{As&esablée nationale.} ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 novembre 1790.] mais oubliées alors, font éprouver des pertes malheureusement trop réelles. Le porteur d’un brevet qui contient l’assurance d’une somme que le porteur n’avait point payée à son prédécesseur ou d’une somme plus forte que celle qu’il avait payée, ne mérite point d’exception. Il a reçu un don personnel ; ce don n’a pas encore été idéalisé, et tous les dons de ce genre ont été anéantis par l’Assemblée nationale. Celui qui, en obtenant un brevet de retenue, n’a fait que s’assurer la rentrée de la somme qu’il avait payée à son prédécesseur, la rentrée d’une somme dont la première concession remonterait peut-être à plus de cent ans ; celui qui n’a fait que ce qu’il voyait faire à tout le monde en pareil cas; celui qui n’a pas donné cette somme par des vues combinées d’ambition et d’intrigue, mais pour entrer en possession d’une charge à laquelle le choix éclairé du prince l’appelait ; celui qui a emprunté, sans aucune simulation de fraude, pour payer son prédécesseur, et qui n’a trouvé de prêteur qu’à raison de la confiance que les privilèges et les hypothèques sur les brevets de retenue avaient acquise; toutes ces personnes doivent-elles perdre indistinctement, en entier et sans aucune ressource, les sommes qu’elles ont payées, souvent avec des deniers d’emprunt ? Le comité des pensions n’a pas porté la sévérité jusqu’à ce point. Le refus du remboursement n’exclut pas pn juste dédommagement ni une indemnité modérée, et voici à cet égard quelles ont été les réflexions du comité. Le motif qui porte à acquérir une charge non héréditaire, et dont la finance serait casuelle, cessant, le brevet de retenue accordé librement par le prince est l’espé-rance de jouir de cette charge pendant un temps proportionné au cours de la vie humaine, temps qui peut s’arbitrer à un espace de vingt années, eu égard à l’âge auquel on doit être pourvu des charges. Celui donc qui a joui d’uDe charge pendant vingt années en a tiré à peu près tout l’avantage qu’il pouvait en espérer, et le comité a pensé qu’il ne lui était dû aucune indemnité pour la perte de son brevet de retenue. Le cas le plus favorable est, sans contredit, le cas de celui qui aurait obtenu un brevet dans le cours de l’année où nous nous trouvons ; mais alors même le comité n’a pas pensé que le porteur de ce brevet dût prétendre au payement entier de la somme qui y est assurée : ce serait un remboursement. Or, il ne lui est pas dû un remboursement, mais un simple secours. Le comité roposera de fixer l’indemnité pour le porteur du revet obtenu depuis moins d’un an à la moitié du montant du brevet de retenue, et de faire décroître ensuite cette indemnité d’un vingtième par année, de manière qu’ayant la moitié pour un brevet accordé en 1789, on ne reçoive rien pour un brevet accordé eu 1769. Si ces règles paraissent rigoureuses, au moins on ne pourra pas les taxer d’être injustes lorsqu’on fera attention que la proposition du comité ne s’applique qu’aux brevets de retenue qui sont un pur don, et qui ne représentent, pour aucune partie, une finance versée originairement dans le Trésor public. Si les porteurs de ces brevets n’étaient pas touchés du sacrifice que la nation fait en leur faveur lorsqu’elle s’écarte du principe ui ne permettrait pas de tirer du Trésor public es sommes qui n’y ont pas été versées, qu’ils apprennent combien de moyens s’opposeront à leurs prétentions toutes les fois qu’on voudra les traiter uniquement d’après les principes. Ils sont porteurs d’un brevet de retenue; mais quel acte le leur a accordé? Est-ce un acte du pouvoir souverain, ou un acte de la personne privée du prince? Dans le régime même ancien, il n’était pas permis au roi de changer, par des actes quelconques, l’ordre public, ni d’aggraver, par des dispositions arbitraires, la masse de la dette nationale. Il y avait des voies autorisées pour créer des offices, leur attribuer une finance reconnue et remboursable par l’Etat, et les brevets de retenue sont hors de cet ordre légitime. Quel est le débiteur de la somme portée au brevet de retenue? ce n’est pas le Trésor public, II n’y a pas un seul des brevets subsistants dans lequel on lise la elause qu’en cas de suppression de l’office la somme portée au brevet sera rem-* boursée par le Trésor public. Les porteurs de brevets n’ont donc aucun titre contre le Trésor public. Ils allèguent qu’ils ont des créanciers; ils représentent le sort malheureux de ceux qui les ont mis en état d’acquérir les charges qu’ils désiraient posséder; mais est-ce donc à l’Etat à payer des créances qui ne sont pas les siennes, à payer des dettes qui lui sont tout à fait étrangères ? et la seule faveur d’une créance deviendra-t-elle un titre contre le Trésor public? Oublie-t-on qu’il n’est pas possible que le Trésor public donne un seul écu à un citoyen s’il ne l’a pas reçu auparavant d’un autre citoyen? Or, le citoyen propriétaire de cet écu se déterminera-t-il à le porter au Trésor public lorsqu’il saura qu’on ne le lui demande que pour payer une dette qui n’est pas la dette de la nation ? Le débat est évidemment ici entre celui qui a un titre et celui qui n’en a aucun. L’homme qui a gagné son écu a un droit incontestable à le garder pour son usage; il ne doit s’en dessaisir que pour la dépense commune de la société dont il est membre, ou pour la sienne propre : on ne peut pas, sans injustice, le forcer de l’employer au payement d’un individu avec lequel il n’a pas contracté. Le comité des pensions est persua lé qu’il remplira la plus exacte justice en proposant à l’Assemblée de faire rembourser intégralement toutes les finances d’offices qui ont été versées au Trésor public ou employées de toute autre manière aux dépenses publiques, soit que ces finances soient constatées par un brevet de retenue ou dans toute autre forme ; d’indemniser seulement ceux qui, étant porteurs de brevets qui ne contiennent pas une gratification personnelle, ne seront cependant pas en état de justifier que leur finance ait tourné au profit de l’Etat; enfin, de pourvoir au payement des créanciers qui ont prêté sur des lettres patentes enregistrées. Voici, en conséquence, le projet de décret qu’il a l’honneur de présenter à l’Assemblée : PROJET DE DÉCRET. « Art. 1er. Il ne sera plus, à l’avenir, accordé aucun brevet de retenue pour tel office, titre ou charge que ce soit; les brevets existants sur des charges nécessaires à l’entretien de l’ordre public ne mettront aucun obstacle à ce qu’il soit pourvu auxdites charges en cas de vacance, et les provisions en seront expédiées sans retard, sauf aux porteurs de brevets et à leurs créanciers à exercer leurs droits, si aucuns ils ont, de la manière qui sera réglée. « Art. 2. Les porteurs de brevets de retenue sur les charges civiles ou militaires, de judica-ture et autres, rapporteront au comité de liqui- [Assemblée nationale ,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 novembre ifôô.) Mû dation letil-s brevets et ïés autres actes qufils jugeront à propoë de joindre à l’appui desdits brevets. « Art. 3. D’après l’exàmén qui Sera fait par le comité de liquidation, il sera délivré aux porteurs de brevets une reconnaissance à l’effet de recevoir le remboursement total des sommés tjüe le comité reconnaîtra avoir été Versées âu. Trésor public oü employées aux dépenses de l’Etat. La reconnaissance portera la liquidation désditës sommes. « Art. 4. A l’égard des porteurs de brêvëts de retenue qui ne justifieront pas que lés sommes payées par eux ou par leurs prédécesseurs aient été versées au Trésoi* public pu employées aux dépenses dé l’Etat, mais qui justiherbnt que les sommes portées eii leur brevet sont lë remplacement de sommes payées par eux à leurs prédécesseurs, le comité leur donnera une reconnaissance pour être payés, à titre d’indemnité, de la moitié du montant du brevet de retenue, s’il a été accordé depuis le 1èr novembre 1/89, et d’une indemnité semblable, mais décroissant d’un Vingtième, pour les brevets accordés dans chacune des années antérieures, de manière qu’il ne soit payé aucune indemnité pour les brevets accordés au delà de l’époque du l'é* novembre 1769. « Art. 5. Les créanciers dont les titres seront appuyés sur des lettres patentés dûment enregistrées seront remboursés par le Trésor public, après avoir fait vérifier leurs titres et créances par le comité de liquidation. » Fait au comité des pensions, le 17 novembre 1790. Signé i CàMÜS, GOUPIL, GaüLTIER-BïAUZAT, Julien François Palasnë, de La RéVEillere-LëpëaUX* Gottin, Julien, Berthereau, UhailLon, Pilastre N. B. Quelques-unS des membres dû comité n’ont pas signe, parce qu’ils n’étaient pas présents au rapport. DEUXIÈME ANNEXE A LA SÉANCE bE L’ASSEMBLÉE NATIONALE du 17 novembre 1790. PROJET D’INSTRUCTION SUR LA CONTRIBUTION FONCIÈRE, présenté par le comité de l’imposition. L’Assemblée nationale a décrété l’établissement d’une contribution foncière, qui sera dorénavant la seule dont les fonds de terre seront charges pour les dépenses générales de l’Etat. Le décret est composé de plusieurs titres, dont le premier* intitulé : Articles généraux , donne les caractères de cette contribution. Voici le premier article : « Il sera établi, à compter du premier jan-« vier 1791, une contribution foncière, qui sera « répartie par égalité proportionnelle, sur toutes « les propriétés foncières, à raison de leur revenu « net, sans autres exceptions que celles détermi-« nées ci-après pour les intérêts de l’agricul-« ture. » L’égalité dans la répartition est un principe fondamental en matière de contributions, et ce principe peut recevoir une application exacte dans la contribution foncière, parce que leâ revenus sur lesquels elle porte sont susceptibles d’une évaluation précise, puisque ce sont ceux de fônda connus, et que la publicité des opérations pour son assiette permet à tous lés contribua-blés dé ies surveiller. La répartition doit sé faire par égalité propôr-tionnelle, c’est-à-dire que si deux arpents donnent à leurs propriétaires un revenu égal, la cotisation des deux arpents doit être la même; mais si l’un, par exemple, donne un revenu de 24 livres, et l’autre de 12 livres, la cotisation dû premier doit être double de la cotisation du second, et ainsi dans toutes les autres proportions, de manière que si une propriété fournit à la contribution une cinquième partie de son revenu, toutes les autres propriétés devront y fournir aussi le cinquième. Elle doit être répartie sur toutes les propriétés foncières. On comprend sous cette dénomination , outre les fonds territoriaux, les maisons; elles ont toujours participé aux impôts fonciers. Elle doit être répartie sur toutes les propriétés foncières à raison dé leur revenu net. L’article 4 explique ce que l’on doit entendre par le revenu net, qui est cèqui reste aü propriétaire, déduction faite sur le produit brut, c’èst-à-dire sur la totalité de ce qu’un champ a rendu, ia quantité de gerbes suffisante pour payer les frais de culture > de semences, de récolté et d’entretien : et Tarüple 5 définit le revenu imposablé, qui est le produit net moyen , calculé su? un nombre d'années déterminée On parvient à établir ce produit net moyen , eu additionnant le produit de quinze années, par exemple, et partageant la somme totale en quinae parties égales; èiPbn prend, pour cette opération, un nombre d’années assez grand pour qu'il y en ait de bonnes, de mauvaises et de médiocres, et pour que les événements ordinaires de la culture y trouvent place, afin d'en tenir compte. Ou donnera dans les explications sur le titre suivant, le moyen de faire les évaluations, et de déterminer le revenu imposable des divers fonds. La contribution foncière doit être répartie dur toutes les propriétés foncières, à ràisdn dë leur revenu net, sans autres exceptions que celles qui seront déterminées pour ies intérêts de l’agriculture. Toutes les propriétés foncières, même Celles dont lé produit paraît nul, doivent être taxées, parce que toutes Sont protégées par là fdrCe publique ; mais délies dont le produit est ôü paraît nul ne doivent Contribuer que' pour üüé somme extrêmement modique, ainsi qufil sera expliqué plus au long dans la partie de TittStrÜctioU gui concerne le titre Ili du décreL Les terrains actuellement employés atti Service public, comme les Chemins, le cours des rivières, les rues et les places publiques, dolveht seuls être exempts dé taxe, et il doit être fait tUeUtiou dé leur Contenance dans les états descriptifs dii Sol auxquels ou procédera ; mais tous les autres terrains, appartenant soit aüX communautés d’habi-tdnts, soit au foi, soit même à la nation, doivent’ être cotisés, et acquitter la contribution, Comme tous les autres fonds, de manière' que là totalité de la surface du royaume y participe, que les mutations de propriétaires soient des événements indifférents à la perception, et ne puissent pas apporter, dans l'assiette de là contribution, aèâ variations qui nuisent toujours à son exactitude. Le temps des privilèges est passé et àucüfie propriété tie doit être soustraite à la loi Salutaire de l’égalité, que pour les intérêts de V aqriôulturéy et pour un espace de temps qui permette au propriétaire qui a fait des avances considérables, de les retirer. En examinant le titre III. l’on entrera sur ces modifications dans les détails nécessaires* La contribution foncière sera toujours d'une