490 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. subsister la proscription prononcée contre les actes, les personnes qui en ont été les organes, les instruments intermédiaires, sont irréprochables, irrépréhensibles. Maintenant il s’agit de prouver que ces mêmes actes, si conformes au vœu du peuple français de Saint-Domingue, ont la même conformité avec celui des législateurs français d’Europe; qu’ils ne sont que les expressions pures et simples, que l’exécution littérale de vos propres décrets. C’est ce que j’établirai avec autant de facilité et plus encore d’évidence s’il est possible. L’épuisement que j’éprouve en ce moment me fait craindre de rie pouvoir remplir aujourd’hui, dans toute son étendue, la mission dont je suis chargé. Les vengeances du despotisme m’ont laisse bien peu de forces pour la défense de la liberté à laquelle je consacre le reste de ma vie. Aux marques de bonté avec lesquelles vous avez paru m’entendre, joignez, je vous supplie, celle de renvoyer à lundi prochain la suite et la fin de la discussion. {Murmures.) M. Régouen. Il faut faire lire par l’un de ces messieurs. {Murmures.) Comme je crois que l’Assemblée donne son attention aux choses qui lui sont dites, et non pas à la manière dont elles sont récitées ou déclamées, je demande que le papier soit remis à l’un de ces messieurs, qui le lira. M. Robespierre. Il n’est pas question de juger en ce moment le fond de l’affaire, rien ne presse, mais les égards, la bienséance et l’humanité prescrivent que vous acquiesciez à la demande des accusés qui, s’étant rendus à la barre en vertu de votre décret, vous déclarent qu’ils ne sont pas en état de continuer leur défense. {Ap-plaudissemnts.) M. Tiiaut de la Rouverte. Ces messieurs sont accusés. 11 ne faut pas les priver d’un seul moyen de défense. Je demande le renvoi. M. Lecouteulx de Gantclcu. Je crois comme le préopinant qu’il est de la justice et de l’humaniré que les individus qui sont à la barre soient entendus comme ils le demandent lundi prochain ; mais je prie ces messieurs de vouloir bien nous instruire en même temps et nous éclairer sur un imprimé qui vient de m’être remis, qui n’est pas public il est vrai, mais qui cependant mérite attention parce qu’il porte leurs signatures ; il est daté «le Paris du 27 mars et a pour titre : Aux constituants de l’assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue ci-devant séant à Saint-Marc. J’y lis les phrases que vous allez entendre ; c’est à leurs commettants que ces messieurs adressent la parole : « Nous reconnaissons dune que nous sommes toujours vos représentants, parce qu’aucune puissance constituée ou constituante n’a pu effacer le titre légitime qui nous a été conféré par le peuple en qui réside l’essentielle souveraineté; nous aurions trahi votre conliance si, après en avoir obtenu trois fois des témoignages les plus flatteurs elles plus authentiques, nous nous laissions abattre par les efforts que la calomnie a dirigés contre nous... » Ces messieurs parlent de notre décret qui les a condamnés. M. de Folle ville. Il n’a jamais été d’usage que les accusés soient présents à la délibération à laquelle ils sont intéressés. Je demande que ces messieurs se retirent. [31 mars 1791.] M. Lecouteulx de Cantelen. L’imprimé continue ainsi : « Celte fermeté décontenance beaucoup ceux qui ont intérêt à nous représenter comme des individus isolés, qui n’étaient revêtus que d'une conliance mendiée ou surprise. On attend, pour prononcer définitivement sur notre compte que les paroisses aient énoncé leur vœu sur le décret du 12 octobre, de sorte que, si toutes les paroisses s’empressent d’exprimer les sentiments que doit leur avoir inspirés un jugement aussi extraordinaire, l’Assemblée nationale jugera, par cetle persévérance d’opinion, qu’il existe dans les colonies un esprit public qui les rend dignes de tous les bienfaits de la régénération. » Messieurs, en qualité de représentant de la nation française, je dépose cet écrit sur le bureau et je prie ces messieurs qui sont à la barre de vouloir bien éclairer, lundi prochain, l’Assemblée nationale... Un membre : Tout à l’heure. M. Lieeouteulx de Cantelen... sur cet imprimé et de déclarer s’ils l’avouent ou s’ils le désavouent. M. Barnave. Cet écrit* dont vous venez d’entendre quelques phrases et dont le système, comme ces phrases l’annoncent, consiste à dire, à affirmer à la face de la nation entière, et en s’adressant même à la colonie de Saint-Domingue, que le caractère des dépurés de celle colonie, dont votre décret du 12 octobre les a dépouillés, existe toujours dans les membres de la ci-devant assemblée représentative de la colonie, que i 'Assemblée nationale soit en sa qualité d’Assemblée législative de la nation, soit en qualité de corps constituant, n’a pas pu détruire le caractère qu’une section de l’Empire avait attribué à quelques personnes, en exécution même et par l’émanation des pouvoirs que l’Assemblée nationale lui avait momentanément attribués. Cet écrit, dont le système est semblable à cet égard à tous ceux qui depuis quelque temps se distribuent avec les mêmes signatures, ces écrits, qu’on vous annonce peu répandus, au moins celui qu’on vient de nous lire, sont néanmoins envoyés dans ia colonie avec uoe extrême profusion. Il n’est pas possible à l’Assemblée nationale d’adopter une opinion quelconque sur des imprimés qui ne portent aucun caractère, et dont les signatures, quoique semblables au nom des membres de la ci-devant assemblée générale de Saint-Domingue, pourraient cependant être signés par d’autres. Je demande donc que, pour éclairer l’Assemblée nationale sur l’opinion qu’elle doit avoir et sur le parti qu’elle pourra prendre à l’avenir, vous soyez chargé, Monsieur le Président, de demander aux personnes actuellement à la barre, si elles avouent ou dénient l’écrit dont on vient de lire quelques lignes. Je demande leur réponse avant qu’elles aient quitté la barre. ( Applaudissements .) Plusieurs membres: Oui! ouil M. de llurinais. Dans cet écrit il existe des inculpations graves contre les dépotés de la. colonie. Je demande que les mêmes individus soient obligés de s’expliquer sur ces faits. (Assemblée natioüale.| 491 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [31 mars 1791.J M. de Rochebrune. Je demande aux yeux de la justice que les interpellations qui doivent être faites aux personnes présentes à la barre, ou plutôt que les pièces sur lesquelles elles se fondent, leur soient délivrées, afin qu’elles aient à répondre catégoriquement à l’instant dans cette Assemblée ( Murmures ); et j’en fais la motion. Plusieurs membres : Aux voix la motion de M. Barnave. M. Arthur Dillon. J’ai demandé la parole pour m’opposer formellement à la demande de M. Barnave. J’ai été, et je le déclare d’avance, on doit s’en souvenir, j’ai été de l’avis du décret du 12 octobre. Je crois que l’Assemblée l’a rendu dans sa sagesse, qu’il était temps de le rendre ; que c’était peut-être le seul moyen de rétablir la paix dans la colonie de Saint-Domingue. Lorsque, malgré vos décrets, les personnes présentes à la barre se sont qualifiées de représentants de la colonie, j’ai encore été d’avis de ne pas les entendre; mais aujourd’hui qu’ils viennent ici comme citoyens français, comme cotons d’une de vos plus précieuses colonies, qu’ils viennent comme pétitionnaires à la barre, qu’ils ont pris un conseil, que ce conseil vous demande du temps, on élève un ridicule incident, sous prétexte {Murmures.)... Oui, Messieurs, je n’ai pas dit encore quelle sera mon opinion sur la question qui est soumise; mais ce sont des pétitionnaires qui ont pris le caractère qui leur convient, citoyens français de Saint-Domingue; qui ont pris un conseil que vos décrets accordent à tous les accusés même des crimes les plus haineux. Ils viennent, ils demaudentaudience; votre justice la leur accorde. L’Assemblée était disposée à attendre jusqu’à mardi prochain qu’ils exposassent leurs raisons; et alors on vous apporte quoi? Un imprimé. Mais l’Assemblée nationale prend-elle garde à tous les imprimés atroces qui se distribuent presque dans son enceinte? (Murmures.) Pourquoi voulez-vous, Messieurs, que les colons pétitionnaires qui se sont soumis à vos décrets soient plus maltraités que les gens qui habitent Paris, qui impriment les choses les plus atroces tous les jours, et sur lesquels vous n’avez pas voulu, ou peut-être vous n’avez pas jugé prudent de prononcer? Oui, Messieurs, des écrits atroces qui conseillent le meurtre et l’incendie, vous les passez sous silence tous les jours; et vous accueillez la dénonciation d'un imprimé. (Murmures.) Je n’approuve pas cet imprimé, je le réfuterai peut-être; mais je dis qu’il n’est pas de la dignité de l’Assemblée nationale de permettre, en présence de pétitionnaires qui se présentent avec soumission et avec respect, une telle infamie, une telle dénonciation. (Applaudissements.) Je dis que M. Leeouteulx a eu tort; qu’il aurait dû demander la parole quand ces messieurs auraient eu fini, et alors prier l’Assemblée d’ordonner à un de ses comités de lui rendre compte de cet imprimé, mais qu’il ne devait pas en parler. Je demande donc qu’on mette aux voix simplement la motion de renvoyer ces messieurs à mardi. M. Régnault. Je demande qu’on aille aux voix sur la motion de M. Barnave; et voici sur quoi je fonde mon opinion : c’est que si cette adresse est vraie, elle est capable de continuer et d’entretenir les troubles dans cette colonie. Je ne doute pas qu’elle ne soit faus e et que ces messieurs ne la désavouent. Je demande qu’on aille aux voix. M. de Gouy d’Arsy. Lesdéputés de la colonie de Saint-Domingue ne peuvent pas être suspects dans cette circonstance, puisqu’ils sont tous violemment inculpés dans cet écrit; mais je crois que lorsque plusieurs pétitionnaires réunis ont pris un parti ensemble et qu’ils ne peuvent parler individuellement à la barre, il serait injuste, il ne serait pas de votre dignité de les interpeller sans qu’ils aient eu le temps de se voir. Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! M. I�ecouteulx de Canteleu. Je ne m’oppose point à la motion de M. Barnave, mais je rétablis la mienne, sur laquelle j’insiste et je demande que ces messieurs veuillent bien éclairer l’Assemblée i le jour où vous les rappellerez à ia barre. M. Emmery. Les députés de la ci-devant assemblée de Saint-Domingue sont devant vous comme individus. Au milieu des excuses qu’ils vous présentent, ils vous demandent la liberté de surseoir jusqu’à une séance prochaine. Je crois que cette demande est juste ; je crois que votre justice ne l’éloignera pas non plus. M. Leeouteulx fait sur cette demande une observation que je crois sage, pourvu qu’elle soit modifiée comme il vient de ia résumer; mais on a fait une autre motion qui tend à changer la forme de sa proposition, et qui la rend alors inadoptable par une assemblée sage, juste et digne de donner des lois à un grand peuple. Ce n’est pas au milieu d’excuses présentées par des pétitionnaires, que l’on peut leur faire des interpellations. Quel est le juge, même le plus inique, qui refuserait à un accusé la com-munication d’une pièce qu’on lui oppose à l’instant et la faculté de consulter son conseil (Applaudissements.) sur la réponse qn’il a à faire? Il o’y a pas je crois de mesure plus juste que celle de décréter à la fois la continuation de la pétition à mardi, la communication, dans l’intervalle, de la pièce déposée sur votre bureau, et l’ordre aux pétitionnaires de s’expliquer d’une manière positive, mardi prochain, dans la suite de leur discours, sur l’aveu ou le désaveu de cette pièce. (Applaudissements au centre.) (Cette motion est mise aux voix.) Le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète que les citoyens pétitionnaires, actuellement à la barre, seront admis à la séance de mardi soir 5 avril, pour reprendre la continuation de leurplaidoyer, et pour déclarer s’ils avouent ou désavouent'' l’écrit imprimé sous leur nom, et déposé sur le bureau, duquel l’Assemblée les autorise à prendre communication, s’ils le trouvent convenable. » Un membre du comité d' aliénation propose un déeret de vente de biens nationaux à diverses municipalités. Ce décret est ainsi conçu : « L’Assemblée nationale, après avoir ouï son comité d’aliénation, déclare vendre aux municipalités ci-après, les biens nationaux évalués ou estimés, compris daus les soumissions desdites municipalités; et ce, aux charges, clauses et con-