602 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 mai 1790.] sous les étendards de l’Eglise que pour parvenir aux richesses ; qui ne se sont pas faits prêtres, mais abbés, prieurs ou chanoines; qui étaient enfin d’autant plus inutiles à l’Eglise, qu’ils recevaient une plus grande part de ses biens? Au reste, les termes adoptés par votre comité, pour leur traitement, doivent satisfaire le plus grand nombre des bénéficiers, ceux qui n’ont pas entièrement renoncé à toute modération. Il vous proposera de ne rien retrancher à ceux qui n’ont pas plus de 1,000 livres, et d’attribuer aux autres, outre cette somme, lamoitié�de l’excédent des revenus ecclésiastiques dont ils jouissaient, sans que néanmoins leur traitement puisse s’élever au-dessus de 600 livres. Ce maximum va paraître bien modique : mais il est le même que celui des curés; et certes, Messieurs, il est impossible d’établir entre le traitement des bénéficiers sans charge d’âmes, et celui des pasteurs, une différence qui soit au préjudice de ces derniers ; si vous donnez plus aux bénéficiers simples, il faut donner plus aux curés; car il serait souverainement ridicule que l’utilité du ministre soit pour lui la cause d’un plus mauvais traitement: or,, il faut, dans ce cas, renoncer à rien réformer; car les biens du clergé ne suffiraient plus aux charges. Enfin, se présentent les abbés réguliers et tous les supérieurs inamovibles et amovibles des ordres religieux. A ne consulter que l’exactitude des principes, il semble que ces supérieurs n’ont pas de droit à un traitement plus considérable que les simples religieux; les mêmes vœux les lient : ils vivaient en communauté et le supérieur n’était que le premier entre les égaux; cependant, puisque, en réformant les abus, il faut encore conserver quelques égards pour les habitudes qu’ils ont fait naître, et que, dans les couvents les plus réguliers, le sort du supérieur était par le fait beaucoup plus avantageux que celui des simples religieux, nous avons cru devoir fixer leur traitement, savoir, pour les supérieurs inamovibles, à un minimum de 2,000 livres et un maximum de 6,000 livres; et pour les abbés réguliers triennaux, ainsi que les chefs d’ordres amovibles, à une somm>‘ de 1,500 livres. Voilà, Messieurs, quel est, dans le plan de votre comité, le sort de tous les ecclésiastiques, sur lesquels frappent vos décrets du 20 avril der-Dier. C’est à vous à balancer, dans votre sagesse, les raisons qui ont déterminé les réductions que j’ai eu l’honneur de vous proposer : s’il se présentait un mode de fixation plus juste, plus propre à concilier l’intérêt et de l’Etat et celui des ecclésiastiques, votre comité s’empresserait de l’appuyer ; mais celui-ci lui a paru jusqu’à présent le seul qui fût praticable, le seul qui procurât l’exécution de vos décrets d’une manière avantageuse pour l’Etat et pour Te plus grand nombre des ecclésiastiques. Il ne me reste qu’à vous parler des règles qui seront suivies pour l’évaluation de chaque bénéfice, et de la manière dont le payement sera fait à chaque bénéficier; mais tous ces objets se développeront assez dans les articles du projet que je me hâte de soumettre à votre examen. PROJET DE DÉCRET. Art. 1". A compter du premier janvier 1790, le traitement des archevêques et évêques en fonctions est fixé ainsi qu’il suit, savoir : Les archevêques et évêques, dont tous les revenus ecclésiastiques n’excèdent pas 15,000 livres, n’éprouveront aucune réduction. Ceux dont les revenus excédent cette somme auront 15,000 livres ; plus, la moitié de l’excédent, sans que le tout puisse aller au delà de 30,000 livres; et, par exception, l’archevêque de Paris aura 75,000 livres ; lesdits archevêques et évêques continueront à jouir dans leur ville épiscopale des bâtiments à leur usage et des jardins y attenant. Art. 2. Les archevêques et évêques qui, par la suppression effective de leurs sièges, resteront sans fonctions, auront pour pension de retraite, les deux tiers du traitement ci-dessus ; il en sera de même de ceux qui, sans être supprimés, jugeraient à propos de se démettre. Art. 3. A compter du premier janvier 1791, le traitement de tous les curés du royaume sera conforme à celui fixé par le décret de j’Assemblée nationale sur la nouvelle organisation du clergé, en faveur de ceux qui seront pourvus à l’avenir. A l’égard de ceux dont le revenu ecclésiastique actuel est plus considérable, ils jouiront encore de la moitié de l’excédent dudit revenu, sans néanmoins que le tout puisse aller au delà de 6,000 livres. Art. 4. Pendant le cours de la présente année 17 A0, les curés continueront à percevoir leur casuel, et ils jouiront encore, savoir : ceux dont le revenu excède 1,200 livres, de ladite somme, et de la moitié de l’excédent, pourvu que le tout n’aille pas au delà de 6,000 livres ; et à l’égard de ceux dont le revenu est inférieur à 1,200 livres, ladite somme leur sera payée, ainsi qu'il sera expliqué ci-après. Art. 5. Les vicaires continueront aussi de jouir de leur casuel jusqu’au premier janvier 1791 ; et à compter de cette époque, ils jouiront du traitement fixé par le décret sur la nouvelle organisation. Le nombre actuel des vicaires ne pourra être augmenté que dans les lieux, et à mesure que cette nouvelle organisation s’établira. Art. 6. En conséquence des articles précédents , tout casuel pour les archevêques, évêques, curés et vicaires, demeure supprimé, à compter du premier janvier 1791. Les droits affectés aux fabriques, continueront à être perçus, même après ladite époque, suivant les tarifs et règlements. Art. 7. Les abbés, prieurs-commendataires, dignitaires, chanoines, prébendés, semi-prében-dés, chapelains, et tous autres bénéficiers généralement quelconques, dont les revenus ecclésiastiques n’excèdent pas 1,000 livres, n’éprouveront aucune réduction. Ceux dont les revenus excèdent ladite somme auront: 1° 1,000 livres; 2° la moitié du surplus, sans que le tout puisse aller au delà de la somme de 6,000 livres. Art. 8. Les abbés réguliers perpétuels et les chefs d’ordres inamovibles Jouiront, savoir : ceux dont les maisons ont en revenu 10,000 livres, au moins d’une somme de 2,000 livres, et ceux dont la maison a un revenu plus considérable du cinquième de l’excédent, sans que le tout puisse aller au delà de 6,000 livres. Art. 9. Les abbés réguliers triennaux et les chefs d’ordres amovibles, jouiront d’un traitement de 1,500 livres. Art. 10. Après le décès des titulaires, les coadjuteurs entreront en jouissance d’un traitement, à raison du produit particulier du bénéfice, lequel traitement sera fixé à la moitié de ceux décrétés par les articles précédents; dans le cas néan- 603 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 mai 1790.] moins où les coadjuteurs auraient d’ailleurs, à raison d’autres pensions ou bénéfices, un traitement actuel égal à celui ci-dessus, ils n’auront plus rien à prétendre. Art. 11. Il pourra d’ailleurs être accordé, sur les demandes des départements, un traitement plus considérable que ceux fixés par les articles précédents aux titulaires à qui leur âge et leurs infirmités rendraient cette augmentation nécessaire, ainsi qu’à ceux qui en seraient jugés dignes, à cause des services qu’ils auraient rendus à l’Eglise ou à l’Etat. Art. 12. Ceux qui n’ont d’autres revenus ecclésiastiques que des pensions sur bénéfices, continueront d’en jouir, pourvu qu’elles n’excèdent pas 1 ,000 livres, et si elles excèdent ladite somme, ils jouiront: 1° de 1,000 livres ; 2° de la moitié de l’excédent, pourvu que le tout n’aille pas au delà de 3,000 livres. Art. 13. Le traitement des supérieurs et professeurs de séminaires est, et demeure provisoirement fixé à la somme de 1,500 livres, dans les villes dont la population est de cent mille âmes et au-dessus, et de 1,200 livres, dans les autres. Art. 14. Pour parvenir à fixer les divers traitements réglés par les articles précédents, chaque titulaire dressera, d’après les baux actuellement existants pour les objets tenus à bail ou à ferme, et d’après les comptes de régie et exploitation pour les autres objets, un état de tous les revenus ecclésiastiques dont il jouit, ainsi que des charges dont il est grevé; ledit état sera communiqué aux municipalités des lieux où les biens sont situés pour être contredit ou apürouvé, et le directoire du département dans lequel se trouve le chef-lieu du bénéfice donnera sa décision après avoir pris l’avis du directoire des districts. Art. 15. Seront compris dans la masse des revenus ecclésiastiques dont jouit chaque individu, les pensions sur bénéfices et sur les économats, ainsi que les dîmes ; mais le casuel, ainsi que le produit des droits supprimés sans indemnité ne pourront y entrer. Art. 16. Les charges réelles ordinaires, celles des impositions sur le pied de la présente année, des portions congrues y compris leur augmentation, ainsi que des pensions dont le titulaire est grevé, seront déduites sur ladite masse; le traitement; sera ensuite fixé sur ce qui restera, d’après les proportions réglées par les articles précédents. Art. 17. La réduction qui sera faite, à raison de l’augmentation des portions congrues, ne pourra néanmoins opérer la diminution des traitements des titulaires actuels au-dessous du minimum fixé pour chaque espèce de bénéfice, excepté toutefois à l’égard des bénéfices simples, et qui n’étaient pas sujets à résidence, dont les titulaires pourront être réduits à la somme de 500 livres. Art. 18. Dans les chapitres où il était d’usage de faire acheter les maisons canoniales aux titulaires, ceux qui justifieront les avoir payées, continueront d’en jouir pendant leur vie, et en conséquence le produit desdites maisons n’entrera pour rien dans la fixation des revenus du bénéfice. Art. 19. Tous les titulaires des bénéfices supprimés qui justifieront en avoir construit à leurs frais la maison d’habitation, continueront de jouir de ladite maison pendant leur vie, et ils ne seront tenus que des réparations locatives, ainsi