[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 avril 1791. J môme par ses immortels ouvrages. Daignez, Messieurs, en agréer le recueil. Cette édition offre à la fois ce que plusieurs arts peuvent réunir de perfections pour perpétuer les écrits célèbres. Les caractères de M. Didot, les dessins de MM. Moreau, Marillier et Barbier, les gravures d’artistes si renommés lui méritent l’honneur d’être placé dans vos archives à côté des décrets bienfaisants et généreux qui ont rappelé l’homme à la dignité de son état, à la liberté et au bonheur. » (Applaudissements.) (L’Assemblée accepte l’hommage de M. Poinçot et lui accorde les honneurs de la séance.) M. Sacombe, docteur en médecine , est admis à la barre et fait hommage â l’Assemblée d’un ouvrage sur l’art des accouchements. (L’Assemblée lui accorde les honneurs de la séance.) Les sieurs Mangin et Corbet sont admis à la barre et présentent un plan d’une très grande partie de la ville de Paris. (L’Assemblée leur accorde les honneurs de la séance.) Un de MM. les secrétaires continue la lecture des adresses : Adresse du juge de paix et de ses assesseurs du Pont-Saint-Esprit. Ils informent l’Assemblée que, depuis trois mois qu’ils sont en activité, ils ont rendu 184 jugements, presque tous au gré de toutes les parties, rédigé 7 verbaux en bureau de conciliation, et le juge de paix en son particulier a terminé 54 affaires. Délibération de la municipalité de la Fère : elle a arrêté qu’il sera célébré un service pour M. de Mirabeau et qu'elle portera le deuil pendant huit jours. Lettre de M. Diot , curé de Vendresse, qui a été élu à l’évêché métropolitain de la Marne. Adresse de la municipalité de Gannat ; elle annonce que de 70 cures qui se trouvent dans l’étendue du district de Gannat, trois seulement sont vacantes par le refus de serment. Adresse des officiers municipaux de Beaucaire, qui dénoncent les démarches répréhensibles de M. Dulau, ci-devant archevêque d’Arles. (L’Assemblée renvoie cette adresse et les pièces y annexées aux comités ecclésiastique et des recherches réunis.) M. Rouset, député extraordinaire de la ville de Toulouse, est admis à la barre et dit : « Aujourd’hui que la fureur des ennemis de la patrie a fait couler dans nos murs le sang des citoyens qui ont si bien servi la cause de la liberté, les larmes que m’arrache encore ce sinistre événement étouffent ma plainte, et ma douleur deviendrait encore plus profonde, lorsque, attachant nos regards sur la fatalité des circonstances, je ne pourrais me défendre de la perspective de quelques nouveaux revers si, nous ayant toujours témoigné le désir de les prévenir, vous ne nous donniez pas de nouvelles preuves de votre bienveillance. « Excédés du nombre de privilégiés dont l’arrogance étouffait depuis longtemps, dans la ville deToulouse, tout germe d’industrie, nous n’avons pas été plus tôt ralliés au cri de la liberté, que vous avez fait entendre, que indignés de la lâcheté et de la perfidie des membres de la ci-devant noblesse, qui ont abandonné les intérêts de leur pays par une désertion de notre assemblée. Dans le pre-95 mier conseil général renforcé que nous avons pu faire tenir sous l’ancien régime, nous avons demandé, au mois de novembre 1789, le remplacement, au moins pour la ville de Toulouse, des députés que la sénéchaussée entière aurait dû désavouer. Cependant, accablés alors par le nombre des i réprobateurs de vos travaux, nos espérances ont été deux fois trompées. « Mais depuis que des administrateurs choisis par le peuple ont pu se livrer à tout ce que la cause publique doit se promettre de vos principes, Toulouse, malgré ses pertes incalculables, qui semblaient devoir l’écraser, chaque jour plus distinguée par son civisme, a donné des exemples bien propres à lui assurer la considération que vos suffrages lui ont mérité. Je ne vous parlerai pas de 250,000 livres dont nous avons fait offre > t remise à la nation. Ces sacrifices sont modiques auprès de ceux que nous avons multipliés pour nous assurer l’inestimable bienfait de la régénération nationale. Daignez prendre en considération l’épuisement absolu de nos finances. Lesys-'ème des contributions publiques nous fait craindre la perte des octrois, unique base à Toulouse des revenus municipaux. « Toulouse a fait de grandes dépenses pour la Révolution; elle espère que, lorsqu’il s’agira de faire des répartitions d’indemnité, vous prendrez son état en considération. Cette ville située au midi de la France, à une égale distance des deux mers, pourrait obtenir divers établissements d’éducation et d’industrie ou de commerce. J’observerai aussi que, relativement à l’usage que l’on peut y faire des nombreux établissements ecclésiastiques ou biens nationaux, il a été fait, jusqu’à ce moment, des ventes de presque tout ce qui est disponible à l’usage des particuliers. « Dans le nombre des moyens qui sont à votre disposition pour réparer nos perles, il y a des objets relatifs à l’éducation publique qui, dans tous les siècles, ont si honorablement distingué cette cité que vous avez particulièrement rendue encore plus recommandable par vos éloges. Les Toulousains, loin de négliger les sciences et les arts au milieu des convulsions de la Révolution, s’en sont occupés avec un grand intérêt : ils ont offert aux parties méridionales de l’Empire les ressources pour l’enseignementpropre à la marine, à l’artillerie et au génie, que des calculs ministériels avaient relégués à Alais et à Vannes. Ils ont ouvert des cours publics de langues, qui accéléreront, dans les autres parties du globe, les rétablissements des droits de l’homme et des nations. « Vous avez applaudi à ces élans vraiment utiles, et vous nous avez fait espérer que les institutions de ce genre ne seront pas éphémères. Vos décrets ont été enseignés dans des séances publiques. La langue ou l’idiome du pays, si analogue à la douceur de ses habitants, leur prêtait un nouveau charme. L’Académie des arts a anéanti, par des règlements vraiment constitutionnels, les injurieuses classifications inventées par les privilégiés. Enthousiastes pour la Révolution, nous payerons à ses auteurs le tribut d’une reconnaissance éternelle par le civisme le plus inébranlable. » (Vifs applaudissements.) M. le Président répond : « Si l’Assemblée nationale connaît quelque délassement au milieu de ses travaux, elle le trouve dans les preuves de patriotisme qui lui sont offertes de toutes parts. « Il est passé le temps où chaque individu, 96 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [14 avril 1791.] chaque corporation, chaque commune s’isolant, calculait tout d’après ses intérêts privés, qui sont la mort de la félicité générale. « Nous n’avons plus qu’un intérêt : c’est celui de la patrie; plus qu’une corporation, qu’une commune; elle embrasse tous les Français; elle fera plus, elle réunira tous les cœurs. •t On dirait que, dans cette généreuse émulation qui anime tous les citoyens, ils s’attachent au bien commun par les sacrifices mêmes qu’ils lui font. « C’est à ce titre que l’Assemblée nationale aime à rendre justice aux citoyens de la ville de Toulouse. « Dites-leur, quand vous retournerez parmi eux, que l’Assemblée nationale a applaudi à l’expression de leur zèle patriotique et de leur attachement aux lois; qu’elle a entendu avec intérêt le récit de ce qu’ils ont souffert et l’exposé de leurs besoins, et que, dans ses desseins pour la prospérité de la France, elle ne saurait oublier une cité importante et fidèle. <> Je vous invite, au nom de l’Assemblée, à assister à la séance. » Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de ce matin, qui est adopté. L’ordre du jour est un rapport du comité d'agriculture et de commerce sur la profession de courtier et d'agent de change , de banque et de commerce. M. .Roussillon, au nom du comité d'agriculture et de commerce. Messieurs, depuis longtemps, le commerce se plaint des abus qui existent parmi la généralité des agents de change, de banque et des courtiers de commerce, répandus dans la plus grande partie des villes de commerce du royaume. L'ancienne administration avait senti la nécessité d’y remédier; et, depuis dix ans, elle s’en occupait; mais la lenteur à faire le bien, les besoins d’argent toujours multipliés, et le combat continuel entre l’intérêt particulier et l’intérêt général, avaient empêché de prendre, à cet égard, le parti qui était le plus convenable pour l’intérêt public. On avait créé des offices d’agents de change en titre de finances; et la profession qui, par sa nature, était et devait être la plus libre, était enchaînée par l’intérêt fiscal. C’est à nous, Messieurs, qu’il était réservé d’opérer, parle sage règlement que le commerce sollicite, le bien que l’ancien gouvernement n’avait pu faire. Les offices de courtiers de change, en titre de finances, dont le montant avait été versé au Trésor public, que vous avez supprimés, ne sont pas les seuls qui existent dans le royaume. Il se trouve, dans beaucoup de villes de commerce, des courtiers particuliers qui sont avoués par les municipalités. H en est qui ont payé des rétributions pour leurs offices. Il y a des courtiers d’assurance, des entremetteurs, des affréteurs, des conducteurs, interprètes de navires, et beaucoup de ces offices qui ont été donnés par le grand amiral de France, avec et sans rétribution. 11 est donc nécessaire de comprendre tous ces différents offices dans la suppression. Ceux qui auront droit à quelques remboursements produiront leurs titres, et auront leur recours contre qui il appartiendra. Les agents de change de Paris et de Lyon réclament des m-demniiés qu’ils prétendent leur être dues. Votre comité d’agriculture et de commerce a pensé que c’était au comité de liquidation que les réclamations de cette nature devaient être portées, pour y être examinées, et statué sur son rapport. Il est intéressant de faire cesser les abus de tous les privilèges, afin de réduire tous les courtiers sous une seule et même dénomination, et que tout particulier ne puisse se mêler de négociations, sans avoir reçu auparavant un caractère public. La sûreté du commerce le demande; l’intérêt social l’exige. Plusieurs mémoires ont été fournis à votre comité, pour lui indiquer la forme des élections des agents et courti rs de change, et pour lui demander d’en fixer le nombre (1). Votre comité a pensé que l’élection serait contraire aux principes de la liberté générale, et particulièrement à celle du commerce. L’état d’agent de change est une profession de commerce; elle doit jouir de la liberté naturelle. Il faut que ceux qui se sentent les talents d’en exercer les fonctions, puissent s’y livrer; mais il convient de les assujettir à des formalités qui les mettent dans le cas de ne pas abuser de leur état, et qui donnent à l’exercice de leurs fonctions une authenticité où les parties contractantes puissent avoir recours dans l’occasion. C'est dans ces vues que votre comité vous propose un règlement général gui lui a paru nécessaire, et qui peut s’adapter à tous les courtiers et agents de change du royaume. La manière d’opérer, soit en banque, soit en marchandise, n’éiant pas la même partout, votre comité vous propose de charger les tribunaux de commerce de faire le règlement particulier sur la police des bourses et loges, sur la manière de fixer le cours du change et des effets publics et autres dispositions convenables aux localités. Votre comité a considéré que fixer le nombre des agents de change dans chaque ville serait violer les bases de la Constitution, d’après laquelle tout particulier a la liberté de faire ce que son talent, son génie, ses facultés lui permettent d’entreprendre ; il faut laisser un grand essor à l’industrie. Celui qui se sera mis dans un état auquel il ne sera pas propre, sera obligé de l’abandonner par le fait. Celui qui prendra une patente pour exercer les fonctions d’agent de change, tâchera de mériter la confiance publique. S’il n’a pas les talents ou les qualités pour l’obtenir, il se retirera bientôt et ceux qui seront véritablement propres à cet état seront les seuls qui l’exerceront. Alors le commerce se trouvera dégagé des entraves qu’il éprouvait par l’obligation quyon lui avait imposée de se servir d’un homme qui pouvait avoir la faculté d’acheter un office, mais qui n’avait pas toujours les qualités propres à cet état. Les dispositions et les registres des agents de change devant faire foi en justice, il est prudent qu’ils ne puissent en excercer les fonctions qu’a-près avoir prêté le serment, ainsi qu’ils y sont obligés par les dispositions de l’ordonnance de 1673. L’intérêt du commerce commande impérieusement que les agents de change qui ne sont que les intermédiaires entre les cultivateurs, les banquiers, les marchands et les négociants, ne puis-(1) Voir ci-après aux annexes de la séance la pétition des courtiers de change de Paris à l’Assemblée nationale, p. 100.