[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 novembre 1789.] QQ$ tons et des municipalités de tous les autres départements. La totalité de celui de Paris, ville et banlieue comprises, serait donc divisée en soixante-douze cantons, que l’on pourrait partager en huit districts, composés chacun de neuf cantons. Chacun de ces huit districts aurait, comme ceux des provinces, un directoire et un conseil. Le directoire remplirait précisément les mêmes fonctions que les directoires des districts provinciaux ; il répartirait les impositions entre les cantons et les sections de canton : il ferait entretenir, sous les ordres delà municipalité ou de l’assemblée de département, le pavé, les chemins de son district ; il inspecterait l’administration des établissements publics, collèges, hôpitaux, casernes, qui se trouveraient dans son district, d’après les instructions qu’il recevrait de la municipalité générale qui ferait les fonctions d’assemblée de département. On n’établirait point de tribunal dans les districts, parce que la seule raison qui ait porté l’Assemblée nationale à placer un tribunal dans chaque district des autres départements est le louable désir de rapprocher la justice des justiciables. Mais cette raison est inapplicable aux' districts du département de Paris, puisqu’il ne s’y trouvera pas un canton, ni pas une section de canton, qui ne soit à une distance très-rapprochce du Châtelet, lequel exercera les fonctions de tribunal de district sur tous ceux du département. Entin la municipalité, présidée par le maire, et formée pareillement d’un directoire et d’un conseil à la foi municipal pour la ville, et de département pour tous les districts, aurait l’administration générale, partagerait l’impôt entre les districts, recevrait et vérifierait les comptes de leurs directoires et de leurs conseils, leur intimerait les ordres qui lui seraient donnés par l 'Assemblée nationale et par le Roi, dirigerait les établissement publics qui seraient d’une utilité commune à tout le département, surveillerait tous les autres, exercerait la police générale, administrerait la rivière, convoquerait et présiderait les assemblées générales d’électeurs, remplirait toutes les mêmes fonctions que les assemblées de département des provinces. La grande municipalité de Paris, correspondant directement avec l’Assemblée nationale et avec le Roi, serait donc parfaitement organisée jusque dans ses moindres ramifications, et comme municipalité, et comme assemblée de département. Les cantons et les sections de canton de Paris seraient en quelque façon de petites municipalités, dont les officiers seraient revêtus par délégation d’une subdivision du pouvoir administratif. Les districts, formés de neuf cantons, seraient en tout semblables aux districts des provinces ; la ville de Paris garderait sans inconvénient la plus grande dignité dont elle soit susceptible; la constitution de son département serait complètement analogue à celle des autres départements, et aurait atteint le plus haut degré de perfection que l’on puisse donner à un département urbain. Il me semble que pour peu que l’on ait connaissance du coeur humain, ainsi que de la grande nécessité d’éviter dans l’administration tous les conflits d’autorité et la complication des ressorts inutiles, on jugera que cette constitution pour la ville de Paris et pour son département, formée d’elle-même et, au delà de ses murs, d’une simple banlieue, est incomparablement préférable à celle qui ne mettrait la municipalité de Paris qu’au troisième rang dans l’administration, et qui la soumettrait à l’assemblée de son district, qui serait soumise elle-même à une assemblée de département. J’offre à la fois ces idées à la commune de Paris et à l’Assemblée nationale, et je désire qu’elles y trouvent ce que je crois y voir, le moyen de concilier tous les droits, tous les intérêts, tous les besoins, et, ce qui est bien plus difficile, toutes les prétentions. L’Assemblée renvoie au comité de constitution le discours de M. Dupont, et adopte en ces termes le règlement proposé par M, l’évêque d’Autun : « L’Assemblée nationale, vu le projet de règlement qui lui a été présenté par les maires, lieutenants de maire, conseillers,assesseurs et administrateurs de la ville de Paris, et les observations faites par le comité de constitution ; considérant que la nature des circonstances exige impérieusement que l’action de la police soit rétablie, et qu’il est important de donner dès à présent un moyen provisoire d’activité à cette partie essentielle de l’ordre public, en attendant qu’elle puisse recevoir une organisation régulière, a décrété et décrète ce qui suit : « Art. 1er. Chaque comité de district remplira provisoirement dans son arrondissement, sous l’autorité du corps municipal, les fonctions de police ci-après désignées. «Art. 2. Les comités des districts veilleront, chacun dans son arrondissement, aux objets de police journalière, conformément aux ordres et instructions qui seront donnés par la municipalité. « Art. 3. Il y aura nuit et jour au comité au moins un des membres, qui sera spécialement chargé d’entendre et d’interroger les gens arrêtés pour faits de police, avec pouvoir de les faire relaxer après une simple réprimande, ou de les faire déposer dans les prisons de l’hôtel de la Force. Le secrétaire greffier, dont il va être parlé, enverra tous les matins les procès-verbaux qui auront été dressés au maire ou à son lieutenant, ayant le département de la police. « Art. 4. Un secrétaire greffier assistera le commissaire de service, et il sera par lui tenu un registre de tout ce qui se fera de relatif à l’exercice de la police. Ledit registre sera paraphé par le président du comité du district. « Art. 5. Les particuliers arrêtés, prévenus de vols ou d’autres crimes, seront conduits sur-le-champ et directement par les patrouilles devant un commissaire au Châtelet, avec les effets pouvant servir à charge ou décharge ; et, dans le cas où ces particuliers auraient été conduits d’abord aux comités des districts, ils seront renvoyés à l’instant devant un commissaire au Châtelet, à l’effet de commencer la procédure suivant les formes judiciaires. « Art. 6. Le commissaire au Châtelet qui aura interrogé les prévenus de vols ou autres crimes enverra, dans le jour, une expédition de son procès-verbal au maire ou au lieutenant de maire au département de la police. «Art. 7. Le lieutenant de maire au département de la police, ou l’un de ses conseillers administrateurs, visitera chaque jour les prisons de l’hôtel de la Force, interrogera les prisonniers arrêtés la veille et envoyés dans cette prison par les comités des dislricts ; seront à cette visite invités deux adjoints notables pris alternativement dans chaque district. «Art. 8. Le lieutenant de maire, ou le conseiller administrateur qui le remplacera, pourra mettre 696 [Assemblée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. les prisonniers en liberté, s’il y a lieu, ou, selon la nature des circonstances, les condamner soit à garder prison pendant trois jours au plus, soit à une amende qui ne pourra excéder la somme de 50 livres ; et, dans le cas où ils mériteraient une plus longue détention ou une amende pius forte, il en sera référé au tribunal de police. « L’amende sera payable à l’instant où elle aura été prononcée, entre les mains du greffier des prisons, qui en comptera au trésor de la ville, et le produit de ces amendes sera employé à la propreté et à la salubrité des prisons. A défaut de payement, le condamné gardera prison, à moins qu’il ne donne bonne et valable caution ; le tout sauf l’appel au tribunal. «Art. 9. Les prisonniers ci-devant arrêtés et actuellement détenus dans les prisons de police seront interrogés et jugés le plus promptement qu’il sera possible, en ayant égard au temps qui se sera écoulé depuis le jour de leur détention. « Art. 10. Il sera établi un tribunal de police, composé de huit notables adjoints, élus dans la forme qui sera indiquée par ïe bureau de ville. Il sera présidé par le maire ou par son lieutenant au département de la police, et, à leur défaut, par le plus âgé des conseillers administrateurs au département. Les fonctions du ministère public y seront exercées par l’un des adjoints du procureur syndic de la commune, et les causes jugées sommairement et sans frais. « Art. 1 1 . Le tribunal de police jugera en dernier ressort jusqu’à concurrence de 100 livres d’amende, ou d’un mois de prison. « Art. 12. Le présent décret ne sera exécuté que provisoirement et jusqu’à ce qu’il ait été statué par l’Assemblée nationale sur l’organisation définitive tant des municipalités que de l’ordre judiciaire. » M. le comte de Mirabeau. Messieurs, la réclamation que j’ai l’honneur de vous porter au nom de ma province est relative à l’inexécution de vos décrets, et notamment de celui qui intéresse le plus les hommes sensibles ; je veux parler de la loi provisoire sur la procédure criminelle, ce premier bienfait que vous deviez à la classe la plus malheureuse de l’humanité. Depuis trois mois, Messieurs, une des plus importantes villes du royaume, Marseille, qui fut le berceau de mes pères, et dont je suis le fils adoptif, Marseille tout entière est sous le joug d’une procédure prévôtale que l’esprit de corps et l’abus du pouvoir ont fait dégénérer en oppression et en tyrannie. 11 était difficile que cette ville ne se ressentît pas de l’agitation du royaume. Plus de sagesse dans son administration municipale aurait prévenu des désordres. C’est pour les punir que la procédure a été prise ; mais des mains cauteleuses ont su la diriger vers un autre but. Les vrais coupables ne sont pas jugés et mille témoins ont été entendus. On a informé, non sur les délits, mais sur des opinions, mais sur des pensées. On a voulu remplacer par cette procédure celle qu’on n’avait pas permis au parlement de commencer, ou qu'on avait arrachée de ses mains ; et des haines secrètes, dont le foyer ne nous est pas inconnu, ont rempli les cachots de citoyens. Ne croyez point en effet que cette procédure soit dirigée contre cette partie du peuple que, par mépris pour le genre humain, les ennemis de la liberté appellent la canaille, et dont il suffirait de dire qu elle a peut-être plus besoin de caution que ceux qui ont quelque chose à [5 novembre 1789.] perdre. Non, Messieurs, c’est contre les citoyens de Marseille les plus honorés de la confiance publique que la justice s’est armée; et un seul fait vous prouvera si les hommes qu’on a décrétés sont les ennemis du bien. M. d’André, à qui l’Assemblée accorde son estime et le Roi sa confiance, ayant fait assembler les districts de Marseille, pour nommer des députés et former une municipalité provisoire, partout la voix publique s’est manifestée ; elle a nommé ces mêmes décrétés; et comme des lois, susceptibles sans doute de quelque réformation, s’opposaient à ce qu’ils fussent admis dans le conseil, où le conseil, où le suffrage de leurs concitoyens les appelait, on a choisi pour les remplacer leurs parents, leurs amis, ceux qui partageaient les principes des accusés, ceux qui pouvaient défendre leur innocence. Le temps viendra bientôt où je dénoncerai les coupables auteurs des maux qui désolent la Provence, et ce parlement qu’un proverbe trivial a rangé parmi les fléaux de ce pays (l), et ces municipalités dévorantes qui, peu jalouses du bonheur du peuple, ne sont occupées depuis des siècles qu’à multiplier ses chaînes, ou à dissiper le fruit de ses sueurs. Je dois me borner à vous entretenir aujourd’hui de l’inexécution de votre décret sur la procédure criminelle. Ce décret fut sanctionné le 4. Le 14, il fut enregistré au parlement de Paris. Le 18, il était connu publiquement à Marseille. Cependant, le 27, des juges arrivés d’Aix le même jour, et réunis à quelques avocats, ont jugé suivant les anciennes formes une récusation proposée par les accusés. Ce fait est prouvé par plusieurs lettres que je puis mettre sur le bureau. Par quel étrange événement s’est-il donc fait que Je décret de l’Assemblée ne soit parvenu ni au prévôt, ni à la municipalité de Marseille? Les ministres chercheraient-ils encore des détours ? Voudraient-ils rendre nuis vos décrets en ne s'occupant qu’avec lenteur de leur exécution? ou bien les corps adminislratifs, les tribunaux, oseraient-ils mettre des entraves à la publicité de vos lois? Je ne sais que penser de ces coupables délais. Mais ce que personne de nous ne peut ignorer, c’est qu’il est impossible de relever l’empire écrasé par trois siècles d’abus, si le pouvoir exécutif suit une autre ligne que la notre, s’il est l’ennemi du Corps législatif, au lieu d’en être l’auxiliaire; et si des corps auxquels il faudra bien apprendre qu’ils ne sont rien dans l’Etat osent encore lutter contre la volonté publique dont nous sommes les organes. — Je propose le décret suivant: « Qu’il sera demandé à M. le garde des sceaux et au secrétaire d’Etat de représenter les certificats, ou accusés de la réception des décrets de l’Assemblée nationale, et notamment de celui de la procédure criminelle qu’ils ont dû recevoir des dépositaires du pouvoir judiciaire, et des commissaires départis, auxquels l’envoi a dû être fait ; et qu’il sera sursis provisoirement à l’exécution de tous jugements en dernier ressort, rendus dans la forme ancienne par tous les tribunaux, antérieurement à l’époque où le décret a dû parvenir à chaque tribunal. » A peine M. de Mirabeau eut-il fini cette motion, (1) Parlamen, Mistraou et Durenço, Souri lés très fleous de la Prouvenço.