit rétabli dans toute sa vigueur; que la loi du 17 septembre soit exécutée ; que les nobles et les prêtres, ces étemels conspirateurs, soient de plus en plus surveillés, et que le décret qui rapporte celui des listes soit rapporté. » On demande le renvoi de cette adresse au comité de Sûreté générale, et l’insertion au bulletin. Plusieurs membres s’y opposent. DU ROY : Il n’est que trop vrai qu’on a remis en place des fonctionnaires publics destitués comme suspects, et convaincus de fédéralisme. Ainsi on a réintégré en place un homme qui, étant maire de Caen, pouvait comprimer la rébellion et ne l’a point fait. On a rétabli plusieurs officiers municipaux que mon collègue Lindet et moi avons trouvés assis sur les fleurs de lis. On a destitué de plus d’excellents patriotes, entre autres un excellent citoyen que nous avions crée procureur-syndic du département. On profite avec perfidie des malheurs des circonstances, pour calomnier les plus sincères amis de la révolution. Nous marchons entre deux écueils; craignons d’échouer contre l’un ou l’autre. Appuyons toujours une main de fer sur l’aristocratie, et distinguons bien les vrais patriotes d’avec ceux qui n’ont singé le patriotisme que pour s’engraisser de la substance du peuple. Les circonstances nous offrent de singuliers rapprochements entre ce qui se passe maintenant et ce qui se disait au début de la révolution. Lorsque notre énergie brisa le ressort qui trop longtemps avait pesé sur nos têtes, et que nous établîmes une grande insurrection, les courtisans, les seigneurs, les évêques, les moines, disaient en parlant de nous : C’est une horde de rebelles qu’il faut écraser. Ils prétendaient qu’ils servaient la cause du peuple, et qu’ils soutenaient seuls son existence ; eh bien, ces hommes si nécessaires à la société sont détruits, proscrits ou émigrés ; cependant le peuple existe, il fait la guerre contre toute l’Europe, et ses armées sont approvisionnées plus que jamais elles ne l’ont été. Après avoir renversé le trône, vous avez vu des hommes qui voulaient singer les grands seigneurs, et qui s’imaginaient que le peuple n’avaient brisé des idoles pourries que pour en élever d’autres. C’étaient des procureurs généraux de département, des administrateurs de district, des juges de tribunaux. Le peuple ne voulait pas de ces hères de l’ancien régime ; il attendait de ses magistrats la simplicité démocratique. Alors ces messieurs ont attiré vers eux les gros propriétaires, les riches commerçants. La Convention n’a voulu s’entourer que de sans-culottes, et elle a été victorieuse avec le peuple. Je demande que l’on n’ait pour les aristocrates aucune clémence, et qu’une juste protection soit accordée au patriotisme (57). Un membre : Vous dites que le modérantisme respire, eh bien, allez donc à l’hospice de l’évêché, et vous y verrez cinquante à soixante pauvres cultivateurs, sans vêtemens, arrêtés depuis un an, et qui n’ont pas été interrogés (58). DUHEM : Comment le comité de Sûreté générale auroit-il pu s’occuper de ces cultivateurs ? Il est sans cesse assiégé par des intrigans. Il ne connoit pas les malheureux qui gémissent dans ces prisons, parce que les malheureux n’ont point de protecteurs. Je demande que cette affaire lui soit renvoyée et j’appuie l’impression au bulletin de l’adresse de la société d’Aigueperse. Un membre : Je m’oppose à la dernière proposition. Cette adresse est contraire aux principes de gouvernement et la demande qu’on vous y fait de décréter l’impression de la liste des détenus ne tend qu’à ramener le système de la terreur. Vous avez rejeté sans cesse cette demande. Pourquoi la représente-t-on sans cesse si ce n’est pour attaquer vos décrêts. Après quelques débats, l’assemblée passe à l’ordre du jour sur la demande d’insertion de l’adresse au bulletin, et en décrète seulement le renvoi au comité de Sûreté générale qui s’occupera de l’affaire des cinquante cultivateurs détenus à l’hospice du ci-devant hôtel de l’Evêché (59). (57) Moniteur, XXII, 54-55. Débats, n° 732, 16 ; J. Paris, n° 3 ; J. Fr., n° 728. Gazette Fr., n° 996 ; M.U., XLIV, 24-25 ; Rép., n° 3 ; Mess. Soir, n° 766 ; Ann. R.F., n° 3 ; F. de la Ré-publ., n° 3 ; J. Perlet, n° 731. (58) J. Fr., n° 728. Gazette Fr., n° 996 ; M.U., XLIV, 24-25 ; Rép., n° 3 ; Mess. Soir, n° 766 ; Ann. R.F., n° 3 ; F. de la Ré-publ., n° 3 ; J. Perlet, n° 731 ; Ann. Patr., n° 631 ; C. Eg., n° 766. Ces deux dernières gazettes attribuent une adresse et des débats identiques à la société populaire d’une commune nommée Delvèze, Puy-de-Dôme. (59) J. Perlet, n° 731. Rép., n° 3 ; Ann. R.F., n° 3 ; Mess. Soir, n° 766, précise qu’il y aurait eu une deuxième lecture de l’adresse.