ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (26 juin 1789.] [États généraux.] 157 La noblesse ayant fait prévenir qu’elle allait envoyer une députation, plusieurs membres ont été chargés de l’aller recevoir. MM. les députés de la noblesse entrés et assis, ]’iun d’eux, portant la parole, a dit : Messieurs, nous attendions depuis longtemps avec impatience le moment où le premier ordre dp l’Etat se serait constitué. L’ordre de la noblesse nous charge, Messieurs, d’avoir l’honneur de vous témoigner avec quelle satisfaction il a reçu cette nouvelle; avec quelle sensibilité il a vu votre empressement à répondre, par la confiance la plus absolue, aux vues de conciliation proposées par le meilleur des Rois. Nos sentiments pour lui sont les mêmes. Ils sont consignés dans l’arrêté que nous avons pris hier, et que nous sommes chargés de vous apporter. Puisse l’union qui règne entre les premiers ordres, puisse le patriotisme qui les epflamme maintenir la constitution du plus beau royaume de l’univers, affermir la couronne sur la tête la plus auguste, et faire servir au bonheur de tous cette religion sainte dont vous êtes les organes fidèles, et cette noble fermeté qui, depuis tant de siècles, est le partage de l’ordre du clergé et des gentilshommes français ! La délibération remise à aujourd’hui par l’arrêté du jour d’hier, sur la renonciation aux privilèges pécuniaires , ayant été réclamée par le promoteur, on a recueilli les voix ; il a été arrêté que le clergé consentait à ce que les biens ecclésiastiques supportassent toutes les impositions proportionnellement à leurs revenus, sans exemptions pécuniaires. ; La séance a été levée après trois heures. i NOBLESSE. Il n’y a eu aucune discussion ou délibération importante. COMMUNES. Présidence de M. Bailly. M. le Président ayant ouvert la séance, MM. les évêques d’Orange (Dutillet) et d'Autun (Tallevrand-Périgord) sont entrés, et ont dit qu’ils venaient se réunir à la majorité du clergé, avec lequel ils ont pris séance. M. le comte de Crécy, député de la noblesse de la sénéchaussée de Ponthieu, est entré, et a dit : Messieurs, le mandat de la noblesse dé la sénéchaussée de Ponthieu, dont j’ai l’honneur d’être député, me prescrit l’opinion par ordre. J’ai toujours soutenu ce vœu tant par mes actions que dans les conversations particulières que j’ai eu l’honneur d’avoir avec plusieurs membres de cette auguste Assemblée. Mais ce même mandat me prescrivant aussi d’adopter l’opinion par tête, si le vœu général des Etats généraux est de l’adopter; croyant ce vœu suffisamment exprimé, j’ai l’honneur, Messieurs, de remettre sur le bureau le procès-verbal de mon élection, ensemble la prestation de mon serment, et je prie cette auguste Assemblée d’agréer mes hommages respectueux. MM. de Saint-Albin et de Dolomieu, membres du clergé du Dauphiné, députés par les Etats de cette province; Goubert, curé de Bellegarde, député du clergé des sénéchaussées de Guéret et Haute-Marche; Laporterie, député du clergé de la sénéchaussée de Mont-de-Marsan, sont entrés, et ont dit, par l’organe de M. de Laporterie, qu’ils venaient se réunir à la majorité des députés de leur ordre, et qu’ils remettraient leurs pouvoirs entre les mains de MM. du comité de vérification. Ils ont pris séance sur les bancs du clergé. Une députation des électeurs de la commune de Paris a fait demander la permission d’entrer, et a été introduite. Noms des députés. MM. Giroux, Chanorier, de la Poise, d’Osmond, architecte ; Dosrnond, avocat; Garran de Goulon, député suppléant; Groizard, Prévôt de Saint-Lucien, Moreau de, Saint-Méry, Oudart, Pitra, Agier, député suppléant; Ghignard, Thuriot de la Rosière, Jallier, Garnier, négociant; Piat, Ortillon, Ganilh, Hom. Ils ont dit, M. Moreau de Saint-Méry, l’un d’eux, portant la parole : Messieurs, F Assemblée des électeurs de la ville de Paris nous a députés vers vous pour vous porter le juste tribut de l’amour et de la reconnaissance des habitants de la capitale. Nous ne pouvons pas, Messieurs, vous exprimer tous les sentiments que votre patriotisme a réveillés dans les cœurs français; mais nous osons vous garantir qu’ils sont ceux que vous exprimez vous-mêmes. L’Assemblée dont nous avons l’honneur d’être les organes, se trouve heureuse d’être à portée de rendre la première un hommage solennel à vos vertus et à votre courage ; et nous ajouterons sans doute à son admiration, en lui disant que nous avons vu dans son auguste enceinte les rangs les plus éminents briller d’un nouvel éclat par leur réunion avec le plus beau, le premier de tous les titres, celui de citoyen. Ils ont fait lecture de la délibération qui les avait commis, et ont remis une expédition sur le bureau. Teneur de cette expédition. Extrait du procès-verbal de l'assemblée des électeurs de la ville de Paris, en la séance du jeudi 25 juin 1789. « L’assemblée a voté une adresse à l’Assemblée nationale, contenant l’expression de ses sentiments et son adhésion aux arrêtés, notamment à ceux du 17. « On a nommé pour commissaires à la rédaction, MM. Pitra, Garran de Goulon, d’Osmond et Hom, qui ont rédigé l’adresse en ces termes : « L’assemblée des électeurs de la ville de Paris, pénétrée de respect et de reconnaissance pour la conduite sage, ferme et patriotique de l’Assemblée nationale, profite du premier moment où elle a pu se réunir après des tentatives inutiles, pour lui porter l’expression de tous ses sentiments, et déclare son adhésion invariable aux délibérations de l’Assemblée nationale, et particulièrement à celles du 17 de ce mois. Elle en soutiendra les principes dans tous les temps et dans toutes les circonstances. Elle consacrera à jamais dans son souvenir lesnomsdes députés du clergé et de lano-blesse qui se sont réunis à l’Assem btée nationale. » « On a nommé pour porter cette adresse à l’Assemblée nationale vingt commissaires qui sont : « MM. Giroux, Chanorier, de la Poize, d’Osmond, architecte, Dosmond, avocat, Garran de Goulon, Groizard, Prévôt de Saint-Lucien, Moreau de Saint-Méry, Oudart, Pitra, Agier, Ghignard, Thuriot de la Rosière, Jallier, Garnier, négociant , Piat, Gauiih et Hoin, ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 453 [États généraux.] « Les commissaires ayant accepté, il leur a été délivré le présent extrait. Signé, Del avigne, vice-président; Garnier, vice-secrétaire. » M. le Président a répondu : [Messieurs, l’Assemblée remercie MM. les électeurs du tiers-état de Paris des sentiments qu’ils lui ont témoignés par votre organe. Nous sommes charmés que vous soyez ici les témoins du zèle qui nous anime pour le bien public, et vous redirez aux dignes citoyens qui vous envoient vers nous que les ordres sont en partie réunis, et que nous espérons qu’ils le seront bientôt complètement. MM. delà députation ont été invités à s’asseoir, et à assister à la séance. M. Bouclîotte, commissaire du comité de vérification, a dit que le comité avait eu sous les yeux les pouvoirs remis par MM. Cousin, curé de Cucuron ; Guédant, curé de Saint-Trivier; Bottex, curé de Neu ville-sur-Ains ; Périer, curé d’Etampes ; Vallet, curé de Gien; Tridon, curé de Rougères ; Blandin, curé deSaint-Pierre-le-Puellier ; üelettre, curé deBerny-Rivière; le vicomte deToulongeon, le comte de Grillon, le vicomte Désandrouins, le duc d’Orléans, le marquis de Biencourt, le comte de Montmorency, le chevalier de Maulette, le comte de Lally-Toliendal, le marquis de Latour-Maubourg. Que ces différents pouvoirs étaient sans contradiction, et avaient paru en bonne forme. L’Assemblée a reconnu les députés ci-dessus nommés pour légitimes. M. Bouchotte a dit que M. le comte de Lally étant absent en ce moment, il croyait devoir lire un projet de discours joint à ses pouvoirs que l’Assemblée venait de vérifier. Ce discours a été lu ; il est de la teneur suivante : c Messieurs, je me présente à cette auguste Assemblée, adhérant de cœur et d’esprit à ses dispositions, mais n’étant point maître de ma volonté sur tous les objets. Je viens me soumettre à une vérification commune. Elle a toujours été dans mes principes, ainsi que dans-mon cœur, et elle ne m’était pas interdite par mon mandat. « Malheureusement ce mandat ne m’a pas laissé aussi libre sur l’opinion par tête. Il est possible qu’il paraisse moins limitatif à d’autres députés dont je respecte la délicatesse autant que je crois à la mienne, et dont les vertus et les lumières doivent rendre l’opinion imposante. Mais l’obligation qu’entraîne un serment dépend de l’idée qu’on y a attachée en le prêtant. Or, dans l’instant où j’ai prêté le mien, je me suis cru, et je me crois, encore invinciblement enchaîné à l’opinion par ordre. « On ne transige point avec sa conscience. C’est elle qui m’a impérieusement ordonné la démarche douloureuse, consolante et sacrée à laquelle je viens de me déterminer; mais c’est elle aussi qui m’ordonne, non moins impérieusement, de retourner à mes commettants, et de leur demander de nouveaux pouvoirs. « S’ils sont conformes aux vœux de mon cœur, et, je ne crains pas de le dire, aux besoins de la patrie, je reviens, Messieurs, m’éclairer par vos lumières, m’enflammer par vos vertus, et joindre ma faible contribution à ces immenses et glorieux travaux par lesquels vous allez assurer le bonheur de la France, celui de tous les ordres de ses citoyens, et celui du monarque si digne de leur amour. « Si ma liberté ne m’est pas rendue, alors, Mes-[26 juin 1789.] sieurs, je remets avee résignation à mes commettants une mission que je ne croirais plus pouvoir remplir fructueusement, et mes vœux, mes regrets, mes respects vous suivront de loin dans votre noble carrière. « Ma résolution est invariable. Je ne sais, Mes�- sieurs, si ma conduite vous paraît fondée, mais j’ose vous assurer que mon motif est pur; et si c’est une erreur, je demande votre indulgence pour une erreur de la probité. « Je vous prie de vouloir bien me donner acte du discours que je laisse signé sur le bureau, en y laissant mes pouvoirs. « Dans la salle de l’Assemblée nationale, ce vingt-cinq juin mil sept cent quatre-vingt-neuf. Signé, le comte de Lally-Tollendal, député des citoyens de la ville de Paris. M. Fréteàu observe que l’Assemblée ne devait pas donner acte de cette déclaration ni permettre que M. de Tollendal se retirât devers ses commettants avant que l’Assemblée eût statué sur cet objet. M. Target demande qu’on prononce sur-le-champ sur les pouvoirs impératifs. L’Assemblée renvoie à statuer sur ces propositions jusqu’après la vérification des pouvoirs. M. de Lally-Tollendal est entré, et a dit : Messieurs, j’ai regretté que ma santé m’obligeât de m’absenter pendant quelques instants de cette Assemblée, et qu’un autre que moi ait eu l’honneur de vous lice la déclaration que f’ai cru devoir déposer hier sur le bureau en même temps que mes pouvoirs. Messieurs, les considérations les plus pressantes, des considérations qui me sont personnelles, et qui pesaient également sur ma conscience et sur mon cœur, m’ont forcé de sortir de ligne pour vous faire cette déclaration. Personne ne devait être plus sévère que moi sur l’engagement par lequel je me crois encore lié. Personne ne l’avait vu aussi obligatoire que moi ; personne ne Pavait défini comme je l’ai défini devant l’ordre entier de la noblesse, dans ma motion dp vingt-neuf du mois dernier. Je dois le dire ici publiquement par respect pour mon devoir , pour l’Assemblée et pour mes collègues. J’espère, Messieurs, que cette déclaration a trouvé grâce à vos yeux. Peut-être mon zèle ne vous est-il pas entièrement inconnu. Peut-être quelques-uns de mes efforts sont-ils parvenus jusqu’à vous, du moins jusqu’à plusieurs membres de cette illustre Assemblée, dont j’ai recherché les vertus et les lumières. J’ose vous assurer, Messieurs, qu’il m’a fallu plus de Courage pour vous annoncer un instant d’incertitude dans -ma position, qu’il ne m’en faudra jamais pour défendre vos intérêts, si j’en étais digue, dans les circonstances les plus difficiles. M. Bouclîotte reprenant son rapport, a dit que le comité avait eu pareillement sous les yeux les actes remis par MM. Blandin, député du clergé du bailliage d’Orléans, et Delettre, député du clergé; du bailliage de Soissons, qui ne consistaient que dans les procès-verbaux de leur prestation dé serment, où leur élection est énoncée, et que cesi actes étaient sans contradiction et en bonne forme] L’Assemblée a arrêté que MM. Blandin et Delettre rapporteraient les procès-verbaux de leur élection sous quinzaine, et que cependant ils auraient) séance provisoire,