258 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES, 122 mars 1791.| qu’ainsi les gardes nationales qui se portent à arrêter des grains et du numéraire circulant dans le royaume se rendent doublement coupables en ajoutant aux troubles qu elles apportent à l’ordre public, dont le maintien leur est confié, l’infraction de la plus importante des lois qui leur sont propres ; « Renvoie au pouvoir exécutif pour faire, ainsi qu’il y estessentiellement tenu, exécuter, par tous les moyens que la Constitution lui a délégués, les lois relatives aux objets susénoncés, en faire poursuivre les infracteurs, de quelque état et qualité qu’ils soient, et éclairer les citoyens, par telle proclamation qu’il appartiendra, sur la nécessité de maintenir la libre circulation de3 grains et du numéraire dans l’intérieur du royaume. » M. Andrieu. C’est ôter la considération due aux lois que de les multiplier et de les répéter inutilement. La loi est faite; c’est au pouvoir exécutif à la faire exécuter. M. Lanjuinais. Il ne faut pas que l’Assemblée consume 'son temps à décréter des renvois au pouvoir exécutif; il faut prendre le parti que vous avez déjà pris avec succès, il y a peu de jours, en pareille circonstance, c’est de vous décider à passer à l’ordre du jour; le peuple sera parfaitement instruit. Plusieurs membres : Oui ! oui! l’ordre du jour 1 M. Merlin. Personne ne désire plus que moi l’avancement des travaux de l’Assemblée (Murmures.); mais j’observe que l’exemple qu’a donné la municipalité de Paris en arrêtant sous vos yeux... (Murmures.) M. Martineau. Jevousinterpelle dedire quand la municipalité de Paris a arrêté le numéraire. M. de Liancourt. J’observe à M. Merlin que l’ordre du jour motivé remplit son objet. Je demande qu’il soit dit : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu la pétition du directoire du département du Nord, relativement à l’arrestation, dans les villes de Douai, Bouchain et Marchiennes, de plusieurs voitures publiques portant des sommes d’argent; considérant que le directoire du département du Nord devait s’adresser directement au pouvoir exécutif, dont le devoir est de maintenir la libre circulation du numéraire, ordonnée par les décrets précédemment rendus, passe à l’ordre du jour. » (Cette motion est décrétée.) M. Pougeard du Limbert, au nom du comité d’ aliénation. Messieurs, votre comité d’aliénation m’a chargé de vous rendre compte de l’état des travaux que vous lui avez confiés et de vous exposer l’embarras où il se trouve pour satisfaire aux demandes multipliées des municipalités dont le zèle patriotique s’est offert à seconder vos courageuses opérations. L’article 14 du titre Ier de votre décret du 14 mai 1790 porte que, >< la somme totale des « ventes qui seront faites aux municipalités ne « pourra excéder la somme de 400 millions. » Les adjudications successives que vous avez faites à diverses municipalités s’élèvent aujourd’hui à 310 millions; il ne reste donc plus que 90 millions à adjuger sur les 400 auxquels vous paraissez avoir voulu vous arrêter. Cette somme, Messieurs, n’est pas, à beaucoup près, suffisante pour remplir les vœux des municipalités qui ont fait des soumissions avant le 16 septembre dernier, terme fatal fixé par vos décrets, et qui ont d'ailleurs rempli les formalités coûteuses que vous leur aviez prescrites. Leurs procès-verbaux d’estimation ou d’évaluation actuellement arrivés à votre comité, et il en arrive encore, s’élèvent au delà de 286 millions. Il est vrai qu’il faudra en distraire : 1° les droits incorporels et ci-devant féodaux dont vous avez cru récemment devoir suspendre la vente et favoriser le rachat; 2° les doubles emplois provenant des demandes de mêmes objets, formées par différentes municipalités. Votre comité ne peut pas dans ce moment vous indiquer au juste à quelles sommes ces deux articles peuvent s’élever; mais il ne croit pas s’écarter de la vraisemblance, en les évaluant de 20 à 26 millions. Cetle somme déduite de celle de 286 millions, montant des procès-verbaux, la réduirait à 260 millions, et cette dernière somme excéderait de 170 millions celle de 90 millions restant à adjuger sur les 400 millions. Votre comité, Messieurs, jaloux de justifier la confiance dont vous l’avez honoré, ma rien négligé pour donner à l’opération importante que vous l’avez chargé de diriger toute l’activité que les besoins de la patrie réclamaient de son zèle; mais, fidèlement attaché à l’exécution des décrets que vous avez rendus, il a dû se renfermer dans les bornes que vous avez prescrites; et lorsqu'il s’est aperçu que la somme des demandes allait surpasser de beaucoup celle des sommes à adjuger, il a cru devoir s’arrêter, afin de concilier ce qu’exigeait la célérité des ventes avec fa justice due individuellement à chaque municipalité soumissionnaire. C’est par ce motif qu’il a sursis depuis un mois à toute proposition de décret d’aliénation, jusqu’à ce qu’il eût réglé, entre les municipalités concurrentes, l’ordre de priorité qu’il convenait d’établir, d’après les règles fixées par le décret du 10 octobre. 11 lui a fallu pour cela revoir avec le plus grand soin un nombre immense de pièces, vérifier une quantité infinie de dates et de calculs. Ce travail préli minaire et indispensable pour n’accorder à personne une préférence qui eût été une injustice envers les autres, a consumé plusieurs semaines. Quelques membres de cette Assemblée, étonnés de l’inactivité apparente d’un comité qui, pendant les trois derniers mois, avait occupé cette tribune jusqu'à l’importunité, sont venus en demander les motifs; votre comité les leur a fait connaître. A peine la nouvelle en a-t-elle été répandue dans les départements que les municipalités soumissionnaires, inquiètes sur le sort des démarches qu’elles avaient faites pour parvenir à l’acquisition des domaines nationaux, ont fait parvenir à votre comité l’expression animée des plus vives alarmes. Elles exposent qu’elles avaient fondé, sur le bénéfice par vous promis à celles dont le patriotisme viendrait seconder vos travaux, l’espérance de réparer les pertes que les circonstances ont né-cessitées. Toutes ont vu s’évanouir les parties les plus im portantes de leurs revenus patrimoniaux ; toutes ont été forcées de fournir à des dépenses extraordinaires et indispensablement commandées pour l’armement des gardes nationales, pour des achats de grains, pour des ateliers nombreux qu’elles sont encore obligées d’entretenir.